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Date : 20131209

Dossier : A-43-13

Référence : 2013 CAF 286

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE O'REILLY (d'office)

 

ENTRE :

GREG IRVINE, GUY RICHARD JOHNSON, FRANK PETER DEHEER, KURTIS ENGLAND, RONALD LYVER, CHRISTOPHER TERRANCE MATECHUK, PATRICK MACISSAC, BRIAN MEARS, MITCH ROWLAND, J. P. PAUL SIMARD, ED HALL, STEVE VIGOR, PETER SHERSTAN, SEAN LOWE, AL BAIRD, MARC KOREMAN, PAUL WHITE, RON CHRISTIANSON, ROB LIDGETT, WILL WARK, GORD CORBETT, MARCO LOU, SHANE POWERS, BOB VATAMANIUCK, JAY PENNER, JIM LANK, DAVE ALBRECHT, TOM MATERI, PETER ROSS, DAN JAKEL, PHIL TAWTEL, BILL HAMILTON, DARRYL URANO, KEITH O'NEILL, DAVID GAZLEY, RAYMOND PEACOCKE, RANDALL PEARSON et JASON PERRY

appelants

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 2 octobre 2013.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2013.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                         LE JUGE O'REILLY (d'office)

 



Date : 20131209

Dossier : A-43-13

Référence : 2013 CAF 286

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE O'REILLY (d'office)

 

ENTRE :

GREG IRVINE, GUY RICHARD JOHNSON, FRANK PETER DEHEER, KURTIS ENGLAND, RONALD LYVER, CHRISTOPHER TERRANCE MATECHUK, PATRICK MACISSAC, BRIAN MEARS, MITCH ROWLAND, J. P. PAUL SIMARD, ED HALL, STEVE VIGOR, PETER SHERSTAN, SEAN LOWE, AL BAIRD, MARC KOREMAN, PAUL WHITE, RON CHRISTIANSON, ROB LIDGETT, WILL WARK, GORD CORBETT, MARCO LOU, SHANE POWERS, BOB VATAMANIUCK, JAY PENNER, JIM LANK, DAVE ALBRECHT, TOM MATERI, PETER ROSS, DAN JAKEL, PHIL TAWTEL, BILL HAMILTON, DARRYL URANO, KEITH O'NEILL, DAVID GAZLEY, RAYMOND PEACOCKE, RANDALL PEARSON et JASON PERRY

appelants

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Les appelants sont membres du Groupe tactique d'intervention (GTI) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à la division K (Alberta). Ils ont présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire visant la décision d'un arbitre de niveau II de la GRC, qui a déterminé qu'ils n'avaient pas droit à une indemnité pour les heures pendant lesquelles ils étaient en disponibilité. La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire (2012 CF 1370). Les appelants interjettent maintenant appel de la décision rendue par la Cour fédérale.

 

Les faits

[2]               Les faits sont décrits en détail dans la décision de la Cour fédérale. Pour les besoins du présent appel, il suffit d'expliquer que le GTI est composé d'une équipe d'assaut et de tireurs d'élite et observateurs qui ont reçu une formation spécialisée en matière d'équipement et de procédures tactiques. Comme le juge de la Cour fédérale l'a expliqué dans ses motifs, le GTI peut intervenir pour fournir une assistance armée dans les situations d'urgence, notamment les prises d'otages, les arrestations à risque élevé, ou encore dans les pénitenciers. Le service dans un GTI est volontaire.

 

[3]               On s'attend à ce que les membres du GTI soient disponibles pour intervenir dans les situations d'urgence au moment où elles se produisent. Ainsi, les membres du GTI sont tenus de porter un téléavertisseur en tout temps (sauf s'ils ont donné un avis indiquant qu'ils se trouveront à l'extérieur de la division). Qui plus est, les membres du GTI ne doivent rien faire qui puisse nuire à leur capacité d'intervenir dans une situation d'urgence. Parmi les comportements interdits, mentionnons la consommation d'alcool et les déplacements en région éloignée.

 

[4]               Les appelants ne sont pas indemnisés pour le maintien de cet état de préparation constant. Par conséquent, ils ont déposé un grief en vue d'obtenir une indemnité pour les heures pendant lesquelles ils sont en disponibilité. Plus précisément, ils demandent l'indemnité de disponibilité de niveau II, selon laquelle ils seraient payés une heure de travail pour chaque tranche de huit heures en disponibilité.

 

La décision de l'arbitre de niveau II

[5]               Dans ses motifs, l'arbitre renvoie à certaines dispositions du Manuel d'administration de la GRC. La section AM II.9, alinéa E.1.j, précise que le niveau de disponibilité II s'applique « lorsqu'un membre se rend disponible pour le service à relativement brève échéance, à un endroit indiqué ».

 

[6]               L'arbitre a tiré certaines conclusions de fait, notamment qu'à la division K, personne n'avait indiqué les endroits où était autorisé le niveau de disponibilité II pour les membres du GTI.

