Date : 20131202
Dossier : A‑266‑13
Référence : 2013 CAF 277
CORAM : LE JUGE EVANS
LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
ENTRE : |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE |
appelant |
et |
RAPHAEL CARRERA (ALIAS RAFFAELE MILONE) |
intimé |
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 2 décembre 2013.
Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 2 décembre 2013.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE STRATAS
Date : 20131202
Dossier : A‑266‑13
Référence : 2013 CAF 277
CORAM : LE JUGE EVANS
LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
ENTRE : |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE |
appelant |
et |
RAPHAEL CARRERA (ALIAS RAFFAELE MILONE) |
intimé |
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 2 décembre 2013.)
LE JUGE STRATAS
[1] Le 18 juillet 2013, la Cour fédérale a annulé la décision du ministre de refuser la demande de transfèrement de M. Carrera d'une prison américaine à une prison canadienne : 2013 CF 798. M. Carrera avait demandé son transfert sous le régime de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21 (dans sa version en vigueur au moment de la demande).
[2] La Cour fédérale avait estimé que la décision du ministre était déraisonnable. À son avis, le dossier dont avait été saisi le ministre l'obligeait à mieux expliquer pourquoi la demande de transfèrement de M. Carrera devait être rejetée. De plus, la Cour fédérale a conclu que le ministre avait appliqué de façon déraisonnable les facteurs devant être pris en compte sous le régime de la Loi.
[3] Dans le présent appel interjeté contre la décision de la Cour fédérale relative à la demande de contrôle judiciaire, la Cour doit déterminer si la Cour fédérale a choisi la bonne norme de contrôle et l'a appliquée correctement.
[4] Les parties conviennent que la Cour fédérale a déterminé à bon droit que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable. Elles ne s'entendent toutefois pas sur la question de savoir si la Cour fédérale a appliqué la norme correctement.
[5] Le ministre a fait valoir un seul point à notre Cour. Il dit avoir, raisonnablement, estimé que M. Carrera avait quitté le Canada « avec l'intention de ne plus considérer le Canada comme le lieu de sa résidence permanente », au sens de l'alinéa 10(1)b) de la Loi, et que cet élément à lui seul justifiait le refus de la demande de transfèrement. Autrement dit, selon le ministre, l'abandon du Canada comme lieu de résidence permanente est un obstacle incontournable selon la Loi.
[6] Nous estimons que l'appel doit être rejeté avec dépens. À notre avis, une interprétation qui privilégie le facteur de l'abandon prévu à l'alinéa 10(1)b) de la Loi par rapport à tous les autres facteurs énoncés à l'article 10 ne constitue pas une interprétation raisonnable de la Loi. L'article 10, interprété dans son sens littéral, oblige le ministre à prendre en compte tous les facteurs énumérés. Il n'accorde pas la primauté à un facteur en particulier. De plus, toute décision doit être rendue en mettant à l'avant‑plan les objets légaux énoncés à l'article 3. Enfin, le ministre doit également prendre en considération le droit du délinquant d'entrer au Canada aux termes de l'article 6 de la Charte : Divito c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 47, [2013] 3 R.C.S. 157, au paragraphe 49.
[7] Il est vrai que dans des cas particuliers, le ministre peut estimer que le facteur énoncé à l'alinéa 10(1)b) doit se voir accorder un poids considérable. Si telle avait été l'opinion du ministre en l'espèce, nous n'en aurions pas moins jugé qu'il lui incombait de prendre en compte les autres facteurs énoncés à l'article 10 et d'expliquer pourquoi il rendait une décision différente des évaluations faites par le directeur de l'Unité des transfèrements internationaux du Service correctionnel du Canada et militant en faveur du transfèrement : LeBon c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 132, au paragraphe 23; motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 24. La décision du ministre, lorsqu'elle est analysée en fonction du dossier, y compris les évaluations du directeur, doit être intelligible et transparente et se justifier : paragraphe 11(2) de la Loi; Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47.
[8] Par conséquent, nous convenons avec la Cour fédérale que l'affaire doit être renvoyée au ministre pour qu'il rende une nouvelle décision sans délai.
[9] Afin de faciliter le nouvel examen par le ministre, nous proposons les conseils suivants, outre les commentaires susmentionnés :
● Le ministre doit prendre en considération et apprécier tous les facteurs énoncés à l'article 10, à la lumière des objets de la Loi énoncés à l'article 3, à savoir « faciliter l'administration de la justice » et « la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants » en « permettant à ceux‑ci de purger leur peine dans le pays dont ils sont citoyens ou nationaux ». Les valeurs énoncées à l'article 6 de la Charte doivent aussi être prises en compte. Le ministre doit appliquer la Loi dans la version qui était en vigueur au moment où M. Carrera a demandé son transfèrement.
● L'alinéa 10(1)b) de la Loi oblige le ministre à déterminer si le délinquant « a quitté le Canada ou est demeuré à l'étranger avec l'intention de ne plus considérer le Canada comme le lieu de sa résidence permanente ». Nous convenons avec l'avocat du ministre que cet alinéa suppose une analyse rétrospective — et non pas prospective — de la question de l'abandon. Cependant, même s'il s'agissait bien d'un abandon, le ministre doit toujours procéder à l'examen décrit au point précédent.
[10] Pour les motifs susmentionnés, nous rejetons l'appel du ministre avec dépens. Les parties ont convenu que nous devrions fixer les dépens du présent appel à 2 500 $.
« David Stratas »
Juge
Traduction certifiée conforme
Yves Bellefeuille, réviseur
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A‑266‑13
APPEL D'UN JUGEMENT RENDU LE 18 JUILLET 2013 PAR LE JUGE HUGHES DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA DANS LE DOSSIER T‑2198‑12
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE c. RAPHAEL CARRERA (ALIAS RAFFAELE MILONE)
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 2 décembre 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR : LE JUGE EVANS
LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR : LE JUGE STRATAS
COMPARUTIONS :
Michael J. Sims
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POUR L'APPELANT
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John Norris
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POUR L'INTIMÉ
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada
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POUR L'APPELANT |
John Norris Avocat Toronto (Ontario) |
POUR L'INTIMÉ |