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Date : 20250529


Dossier : A-137-22

Référence : 2025 CAF 105

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LE ROI

appelant

et

CHEYENNE PAMAMUKOS STONECHILD, LORI-LYNN DAVID ET STEVEN HICKS

intimés

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 23 octobre 2024.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 mai 2025.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE ROUSSEL

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE LOCKE

 

 


Date : 20250529


Dossier : A-137-22

Référence : 2025 CAF 105

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LE ROI

appelant

et

CHEYENNE PAMAMUKOS STONECHILD, LORI-LYNN DAVID ET STEVEN HICKS

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1] Mon collègue le juge Locke expose dans ses motifs le contexte du présent appel ainsi que les questions qui y sont soulevées, que je retiens. Je souscris en outre à son analyse et à son dispositif concernant les requêtes des parties en vue de l’admission de nouveaux éléments de preuve. J’en arrive cependant à une autre conclusion quant au fond de l’appel. En effet, j’accueillerais l’appel parce que le juge saisi de la requête en autorisation a commis des erreurs de droit dans son interprétation et son application du critère du meilleur moyen.

[2] À n’en pas douter, les recours collectifs ont pour objectif d’améliorer l’accès à la justice de manière juste et efficace. Il convient cependant de garder à l’esprit que l’objectif ultime, à l’atteinte duquel sont soumis tous les facteurs associés aux conditions aux fins d’autorisation, est celui de la justice. L’on ne saurait sacrifier la résolution juste des questions au nom de l’efficacité invoquée, pas plus que le recours collectif ne saurait constituer le meilleur moyen de régler l’instance du simple fait qu’il concerne un défendeur unique. En l’espèce, le recours collectif envisagé ne se veut ni expéditif ni équitable. L’instance autorisée comme recours collectif en est une trop complexe et impossible à gérer dans son ensemble, truffée de problèmes relatifs à la procédure et au fond.

[3] Les recours collectifs se déroulent dans un certain contexte, et l’évaluation des requêtes en autorisation se fait en tenant compte des compétences et des pouvoirs des tribunaux, mais également de l’objet du litige. La prestation des services à l’enfance et à la famille pour les enfants des Premières Nations vivant hors réserve est assurée par les gouvernements provinciaux et par les organismes de protection de l’enfance qui relèvent de la compétence de ces derniers. Dans certains cas, ces organismes sont en fait sous la gouverne des communautés autochtones, mais relèvent tout de même de la compétence législative provinciale (NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C.G.E.U., 2010 CSC 45, au para. 38).

[4] Nonobstant les considérations d’ordre constitutionnel, la preuve relative à la requête en autorisation elle‑même révèle que, dans les faits, les décisions quant à la façon et au moment de procéder au placement des enfants ont été prises par les gouvernements provinciaux et des organismes relevant de leur compétence – non pas par le Canada. Sans les défendeurs concernés, le recours collectif envisagé ne saurait permettre de trancher équitablement la question centrale, à savoir s’il y a eu manquement à une obligation du fait du placement d’enfants autochtones hors réserve dans des foyers non autochtones. Comme je l’explique plus loin, une question est posée par le truchement du recours collectif envisagé, mais ce dernier ne fournit pas à la Cour les outils dont elle a besoin pour répondre aux questions fondamentales sur la façon dont un enfant se retrouvait sous tutelle et dans quelles circonstances, sur les entités ou personnes qui en décidaient ainsi, sur les solutions de rechange qui étaient envisagées et sur les personnes qui étaient consultées. Voilà les éléments fondamentaux des actes de procédure (Mancuso c. Canada (Santé nationale et Bien-être social), 2015 CAF 227).

Meilleur moyen

[5] Le meilleur moyen de régler la réclamation en cause consiste en l’instruction d’une instance devant un tribunal qui sera à même d’exiger la production de documents de la part des provinces, des territoires ainsi que des organismes de protection de l’enfance qui, selon le dossier de la requête en autorisation et les arguments qui nous ont été soumis, étaient effectivement responsables de la prestation des services à l’enfance offerts aux enfants autochtones hors réserve. Le meilleur moyen de régler la réclamation consiste également en l’instruction d’une instance devant un tribunal qui pourra, au besoin, répartir la responsabilité entre les provinces, leurs organismes et le Canada. La Cour fédérale ne saurait être ce tribunal.

[6] Il existe, dans chaque province et chaque territoire, des dispositions législatives régissant la prestation de services aux enfants et aux familles dans le besoin. Pour la période visée par le recours collectif envisagé, qui s’échelonne de 1992 à 2019, on compte, comme le fait remarquer le procureur général du Canada, plus de 500 mesures législatives provinciales et territoriales (lois, lois portant modifications, lois codifiées) en lien avec la protection de l’enfance au Canada. C’est sans compter les nombreux règlements et politiques en vigueur à un moment ou à un autre pendant la période visée. Ces mesures législatives ont une incidence directe sur la question de fond du recours collectif envisagé.

[7] S’appuyant sur le raisonnement selon lequel la perspective de l’instruction de réclamations dans chacune des provinces est « vraiment décourageante », le juge de la Cour fédérale a balayé ces obstacles sur le plan de la procédure et sur le fond (Stonechild c. Canada, 2022 CF 914, au para. 84 (la décision)). Selon le juge, l’instruction d’une seule instance à l’échelle nationale constitue le meilleur moyen de régler la réclamation, et le Canada pourrait « vraisemblablement » obtenir le prononcé d’ordonnances de production contre les provinces et les territoires (décision, au para. 82). En outre, le caractère commun des questions est « renforcé par le fait qu’il y a un seul défendeur » (décision, au para. 46). Le juge a également conclu que le Canada n’avait pas démontré que le recours collectif devant la Cour fédérale ne constitue pas le meilleur moyen de régler l’instance.

[8] Ce raisonnement est entaché d’erreurs évidentes.

[9] Tout d’abord, il n’incombe pas au défendeur de réfuter l’allégation selon laquelle le recours collectif constitue le meilleur moyen pour que justice soit rendue. Il revient plutôt au demandeur de démontrer qu’il est préférable de procéder au règlement de la réclamation par l’instruction du recours collectif que par tout autre moyen raisonnable (Hollick c. Toronto (Ville), 2001 CSC 68, aux paras. 28 à 31 (Hollick)).

[10] Le demandeur ne saurait se décharger de ce fardeau en se contentant de reproduire les objectifs que vise un recours collectif. Il doit plutôt expliquer en termes concrets le déroulement de l’instance, notamment comment se fera la communication préalable des documents et des témoignages oraux. Il ne suffit pas d’affirmer que le recours collectif constitue le meilleur moyen de régler l’instance pour qu’il en soit ainsi – le gros du travail reste à faire. L’exigence de fournir [traduction] « une explication claire » est un élément important à prendre en considération au moment de déterminer si le demandeur satisfait au critère du meilleur moyen et si les points communs supplantent ceux qui ne concernent que certains membres (McCracken v. Canadian National Railway Company, 2012 ONCA 445, au para. 146).

[11] Plusieurs fois, le juge saisi de la requête en autorisation a inversé le fardeau de la preuve, exigeant du procureur général qu’il réfute les affirmations sommaires des demandeurs et qu’il prouve que le recours collectif envisagé est impossible à gérer. Comme je le mentionne plus haut, le défendeur n’avait pas l’obligation de démontrer l’existence d’une tribune plus appropriée. C’est aux demandeurs que revenait l’obligation de démontrer que le recours collectif envisagé constitue le meilleur moyen de régler la réclamation, une obligation dont ils ne pouvaient s’acquitter en se contentant de reproduire les objectifs stratégiques que vise un recours collectif.

[12] Peu de temps après la fin de l’audience relative à l’autorisation, les demandeurs, reconnaissant peut-être les problèmes structurels qui caractérisent leur réclamation, ont introduit, auprès de six cours supérieures provinciales, des recours collectifs identiques contre les provinces, le Canada et les organismes provinciaux. Les réclamations devant les tribunaux provinciaux portent sur les mêmes préjudices que ceux allégués dans le présent recours collectif et sollicitent les mêmes dommages‑intérêts.

[13] Le juge a été informé de ce développement la veille de la publication de ses motifs, mais a choisi de ne pas en évaluer les incidences. L’une de ces incidences est la possibilité que le procureur général présente une requête en suspension de l’instance au titre de l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, ainsi que l’application possible de l’article 50.1 de la même loi, qui est ainsi libellé :

50.1(1) Sur requête du procureur général du Canada, la Cour fédérale ordonne la suspension des procédures relatives à toute réclamation contre la Couronne à l’égard de laquelle cette dernière entend présenter une demande reconventionnelle ou procéder à une mise en cause pour lesquelles la Cour n’a pas compétence.

50.1(1) The Federal Court shall, on application of the Attorney General of Canada, stay proceedings in any cause or matter in respect of a claim against the Crown where the Crown desires to institute a counter-claim or third-party proceedings in respect of which the Federal Court lacks jurisdiction.

