Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20250529


Dossier : A-329-23

Référence : 2025 CAF 106

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LE JUGE PAMEL

 

 

ENTRE :

FIRMIN NGUEPI DONGMO

appelant

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 27 mai 2025.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 mai 2025.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PAMEL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20250529


Dossier : A-329-23

Référence : 2025 CAF 106

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LE JUGE PAMEL

 

 

ENTRE :

FIRMIN NGUEPI DONGMO

appelant

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PAMEL

[1] L’appelant, M. Firmin Nguepi Dongmo, poursuit son employeur Service Canada – Ministère de l’Emploi et du Développement social, à la Cour fédérale, alléguant avoir été victime de harcèlement psychologique et criminel, d’intimidation, de diffamation, de fausses accusations et de discrimination dans le cadre de son emploi; il réclame notamment 3 000 000 $ en réparations pécuniaires.

[2] M. Dongmo interjette appel devant notre Cour du jugement de la Cour fédérale rendu le 22 novembre 2023 (2023 CF 1548), ayant accueilli en totalité, conformément aux alinéas 221(1)a) et f) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les « Règles »], la requête en radiation de sa déclaration, sans possibilité d’amendements. La Cour fédérale a rejeté l’action au motif que les allégations de M. Dongmo à l’encontre de son employeur ainsi que les réparations pécuniaires demandées auraient dû faire l’objet d’un ou de plusieurs griefs aux termes du paragraphe 208(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 [la « Loi »], car cette Loi régit les litiges potentiels entre les fonctionnaires de la fonction publique et leur employeur, et que, plus particulièrement, l’article 236 de la Loi prévoit une exclusion explicite de la compétence des tribunaux au profit de la procédure de grief qui y est prévue.

[3] Par ailleurs, M. Dongmo a signifié et déposé un avis de question constitutionnelle en vertu de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans lequel il conteste la validité de l’article 236 de la Loi et de l’article 221 des Règles; M. Dongmo soutient que l’article 236 de la Loi est inconstitutionnel dans la mesure où il interdit à la Cour d’entendre des demandes fondées sur des questions liées à la Charte. Ces questions n’ont pas été soulevées devant la Cour fédérale.

[4] Les normes de contrôle applicables en appel sont celles énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2022 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, à savoir la norme de la décision correcte relativement aux questions de droit et la norme de l’erreur manifeste et dominante relativement aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit.

[5] La juge de la Cour fédérale a correctement identifié le test applicable à une requête en radiation pour des motifs de compétence, en ce qu’il doit être évident et manifeste, en supposant que les faits allégués sont avérés ou prouvables, que la Cour n’a pas compétence quant à l’action du demandeur. Bien qu’aucun élément de preuve ne soit généralement admissible dans le cadre d’une requête en radiation soumise conformément à l’alinéa 221(1)a) des Règles, les éléments de preuve portant sur les faits attributifs de compétence sont admissibles lorsque la requête met en doute la compétence de la Cour (Adelberg c. Canada, 2024 CAF 106).

[6] Dans son avis d’appel et dans son mémoire des faits et du droit, M. Dongmo remet en cause l’adéquation de la Loi ainsi que l’efficacité et l’équité du régime qu’elle instaure en ce qui concerne la possibilité de bien traiter ses allégations. Bien que M. Dongmo avance plusieurs arguments, la seule question qui doit être tranchée en l’espèce est la suivante : la juge de la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en concluant que la Cour fédérale n’a pas compétence pour se prononcer sur l’action de M. Dongmo?

[7] Devant notre Cour, M. Dongmo allègue essentiellement que la Cour fédérale n’a pas évalué la totalité des faits pertinents et qu’elle a, de surcroît, omis de prendre en compte que l’organisme IMAJIN/YMAGIN (l’organisme à l’origine de l’invitation reçue par M. Dongmo dont il est question dans sa déclaration déposée devant la Cour fédérale) est une tierce partie et que, à ce titre, la Loi s’applique « partiellement ». M. Dongmo fait grand état devant nous de la décision Barber c. J.T., 2016 QCCA 1194 [Barber] à l’appui de son argument selon lequel la Cour fédérale aurait dû traiter de cette question. Cependant, aucune allégation de faute n’a été faite contre l’organisme IMAJIN/YMAGIN et cet argument n’appert ni dans son mémoire des faits et du droit ni dans son avis d’appel. Dans les circonstances la décision Barber ne lui est d’aucun recours.

[8] À la suite d’un examen détaillé des observations écrites de M. Dongmo et après avoir écouté attentivement ses arguments, je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale ait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante dans son appréciation des faits. Il est clair que les allégations formulées par M. Dongmo contre son employeur sont par nature des différends survenus dans le cadre de son emploi et donc susceptibles de faire l’objet de griefs dans le cadre de la procédure de grief prévue par la Loi. Sauf exception prévue par la Loi – qui ne s’applique pas en l’espèce –, l’article 236 constitue une interdiction totale pour les cours de se saisir d’actions de la nature de celle intentée par M. Dongmo (Davis c. Canada, 2024 CAF 115 aux para. 72‑75).

[9] M. Dongmo se plaint également du fait que la Cour fédérale n’a pas traité la question de la jonction de son action avec ses procédures pendantes devant la Commission canadienne des droits de la personne, le Commissariat à la protection de la vie privée et d’autres procédures intentées à la Cour fédérale (T-2593-23 et T-161-24). D’une part, cette préoccupation n’apparaît nulle part dans son avis d’appel; d’autre part, je ne vois pas pourquoi la Cour fédérale aurait ordonné la jonction de ces procédures alors qu’elle admettait la requête de l’intimé et radiait l’action de M. Dongmo.

[10] En ce qui concerne l’avis de question constitutionnelle, M. Dongmo a soulevé ces questions pour la première fois en appel, sans avoir fait mention de ses arguments dans son avis d’appel ni dans son mémoire des faits et du droit. Compte tenu de l’insuffisance du dossier dont nous disposons sur ces questions, du fait que nous ne bénéficions pas non plus d’une décision de la Cour fédérale sur ces questions et qu’il existe un risque sérieux de préjudice pour l’intimé, j’estime qu’il est prématuré d’émettre un avis sur la constitutionnalité d’une importante disposition législative. Dans ces circonstances, je déclinerais l’exercice du pouvoir discrétionnaire de notre Cour de traiter de ces questions (Ebadi c. Canada, 2024 CAF 39 aux para. 10‑15).

[11] En somme, j’estime que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur justifiant l’intervention de notre Cour. Je rejetterais donc l’appel avec dépens. L’intimé a présenté son mémoire de frais dans lequel il réclame la somme de 4 320 $ sur la base du Tarif B, Colonne III des Règles. Compte tenu des représentations des parties à cet égard, j’accorderais un montant forfaitaire de 2 500 $ dans les circonstances de la présente affaire.

« Peter G. Pamel »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin j.c.a. »

« Je suis d’accord.

George R. Locke j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-329-23

 

 

INTITULÉ :

FIRMIN NGUEPI DONGMO c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 mai 2025

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PAMEL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MAI 2025

 

COMPARUTIONS :

Firmin Nguepi Dongmo

 

Pour l'appelant

NON REPRÉSENTÉ

Marilyn Ménard

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l'intimé

 

 

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