Date : 20250917
Dossier : A-261-24
Référence : 2025 CAF 166
CORAM : |
LE JUGE LEBLANC LA JUGE ROUSSEL LE JUGE PAMEL |
ENTRE : |
BRIAN CADIEUX |
demandeur |
et |
SYNDICAT UNI DU TRANSPORT, SECTION LOCALE 1415 et GREYHOUND CANADA TRANSPORTATION ULC |
défenderesses |
Audience tenue à Montréal (Québec), le 8 septembre 2025.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2025.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE ROUSSEL |
Y A (ONT) SOUSCRIT : |
LE JUGE LEBLANC LE JUGE PAMEL |
Date : 20250917
Dossier : A-261-24
Référence : 2025 CAF 166
CORAM : |
LE JUGE LEBLANC LA JUGE ROUSSEL LE JUGE PAMEL |
ENTRE : |
BRIAN CADIEUX |
demandeur |
et |
SYNDICAT UNI DU TRANSPORT, SECTION LOCALE 1415 et GREYHOUND CANADA TRANSPORTATION ULC |
défenderesses |
MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE ROUSSEL
[1] Monsieur Cadieux sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 2 août 2024 par le Conseil canadien des relations industrielles (2024 CCRI LD 5412). Dans cette décision, la présidente du Conseil accueille les demandes de réexamen présentées par les défenderesses et annule une décision antérieure du Conseil (2022 CCRI LD 4701). Celle-ci accueillait la plainte de M. Cadieux contre le Syndicat uni du transport, section locale 1415, pour manquement à son devoir de représentation juste et autorisait M. Cadieux à présenter en son propre nom une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision arbitrale confirmant la légalité de son congédiement en 2011.
[2] La présidente du Conseil conclut que la formation antérieure de trois membres a commis des erreurs de droit ou de principes qui soulèvent de sérieuses préoccupations quant à l’interprétation et à l’application de l’article 37 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L‑2.
[3] Dans sa demande devant notre Cour, M. Cadieux fait valoir divers moyens. Notamment, il soutient que la présidente du Conseil n’identifie aucune question susceptible de faire l’objet d’un réexamen. Il allègue de plus que la preuve démontrait que le Syndicat avait pris la décision de ne pas soumettre la décision arbitrale au contrôle judiciaire en 2017 de manière arbitraire et incompatible avec son devoir de représentation juste.
[4] La décision de la présidente du Conseil doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65).
[5] Je ne peux souscrire à l’argument de M. Cadieux selon lequel la présidente du Conseil n’a identifié aucune erreur de droit ou de politique soulevant un doute sérieux sur l’interprétation des dispositions du Code ou une question de politique générale du Conseil.
[6] Au contraire, la présidente du Conseil souligne que la formation antérieure a erré dans l’identification du point de départ du délai pour présenter une plainte pour manquement au devoir de représentation juste et qu’elle aurait dû conclure que la plainte de M. Cadieux n’avait pas été présentée dans les délais prescrits. Contrairement à ce qu’avait affirmé la première formation, elle juge que les circonstances ayant donné lieu à la plainte ne découlaient pas de la lettre de janvier 2021, mais remontaient plutôt à 2017. Elle conclut que la décision de la formation antérieure risque de compromettre le principe selon lequel le délai prévu pour adresser une plainte au Conseil débute au moment où le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance de la décision du syndicat de ne pas traiter la demande et le fait de soumettre au syndicat une deuxième demande, portant sur les mêmes questions que la première, n’atténue pas le défaut de présenter une plainte dans les délais prévus par le Code.