 

[14] À la lumière de ce développement, la principale hypothèse sur laquelle le juge s’est fondé pour conclure que le recours collectif constituait le meilleur moyen de régler la réclamation ne tient plus la route. En outre, ce développement se veut en quelque sorte une confirmation que l’instruction de recours collectifs devant les cours supérieures provinciales est la seule option qui permette de régler les points en cause de manière juste et efficace. Il en découle que ce qui, de l’opinion du juge, était « vraiment décourageant » et justifiait l’instruction d’un recours collectif devant la Cour fédérale (décision, au para. 84), n’est pas décourageant du tout.

[15] Je souligne que l’avocat des intimés a fait savoir à notre Cour que les six recours collectifs introduits devant les tribunaux provinciaux sont tous actifs et qu’il prend différentes mesures, notamment en lien avec le dépôt des actes de procédure, les échéanciers du processus d’autorisation, la conservation des documents et les ententes relatives aux dépens.

[16] Le raisonnement entourant le critère du meilleur moyen est cependant entaché d’une autre erreur, laquelle est déterminante.

[17] En tant qu’entité de la Couronne distincte, le Canada n’a pas en sa possession, sous son contrôle ou sous sa garde les documents et renseignements pertinents concernant la réclamation. Pour être à même de trancher équitablement les questions fondamentales soulevées par les demandeurs, la Cour doit avoir à sa disposition des éléments de preuve provenant des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que des organismes locaux de protection de l’enfance qui ont pris les décisions en matière de placement.

[18] Le juge saisi de la requête en autorisation a esquivé la question, se contentant de présumer que ces éléments de preuve pourraient « vraisemblablement » faire l’objet d’ordonnances de production (décision, au para. 82). Il n’a fourni aucune explication à l’appui de son raisonnement.

[19] Le juge saisi de la requête en autorisation a commis une erreur en ne tenant pas compte, du point de vue des principes juridiques, de l’immunité de la Couronne provinciale en matière de communication de documents dans une instance devant la Cour fédérale à laquelle la province en question n’est pas partie.

[20] La Couronne, tant celle du chef du Canada que celle du chef d’une province, est à l’abri de toute poursuite, sauf si elle a expressément renoncé à son immunité. L’article 19 de la Loi sur les Cours fédérales rend compte de ce principe, conférant à la Cour fédérale le pouvoir d’entendre les réclamations d’une province lorsqu’une loi de cette province reconnaît la compétence de la Cour fédérale à cet égard (voir, par exemple : Saskatchewan (Procureur général) c. Première Nation de Witchekan Lake, 2023 CAF 105).

[21] Selon le sous‑alinéa 46(1)a)(iii) de la Loi sur les Cours fédérales, il est possible, suivant l’adoption de règles, de prévoir la production de documents par la « Couronne ». Sous le régime de la Loi sur les Cours fédérales, la « Couronne » s’entend de Sa Majesté du chef du Canada (voir également l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales).

[22] En présence d’un tribunal doté du pouvoir requis, l’on peut difficilement affirmer qu’il est préférable d’instruire l’instance devant un tribunal qui, en raison de limites de compétences bien établies, ne peut exercer qu’un pouvoir restreint pour exiger la production de documents qui sont, du point de vue d’une partie, essentiels à sa défense ou nécessaires aux fins de la répartition de la responsabilité. Je fais remarquer qu’il ne s’agit pas d’un cas où le juge saisi de la requête peut exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à éliminer l’obstacle à la production d’éléments de preuve. Nous n’avons pas été saisis de la question de la possibilité, dans une instance devant la Cour fédérale, de remédier à l’absence d’éléments de preuve visant une province en s’adressant à une cour supérieure provinciale en vue d’obtenir un quelconque soutien à cet égard.

[23] En ce qui a trait aux organismes de protection de l’enfance, les articles 233 et 238 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), prévoient un mécanisme aux fins de la production de documents par des tiers qui ne bénéficient pas de l’immunité en common law. Toutefois, le caractère exécutoire d’une ordonnance de production visant les organismes provinciaux de protection de l’enfance sera tributaire du statut de ces organismes en tant que Couronne, mandataires de la Couronne ou société d’État. La situation pourrait être différente selon la province, ce qui aurait une incidence quant aux éléments de preuve à la disposition de la Cour et à leur gestion efficace ainsi qu’au caractère équitable du processus.

[24] Dans le même ordre d’idées, bien que la Cour fédérale puisse délivrer un subpoena pour exiger la comparution d’un représentant d’un gouvernement provincial, la délivrance de ce subpoena ne saurait garantir la production des documents pertinents qui sont sous le contrôle et la garde de la province.

[25] Le juge saisi de la requête en autorisation a tenté de contourner ces problèmes en déclarant que la Couronne n’avait pas été en mesure de renvoyer à une affaire où la production de documents par un tiers avait été source de problèmes. Je le répète, le principe de l’exclusivité des compétences étant bien établi, le fardeau de la preuve n’incombait pas à la Couronne. Si le « tiers » est la Couronne provinciale, le principe de l’exclusivité des compétences entre en jeu. La Cour fédérale a commis une erreur en faisant abstraction de la différence entre les tiers, qui peuvent être contraints de produire des documents, et la Couronne provinciale, qui ne peut être ainsi contrainte (article 233 des Règles).

[26] Le juge saisi de la requête en autorisation s’est appuyé à tort sur la décision Tippett c. Canada, 2020 CF 714 (Tippett) et sur l’article 233 des Règles pour conclure que la Cour avait le pouvoir de contraindre les provinces de produire des documents en leur qualité de tiers. Dans l’affaire Tippett, la question du pouvoir de la Cour fédérale d’exiger la production de documents par une province n’a pas été prise en compte puisqu’aucune des parties ne l’avait soulevée. Il en va de même pour l’affaire Campeau c. Canada, 2021 CF 1449, à laquelle le juge saisi de la requête en autorisation a renvoyé pour justifier l’application des articles 233 et 238 des Règles lorsqu’il s’agit d’exiger la production d’éléments de preuve par un tiers aux fins de la répartition de la responsabilité – le tiers n’était toutefois pas une province ou un territoire, et les éléments de preuve en question n’avaient pas trait au fondement probatoire de la réclamation dans son ensemble.

[27] Mon collègue fait également remarquer que cet obstacle n’est peut-être pas insurmontable, concluant que la Couronne pourrait être à même d’obtenir les documents pertinents par d’autres moyens, notamment par voie de requête devant les tribunaux provinciaux. En l’absence d’un fondement juridique indéniable donnant à la Cour l’assurance qu’elle pourra contraindre les provinces de produire les éléments de preuve pertinents à l’affaire, l’on ne saurait affirmer que le critère du meilleur moyen a été respecté. Plus important encore, le défendeur ne serait pas en mesure d’obtenir les documents nécessaires à sa défense. La Cour pourrait donc, à un moment ou à un autre pendant la procédure de communication préalable, avoir à trancher une requête du défendeur en vue de faire rejeter l’instance pour abus de procédure. L’atteinte des objectifs relatifs à l’accès à la justice ou à l’utilisation efficace des ressources judiciaire ne s’en trouverait pas favorisée.

[28] Le juge saisi de la requête en autorisation a estimé qu’« une procédure unique serait particulièrement importante pour les questions d’économie des ressources judiciaire[s] et d’accès à la justice » (décision, au para. 78). La Cour fédérale a accordé une importance singulière aux objectifs généraux ambitieux sans se pencher sur la façon dont ces objectifs pourraient être atteints, ou plutôt sans se pencher sur le potentiel d’atteinte de ces objectifs au regard du droit. Plutôt que de poser à l’avocat des demandeurs les questions ardues essentielles quant à l’obtention des éléments de preuve nécessaires, le juge a transféré le fardeau au Canada, exigeant que ce dernier démontre l’existence d’un meilleur moyen. Le paragraphe 334.16(2) des Règles n’exige pas que le défendeur fasse la démonstration de l’existence d’un « meilleur moyen ». Le juge saisi de la requête en autorisation a commis une erreur en présumant que le recours collectif constitue par défaut le meilleur moyen de régler la réclamation des intimés.

[29] Le juge a également commis une erreur en ne tenant pas compte, dans son analyse du critère du meilleur moyen, du grand nombre de questions individuelles ni de l’accroissement de ce nombre qui découlerait des treize régimes juridiques différents concernés.

[30] Les questions communes certifiées ne sont communes que superficiellement. L’existence d’une obligation de diligence, la violation de cette obligation ou les violations de la Charte peuvent certes sembler communes dans leur sens le plus général, mais pour y répondre, il est nécessaire de procéder à des évaluations individuelles exhaustives et d’obtenir des éléments de preuve de la part d’organismes provinciaux et territoriaux de protection de l’enfance. Si la présente instance devait être autorisée comme recours collectif, elle serait inévitablement fractionnée en treize instances de second niveau, selon la province ou le territoire de résidence de chaque demandeur.

