Date : 20131204
Dossier : A‑400‑10
Référence : 2013 CAF 282
CORAM : LE JUGE EVANS
LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
ENTRE :
APOTEX INC.
appelante
et
ELI LILLY CANADA INC.
intimée
et
ELI LILLY AND COMPANY LIMITED
intimée/titulaire du brevet
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
intimé
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 4 décembre 2013.
Jugement prononcé à l'audience à Toronto (Ontario), le 4 décembre 2013.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EVANS
Date : 20131204
Dossier : A‑400‑10
Référence : 2013 CAF 282
CORAM : LE JUGE EVANS
LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
ENTRE :
APOTEX INC.
appelante
et
ELI LILLY CANADA INC.
intimée
et
ELI LILLY AND COMPANY LIMITED
intimée/titulaire du brevet
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 4 décembre 2013)
LE JUGE EVANS
[1] La Cour est saisie de l'appel interjeté par Apotex Inc. (Apotex) à l'égard de la décision de la juge Gauthier (la juge) de la Cour fédérale (2010 CF 952) rejetant une requête présentée par Apotex en vertu de l'article 399 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.
[2] Dans sa requête, Apotex a demandé à la Cour d'annuler une ordonnance accordée à Eli Lilly Canada Inc. (Lilly), l'intimée dans le présent appel, qui interdit au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité à Apotex à l'égard de ses produits d'olanzapine jusqu'à l'expiration du brevet canadien no 2 041 113 (le brevet 113) détenu par Lilly. Apotex a de plus demandé à la juge de rejeter la demande ayant donné lieu à l'ordonnance d'interdiction.
[3] Le point central de la décision de la juge est que même si le brevet 113 était finalement jugé invalide lors d'un recours contestant sa validité, question qui n'avait pas été définitivement tranchée à l'époque, il ne s'agirait pas de faits nouveaux survenus après que l'ordonnance d'interdiction eut été rendue, au sens de l'alinéa 399(2)a) des Règles. Après l'audition de la requête, la Cour d'appel fédérale a conclu, dans l'arrêt Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Inc., 2010 CAF 155 (Syntex), « qu'il n'est pas nécessaire d'annuler l'ordonnance d'interdiction lorsque le brevet expire par suite d'une déclaration d'invalidité » (paragraphe 30 des motifs de la juge).
[4] En interjetant appel de l'ordonnance de la juge, Apotex reconnaît qu'elle demande à la Cour de réexaminer une question qui a déjà été tranchée, et que si la Cour refuse de le faire, elle ne peut avoir gain de cause dans le présent appel.
[5] La question en litige est celle de savoir si la déclaration d'invalidité d'un brevet permet à la Cour de modifier son ordonnance antérieure et de rejeter une demande d'interdiction présentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement), lorsque l'ordonnance antérieure interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration d'un brevet figurant sur la liste présentée par un demandeur concernant un nouveau médicament et inscrit par le ministre au registre des brevets en ce qui concerne ce médicament.
[6] Notre Cour a affirmé à plusieurs reprises de façon non équivoque que la décision portant qu'un brevet est invalide ne l'autorise pas à revenir en arrière et à rejeter rétroactivement une demande d'ordonnance d'interdiction ayant été accordée au motif que l'allégation d'absence de contrefaçon ou d'invalidité contenue dans un avis d'allégation n'était pas justifiée : voir en particulier Syntex, au paragraphe 36, et Pfizer Canada Inc. c. Ratiopharm Inc., 2011 CAF 215 (Ratiopharm).
[7] L'importance pratique de la question est qu'un fabricant de produits pharmaceutiques génériques peut solliciter des dommages‑intérêts aux termes de l'article 8 du Règlement si une demande d'ordonnance d'interdiction présentée en vertu du paragraphe 6(1) est retirée, fait l'objet d'un désistement ou est rejetée, ou encore si l'ordonnance d'interdiction, le cas échéant, est annulée en appel. Étant donné qu'une ordonnance ultérieure déclarant qu'un brevet qui figure au registre est invalide n'est pas l'un des cas envisagés, elle ne peut justifier une demande de dommages‑intérêts de la part du fabricant de produits génériques pour la perte de profits subie au cours de la période pendant laquelle son produit a été exclu du marché en raison de l'ordonnance d'interdiction.
