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Date : 20251202


Dossier : A-293-24

Référence : 2025 CAF 216

CORAM :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

LE JUGE HECKMAN

 

 

ENTRE :

MARC-ANDRÉ ROUET

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (MINISTÈRE DE LA JUSTICE)

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 2 décembre 2025.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 2 décembre 2025.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE ROUSSEL

 


Date : 20251202


Dossier : A-293-24

Référence : 2025 CAF 216

CORAM :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

LE JUGE HECKMAN

 

 

 

ENTRE :

MARC-ANDRÉ ROUET

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (MINISTÈRE DE LA JUSTICE)

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 2 décembre 2025.)

LA JUGE ROUSSEL

[1] Me Rouet se pourvoit en appel d’un jugement de la Cour fédérale rendu le 23 août 2024 (2024 CF 1315). Ce jugement rejette la demande de contrôle judiciaire présentée par Me Rouet à l’encontre d’une décision du sous-ministre adjoint du secteur de la gestion du ministère de la Justice du Canada qui rejette son grief au palier final de la procédure de grief. Me Rouet contestait par voie de grief la décision de son employeur, le ministère de la Justice, de mettre fin à son emploi moins d’un an après son embauche alors qu’il était toujours dans sa période de stage.

[2] Devant la Cour fédérale, Me Rouet soutient que la décision du sous-ministre adjoint et celle de son employeur sont viciées par des manquements aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale. De manière générale, il allègue d’une part que son ancien employeur ne l’a pas prévenu qu’il procédait à une dernière évaluation de rendement et d’autre part, qu’il ne lui a pas par la suite procuré les documents justificatifs à cet égard, soit un rapport abrégé d’examen du rendement et un résumé chronologique des évènements. Ces documents auraient été préparés par l’ancienne superviseure de Me Rouet quelques semaines après son renvoi. Me Rouet soutient que le sous-ministre adjoint s’est basé, lors de son analyse du bien-fondé du grief, sur ces deux documents qui ne lui ont pas été communiqués.

[3] La Cour fédérale conclut que Me Rouet ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer que les principes de justice naturelle et d’équité procédurale ont été violés. Elle estime que Me Rouet n’a pas démontré que le sous-ministre adjoint avait effectivement consulté ces documents. À cet égard, elle souligne que Me Rouet n’a pas demandé la production d’un dossier certifié conformément à la règle 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, ni contre-interrogé le témoin de l’employeur, démarches qui auraient pu éclaircir si les documents en question étaient effectivement devant le sous-ministre adjoint au moment de la prise de décision. Elle rejette donc la demande de contrôle judiciaire.

[4] En appel de cette décision, Me Rouet reproche principalement à la Cour fédérale d’avoir erré dans l’application de la règle 317. Il soutient notamment qu’il n’était pas nécessaire d’avoir recours à cette règle pour établir que les documents en question étaient devant le sous-ministre adjoint, que ce dernier les a considérés et que Me Rouet en a été privé. Il plaide de plus que la Cour fédérale a erré en refusant d’examiner les violations alléguées en lien avec la décision de renvoi.

[5] Après avoir considéré les observations écrites et orales de Me Rouet, nous estimons que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur justifiant l’intervention de cette Cour.

[6] Nous sommes d’accord que rien n’oblige un demandeur à se prévaloir de la règle 317. Toutefois, dans les circonstances du présent dossier, il était tout à fait approprié pour la Cour fédérale de déterminer que le recours à la règle 317 s’imposait puisqu’elle ne disposait pas des éléments pouvant lui permettre de décider du dossier. Compte tenu des arguments qu’il avançait, il incombait à Me Rouet d’établir que les documents en question étaient devant le sous-ministre adjoint. Sans certification des documents en possession du sous-ministre adjoint au moment de la prise de décision, la Cour fédérale n’était pas convaincue que les documents en question étaient devant le sous-ministre adjoint. En l’instance, il n’était pas suffisant pour Me Rouet d’affirmer dans un affidavit qu’il avait été privé de documents.