[31] La théorie des intimés à l’égard de l’affaire elle‑même fait ressortir ce point avec force. Les intimés allèguent que la teneur de l’obligation du Canada est exprimée dans la formulation des normes que prévoit la loi du Parlement intitulée Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, L.C. 2019, ch. 24. Cette loi établit des normes nationales minimales quant au placement des enfants autochtones hors réserve. Il sera nécessaire de déterminer la mesure dans laquelle les gouvernements provinciaux et les organismes de protection de l’enfance se sont conformés aux normes établies dans cette loi, et ce, en tenant compte de treize régimes juridiques différents, pour la période de vingt‑huit ans visée.

[32] Pour que le tribunal saisi des questions que la cour de première instance a certifiées puisse répondre à ces dernières et établir la teneur ainsi que la portée de toute obligation de diligence qui aurait pu exister, et ensuite déterminer s’il y a effectivement eu manquement à une telle obligation, il lui faudra être en mesure de répondre aux questions suivantes au sujet de chaque membre du recours collectif :

  • a)Dans quelle province ou quel territoire l’enfant autochtone résidait‑il?

  • b)Parmi plus de 500 mesures législatives provinciales et territoriales en matière de protection de l’enfance, laquelle s’appliquait à l’époque du placement sous tutelle de l’enfant autochtone?

  • c)Quelles mesures réglementaires et quelles politiques s’appliquaient à l’époque du placement sous tutelle de l’enfant autochtone?

  • d)Quelles dispositions s’appliquaient à l’enfant autochtone en fonction de son statut (Indien inscrit ou membre d’une Première Nation, Inuit ou Métis non inscrit)?

  • e)Les dispositions législatives ou réglementaires et les politiques ont-elles été modifiées au cours de la période pendant laquelle l’enfant autochtone était sous tutelle?

  • f)Des ententes bilatérales ou trilatérales précises en matière de protection de l’enfance étaient-elles en vigueur pendant la période pertinente?

  • g)De quel organisme de protection de l’enfance la prestation de services de protection de l’enfance à l’enfant autochtone relevait-elle?

  • h)La prestation de services de protection à l’enfant autochtone relevait-elle d’un organisme autochtone de protection de l’enfance?

  • i)La province, le territoire et/ou l’organisme de protection de l’enfance compétent se conformaient-ils aux lois, aux règlements et aux politiques applicables?

  • j)La province, le territoire et/ou l’organisme de protection de l’enfance compétent ont‑ils déjà informé le Canada au sujet du placement d’enfants autochtones?

  • k)La législation fédérale, provinciale ou territoriale applicable en matière de protection des renseignements personnels empêchait-elle la communication de renseignements sur l’enfant autochtone entre les ordres de gouvernement et les organismes de protection de l’enfance compétents?

  • l)L’enfant autochtone et/ou ses parents biologiques s’étaient-ils identifiés en tant qu’Autochtones?

  • m)L’enfant autochtone et/ou ses parents s’étaient-ils identifiés en tant qu’Autochtones auprès des autorités provinciales/territoriales?

  • n)L’enfant autochtone parlait-il une langue autochtone avant d’être placé sous tutelle?

  • o)Les parents biologiques de l’enfant autochtone parlaient-ils une langue autochtone à l’époque où l’enfant a été placé sous tutelle?

  • p)Des efforts avaient-ils été déployés dans le but de placer l’enfant autochtone chez un parent, un autre adulte de la famille de l’enfant et/ou un adulte appartenant au même groupe ou à la même communauté autochtone que l’enfant?

  • q)L’enfant autochtone avait-il été placé chez des membres non autochtones de sa famille biologique?

  • r)La communauté ou le groupe autochtone auquel l’enfant appartient avait-il été consulté ou mis à contribution au sujet de la prestation des services de protection de l’enfance?

  • s)L’enfant autochtone et/ou ses tuteurs légaux avaient-ils reçu de l’information au sujet de l’identité autochtone de l’enfant ou des prestations offertes par le gouvernement fédéral auxquelles ils pourraient avoir droit?

[33] Le nombre de questions individuelles auxquelles il est nécessaire de répondre pour donner suite à l’unique question « commune » est déconcertant. Dans son analyse du critère du meilleur moyen, le juge saisi de la requête en autorisation n’a pas soupesé la question commune (à savoir l’existence possible d’un manquement à une obligation découlant du placement d’enfants autochtones hors réserve dans des familles non autochtones) et la multitude de questions individuelles. Je tiens à souligner que notre Cour n’est pas appelée à se prononcer sur la pertinence de ces questions individuelles, formulées par l’avocat du procureur général.

[34] Le juge saisi de la requête en autorisation n’a pas tenu compte du facteur de la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres, comme le prévoit l’alinéa 334.16(2)a) des Règles. Ainsi que la Cour d’appel de l’Ontario l’a conclu dans l’arrêt Bayens v. Kinross Gold Corporation, 2014 ONCA 901 (Bayens), il est difficile de satisfaire au critère du meilleur moyen lorsqu’il faut, pour chaque demandeur, se lancer dans un processus à la fois nécessaire et inévitable de demandes de renseignements et d’établissement des faits. Dans l’affaire Bayens, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que l’exercice visant à répondre à de telles questions ne se prêtait pas à un recours collectif, affirmant que [traduction] « le nombre de demandes de renseignements individuelles à traiter va à l’encontre de l’objectif d’économie des ressources judiciaires et pourrait nuire à la résolution des questions communes, auquel cas le recours collectif serait inefficace et impossible à gérer » (Bayens, au para. 129).

[35] Plutôt que de se demander comment il serait possible, par le truchement d’un recours collectif, de régler ces questions sans que le tout ne tourne au cauchemar sur le plan de l’administration et de la gestion, le juge saisi de la requête en autorisation s’est contenté de déclarer que « le caractère commun des questions est renforcé par le fait qu’il y a un seul défendeur » (décision, au para. 46).

[36] On ne saurait compenser le manque d’homogénéité du groupe en faisant simplement abstraction des défendeurs qui doivent être parties à l’instance pour que le tribunal puisse trancher équitablement les questions dont il est saisi. Les membres du groupe ont été placés sous tutelle conformément au cadre législatif, réglementaire et politique de la province où ils résidaient et en fonction des circonstances propres à leur situation individuelle. En outre, les décisions relatives aux placements ont été prises par les organismes locaux, régionaux ou provinciaux de protection de l’enfance. Il est essentiel de répondre à ces nombreuses questions ainsi qu’à celles qui en découlent pour que la question commune – laquelle est abstraite – trouve un sens ou puisse s’inscrire dans un contexte.

[37] Une mise en garde s’impose au sujet de la question commune ultime, telle qu’elle a été certifiée, bien que l’issue du présent appel n’en dépende pas. Les questions communes n’étaient reliées entre elles que par la ficelle d’une seule question, laquelle n’était pas valable sur le plan juridique.

[38] Le juge saisi de la requête en autorisation a formulé ainsi la question commune (décision, au para. 49) :

La question ultime dans le litige en l’espèce est de savoir si le Canada s’est conformé à ses obligations constitutionnelles prévues au paragraphe 91(24) à l’égard des « Indiens » qui ne pouvaient être déléguées à des organismes provinciaux ou acquittées par des lois provinciales.

[39] Le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (reproduite dans L.R.C. (1985), appendice II, no 5) (la Loi constitutionnelle), ne crée aucune obligation; il porte plutôt sur le pouvoir de légiférer (Daniels c. Canada, 2016 CSC 12, au para. 15; voir aussi La Rose c. Canada, 2023 CAF 241). Autrement dit, le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle ne crée aucune obligation de légiférer, d’élaborer une politique ou d’agir d’une quelconque manière. On ne saurait qualifier de commune la question qui ne révèle aucune cause d’action raisonnable.

Conclusion

[40] La principale hypothèse sur laquelle le juge de la Cour fédérale s’est fondé dans son évaluation du critère du meilleur moyen était que la perspective de l’instruction d’actions dans chacune des provinces est « décourageante ». Il a été informé que de telles actions avaient effectivement été instruites et que son hypothèse était en fait incorrecte, mais il a tout de même décidé de ne pas modifier son analyse. Le juge de la Cour fédérale a de ce fait commis une erreur. Nous savons que des actions soulevant les mêmes questions ont été introduites devant des tribunaux provinciaux.

[41] Les intimés n’ont pas expliqué comment il serait possible de résoudre la pléthore de questions individuelles pour lesquelles la contribution des provinces, des territoires et des organismes de protection de l’enfance est nécessaire. Il n’y avait également aucune explication quant à la façon dont un juge pourrait s’y prendre pour gérer une instance faisant intervenir treize régimes législatifs différents en lien avec le placement d’enfants autochtones hors réserve; ni aucune comparaison de l’efficacité des recours collectifs dans chaque province; ni aucune explication, soulignons‑le, quant à la façon dont la Cour pourrait obtenir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires à la tenue d’un procès équitable.

