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Date : 20131122

 


Dossier :

A-74-12

 

Référence : 2013 CAF 261

CORAM :      LE JUGE NOËL

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE MAINVILLE

                       

 

A-74-12

 

ENTRE :

BELL HELICOPTER TEXTRON

CANADA LIMITÉE

 

appelante

et

EUROCOPTER,

société par actions simplifiée

 

intimée

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2013.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE MAINVILLE

Y  ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NOËL

                                                                                                                           LA JUGE TRUDEL


 

 

Date : 20131122

 


Dossier :

A-74-12

 

Référence : 2013 CAF 261

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

LE JUGE MAINVILLE

 

 

 

A-74-12

 

ENTRE :

BELL HELICOPTER TEXTRON

CANADA LIMITÉE

 

appelante

et

EUROCOPTER,

société par actions simplifiée

 

intimée

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE MAINVILLE

[1]               À la suite d’un long procès, le juge Martineau de la Cour fédérale a rendu, le 30 janvier 2012, les motifs du jugement et jugement (publiés sous la référence 2012 CF113) dans une affaire de contrefaçon et de validité de brevet en relation avec le brevet canadien d’Eurocopter no 2 207 787 (brevet 787). Dans ce jugement :

a) il est déclaré que Bell Helicopter Textron Canada Limitée (Bell Helicopter) a contrefait la revendication 15 du brevet 787 en utilisant un train d’atterrissage d’hélicoptère désigné comme le « train Legacy »;

 

b) il est déclaré que Bell Helicopter n’a pas contrefait la revendication 15 du brevet 787 en utilisant et vendant un train d’atterrissage d’hélicoptère désigné comme le « train d’atterrissage Production »;

 

c) il est interdit à Bell Helicopter de fabriquer, d’utiliser ou de vendre le train Legacy, ou tout train d’atterrissage semblable jusqu’à l’expiration du brevet 787 ou qu’un tribunal conclut par ailleurs qu’il est invalide;  

 

d) il est déclaré qu’Eurocopter a droit à la totalité des dommages-intérêts, y compris les dommages-intérêts punitifs, qui résultent de la contrefaçon de la revendication 15 du brevet 787, dont le montant sera déterminé lors d’audiences ultérieures;

 

e) sont invalidées toutes les autres revendications du brevet 787.

 

 

[2]               Bell Helicopter a interjeté appel de ce jugement devant notre Cour et Eurocopter a formé un appel incident, notamment en ce qui concerne l’invalidation des revendications du brevet. Notre Cour a rejeté l’appel et l’appel incident dans un jugement rendu le 24 septembre 2013 pour les motifs énoncés dans l’arrêt Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, société par actions simplifée, 2013 CAF 219.

 

[3]               Eurocopter a maintenant présenté une requête écrite en vertu de l’article 397 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, demandant à notre Cour d’examiner à nouveau ses motifs. Dans le cadre de ce nouvel examen, Eurocopter demande que les paragraphes 157 et 158 des motifs rendus par notre Cour soient modifiés de façon à ce qu’il soit reconnu que le mémoire descriptif du brevet 787 prévoit que la réalisation de l’invention décrite dans la revendication 16 (elle-même invalidée) a l’avantage d’améliorer le comportement face à la résonance au sol des hélicoptères. Dans sa réplique à la documentation déposée par Bell Helicopter dans le cadre de la requête,  Eurocopter ajoute en des termes vagues que ces corrections aux paragraphes 157 et 158 des motifs de notre Cour devraient aussi l’inciter à examiner de nouveau son jugement.

 

[4]               Par le nouvel examen sollicité, Eurocopter cherche probablement à ce que notre Cour  a) conclue que le brevet 787 offre un raisonnement clair en ce qui concerne l’utilité de l’invention réalisée avec une traverse avant décalée vers l’arrière et b) modifie son jugement en conséquence en accueillant l’appel incident formé par Eurocopter en ce qui concerne la revendication 16 ainsi que les autres revendications ayant été invalidées.

 

[5]               Pour les motifs énoncés ci-dessous, je rejetterais la présente requête.

 

[6]               La revendication 15 du brevet 787 porte sur la réalisation du train d’atterrissage d’hélicoptère en cause comportant une traverse avant intégrée qui est décalée vers l’avant par rapport à la délimitation avant du plan de contact des plages longitudinales d’appui des patins au sol (réalisation décalée vers l’avant), alors que la revendication 16 de ce brevet vise la réalisation d’un train d’atterrissage selon laquelle la traverse avant intégrée est décalée vers l’arrière par rapport au plan de contact (réalisation décalée vers l’arrière).