[8] Notre Cour étant normalement liée par ses propres décisions, Apotex ne peut obtenir gain de cause dans le présent appel que si elle nous convainc que les arrêts Syntex et Ratiopharm ne devraient pas être suivis parce qu'ils sont « manifestement erronés », au sens restreint donné à cette expression dans l'arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, aux paragraphes 8, 10 et 22 (Miller). Ces arrêts n'ont pas été rendus par erreur, pas plus qu'ils n'ont été ultérieurement écartés ou restreints de façon importante par des arrêts de la Cour suprême du Canada.
[9] Nous tenons à souligner que le principe selon lequel l'intérêt public commande d'éviter le gaspillage de ressources limitées — judiciaires ou autres — en soumettant à un nouvel examen une question déjà tranchée est un fondement important de l'arrêt Miller.
[10] Le principal argument avancé par Apotex dans le présent appel pour justifier notre réexamen de la question tranchée dans les arrêts Syntex et Ratiopharm est que la Cour s'est appuyée sur une décision de la Cour d'appel de l'Angleterre, Unilin Beheer BV v. Berry Floor NV, [2007] EWCA Civ. 364 (Unilin), qui a été par la suite écartée par la Cour suprême du Royaume‑Uni dans l'arrêt Virgin Airways Limited v. Zodiac Seats UK Limited, [2013] UKSC 46.
[11] Nous ne sommes pas d'accord pour dire que cet argument établit que les arrêts Syntex et Ratiopharm étaient « manifestement erronés » au sens de l'arrêt Miller. En particulier, nous ne sommes pas d'avis que ces décisions, ou celle visée par le présent appel, reposaient suffisamment sur l'arrêt Unilin pour justifier leur réexamen par notre Cour. Ces décisions concernaient l'interprétation du régime légal très particulier créé par le Règlement, notamment la cause d'action créée par l'article 8. L'arrêt Unilin ne portait pas sur ce point. Normalement, les décisions, plus ou moins analogues, rendues ultérieurement par des tribunaux étrangers ne permettent pas d'établir qu'une décision contraire rendue par un tribunal canadien était « manifestement erronée ».
[12] Quelle que soit la pertinence des arguments invoqués par Apotex pour soutenir que les arrêts Syntex et Ratiopharm sont erronés et contraires à l'économie et à l'objet du Règlement, ils relèvent davantage d'une demande d'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada.
[13] Pour ces raisons, et malgré les arguments fort valables invoqués par les avocats d'Apotex, nous ne pouvons conclure que la juge a commis, en exerçant son pouvoir discrétionnaire de rejeter la requête, une erreur justifiant l'intervention de la Cour. Par conséquent, l'appel sera rejeté avec dépens.
« John M. Evans »
j.c.a.
Traduction certifiée conforme
Yves Bellefeuille, réviseur
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A‑400‑10
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE LA JUGE GAUTHIER DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA RENDUE LE 24 SEPTEMBRE 2010, NUMÉROS DE DOSSIER T‑156‑05 ET T‑787‑05
INTITULÉ : APOTEX INC. c. ELI LILLY CANADA INC. et ELI LILLY AND COMPANY LIMITED et LE MINISTRE DE LA SANTÉ
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 4 décembre 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR : LE JUGE EVANS
LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR : LE JUGE EVANS
COMPARUTIONS :
Andrew Brodkin Sandon Shogilev
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POUR L'APPELANTE
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Anthony Creber Marc Richard |
POUR LES INTIMÉS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Goodmans LLP Toronto (Ontario)
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POUR L'APPELANTE
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Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l. Toronto (Ontario) |
POUR LES INTIMéS
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