[42] Les intimés font valoir qu’ils ont le droit de choisir les défendeurs selon leur volonté, un argument auquel a souscrit le juge saisi de la requête. Ce droit existe effectivement, mais le choix ainsi fait s’accompagne de conséquences dont le juge n’a pas tenu compte, commettant ainsi une erreur.

[43] Le recours choisi ne constitue pas le meilleur moyen de régler l’instance du simple fait que les demandeurs ont jeté leur dévolu sur lui. Il importe de tenir compte, dans l’analyse du critère du meilleur moyen, des obstacles sur le plan procédural et des compétences ainsi que des avantages associés aux autres solutions possibles. Le simple fait que les demandeurs ont choisi une tribune en particulier ne saurait faire pencher la balance en leur faveur; ce sont plutôt l’équité et l’efficacité qui doivent servir de guide. Il est donc essentiel, notamment, que le tribunal saisi de l’affaire dispose des éléments de preuve nécessaires.

[44] Dans son analyse du critère du meilleur moyen, le juge se doit de procéder à une évaluation exhaustive du contexte juridique entourant la réclamation, ainsi que des incidences pour cette dernière sur le plan de la procédure et sur le fond. En définitive, le juge de la Cour fédérale appelé à trancher ce recours sur le fond n’aurait ni les moyens ni les éléments de preuve nécessaires pour lui permettre d’établir la responsabilité compte tenu de l’absence des défendeurs concernés et d’éléments de preuve quant aux décisions individuelles ayant mené aux placements. Tout jugement en découlant serait vide de sens.

[45] J’ai examiné l’argument relatif à la prématurité des réserves décrites et selon lequel il serait préférable de laisser le recours collectif suivre son cours jusqu’à l’atteinte des limites de compétences que je décris plus haut. Cet argument me semble sans fondement. Il ne serait dans l’intérêt de quiconque – ni des parties, ni des tribunaux – d’investir temps et argent dans une instance qui se heurtera inévitablement à un mur. Comme je le mentionne plus haut, les obstacles ne peuvent être éliminés par l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge saisi de la requête. En outre, l’on ne saurait affirmer que l’instance permettra l’atteinte des objectifs d’efficacité et d’accessibilité que visent les recours collectifs.

[46] Le manquement invoqué découle d’une brèche alléguée entre les politiques provinciales et la loi de 2019. Par conséquent, le meilleur moyen de régler la réclamation suppose des recours devant des tribunaux qui seront à même d’exiger, à l’étape de la communication préalable et lors du procès, la participation des provinces responsables de l’administration et de la prestation des services à l’enfance et à la famille offerts aux enfants autochtones hors réserve.

[47] J’accueillerais donc l’appel et rejetterais la requête en autorisation, avec dépens devant notre Cour et la cour de première instance.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Sylvie E. Roussel, j.c.a. »

 

LE JUGE LOCKE (motifs dissidents)

I. Aperçu

[48] Sa Majesté le Roi (la Couronne) interjette appel de la décision par laquelle la Cour fédérale (2022 CF 913 et 2022 CF 914, le juge Michael L. Phelan, ci‑après la décision) a autorisé le dossier de la Cour fédérale portant le numéro T-620-20 (l’action) comme recours collectif en vertu du paragraphe 334.16(1) des Règles.

[49] Dans l’action, les intimés (Cheyenne Pamamukos Stonechild, Lori-Lynn David et Steven Hicks) demandent la prise de diverses mesures de redressement en lien avec des allégations selon lesquelles au Canada, entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2019, des enfants autochtones hors réserve ont été retirés de leur foyer et placés sous la tutelle de personnes qui n’étaient pas membres du groupe, de la communauté ou du peuple autochtone auquel ils appartiennent, et ce, sans que soient prises des mesures raisonnables pour protéger et préserver l’identité autochtone de ces enfants.

[50] En l’espèce, la Couronne allègue que la Cour fédérale a commis des erreurs en concluant que les conditions aux fins de l’autorisation d’une instance en tant que recours collectif avaient été remplies dans la présente affaire. Plus précisément, la Couronne reproche à la Cour fédérale d’avoir commis des erreurs i) en concluant que la réclamation des intimés soulève des points de droit ou de fait communs (conformément à l’alinéa 334.16(1)c)), et ii) en concluant que le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs (conformément à l’alinéa 334.16(1)d) et au paragraphe 334.16(2) des Règles).

[51] En août 2023, la Couronne a demandé, à l’appui de son appel, l’autorisation de produire de nouveaux éléments de preuve et de les faire inclure dans le dossier d’appel. Les intimés se sont opposés à la requête et ont demandé, à titre subsidiaire si la requête devait être accueillie, l’autorisation de produire d’autres nouveaux éléments de preuve. Le 8 septembre 2023, par voie d’ordonnance, le juge Yves de Montigny (maintenant juge en chef) a statué que la formation chargée d’instruire l’appel sur le fond trancherait la requête. Au début de l’audience relative au présent appel, notre Cour a annoncé l’admission de tous les nouveaux éléments de preuve. Les motifs de cette décision sont énoncés plus loin dans les présents motifs.

[52] Également au début de l’audience relative au présent appel, les intimés ont demandé la modification de l’intitulé afin que l’orthographe du second prénom de la première intimée désignée soit corrigée de « Pama Mukos » à « Pamamukos ». La Couronne consentant à ce changement, j’accueillerais donc la demande.

[53] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais le présent appel.

II. Décision de la Cour fédérale

[54] La décision concerne la requête des intimés en autorisation de l’action comme recours collectif. Au paragraphe 8 de la décision, la Cour fédérale souligne que la Couronne a convenu que les intimés avaient « une cause d’action raisonnable, un recours certifiable et des représentants demandeurs légitimes », ce qui signifie que les exigences énoncées aux alinéas 334.16(1)a), b) et e) des Règles étaient satisfaites. Ne subsistait donc que la question des exigences énoncées aux alinéas 334.16(1)c) et d) des Règles, lesquelles concernent respectivement l’existence de points de droit ou de fait communs et le critère du meilleur moyen de régler. La Cour fédérale s’exprime ensuite ainsi au paragraphe 9 :

Du point de vue [de la Couronne], la question clé réside dans le fait que le règlement des questions soulevées [traduction] « que ce soit par voie de litige ou, de préférence, par voie de règlement extrajudiciaire, exige la présence et la participation des provinces et des territoires ». Les [intimés] ne sollicitent des dommages-intérêts qu’auprès de la Couronne fédérale et seulement devant la Cour.

[55] Ainsi donc, la décision porte en grande partie sur les arguments entourant les avantages et les coûts relatifs associés, dans un premier temps, à un recours collectif unique devant la Cour fédérale auquel les provinces et les territoires ne seraient pas parties et, dans un deuxième temps, à une série de recours collectifs distincts devant les tribunaux provinciaux et territoriaux auxquels les provinces et les territoires seraient parties.

[56] La Cour fédérale a cité le paragraphe 334.16(1) des Règles, lequel énonce les exigences aux fins de l’autorisation, ainsi que le paragraphe 334.16(2) des Règles, lequel porte sur les facteurs à prendre en compte pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs (alinéa 334.16(1)d) des Règles). Ces dispositions sont ainsi libellées :

Conditions

Conditions

334.16 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

334.16 (1) Subject to subsection (3), a judge shall, by order, certify a proceeding as a class proceeding if

a) les actes de procédure révèlent une cause d’action valable;

(a) the pleadings disclose a reasonable cause of action;

b) il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes;

(b) there is an identifiable class of two or more persons;

c) les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait communs, que ceux-ci prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu’un membre;

(c) the claims of the class members raise common questions of law or fact, whether or not those common questions predominate over questions affecting only individual members;

d) le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs;

(d) a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact; and

e) il existe un représentant demandeur qui :

(e) there is a representative plaintiff or applicant who

(i) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

(i) would fairly and adequately represent the interests of the class,

(ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

(ii) has prepared a plan for the proceeding that sets out a workable method of advancing the proceeding on behalf of the class and of notifying class members as to how the proceeding is progressing,

(iii) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

(iii) does not have, on the common questions of law or fact, an interest that is in conflict with the interests of other class members, and

(iv) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

(iv) provides a summary of any agreements respecting fees and disbursements between the representative plaintiff or applicant and the solicitor of record.

Facteurs pris en compte

Matters to be considered

(2) Pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, tous les facteurs pertinents sont pris en compte, notamment les suivants :

(2) All relevant matters shall be considered in a determination of whether a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact, including whether

a) la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres;

(a) the questions of law or fact common to the class members predominate over any questions affecting only individual members;

b) la proportion de membres du groupe qui ont un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées;

(b) a significant number of the members of the class have a valid interest in individually controlling the prosecution of separate proceedings;

c) le fait que le recours collectif porte ou non sur des réclamations qui ont fait ou qui font l’objet d’autres instances;

(c) the class proceeding would involve claims that are or have been the subject of any other proceeding;

d) l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations;

(d) other means of resolving the claims are less practical or less efficient; and

e) les difficultés accrues engendrées par la gestion du recours collectif par rapport à celles associées à la gestion d’autres mesures de redressement.