 

[7]               Le juge Martineau a estimé que le mémoire descriptif du brevet 787 énonçait ce qui suit en ce qui concerne la réalisation décalée vers l’avant décrite dans la revendication 15 :

[351]       Il est indiqué dans le brevet 787 que le comportement dû à la résonance au sol est caractérisé en particulier par la rigidité de roulis du train d’atterrissage. À cet égard, les inventeurs mentionnent dans le mémoire descriptif que la variante selon laquelle les points d’appui de la traverse avant sont décalés longitudinalement vers l’avant de l’aéronef (revendication 15), comme dans le cas de la réalisation illustrée à la figure 1, a l’avantage de permettre au mouvement de roulis de l’ensemble de faire en sorte que la traverse avant fonctionne à la fois en torsion et en flexion, plutôt qu’en flexion pure.

 

[352]       C’est donc dire que la personne moyennement versée dans l’art, en lisant le mémoire descriptif, comprendrait qu’en réalisant un train d’atterrissage semblable à celui qui est illustré à la figure 1  [la réalisation décalée vers l’avant], il est possible d’améliorer le comportement de l’hélicoptère face à la résonance au sol (notamment dans le mode roulis). Même si une réduction de la rigidité en roulis n’est pas expressément promise, une meilleure adaptation de fréquence, relativement au phénomène appelé « résonance au sol », est certes une promesse importante du brevet 787, de pair avec d’autres avantages divulgués de l’invention. À ce stade, il faut se demander s’il existe des essais ou des données qui étayent une telle promesse.

 

            [Non souligné dans l’original]

 

[8]               Le juge Martineau a également conclu que les inventeurs avaient mis à l’essai avec succès la réalisation décalée vers l’avant décrite dans la revendication 15 du brevet 787 avant la date de dépôt et qu’ils avaient donc démontré son utilité : motifs du juge Martineau, aux par. 353 à 360.

 

[9]               Le juge Martineau a cependant invalidé la revendication 16 du brevet, et ce, parce que  contrairement à la revendication 15 concernant la réalisation décalée vers l’avant, il y a absence d’utilité démontrée ou de prédiction valable quant à une réalisation comportant la traverse avant intégrée décalée vers l’arrière : motifs du juge Martineau, au par. 360.

 

[10]           Le juge Martineau a tiré cette conclusion principalement pour les motifs suivants :

[362]       Selon le mémoire descriptif, la variante présentée à la figure 11e [la réalisation décalée vers l’arrière décrite dans la revendication 16] [traduction] « procure les avantages précis » qui sont mentionnés ailleurs dans le mémoire descriptif. C’est donc dire que la personne moyennement versée dans l’art comprendrait que dans le cas de cette réalisation particulière du train d’atterrissage Moustache, il est expressément promis par les inventeurs que cela permettrait à un fabricant d’hélicoptères de réduire ses coûts et de  combiner la flexibilité avec la sécurité sur le plan de la résonance au sol.

 

[363]       À part l’affirmation générale selon laquelle la réalisation illustrée à la figure 11e [traduction] « procure les avantages spécifiques » qui sont mentionnés ailleurs dans le mémoire descriptif, il n’existe aucune démonstration particulière dans le brevet ni aucune preuve testimoniale ou documentaire que, à la date de dépôt au Canada, les inventeurs avaient fabriqué et mis à l’essai un train d’atterrissage Moustache dont la traverse avant était décalée vers l’arrière.

 

[364]       Par ailleurs, M. Wood a été fort hésitant au procès à conclure que l’utilité promise d’une réalisation selon laquelle la traverse avant intégrée est décalée vers l’arrière avait été démontrée à la date de dépôt au Canada. Aucun calcul ou aucun essai n’avait été effectué avant la date de dépôt en vue de déterminer l’effet de cette configuration sur la résonance au sol.

 

[365]       À la date de dépôt au Canada, les inventeurs n’avaient aucune preuve qu’une inclinaison vers l’arrière présentait un avantage quelconque sur le plan de la résonance au sol. Par conséquent, l’avantage promis en rapport avec une réalisation incluse dans la revendication 16 du brevet est conjectural[e], et la Cour souscrit à l’affirmation des experts de Bell selon laquelle la prédiction ne repose sur aucun fondement factuel.