[7] La présidente du Conseil juge de plus que la formation antérieure a erré en concluant que le Syndicat s’était livré à une conduite arbitraire en ne considérant pas la demande de M. Cadieux pour autorisation à présenter une demande de contrôle judiciaire en son propre nom et en ayant omis d’y répondre formellement en 2021. Elle souligne qu’il est bien établi qu’un manque de communication ne constitue pas en soi un manquement au devoir de représentation lorsqu’il y a absence de préjudice. Elle explique que M. Cadieux savait depuis 2017 que le Syndicat avait décidé, après avoir procédé à sa propre évaluation, de ne pas demander un contrôle judiciaire de la décision arbitrale et qu’il s’opposait à sa demande d’autorisation auprès du Conseil de pouvoir le faire en son propre nom. Elle ajoute que le fait pour le Syndicat de ne pas avoir réitéré formellement sa position en 2021 n’a pas porté préjudice à la situation de M. Cadieux et la formation ne pouvait exiger que le Syndicat reconsidère une décision qu’il avait déjà prise en l’absence de nouvelle preuve qui pourrait avoir influencé sa décision initiale.
[8] Il était donc raisonnable, à mon avis, pour la présidente du Conseil de conclure que la formation antérieure avait commis des erreurs justifiant son intervention.
[9] Toutefois, j’estime qu’il était déraisonnable pour la présidente du Conseil de rejeter la plainte de M. Cadieux sans décider du fondement de la plainte pour manquement au devoir de représentation juste.
[10] Après avoir conclu que la formation antérieure avait erré en déterminant que la plainte de M. Cadieux n’était pas tardive, la présidente du Conseil souligne dans ses motifs qu’elle n’interviendra pas sur cette question puisque la formation antérieure « a également conclu que, si la plainte avait été hors délai, [elle] aurait exercé son pouvoir discrétionnaire afin de proroger le délai de 90 jours, compte tenu des circonstances »
(p. 9 de la décision). La décision de ne pas intervenir sur la question du délai signifie que le Conseil était validement saisi en 2021 d’une plainte pour manquement au devoir de représentation juste.
[11] En jugeant pertinente la conduite du Syndicat en 2017 plutôt que celle en 2021 pour les fins du réexamen, il incombait à mon avis à la présidente du Conseil d’examiner et de décider si la conduite du Syndicat en 2017 pouvait constituer un manquement au devoir de représentation juste selon l’article 37 du Code et la jurisprudence pertinente concernant les obligations du Syndicat dans le contexte de demandes de contrôle judiciaire. Plus particulièrement, un des reproches de M. Cadieux est que le Syndicat n’a pas examiné la nature des moyens qu’il entendait faire valoir dans une procédure de contrôle judiciaire. Or, même si les motifs de la présidente du Conseil font état de la conduite du Syndicat en 2017, ils ne comportent aucune analyse sur le caractère arbitraire ou non de cette conduite et ne font état d’aucune conclusion à cet égard. Le rejet pur et simple de la plainte par la présidente du Conseil fait en sorte que la plainte de M. Cadieux pour manquement au devoir de représentation juste demeure sans réponse et rend la décision déraisonnable.
[12] Pour ces motifs, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire avec dépens, j’annulerais la décision du Conseil et je retournerais le dossier au Conseil afin qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte des présents motifs.
« Sylvie E. Roussel »
j.c.a.
“Je suis d’accord. |
René LeBlanc j.c.a.” |
“Je suis d’accord. |
Peter G. Pamel j.c.a.” |
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A-261-24 |
INTITULÉ : |
BRIAN CADIEUX c. SYNDICAT UNI DU TRANSPORT, SECTION LOCALE 1415 et GREYHOUND CANADA TRANSPORTATION ULC |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 8 septembre 2025 |
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE ROUSSEL |
Y ONT (A) SOUSCRIT : |
Le JUGE LEBLANC LE JUGE PAMEL |
DATE DES MOTIFS : |
LE 17 SEPTEMBRE 2025 |
COMPARUTIONS :
Olivier Laurendeau |
Pour le demandeur BRIAN CADIEUX |
Tomas Vazquez Rojas |
Pour LA DÉFENDERESSE SYNDICAT UNI DU TRANSPORT, SECTION LOCALE 1415 |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Laurendeau Rasic, s.e.n.c. Montréal (Québec) |
Pour le demandeur BRIAN CADIEUX |
Robinson Sheppard Shapiro, S.E.N.C.R.L. L.L.P. Toronto (Ontario) |
Pour lA DÉFENDERESSE SYNDICAT UNI DU TRANSPORT, SECTION LOCALE 1415 |