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Date : 20130924

Dossier : A-328-12

Référence : 2013 CAF 220

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

BELL HELICOPTER TEXTRON

CANADA LIMITÉE

appelante

et

EUROCOPTER

société par actions simplifiée

intimée

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), les 27 et 28 mai 2013.

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2013.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                             LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                             LE JUGE NOËL

LA JUGE TRUDEL

                                                                                                                                   


 

Date : 20130924

Dossier : A-328-12

Référence : 2013 CAF 220

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

BELL HELICOPTER TEXTRON

CANADA LIMITÉE

appelante

et

EUROCOPTER

société par actions simplifiée

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Bell Helicopter Textron Canada Limitée (Bell Helicopter) et Eurocopter ont été parties à une affaire de contrefaçon de brevet qui s’est conclue par le prononcé d’un jugement daté du 30 janvier 2012 publié sous la référence 2012 CF 113 (jugement sur la contrefaçon du brevet), dans lequel le juge Martineau de la Cour fédérale (juge) :

a) a déclaré que Bell Helicopter avait contrefait la revendication 15 du brevet canadien no 2 207 787 (brevet 787) appartenant à Eurocopter en utilisant un train d’atterrissage d’hélicoptère désigné comme étant le « train d’atterrissage Legacy »;

 

b) a déclaré que Bell Helicopter n’avait pas contrefait la revendication 15 du brevet 787 en utilisant et en vendant un train d’atterrissage d’hélicoptère désigné comme étant le « train d’atterrissage Production »;

c) a interdit à Bell Helicopter de fabriquer, d’utiliser ou de vendre le train d’atterrissage Legacy jusqu’à ce que le brevet 787 expire ou qu’un tribunal conclut par ailleurs qu’il est invalide; 

 

d) a déclaré qu’Eurocopter a droit à la totalité des dommages-intérêts, y compris les dommages-intérêts punitifs, qui résultent de la contrefaçon de la revendication 15 du brevet 787, le montant desquels sera fixé lors d’audiences ultérieures;

 

e) a invalidé la totalité des autres revendications du brevet 787.

 

 

 

[2]               Bell Helicopter et Eurocopter ont respectivement formé un appel et un appel incident contre le jugement sur la contrefaçon du brevet. L’appel et l’appel incident ont été rejetés par notre Cour pour des motifs prononcés en même temps que les présents motifs.

 

[3]               Postérieurement au jugement sur la contrefaçon du brevet, le juge a prononcé un autre jugement, daté du 3 juillet 2012, publié sous la référence 2012 CF 842, relatif à la question des dépens (jugement sur les dépens). Aux termes du jugement sur les dépens, Bell Helicopter a été condamnée à payer cinquante pour cent (50 %) des dépens d’Eurocopter (calculés selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B) en ce qui concerne les honoraires et les dépenses raisonnables qu’elle a engagés pour retenir les services d’un avocat principal, de deux avocats adjoints, des témoins experts, d’un avocat interne, d’un représentant technique ainsi que tous les autres dépens et débours taxables engagés avant, pendant et après l’instruction de l’instance ayant mené au jugement sur la contrefaçon du brevet.

 

[4]               Les présents motifs concernent l’appel formé par Bell Helicopter à l’encontre du jugement sur les dépens.

[5]               Le juge a conclu que de façon générale le jugement sur la contrefaçon du brevet donnait dans une large mesure raison à Eurocopter, et qu’elle avait par conséquent droit aux dépens. Étant donné cependant que Bell Helicopter a eu gain de cause en partie dans la défense relative à son train d’atterrissage Production, il a réduit ces dépens de 50 %. Il a également pris en compte le fait que Bell Helicopter avait prolongé inutilement la durée de l’instance en n’admettant pas des faits qui auraient dû être admis.

 

[6]               Bell Helicopter soutient que le jugement sur la contrefaçon du brevet a partiellement donné gain de cause aux deux parties et que, par conséquent, chaque partie devrait supporter ses dépens. Elle conteste aussi le fait qu’elle ait inutilement prolongé la durée de l’instance. En tout état de cause, Bell Helicopter allègue que le juge a commis une erreur en adjugeant des dépens en ce qui a trait au représentant technique d’Eurocopter et que cette dernière n’a pas produit d’affidavit au soutien de ses observations relatives aux dépens.

 

[7]               Le juge de première instance jouit d’un pouvoir discrétionnaire considérable en matière de dépens, et la décision d’un juge relative aux dépens échappe généralement à l’examen en appel : Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Commissaire des Douanes et du Revenu), 2007 CSC 2, [2007] 1 R.C.S. 38, aux par. 47et 49; Succession Odhavji c. Woodhouse, 2003 CSC 69, [2003] 3 R.C.S. 263, au par. 77.

 

[8]               L’attribution des dépens ne doit être annulée en appel que si elle est fondée sur une erreur de principe ou si elle est nettement erronée : Hamilton c. Open Window Bakery Ltd., 2004 CSC 9, [2004] 1 R.C.S. 303, au par. 27; Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371, au par. 43; Apotex Inc. c. Merck & Co., 2006 CAF 324, 55 C.P.R. (4th) 81, aux par. 3 et 4; Buhlman c. Buckley, 2012 CAF 9, 346 D.L.R. (4th) 251, au par. 8.