 

[366]       Par ailleurs, même si des experts d’Eurocopter ont laissé entendre que cette configuration donnerait également lieu à un train d’atterrissage flexible, la Cour souscrit au témoignage de M. Hodges comme quoi la personne moyennement versée dans l’art penserait qu’un tel train d’atterrissage [traduction] « pourra être plus vulnérable à un écrasement en cas d’impact que l’inclinaison avant, qui amènerait le train d’atterrissage à subir un mode de défaillance possible ».  

 

[367]       Même en admettant que les résultats présentés aux pages 9 à 14  et aux figures 12 et 13 du brevet 787 démontrent la flexion de la zone de transition d’un train d’atterrissage équipé d’une traverse avant décalée vers l’avant (revendication 15), il n’en demeure pas moins qu’il n’y a eu aucune démonstration au sujet d’un train d’atterrissage muni d’une traverse avant décalée vers l’arrière (revendication 16).

 

[368]       À défaut d’une preuve quelconque d’essais réels de la part des inventeurs, il est possible que ces derniers avaient en main des données qui leur aurai[en]t permis de prédire que la variante illustrée à la figure 11e (revendication 16) [traduction] « procure les avantages précis » qui sont mentionnés ailleurs dans le mémoire descriptif. S’il existait de telles données à l’époque, elles n’ont pas été produites au procès. Un  monopole ne peut pas être fondé sur des conjectures ou des suppositions. La Cour accepte, au moins sur ce point, l’opinion des experts de Bell, à savoir que les données disponibles n’étayaient pas une prédiction valable au sujet d’une réalisation incluse dans la revendication 16 (inclinaison vers l’arrière).

 

[369]       Après avoir examiné avec soin les preuves factuelles et d’expert, la Cour conclut selon la prépondérance des probabilités que, contrairement au principe clairement énoncé par la juge Layden-Stevenson dans la décision Eli Lilly c Novopharm, précitée, au paragraphe 60, les inventeurs n’avaient aucune information sur laquelle fonder la promesse qu’ils avaient expressément faite à l’égard de la variante présentée à la figure 11 e. L’utilité d’un train d’atterrissage d’hélicoptère, selon la revendication 16, n’avait pas été démontrée à la date de dépôt au Canada, soit le 5 juin 1997. De plus, les données pertinentes qui étaient disponibles avant le 5 juin 1997 ne permettaient pas aux inventeurs de prédire de manière valable le comportement d’un train d’atterrissage Moustache équipé d’une traverse avant décalée vers l’arrière, et, en tout état de cause, il n’y pas de raisonnement décrit dans le brevet 787 à cet égard.

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

 

[11]           Eurocopter a reconnu qu’elle n’avait jamais mis à l’essai une réalisation de l’invention comportant une traverse avant décalée vers l’arrière. Elle a quand-même soutenu dans son appel incident qu’elle avait démontré l’utilité de la réalisation avec inclinaison vers l’arrière au moyen de calculs mathématiques ou, subsidiairement, par une prédiction valable. Elle a expressément fait valoir (au par. 147 de son mémoire des faits et du droit produit dans le cadre de son appel incident) que le juge Martineau avait commis une erreur en concluant qu’aucun raisonnement valable n’avait été décrit dans le brevet 787 en ce qui concerne la réalisation avec inclinaison vers l’arrière. À la note de bas de page 251 de son mémoire déposé dans le cadre de son appel incident, Eurocopter a expressément cité à cet égard la ligne 20 de la page 3 jusqu’à la ligne 3 de la page 4 du brevet 787, dont la version française originale est reproduite ci-dessous :

La variante selon laquelle les points d’appui au sol de la traverse avant sont déportés longitudinalement vers l’avant de l’appareil par rapport aux points de fixation sur la structure de celui-ci présente l’avantage de permettre que le fonctionnement en roulis de l’ensemble fasse travailler la traverse avant à la fois en torsion et en flexion au lieu d’en flexion pure. Il en résulte une raideur en roulis abaissée, ce qui améliore le comportement de l’hélicoptère en résonance sol dans le mode de roulis, ce qui évite tout phénomène divergent risquant de causer un accident.

