Date : 20250613
Dossier : A-299-23
Référence : 2025 CAF 117
CORAM : |
LE JUGE BOIVIN LE JUGE LEBLANC LA JUGE ROUSSEL |
|
ENTRE : |
JASON M. CLOTH |
appelant |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
intimé |
Audience tenue à Montréal (Québec), le 11 juin 2025.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 juin 2025.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE ROUSSEL |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE BOIVIN LE JUGE LEBLANC |
Date : 20250613
Dossier : A-299-23
Référence : 2025 CAF 117
CORAM : |
LE JUGE BOIVIN LE JUGE LEBLANC LA JUGE ROUSSEL |
|
ENTRE : |
JASON M. CLOTH |
appelant |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
intimé |
MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE ROUSSEL
[1] Monsieur Cloth interjette appel d’un jugement de la Cour fédérale (2023 CF 1327) ayant rejeté sa demande de contrôle judiciaire d’une décision du ministre des Finances (ministre) refusant de recommander au gouverneur en conseil qu’un décret de remise soit pris en application du paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, c. F-11 (LGFP).
[2] De 2001 à 2003, monsieur Cloth a participé à un programme de dons avec effet de levier dont les détails sont décrits plus amplement dans Markou c. La Reine, 2018 CCI 66 aux paragraphes 9 à 24; conf. par 2019 CAF 299, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 39050 (le 7 mai 2020). Pour les fins du présent appel, il suffit de mentionner que le programme visait à donner aux participants des crédits d’impôt pour des dons de bienfaisance supérieurs au montant qu’ils avaient versé en espèces. L’Agence de revenu du Canada (ARC) a refusé les crédits d’impôt dans leur intégralité et les donateurs, dont monsieur Cloth, ont interjeté appel des nouvelles cotisations à l’ARC et par la suite devant la Cour canadienne de l’impôt. Dans le cadre des procédures, l’ARC a conclu une entente de règlement accordant un allégement partiel aux donateurs pour la partie en espèce des dons faits après le 20 décembre 2002 et les intérêts afférents. L’allégement a été accordé sur la base de modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (LIR) qui ont été adoptées en 2013 dans le cadre de la Loi de 2012 apportant des modifications techniques concernant l’impôt et les taxes, et qui comprenaient les règles sur les reçus pour dons pour une partie de la valeur, avec une date d’application rétroactive aux dons faits après le 20 décembre 2002.
[3] Étant donné que les dons ayant été faits avant le 21 décembre 2002 n’étaient pas visés par l’entente de règlement, monsieur Cloth, ainsi que plusieurs autres contribuables, ont présenté une demande de remise fondée sur l’argument qu’un traitement égal devait être accordé à l’ensemble des donateurs ayant participé au même programme de dons avec effet de levier, indépendamment de la date à laquelle les dons ont été faits. Dans une lettre datée du 5 avril 2017, le ministre a informé les contribuables qu’il ne recommanderait pas au gouverneur en conseil la remise sollicitée. Parmi les raisons invoquées, il a indiqué que toute modification législative a une date d’entrée en vigueur qui fait en sorte que certaines personnes ou circonstances seront visées par la loi modifiée alors que d’autres continueront d’être visés par l’ancienne loi.
[4] Monsieur Cloth a présenté une demande de contrôle judiciaire contestant le caractère raisonnable de la décision du ministre. Dans des motifs détaillés rendus le 4 octobre 2023, la Cour fédérale a conclu que la décision du ministre était raisonnable. Notamment, elle a jugé que le ministre n’avait pas mal interprété l’état du droit en 2002 et qu’il avait compris l’effet de la date rétroactive d’entrée en vigueur des mesures législatives. Elle a de plus jugé que la décision du ministre répondait aux arguments de monsieur Cloth voulant que le traitement différent des dons faits avant et après l’entrée en vigueur des amendements législatifs était injuste et arbitraire. À cet égard, elle a observé que la publication le 20 décembre 2002 d’un ensemble de propositions de modifications techniques à la LIR, lesquelles comprenaient les dispositions relatives aux reçus pour dons pour une partie de la valeur, écartait l’argument avancé par l’appelant fondé sur le caractère prétendument arbitraire de la date d’application rétroactive. Selon la Cour fédérale, le ministre a pris en compte la thèse selon laquelle les donateurs d’avant le 21 décembre 2002 et ceux d’après le 20 décembre 2002 devraient faire l’objet du même traitement, mais il l’a ultimement rejetée.
[5] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle établie dans Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 45-47, et confirmée dans Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42, aux paragraphes 10-12. Elles conviennent de plus que la Cour fédérale a correctement déterminé que la norme à appliquer à la décision du ministre est celle de la décision raisonnable.
[6] Je suis d’avis que monsieur Cloth n’a pas satisfait son fardeau de démontrer que la décision du ministre est déraisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, au para. 100). Les observations de monsieur Cloth sont sensiblement les mêmes que celles avancées en Cour fédérale, et je les rejette pour essentiellement les mêmes motifs que ceux énoncés par la Cour fédérale. Bien que cette Cour doive se mettre à la place de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision du ministre selon Agraira, lorsque la Cour fédérale semble avoir répondu entièrement à tous les arguments avancés, comme c’est le cas en l’espèce, l’appelant a le fardeau tactique d’établir en appel que le raisonnement de la Cour fédérale est erroné et justifie une intervention en appel (Banque de Montréal c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 189, au para. 4, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 39899 (le 7 avril 2022). Monsieur Cloth a certes exprimé un profond désaccord avec la décision de la Cour fédérale, tout comme avec celle du ministre, mais il n’a pas démontré une telle erreur.
[7] Comme la Cour fédérale l’a dûment souligné, un décret de remise commande un degré élevé de déférence compte tenu de la nature hautement discrétionnaire et exceptionnelle du pouvoir prévu à l’article 23(2) de la LGFP (Décision de la CF aux paras. 30, 55). Après révision du dossier et considération des représentations des parties, je suis convaincue que la décision du ministre refusant de recommander un décret de remise est raisonnable.
[8] Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens au montant forfaitaire de 3 500 $.
« Sylvie E. Roussel »
j.c.a.
“Je suis d’accord. |
Richard Boivin j.c.a.” |
“Je suis d’accord. |
René LeBlanc j.c.a.” |
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A-299-23 |
INTITULÉ : |
JASON M. CLOTH c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 11 juin 2025 |
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE ROUSSEL |
Y ONT SOUSCRIT |
LE JUGE BOIVIN LE JUGE LEBLANC |
DATE : |
LE 13 JUIN 2025 |
COMPARUTIONS :
Me Guy Du Pont, Ad.E. Me Cédric Primeau |
Pour l'appelant |
Me Louis Sébastien Kloé Sévigny |
pour l’intimé |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Davies Ward Phillips & Vineberg LLp Montréal, Quebec |
Pour l'appelant |
Shalene Curtis-Micallef Sous-procureure générale du Canada |
Pour l’intimé |