 

[9]               En l’espèce, le juge a conclu qu’Eurocopter avait dans une plus large mesure eu gain de cause. Je suis d’accord. Le juge a conclu que le train d’atterrissage Legacy de Bell Helicopter constituait une contrefaçon du brevet 787, et, en raison de cette contrefaçon, il a accordé une injonction interdisant à Bell Helicopter d’utiliser ou de vendre ce train d’atterrissage, ordonné la destruction de ces trains d’atterrissage fabriqués par Bell Helicopter, et déclaré qu’Eurocopter avait droit à des dommages-intérêts, y compris des dommages-intérêts punitifs.

 

[10]           Bien que le juge ait invalidé les revendications du brevet 787 relatives à la variante de l’invention selon laquelle la traverse avant est décalée vers l’arrière, ces revendications ne concernaient que très peu ou d’aucune façon l’action en contrefaçon intentée par Eurocopter. L’invalidation de ces revendications était une question secondaire n’ayant que peu d’incidence d’un point de vue pratique sur l’ensemble du litige. En outre, même si Bell Helicopter a obtenu gain de cause en ce qui concerne son train d’atterrissage Production, le juge a pris en compte ce facteur en réduisant de 50 % les dépens attribués à Eurocopter.

 

[11]           Le juge a de plus conclu que Bell Helicopter avait « prolongé inutilement la durée de l’instance en n’admettant pas des faits qu’elle aurait dû admettre » (motifs du jugement sur les dépens, au par. 49) donnant lieu à un examen des facteurs énoncés aux alinéas 400(3)i) et j) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Le juge a conclu que le propre témoin expert de Bell Helicopter, M. Hodges, a admis vers la fin de l’instruction que le train d’atterrissage Legacy comportait tous les éléments essentiels du brevet 787. Il s’agit d’une admission qui, de l’avis du juge, aurait dû être faite au début de l’instruction.

 

[12]           Bell Helicopter a fait valoir que si elle n’a jamais admis que le train d’atterrissage Legacy comportait les éléments essentiels du brevet 787, elle n’a néanmoins jamais nié ce fait : mémoire de Bell Helicopter relatif aux dépens, au par. 58. Ce n’est manifestement pas ce que le juge a retenu de la dynamique du procès. Dans le meilleur des cas, Bell Helicopter a adopté une position ambigüe en ce qui concerne le train d’atterrissage Legacy. Suivant l’appréciation de la dynamique du procès par le juge, Bell Helicopter a compliqué et prolongé inutilement le litige en maintenant cette ambigüité. Il s’agissait d’une conclusion que le juge était en droit de tirer et qui était étayée par la preuve.

 

[13]           Enfin, Bell Helicopter soutient que le juge a commis une erreur en adjugeant des dépens en ce qui a trait au représentant technique d’Eurocopter, M. Prud’homme Lacroix. Bien que M. Prud’homme Lacroix n’ait pas témoigné en tant qu’expert, le juge a conclu que son témoignage était particulièrement pertinent. Il convient de souligner que M. Prud’homme Lacroix est l’un des coinventeurs du train d’atterrissage divulgué dans le brevet 787 et que son témoignage a fourni au juge des renseignements de nature technique importants en ce qui concerne l’invention. De plus, il était le représentant et conseiller technique de facto d’Eurocopter tout au long de l’instance devant la Cour fédérale. Il relevait clairement du pouvoir discrétionnaire du juge d’adjuger des dépens pour M. Prud’homme Lacroix, vu qu’il était bien placé pour apprécier sa contribution pendant ce long procès.

 

[14]           En ce qui concerne l’argument de Bell Helicopter selon lequel Eurocopter aurait dû présenter une preuve par voie d’affidavit au soutien de sa requête pour directives à l’égard des dépens, je soulignerais simplement qu’il est possible de présenter des demandes de directives de cette nature sans soumettre de preuve par voie d’affidavit dans la mesure où elles sont étayées par des éléments de preuve présentés au cours de l’instance ou qu’elles s’appuient sur les connaissances du juge en regard du déroulement du procès : Wellcome Foundation Ltd. c. Apotex Inc. (2001), 12 C.P.R. (4th) 25 (CF 1re inst.), au par. 11(3); Eli Lilly c. Apotex Inc., 2011 CF 1143, au par. 8. En l’espèce, Bell Helicopter ne m’a pas convaincu que l’une ou l’autre des directives formulées par le juge à l’égard des dépens n’était pas ainsi étayée. 

 

[15]           Considérées à la lumière du contexte global des procédures, les directives formulées par le juge à l’égard des dépens se fondent sur des principes appropriés. Ces directives n’étaient certainement pas « manifestement erronées ».

 

[16]           Je rejetterais donc le présent appel, avec dépens en faveur d’Eurocopter.

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

     Marc Noël j.c.a. »

 

Je suis d’accord.

     Johanne Trudel j.c.a. »

 

 

 

 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-328-12

 

APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE MARTINEAU, DATÉ DU 3 JUILLET  2012, No 2012 CF 842

 

INTITULÉ :                                                                          Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, société par actions simplifiée

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Les 27 et 28 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                    LE JUGE MAINVILLE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           LE JUGE NOËL

                                                                                                LA JUGE TRUDEL  

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 24 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

Judith Robinson

Joanne Chriqui

 

POUR L’APPELANTE

 

 

Marek Nitoslawski

Julie Desrosiers

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Canada LLP

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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