 

 

 

[12]           Notre Cour a rejeté ces arguments présentés par Eurocopter et a plutôt confirmé les conclusions du juge Martineau en ce qui concerne l’absence de démonstration d’utilité et de prédiction valable relativement à une réalisation avec inclinaison vers l’arrière. Plus particulièrement, voici ce que notre Cour a déclaré aux paragraphes 157 à 162 de ses motifs :

[157]       Toutefois, le mémoire descriptif indique également que c’est la réalisation de l’invention selon laquelle la traverse avant est inclinée vers l’avant (comme il est divulgué dans la revendication 15) qui « a l’avantage de permettre au mouvement de roulis de l’ensemble de faire en sorte que la traverse avant fonctionne à la fois en torsion et en flexion, plutôt qu’en flexion pure » : motifs, par. 351.

 

[158]       Comme l’a indiqué le juge (par. 352 des motifs) une personne versée dans l’art lisant le mémoire descriptif comprendrait de ce qui précède que la réalisation comportant une traverse avant inclinée vers l’avant améliorerait le comportement de l’hélicoptère sur le plan de la résonance au sol, notamment dans le mode roulis. Toutefois, à la lecture du mémoire descriptif, une personne versée dans l’art ne tirerait pas facilement la même conclusion en ce qui concerne la réalisation comportant une traverse avant décalée vers l’arrière, vu l’absence de démonstration ou d’explication à cet égard dans le mémoire descriptif (motifs, par. 363).

 

[159]       En l’espèce, Eurocopter n’a fourni aucun élément de preuve établissant qu’elle avait antérieurement à la date pertinente démontré ou prédit de façon valable l’utilité d’une réalisation de l’invention avec inclinaison vers l’arrière. Eurocopter ne l’a pas fait dans le mémoire descriptif du brevet et elle ne s’est pas acquittée de ce fardeau de preuve lors de l’audience. Dans son mémoire, elle attire l’attention sur le témoignage de M. Pierre Prud’homme Lacroix, mais elle ne révèle rien dans celui-ci qui puisse constituer une preuve convaincante de l’existence d’une prédiction valable relative à la réalisation avec inclinaison vers l’arrière.

 

[160]       Eurocopter fait cependant valoir qu’elle n’était pas tenue de faire une preuve d’utilité ou de prédiction valable en ce qui concerne la réalisation avec inclinaison vers l’arrière vu qu’il incombait à Bell Helicopter de s’acquitter du fardeau de démontrer l’invalidité pour ce motif.

 

[161]       Je suis d’accord pour dire que Bell Helicopter était tenue de présenter des éléments de preuve établissant que les inventeurs n’avaient pas démontré ou prédit de façon valable l’utilité revendiquée de la réalisation de l’invention comportant la traverse avant inclinée vers l’arrière. Cette preuve a été soumise par Bell Helicopter et, de toute évidence, acceptée par le juge : déclaration d’expert de M. Hodges, aux par. 132 et 171 (DA, vol. 11, onglet 149 aux p. 2876 et 2886); déclaration d’expert de M. Gandhi, au par. 124 (DA, vol. 12, onglet 162, à la p. 3126). Comme l’a indiqué M. Hodges, aucun document n’a été fourni par Eurocopter en ce qui concerne la réalisation de l’invention comportant la traverse avant inclinée vers l’arrière et cette réalisation a paru plus vulnérable à un écrasement en cas d’impact.

 

[162]       Il incombait à Eurocopter de présenter des éléments de preuve pour réfuter les experts de Bell Helicopter. Compte tenu de l’absence de preuve de tests ou de calculs de nature à étayer un raisonnement valable relativement à cette réalisation à la date de la demande du brevet 787, les arguments d’Eurocopter doivent être rejetés.  

 

 

 

[13]           Eurocopter soutient maintenant que les paragraphes 157 et 158 des motifs de la Cour ont été rédigés par inadvertance ou découlent d’une faute de transcription. Au soutien de sa requête en réexamen, elle fait encore valoir exactement le même argument que celui qu’elle avait présenté au départ au paragraphe 147 de son mémoire des faits et du droit déposé dans le cadre de son appel incident, c’est-à-dire que le passage allant de la ligne 20 de la page 3 à la ligne 3 de la page 4 du brevet 787 (reproduit ci-dessus) contient un raisonnement valable prouvant l’utilité de la réalisation avec inclinaison vers l’arrière.

 

[14]           La requête d’Eurocopter devrait être rejetée pour trois motifs principaux.