(e) the administration of the class proceeding would create greater difficulties than those likely to be experienced if relief were sought by other means.

[57] La Cour fédérale a fait observer que le seuil aux fins de l’autorisation est peu élevé, et les parties ne semblent pas contester cette affirmation. La Cour fédérale a ensuite affirmé que les intimés devaient démontrer « un certain fondement factuel » pour chacune des exigences à satisfaire aux fins de l’autorisation (sauf pour l’exigence selon laquelle les actes de procédure doivent révéler une cause d’action); cette étape ne s’intéresse pas au fond de l’action : Pro‑Sys Consultants Ltd. c. Microsoft Corporation, 2013 CSC 57, [2013] 3 R.C.S. 477, aux paras. 99 et 100; Hollick, au para. 25. Encore une fois, les parties ne semblent pas contester cet exposé de l’état du droit.

[58] La Cour fédérale traite de la question des points de droit ou de fait communs aux paragraphes 40 à 73 de la décision. Elle a pris note de l’argument de la Couronne selon lequel les points communs énumérés par les intimés ne sont communs que sur le plan théorique et exigeraient en fait que soient menées des évaluations individuelles exhaustives. La Couronne a également fait valoir que le règlement efficace des points communs serait hors de portée compte tenu de l’entrée en scène des provinces et des territoires en lien avec les questions relatives à la protection de l’enfance.

[59] Au sujet de cet argument, la Cour fédérale a cité le paragraphe 72 de l’arrêt de notre Cour Wenham c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 199, [2018] A.C.F. no 1088 (QL) (Wenham) :

De plus, l’objectif de cette étape de la détermination de l’autorisation n’est pas de déterminer les questions communes, surtout pas sans un dossier complet et des observations juridiques complètes sur la question, mais plutôt d’évaluer si la résolution de la question est nécessaire pour régler la demande de chaque membre du groupe. Plus précisément, les exigences sont les suivantes :

[…] Il faut aborder le sujet de la communauté en fonction de l’objet. La question sous-jacente est de savoir si le fait d’autoriser le recours collectif permettra d’éviter la répétition de l’appréciation des faits ou de l’analyse juridique. Une question ne sera donc « commune » que lorsque sa résolution est nécessaire pour le règlement des demandes de chaque membre du groupe. Il n’est pas essentiel que les membres du groupe soient dans une situation identique par rapport à la partie adverse. Il n’est pas nécessaire non plus que les questions communes prédominent sur les questions non communes ni que leur résolution règle les demandes de chaque membre du groupe. Les demandes des membres du groupe doivent toutefois partager un élément commun important afin de justifier le recours collectif. Pour décider si des questions communes motivent un recours collectif, le tribunal peut avoir à évaluer l’importance des questions communes par rapport aux questions individuelles. Dans ce cas, le tribunal doit se rappeler qu’il n’est pas toujours possible pour le représentant de plaider les demandes de chaque membre du groupe avec un degré de spécificité équivalant à ce qui est exigé dans une poursuite individuelle.

(Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, 2001 CSC 46, [2001] 2 R.C.S. 534, par. 39; voir aussi Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, [2014] 1 R.C.S. 3, aux para. 41 et 44 à 46.)

[60] La Cour fédérale a jugé que les points communs énumérés par les intimés peuvent se résumer aux quatre principaux points suivants :

  1. La négligence systémique présumée du Canada, sa délégation aux provinces et aux territoires et la capacité de la Cour de procéder à une évaluation globale des dommages-intérêts.

  2. Les violations alléguées des articles 7 et 15 de la Charte par le Canada et le droit à des dommages-intérêts au titre de l’article 24 de la Charte.

  3. L’enrichissement sans cause allégué du Canada en évitant d’engager les coûts liés à un système approprié de protection et de préservation, ainsi que la capacité de la Cour de mener une évaluation et de rendre une ordonnance de restitution.

  4. La responsabilité du Canada en ce qui concerne les dommages-intérêts punitifs.

[61] Au paragraphe 68 de la décision, la Cour fédérale affirme ne pas être convaincue que les points ne sont communs que sur le plan théorique. Elle se lance ensuite dans la certification de quinze questions communes regroupées sous les quatre points communs mentionnés ci-dessus.

[62] La Cour fédérale se penche sur le critère du meilleur moyen aux paragraphes 74 à 93 de la décision. Au paragraphe 75, elle cite cette fois les paragraphes 77 et 78 de l’arrêt Wenham, lesquels portent sur l’analyse appropriée du critère du meilleur moyen :

Le critère établi dans l’arrêt Hollick aux paragraphes 27 à 31 est bien résumé dans le mémoire présenté par M. Wenham :

[traduction]

a) le critère du meilleur moyen comporte deux concepts fondamentaux :

(i) premièrement, la question de savoir si le recours collectif serait un moyen juste, efficace et pratique de faire progresser l’instance;

(ii) deuxièmement, la question de savoir si le recours collectif serait préférable à tous les autres moyens raisonnables offerts pour régler les demandes des membres du groupe;

b) pour faire cette détermination, il faut examiner les questions communes dans leur contexte, en tenant compte de l’importance des questions communes par rapport à la demande dans son ensemble;

c) le critère du meilleur moyen peut être satisfait même lorsqu’il y a d’importantes questions individuelles; il n’est pas nécessaire que les questions communes prévalent sur les questions individuelles.

L’analyse relative au meilleur moyen « s’effectue à la lumière des trois principaux objectifs du recours collectif : l’économie des ressources judiciaires, la modification des comportements et l’accès à la justice » : Fischer [AIC Limitée c. Fischer, 2013 CSC 69, [2013] 3 R.C.S. 949], au paragraphe 22.

[63] La Cour fédérale a également fait remarquer que la Cour suprême du Canada avait confirmé, au paragraphe 30 de l’arrêt Rumley c. Colombie‑Britannique, 2001 CSC 69, [2001] 3 R.C.S. 184, que le règlement d’une action fondée sur des allégations de préjudices systémiques peut se faire par voie de recours collectif même si certains aspects doivent faire l’objet d’une évaluation individuelle.

[64] Compte tenu de la liste non exhaustive de facteurs à prendre en compte au titre du paragraphe 334.16(2) des Règles (reproduit au paragraphe 56 ci-dessus), la Cour fédérale a conclu « qu’une procédure unique serait particulièrement importante pour les questions d’économie des ressources judiciaire[s] et d’accès à la justice » : voir le paragraphe 78 de la décision. La Cour fédérale a estimé que la Couronne n’avait pas établi i) qu’un recours collectif ne permettrait pas d’assurer la saine gestion de l’instance, ii) qu’elle ne pouvait pas défendre sa thèse ou iii) qu’un recours collectif devant la Cour fédérale avec une couverture nationale ne constituait pas le meilleur moyen de régler les points communs.

[65] La Cour fédérale n’a pas retenu l’argument selon lequel la Couronne pourrait être confrontée à des difficultés si elle devait obtenir des éléments de preuve auprès des provinces à l’appui de sa défense dans une action devant la Cour fédérale. Cette dernière, se fondant sur l’affaire Tippett, dans laquelle des ordonnances de production avaient été prononcées contre la province de la Colombie‑Britannique, tire la conclusion suivante au paragraphe 82 de la décision : « La même approche fondée sur des principes s’appliquerait vraisemblablement à d’autres provinces et territoires qui ne sont pas parties au présent recours collectif. À cette étape, on ne peut pas dire que le Canada ne peut pas se défendre adéquatement dans le présent recours collectif. »

[66] La Cour fédérale n’a également pas retenu l’argument de la Couronne selon lequel il serait préférable d’introduire des instances distinctes devant les cours supérieures des provinces et des territoires, affirmant que la perspective de l’instruction de treize actions à l’échelle du pays est « vraiment décourageante, particulièrement pour les [intimés] » (voir le paragraphe 84 de la décision). La Cour fédérale a donné l’exemple de la « nature longue et multijuridictionnelle du litige lié à la rafle des années 60 », précisant que cette affaire avait été porteuse de leçons (voir le paragraphe 88 de la décision). La Cour fédérale a jugé qu’il serait plus simple et plus efficace d’instruire une seule instance de portée nationale.

III. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[67] Comme il est mentionné au paragraphe 50 des présents motifs, la Couronne conteste les conclusions de la Cour fédérale selon lesquelles i) la réclamation des intimés soulève des points de droit ou de fait communs et ii) le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace.

[68] La Couronne reconnaît que les normes de contrôle applicable en appel s’appliquent en l’espèce. Ainsi, la norme de la décision correcte s’applique aux questions de droit, tandis que la norme de l’erreur manifeste et déterminante s’applique aux questions de fait ainsi qu’aux questions mixtes de fait et de droit dont on ne peut isoler de question de droit : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Par erreur manifeste, l’on entend une erreur évidente; pour sa part, l’erreur déterminante est celle qui touche directement à l’issue de l’affaire : Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, [2012] A.C.F. no 669, au para. 46 (QL) (cité avec approbation dans Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, au para. 38).