[7] Me Rouet plaide que le recours à la règle 317 n’était pas nécessaire puisque la liste de documents qui apparait dans le mémoire initial du Procureur général du Canada devant la Cour fédérale équivaut à un aveu judiciaire que les documents en question étaient devant le sous-ministre adjoint.

[8] Il est vrai que le mémoire du Procureur général du Canada permet de croire que le sous-ministre adjoint avait les documents devant lui au moment de la prise de décision. Cependant, nous ne pouvons conclure à l’existence d’un aveu de la part du Procureur général du Canada puisque l’aveu allégué n’est pas formulé de manière claire et non ambiguë. La liste qui apparait dans le mémoire provient d’une ébauche d’une note de breffage préparée pour le sous-ministre adjoint et qui a été introduite en preuve par le déclarant du Procureur général du Canada. Les documents en question sont mentionnés comme documents en annexe à l’ébauche de la note de breffage. Or, le déclarant ne confirme pas que les documents justificatifs étaient effectivement devant le sous-ministre adjoint ou qu’il les a considérés pour rendre sa décision. Bien qu’il se soit prévalu de son droit au contre-interrogatoire, Me Rouet n’a pas questionné le déclarant sur la transmission de la note de breffage et des documents qui y étaient mentionnés et n’a pas cherché à confirmer que les documents en question étaient bel et bien devant le sous-ministre adjoint.

[9] En l’absence d’une certification des documents qui étaient devant le sous-ministre adjoint, nous ne pouvons conclure qu’il y a eu violation des principes de justice naturelle et d’équité procédurale dans le cadre de la procédure de grief.

[10] Enfin, bien qu’elle y réfère explicitement dans ses motifs, la Cour fédérale ne se prononce pas directement sur les allégations de violations aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale portant sur les circonstances entourant la fin de l’emploi de Me Rouet. Cependant, puisque le présent appel porte sur une décision de la Cour fédérale visant une demande de contrôle judiciaire, nous devons nous mettre à la place de la Cour fédérale et nous concentrer sur la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36; Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42).

[11] Me Rouet n’a pas démontré de manière convaincante que l’omission alléguée de l’employeur de respecter ses diverses lignes directrices et politiques en matière d’évaluation constitue une violation aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale. L’omission de les suivre à la lettre ne constitue pas automatiquement un manquement aux principes de justice naturelle et à l’équité procédurale. D’ailleurs, Me Rouet a reconnu à l’audience que l’employeur n’avait pas l’obligation de procéder à une évaluation formelle de rendement au moment du renvoi.

[12] Même si les documents justificatifs ont été préparés après le renvoi de Me Rouet, le dossier démontre que ce dernier a été informé tout au long de son emploi des attentes de l’employeur et des aptitudes qu’il devait améliorer au fur et à mesure des évènements et dans le cadre d’une évaluation de rendement mi-année. La lettre mettant un terme à son emploi fait également état de lacunes liées à la rédaction de documents juridiques et de communications écrites en général, à ses prestations devant la Cour et à ses relations interpersonnelles. Quoique la lettre de renvoi ne fasse pas mention de tous les évènements ayant mené à la décision de mettre fin à l’emploi de Me Rouet, les évènements qui sont mentionnés dans les documents justificatifs ne sont que des exemples de lacunes. Me Rouet n’a pas démontré que l’employeur avait l’obligation d’énumérer l’ensemble des lacunes reprochées.

[13] Pour l’ensemble de ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

« Sylvie E. Roussel »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-293-24

 

 

INTITULÉ :

MARC-ANDRÉ ROUET c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (MINISTÈRE DE LA JUSTICE)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 décembre 2025

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

LE JUGE HECKMAN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LA JUGE ROUSSEL

 

COMPARUTIONS :

Marc-André Rouet

 

Pour l'appelant

Pour son propre compte

 

Marc Séguin

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l'intimé

 

 

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