 

[15]           Premièrement, la requête d’Eurocopter constitue une tentative plutôt grossière d’invoquer à nouveau un motif d’appel qu’elle avait déjà soulevé dans son mémoire des faits et du droit dans le cadre de son appel incident. Comme l’a souligné le juge Hugessen dans l’affaire Kibale c. Canada (Transports Canada) (C.A.F.) (1988), 103 N.R. 387, la règle permettant le réexamen n’est pas « un instrument permettant à la partie qui échoue de bonifier ou de compléter son plaidoyer ». Elle n’est pas non plus un instrument permettant à un plaideur de débattre une seconde fois une question dans l’espoir que la Cour change d’avis.

 

[16]           Deuxièmement, les conclusions du juge Martineau reproduites ci-dessus, pleinement confirmées par notre Cour, reposaient sur une interprétation du mémoire descriptif du brevet considéré dans son ensemble, notamment sur les dessins reproduits dans le brevet. En outre, ces conclusions ont été tirées en tenant compte de l’abondante preuve d’expert présentée au juge Martineau quant à la manière dont une personne versée dans l’art comprendrait le mémoire descriptif et les revendications du brevet.

 

[17]           Le juge Martineau a de toute évidence reconnu que le mémoire descriptif du brevet 787 indiquait que la réalisation avec inclinaison arrière avait produit les avantages revendiqués par les inventeurs, y compris une amélioration du comportement face à la résonance au sol. Toutefois, le juge Martineau a aussi conclu que le simple fait de promettre des avantages n’équivalait pas à la formulation d’un raisonnement valable. Il a également conclu que le brevet ne contenait aucun raisonnement convaincant concernant la réalisation avec inclinaison arrière. Notre Cour est du même avis. Ainsi, l’argument présenté par Eurocopter au paragraphe 147 de son mémoire des faits et du droit déposé dans le cadre de l’appel incident a clairement été rejeté par notre Cour.

 

[18]           Troisièmement, même si le juge Martineau avait commis une erreur dans le cadre de la présente affaire, et même si le mémoire descriptif du brevet 787 divulguait une certaine forme de  raisonnement en ce qui concerne la réalisation avec inclinaison vers l’arrière, ces facteurs ne favoriseraient pas l’atteinte des résultats visés par Eurocopter. En fait, Bell Helicopter a présenté des éléments de preuve établissant que les inventeurs n’avaient ni démontré ni prédit de façon valable l’utilité promise de la réalisation de l’invention selon laquelle la traverse avant est inclinée vers l’arrière. Il aurait donc toujours incombé à Eurocopter de réfuter cette preuve en présentant ses propres éléments de preuve constitués de tests ou de calculs de nature à étayer un raisonnement valable relativement à cette réalisation à la date de demande du brevet 787. Or, Eurocopter ne l’a pas fait. Par conséquent, son appel incident serait quand-même rejeté.

[19]           Comme dernière question d’ordre procédural, Bell Helicopter conteste la pertinence de l’affidavit souscrit par Julie Desrosiers (avocate à l’emploi de la firme représentant Eurocopter) au soutien de la requête d’Eurocopter. Cet affidavit n’a pas simplement comme objectif de verser au dossier certains faits ou documents non contestés. Il vise plutôt à énoncer une interprétation précise du brevet 787 émanant d’une personne qui n’est manifestement pas une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention. L’affidavit contient même un nouveau dessin n’ayant jamais été versé au dossier auparavant. Il contient aussi des arguments et est en grande partie non pertinent. L’affidavit est inapproprié, et il devrait être écarté et radié du dossier. Comme il a été noté dans l’arrêt Merk & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, 30 C.P.R. (4th) 40, au paragraphe 48, notre Cour n’accorde que peu de poids aux affidavits portant sur des questions de fond en litige souscrits par les avocats.

 

[20]           Je radierais donc du dossier l’affidavit de Julie Desrosiers souscrit le 4 octobre 2013. Je rejetterais également la requête d’Eurocopter avec dépens.

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

     Marc Noël, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

     Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme.

Jean-Jacques Goulet, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                                                                A-74-12

 

INTITULÉ :

BELL HELICOPTER TEXTRON CANADA LIMITÉE c. EUROCOPTER, société par actions simplifiée

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                     LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                           LE JUGE NOËL

                                                                                                LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 22 novembre 2013

 

OBSERVATIONS ÉCRITES:

Judith Robinson

Joanne Chriqui

 

POUR L’APPELANTE

Marek Nitolawski

Julie Desrosiers

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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