IV. Analyse

A. Question préliminaire : requête en production de nouveaux éléments de preuve

[69] Avant de passer au fond de l’appel, il convient d’examiner la requête de la Couronne en production de nouveaux éléments de preuve ainsi que la requête subsidiaire des intimés en production d’autres nouveaux éléments de preuve, advenant l’accueil de la requête de la Couronne. Comme je le mentionne plus haut, notre Cour a annoncé, au début de l’audience relative au présent appel, que tous les nouveaux éléments de preuve étaient admis. Les motifs qui suivent justifient cette décision.

[70] La Couronne a produit de nouveaux éléments de preuve concernant les recours collectifs envisagés que l’avocat des intimés a introduits dans six provinces entre mai 2022 et février 2023 en lien avec des réclamations similaires à celle des intimés dans la présente action. Ces nouveaux éléments de preuve sont survenus après que les intimés eurent plaidé devant la Cour fédérale que des instances distinctes devant les tribunaux provinciaux et territoriaux constitueraient un obstacle insurmontable à l’examen de leur réclamation.

[71] Les autres nouveaux éléments de preuve, que les intimés produisent à titre subsidiaire, portent sur la contestation, par la Couronne, de l’engagement de la responsabilité ainsi que de l’autorisation des recours collectifs envisagés dans certaines provinces, malgré les allégations que la Couronne a formulées dans ses observations orales devant la Cour fédérale et selon lesquelles des instances devant les tribunaux provinciaux étaient préférables à une instance devant les Cours fédérales.

[72] Les parties conviennent que les requêtes en production de nouveaux éléments de preuve sont régies par le critère établi dans l’arrêt Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 759, [1979] A.C.S. no 126 (QL), p. 775. Ce critère est résumé au paragraphe 3 de l’arrêt Coady c. Canada (Gendarmerie royale), 2019 CAF 102 :

Le critère régissant de telles requêtes est bien établi et nécessite que la partie qui veut présenter de nouveaux éléments de preuve établisse 1) qu’ils n’auraient pas pu être produits au procès avec diligence raisonnable, 2) qu’ils sont pertinents, en ce sens qu’ils portent sur une question décisive ou potentiellement décisive quant à l’appel, 3) qu’ils sont plausibles, en ce sens qu’on peut raisonnablement y ajouter foi, et 4) qu’ils sont tels que si l’on y ajoute foi, on peut raisonnablement penser qu’ils auraient influé sur le résultat […] Si les éléments de preuve ne satisfont pas au critère qui précède, la Cour possède tout de même un pouvoir discrétionnaire résiduel lui permettant d’admettre les éléments de preuve en appel. Cependant, ce pouvoir doit être exercé dans l’intérêt de la justice, avec parcimonie et uniquement [traduction] « dans les cas les plus clairs ».

[Renvois omis.]

[73] Les intimés allèguent que la requête de la Couronne devrait être rejetée puisqu’elle ne satisfait pas aux deuxième et quatrième critères, selon lesquels les nouveaux éléments de preuve doivent être pertinents et, si l’on y ajoutait foi, l’on pourrait raisonnablement penser qu’ils auraient influé sur le résultat devant la Cour fédérale. Les intimés affirment que les réclamations devant les tribunaux provinciaux ne sont pas de la même portée que celle de la présente action et visent l’obtention de mesures de redressement contre des parties différentes. Ils font également valoir que la Cour fédérale, lorsqu’elle a rendu sa décision, était déjà au fait de deux des instances devant les tribunaux provinciaux. Enfin, les intimés font remarquer que la Couronne n’a consenti à l’autorisation d’aucune des instances devant les tribunaux provinciaux.

[74] L’exigence à satisfaire n’est pas très élevée lorsqu’il s’agit de respecter l’un ou l’autre des critères en litige en lien avec l’admission de nouveaux éléments de preuve. En effet, s’agissant du deuxième critère, il suffit que les éléments de preuve portent sur une question potentiellement décisive. Pour ce qui est du quatrième critère, il suffit de démontrer que l’on peut raisonnablement penser que les éléments de preuve auraient influé sur le résultat.

[75] Selon moi, malgré leur pertinence accessoire, les nouveaux éléments de preuve portent effectivement sur une question qui, avant qu’il ne soit tranché sur le fond de l’appel, est potentiellement décisive. Ils portent sur une question qui se trouve au cœur du présent appel, à savoir l’aspect pratique d’un recours collectif devant les Cours fédérales, qui constituerait donc le meilleur moyen de régler les points communs, par opposition à de multiples instances devant les tribunaux provinciaux. J’estime donc qu’il est satisfait au deuxième critère. Les mêmes motifs m’amènent à la même conclusion au sujet de l’autre critère contesté, soit que l’on peut raisonnablement penser que les nouveaux éléments de preuve auraient influé sur le résultat. Mon point de vue vaut tant pour les nouveaux éléments de preuve produits par la Couronne que pour ceux produits par les intimés à titre subsidiaire.

B. Points communs

[76] Selon la Couronne, la Cour fédérale a commis diverses erreurs en concluant que les intimés avaient démontré un certain fondement factuel quant à l’exigence voulant que leur réclamation soulève des points de droit ou de fait communs.

[77] Tout d’abord, la Couronne soutient que deux importantes erreurs de droit ont été commises. Dans un premier temps, la Cour fédérale a affirmé, au paragraphe 49 de la décision, que la question ultime en litige dans l’action est celle de savoir « si le Canada s’est conformé à ses obligations constitutionnelles prévues au paragraphe 91(24) [de la Loi constitutionnelle de 1867] à l’égard des “Indiens” qui ne pouvaient être déléguées à des organismes provinciaux ou acquittées par des lois provinciales ». La Couronne allègue que le paragraphe 91(24) ne crée pas une obligation. À mon avis, cet argument est d’une utilité limitée pour la Couronne puisque l’action met manifestement une telle obligation en cause, même si cette obligation ne tire pas son origine du paragraphe 91(24).

[78] Dans un deuxième temps, la Couronne soutient que la Cour fédérale s’est attardée aux avantages bancals associés à un recours collectif unique visant un défendeur. La Couronne allègue que la Cour fédérale aurait dû s’attarder à l’évaluation minutieuse des questions et des faits de l’espèce. La Couronne estime qu’il s’agit d’une erreur de droit, mais je vois plutôt dans cette thèse une contestation de l’appréciation que la Cour fédérale a faite de la preuve. Notre Cour ne saurait toutefois intervenir en l’absence d’une erreur manifeste et déterminante. Comme je l’explique ci-dessous, je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale a omis de procéder à l’analyse juridique requise ou qu’elle s’est méprise à l’égard de cette analyse.

[79] Voici, plus précisément, les erreurs que la Cour fédérale aurait commises selon la Couronne :

  1. Certification de questions communes qui ne sont communes que superficiellement et qui exigent des évaluations individuelles exhaustives.

  2. Certification de questions communes qui n’ont aucun lien rationnel avec les causes d’action.

  3. Certification de questions communes pour lesquelles « un certain fondement factuel » n’a pas été établi.

[80] J’examine ces questions successivement.

1) Questions superficiellement communes

[81] Selon la Couronne, les questions que les intimés soulèvent ne sont communes que superficiellement et exigent des évaluations individuelles exhaustives ainsi que la présentation d’éléments de preuve de la part des organismes provinciaux et territoriaux de protection de l’enfance. Toute question commune s’en trouve donc supplantée.

[82] Cet argument n’était pas inconnu à la Cour fédérale; elle en a fait mention aux paragraphes 41 et 68 de la décision. Nous ne sommes donc pas en présence d’une erreur de droit découlant du défaut d’examiner une question pertinente. En fait, la Couronne conteste le poids que la Cour fédérale a accordé à l’importance relative des questions communes et des questions individuelles en cause. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit au sujet de laquelle notre Cour s’abstiendra d’intervenir en l’absence d’une erreur manifeste et déterminante. Je ne relève aucune erreur de la sorte. La Cour fédérale semble avoir compris les arguments des parties sur ce point et en avoir tenu compte. Il n’est pas pertinent de savoir si j’en serais arrivé à la même conclusion ou si un autre juge de notre Cour en serait arrivé à la même conclusion.

[83] Mon point de vue est le même quant à la critique que formule la Couronne à l’égard de la conclusion de la Cour fédérale, au paragraphe 46 de la décision, selon laquelle la présence d’un seul défendeur renforce le caractère commun des questions. Je ne relève aucune erreur de droit en ce que la Cour fédérale a tenu compte de ce fait. Je ne relève également aucune erreur manifeste et déterminante dans l’analyse de la Cour fédérale à cet égard.

2) Absence de lien rationnel entre les questions et les actes de procédure

[84] La Couronne fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et déterminante en concluant à l’existence d’un lien rationnel entre les questions communes et les actes de procédure. Cet argument se fonde sur la prémisse selon laquelle la réclamation des intimés découle du non‑respect de l’obligation de légiférer qui incombe à la Couronne (ce non‑respect n’a pas été invoqué) et sur des allégations de négligence sur le plan des politiques.

[85] Je ne suis pas convaincu qu’il soit juste de dire que la réclamation des intimés est fondée sur le non‑respect allégué d’une obligation de légiférer ou que la Cour fédérale a commis des erreurs en concluant à l’existence d’un lien rationnel entre les actes de procédure des intimés et les questions communes certifiées.

[86] La Couronne s’appuie également sur la dernière phrase du paragraphe 66 de la décision, laquelle renvoie à une question commune générale découlant de l’application, par la Couronne, de sa politique. La Couronne semble regrouper la totalité des quinze questions communes certifiées, et énumérées au paragraphe 73 de la décision, en une seule question commune générale, à laquelle il est fait mention au paragraphe 66. Je ne suis pas convaincu, à la lecture de l’intégralité de la décision, et en l’absence d’un effort manifeste de la part de la Couronne pour donner suite à chacune de ces quinze questions communes certifiées, que la Couronne a adéquatement caractérisé les questions communes.

3) Questions pour lesquelles un certain fondement factuel n’a pas été établi

[87] La Couronne allègue que la Cour fédérale a certifié les questions communes en l’absence d’éléments de preuve selon lesquels un certain fondement factuel avait été établi. Elle fait valoir qu’en agissant ainsi, la Cour fédérale n’a pas tenu compte d’un élément essentiel du critère juridique et qu’elle a, par le fait même, commis une erreur susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[88] Toutefois, comme je le mentionne au paragraphe 57 ci-dessus, la Cour fédérale a reconnu que les intimés devaient démontrer un certain fondement factuel pour chacune des exigences à satisfaire aux fins de l’autorisation. Je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale n’a pas appliqué le droit tel qu’elle l’a décrit. J’estime donc que cet argument ne saurait tenir lorsqu’il s’agit de démontrer que la Cour fédérale a commis une erreur de droit. Nous sommes plutôt en présence d’un litige visant à déterminer si la preuve répond aux critères peu élevés applicables aux fins de l’autorisation de l’instance comme recours collectif. Cette question en est une mixte de fait et de droit à laquelle s’applique la norme de l’erreur manifeste et déterminante. Je ne relève aucune erreur de la sorte.

4) Conclusion à l’égard des points communs

[89] Je suis d’avis que la Cour fédérale n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans son analyse de l’exigence voulant que la réclamation des intimés soulève des points de droit ou de fait communs.

C. Critère du meilleur moyen

[90] Selon la Couronne, la Cour fédérale a commis les erreurs suivantes dans son analyse du critère du meilleur moyen :

  1. Inversion du fardeau de la preuve.

  2. Défaut de tenir compte du caractère prédominant des questions individuelles.

  3. Défaut de tenir compte de la compétence limitée de la Cour fédérale à l’égard des acteurs au cœur de la réclamation.

  4. Conclusion selon laquelle des instances distinctes devant les tribunaux provinciaux et territoriaux constitueraient un obstacle insurmontable.

  5. Conclusion selon laquelle le recours collectif constitue le meilleur moyen de donner suite à la réclamation des intimés, par opposition à une série de recours collectifs distincts devant les tribunaux provinciaux et territoriaux auxquels les provinces et les territoires seraient parties.

[91] J’examine chacune de ces questions ci-dessous.

1) Inversion du fardeau de la preuve

[92] La Couronne allègue que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en inversant le fardeau de la preuve de sorte qu’il revenait aux intimés de démontrer que les exigences aux fins de l’autorisation avaient été satisfaites. La Couronne renvoie plus particulièrement au paragraphe 83 de la décision, où la Cour fédérale affirme que la Couronne ne l’avait pas convaincue qu’il existait un meilleur moyen de donner suite à la réclamation des intimés, pas plus qu’elle n’avait fait valoir d’arguments en ce sens.

[93] Je ne saurais reconnaître que la Cour fédérale n’a pas appliqué le bon fardeau de la preuve à l’égard du critère du meilleur moyen. Il est indiqué, au paragraphe 78 de la décision, que la Cour fédérale a tenu compte des arguments des intimés quant aux facteurs pertinents à prendre en compte dans l’évaluation du critère du meilleur moyen (conformément au paragraphe 334.16(2) des Règles), et s’est dite convaincue que le recours collectif constituait le meilleur moyen. L’un des facteurs à prendre en compte est « l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations ». Il ressort clairement de l’analyse du critère du meilleur moyen que la Cour fédérale a estimé que ce facteur avait été respecté. À mon sens, en faisant référence, au paragraphe 83 (ainsi qu’au paragraphe 79), à ce que la Couronne n’avait pas établi, la Cour fédérale n’a pas inversé le fardeau de la preuve de sorte qu’il incomba aux intimés. Il en ressort plutôt que les arguments de la Couronne, tels qu’elle les avait formulés, ont été pris en compte.

[94] Je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale, contrairement à ce qu’affirme la Couronne, a accordé une importance singulière au recours collectif et a refusé de procéder à une analyse complète des lacunes associées au traitement de la réclamation devant la Cour fédérale. J’estime que ces arguments, à l’instar de nombreux autres arguments de la Couronne, traduisent la contestation de la prise en compte, par la Cour fédérale, des éléments de preuve et de la position respective des parties. Selon moi, rien ne justifie l’intervention de notre Cour à cet égard.

2) Caractère prédominant des questions individuelles

[95] La Couronne allègue que la Cour fédérale ne s’est pas attardée à la prédominance possible des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres (conformément à l’alinéa 334.16(2)a) des Règles). Elle affirme en outre qu’il s’agit d’une erreur de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[96] Ainsi que je le fais observer dans la section précédente de la présente analyse, la Cour fédérale a tenu compte des facteurs pertinents du critère du meilleur moyen, lesquels sont énoncés au paragraphe 334.16(2) des Règles. Elle a énuméré ces facteurs, notamment la prédominance des points communs sur ceux qui ne concernent que certains membres, au paragraphe 29 de la décision. Tout porte à croire que la Cour fédérale a tenu compte de ce facteur au moment de rendre sa décision.

[97] Tel qu’il est précisé au paragraphe 82 plus haut, la Cour fédérale était au fait de l’argument de la Couronne voulant que, dans l’action, les questions individuelles supplantent les points communs, et l’a pris en considération.

[98] En raison de ce qui précède, j’estime que la Cour fédérale a tenu compte de tous les facteurs pertinents associés au critère du meilleur moyen. La prédominance des points communs sur ceux qui ne concernent que certains membres est essentiellement à l’opposé de la prédominance des questions individuelles sur les points communs. Le silence de la Cour fédérale quant au premier facteur dans son analyse du critère du meilleur moyen, après avoir examiné le second dans son analyse relative aux points communs, ne suffit pas à me convaincre qu’elle n’a pas tenu compte de ce facteur. J’ajouterai que la prédominance des points communs sur ceux qui ne concernent que certains membres constitue non pas une exigence, mais simplement un facteur à prendre en compte : Wenham, par. 72; Hollick, au para. 30.

3) Compétence de la Cour fédérale à l’égard des principaux acteurs

[99] Selon la Couronne, le recours collectif pourrait, dans certaines circonstances, constituer le meilleur moyen de régler la réclamation des intimés, mais il n’en est rien en l’espèce. Elle fait valoir que la réclamation des intimés n’engage que la responsabilité de la Couronne fédérale et qu’il est de ce fait impossible d’exiger la participation des autorités provinciales et territoriales (lesquelles ont assuré la prestation des services de protection de l’enfance en cause et ont des documents et des renseignements pertinents en leur possession, sous leur contrôle ou sous leur garde).

[100] Ainsi que l’on peut le constater à la lecture du passage de la décision reproduit au paragraphe 54 plus haut, la Cour fédérale savait très bien qu’il s’agissait d’une question clé pour la Couronne.

[101] Je reconnais que les provinces et les territoires peuvent avoir en leur possession, sous leur contrôle ou sous leur garde des documents et des renseignements pertinents à l’action auxquels la Couronne fédérale n’a par ailleurs pas accès. Toutefois, l’impossibilité pour la Cour fédérale d’exiger que les provinces et les territoires produisent ces documents et renseignements ne signifie pas nécessairement que la Couronne ne sera pas en mesure de les obtenir et de s’en servir à l’appui de sa défense. Qui plus est, ces faits ne sont pas déterminants quant à l’autorisation de l’instance comme recours collectif. Ils figurent plutôt au nombre des questions sur lesquelles la Cour fédérale devait se pencher.

[102] Il convient par conséquent de déterminer si la Cour fédérale a commis à cet égard une erreur susceptible de contrôle. Autrement dit, notre Cour doit se demander si la Cour fédérale a commis une erreur de droit ou si elle a commis une erreur de fait manifeste et déterminante.

[103] La Couronne allègue que la Cour fédérale a commis une erreur à l’égard de la décision Tippett à laquelle elle renvoie au paragraphe 82 de la décision. Comme je le mentionne au paragraphe 65 ci-dessus, la Cour fédérale a renvoyé au précédent créé par la décision Tippett, dans laquelle la Cour fédérale avait rendu des ordonnances visant la production de documents par une province (la Colombie‑Britannique) qui n’était pas partie à l’instance. La Cour fédérale s’est par la suite exprimée ainsi : « La même approche fondée sur des principes s’appliquerait vraisemblablement à d’autres provinces et territoires qui ne sont pas parties au présent recours collectif. À cette étape, on ne peut pas dire que le Canada ne peut pas se défendre adéquatement dans le présent recours collectif. »

[104] La Couronne fait remarquer que la question du pouvoir de la Cour fédérale d’exiger la production de documents par une province n’a pas été prise en compte dans la décision Tippett puisqu’aucune des parties ne l’avait soulevée. En outre, la Couronne allègue que la Cour fédérale a commis une erreur du fait qu’elle [traduction] « a procédé à l’analyse du critère du meilleur moyen sans avoir une compréhension juste et entière de la façon dont l’affaire pourrait se poursuivre devant la Cour fédérale ». Elle ajoute que la Cour fédérale [TRADUCTION] « a supposé que les provinces et les territoires seraient contraignables, et a servi cette supposition en réponse à l’objection du Canada selon laquelle la participation des provinces et des territoires est nécessaire au règlement approprié et complet de la réclamation ».

[105] Je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale a supposé que les provinces et les territoires seraient contraignables ou qu’elle a commis une autre erreur de droit à l’égard de la décision Tippett. Elle n’a pas mal interprété cette décision. Elle a simplement omis de faire mention, au sujet de l’affaire Tippett, d’une distinction importante du point de vue de la Couronne. Le raisonnement de la Cour fédérale, plus particulièrement tel qu’il est exposé dans la dernière phrase du paragraphe 82 de la décision (laquelle est reproduite à la fin du paragraphe 103 ci‑dessus), semble fondé sur le fait que, en l’absence d’un exemple de situation où la non‑contraignabilité des provinces et des territoires s’est avérée problématique, elle n’était pas convaincue que cette non‑contraignabilité porterait atteinte à la capacité de la Couronne à opposer une défense. Je ne relève aucune erreur dans ce raisonnement. Même si la Cour fédérale n’a pas le pouvoir de contraindre les provinces et les territoires de produire des documents et des renseignements, la Couronne pourrait être en mesure d’obtenir les documents ou renseignements pertinents par d’autres moyens. La Couronne pourrait par exemple obtenir, à sa demande ou à la demande de notre Cour sur requête de la Couronne, une ordonnance d’un tribunal provincial.

[106] Je ne suis également pas convaincu que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et déterminante quant à cette question. Elle a entendu les arguments de la Couronne à cet égard et en a tenu compte avant d’en venir à sa conclusion. J’estime qu’il lui était loisible de tirer cette conclusion. Elle n’a pas relégué au second plan la nécessité de produire les documents en question. Elle a plutôt affirmé ne pas être convaincue, à la lumière du droit et des éléments de preuve invoqués, qu’un obstacle majeur empêcherait la production de ces documents. Je ne souscris pas au point de vue que mon collègue le juge Rennie exprime (au paragraphe 45 ci‑dessus) et selon lequel l’instance se heurtera inévitablement à un mur. J’estime que ce point de vue n’est pas justifié.

[107] En outre, il était loisible à la Cour fédérale de tenir compte, comme elle l’a fait, du refus de la Couronne de répondre, en contre-interrogatoire, aux questions sur ce point et sur la non‑participation des provinces à l’action. La Cour fédérale a déclaré ce qui suit, au paragraphe 45 de la décision : « Le fait que [la Couronne] n’ait pas répondu aux questions relatives à la compétence et à la délégation de pouvoirs nuit à la force de ses arguments selon lesquels le rôle des provinces rend d’une façon ou d’une autre la réclamation des [intimés] impossible ou peu pratique à poursuivre devant la Cour [fédérale]. »

4) Instances provinciales constituant un obstacle insurmontable

[108] La Cour fédérale avait compris que l’une des questions clés pour déterminer si le recours collectif constituait le meilleur moyen de régler l’instance était celle de savoir si l’instruction du recours collectif était préférable à l’instruction, devant les cours supérieures des provinces et des territoires, d’une série d’instances distinctes auxquelles les provinces et les territoires seraient parties. Les intimés avaient fait valoir que la poursuite de treize actions distinctes, plutôt que d’une seule, constituerait un obstacle insurmontable, et que l’allégation de la Couronne voulant qu’une telle approche représente le meilleur moyen de régler l’instance était insensée. Comme j’y fais allusion au paragraphe 66 plus haut, la Cour fédérale a apparemment souscrit à cette observation, affirmant que la perspective était vraiment décourageante, particulièrement pour les intimés (voir le paragraphe 84 de la décision).

[109] Selon la Couronne, les nouveaux éléments de preuve qu’elle a produits concernant les recours collectifs envisagés que l’avocat des intimés a introduits dans six provinces en lien avec des réclamations similaires à celle des intimés dans la présente action, démontrent que la poursuite d’actions distinctes dans les provinces et les territoires ne constitue pas un obstacle insurmontable et que la perspective n’est aucunement décourageante.

[110] Les réserves de la Couronne semblent principalement porter sur la contraignabilité des provinces et des territoires dans le contexte d’instances devant les tribunaux provinciaux ou territoriaux auxquelles ils seraient parties, par opposition au pouvoir limité de la Cour fédérale quant à leur contraignabilité dans le contexte de l’action. Je me penche sur cette question dans la section précédente de mon analyse. Reste donc à déterminer si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la perspective de l’instruction de plusieurs actions distinctes devant les tribunaux provinciaux était décourageante et que, de ce fait, l’instruction d’un recours collectif unique devant la Cour fédérale constituait le meilleur moyen de régler l’instance.

[111] En définitive, la question de savoir si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, conformément à l’alinéa 334.16(1)d) et au paragraphe 334.16(2) des Règles, est une question mixte de fait et de droit. Elle est donc susceptible de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et déterminante. Il en va de même de la question de savoir si la perspective de l’instruction de plusieurs actions devant les tribunaux provinciaux est décourageante. La Couronne fait valoir qu’un autre décideur, disposant d’une preuve différente, aurait pu en venir à une conclusion différente, mais je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste à cet égard.

[112] Il ne revient pas à notre Cour de décider si le recours collectif constitue le meilleur moyen de régler l’instance. Le rôle de notre Cour consiste plutôt à déterminer si la conclusion de la Cour fédérale à ce sujet est entachée. Mon collègue le juge Rennie (voir le paragraphe 40 ci‑dessus) affirme que l’instruction de six actions devant des tribunaux provinciaux vient nécessairement contredire la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle la perspective de l’instruction de treize telles actions est décourageante. Je ne saurais souscrire à cette affirmation.

5) Efficacité du recours collectif devant la Cour fédérale

[113] Dans ses observations sur cette question mixte de fait et de droit, la Couronne conteste l’efficacité du recours collectif devant la Cour fédérale (par opposition à l’instruction d’instances distinctes devant les tribunaux provinciaux et territoriaux), mais je suis d’avis qu’elle ne démontre pas l’existence d’une erreur manifeste.

6) Conclusion à l’égard du critère du meilleur moyen

[114] Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que la Cour fédérale n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans son analyse du critère du meilleur moyen.

V. Conclusion

[115] J’ordonnerais, pour les motifs qui précèdent, qu’il soit fait droit à la requête de la Couronne en production de nouveaux éléments de preuve ainsi qu’à la requête subsidiaire des intimés en production de nouveaux éléments de preuve.

[116] Je rejetterais l’appel sans dépens. Je modifierais l’intitulé afin que l’orthographe du second prénom de la première intimée désignée soit « Pamamukos » plutôt que « Pama Mukos ».

« George R. Locke »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-137-22

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LE ROI c. CHEYENNE PAMAMUKOS STONECHILD, LORI-LYNN DAVID ET STEVEN HICKS

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 OCTOBRE 2024

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE Rennie

 

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE ROUSSEL

 

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 mai 2025

 

COMPARUTIONS :

Travis Henderson

Stéphanie Dion

Sarah Rajguru

 

POUR L’APPELANT

 

Angela Bespflug

Janelle O’Connor

 

POUR LES INTIMÉS

 

Maxime Faille

Aaron Christoff

Shawn Scarcello

Alyssa Cloutier

POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’APPELANT

 

 

Murphy Battista LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES INTIMÉS

 

Cochrane Saxberg

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

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