 

La décision de la Cour fédérale

[7]               La Cour fédérale a conclu que les motifs de l'arbitre satisfaisaient aux exigences du caractère suffisant, de la transparence et de l'intelligibilité du processus décisionnel, et que la décision appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision de l'arbitre était donc raisonnable (motifs de la Cour fédérale, paragraphe 64).

 

La question en appel

[8]               La seule question en appel est de savoir si la Cour fédérale a correctement appliqué la norme de contrôle de la décision raisonnable à la décision de l'arbitre.

 

La norme de contrôle

[9]               Lorsque la décision rendue par la Cour fédérale lors d'un contrôle judiciaire est portée en appel, le rôle de notre Cour consiste à décider si la Cour fédérale a employé la norme de contrôle appropriée et si elle l'a appliquée correctement (Agence du revenu du Canada c. Telfer, 2009 CAF 23, paragraphe 18). Si la Cour fédérale a retenu et appliqué la mauvaise norme, notre Cour procède à un examen suivant la norme de contrôle applicable. Si la Cour fédérale a appliqué la bonne norme de contrôle, notre Cour s'assure alors qu'elle l'a bien appliquée et remédie au besoin aux erreurs qui ont été commises.

 

[10]           En l'espèce, les parties conviennent que la norme retenue par le juge était celle de la décision raisonnable et que c'était la norme de contrôle applicable. À mon avis, les parties ont correctement énoncé le choix du juge et la norme de contrôle applicable à la décision de l'arbitre.

 

L'examen de la question en litige

[11]           Les appelants soutiennent que le fait de fonder une décision sur des considérations non pertinentes rend la décision déraisonnable. Ils font en outre valoir que l'arbitre a fondé sa décision sur des facteurs que la Cour avait jugés non pertinents dans l'arrêt Brooke c. Gendarmerie royale du Canada (Sous‑commissaire), [1993] A.C.F. no 240 (QL) (C.A.F.), et que la Cour fédérale a confirmé la décision de l'arbitre en se fondant sur des facteurs également non pertinents.

 

[12]           Dans l'arrêt Brooke, la définition applicable prévoyait qu'un membre est en disponibilité « lorsqu'il a reçu l'ordre de demeurer disponible et est en mesure d'assumer le travail immédiatement ». Dans cette affaire, l'arbitre avait rejeté le grief parce que la personne qui avait donné l'ordre de mise en disponibilité n'avait pas le pouvoir de le faire; en réalité, les membres concernés n'étaient pas en disponibilité. L'arbitre était arrivé à cette dernière conclusion après avoir tenu compte de ce qui suit :

•           la définition du moment où un membre est en disponibilité;

•           le fait que la mise en disponibilité est une mesure très spéciale et ne doit être ordonnée qu'après que toutes les mesures de rechange ont été envisagées;

•           le fait que la mise en disponibilité n'est autorisée que s'il existe une situation d'urgence ou si les signes avant‑coureurs sont tels qu'il faut l'ordonner;

•           le fait qu'il ne peut y avoir de mise en disponibilité permanente ou continue.

 

[13]           La Cour a infirmé la décision de l'arbitre. L'arbitre avait mis l'accent sur la procédure utilisée pour autoriser la mise en disponibilité, c.‑à‑d. sur le fait que la personne qui avait ordonné la mise en disponibilité des membres n'avait pas le pouvoir de le faire. L'arbitre ne s'était pas intéressé à la définition pertinente. Les autres facteurs pris en considération par l'arbitre ont été jugés non pertinents par la Cour. La constatation de l'arbitre voulant que l'on ait ordonné aux membres de se mettre en disponibilité suffisait à établir qu'ils satisfaisaient aux critères de « disponibilité » de la définition pertinente.

 

[14]           À mon avis, la présente situation se distingue de celle de l'affaire Brooke, puisqu'en l'espèce, l'arbitre a considéré la définition applicable et l'a raisonnablement appliquée à la situation des appelants. Le caractère raisonnable de l'application de la définition par l'arbitre est démontré par le fait que les appelants ont reconnu dans leurs observations écrites à l'arbitre qu'ils ne satisfaisaient pas aux critères de la définition. À la première page de leurs observations (dossier d'appel, page 121), ils ont écrit :

[TRADUCTION]

 

ii : L'approbation de l'endroit doit être donnée par le commandant divisionnaire, directeur ou délégué.

 

[La décision de] niveau I énonce qu'il n'y a aucune preuve d'une demande ou de son refus dans toutes les observations présentées. Bien que cela puisse être vrai, le bon sens et la pratique courante devraient régner à cet égard. Les membres du GTI savaient qu'ils n'avaient pas eu l'approbation de l'endroit permettant une indemnité de disponibilité de niveau II. Dans ce cas, l'endroit se rapporte à un détachement ou une unité. L'unité en question travaille partout dans la province; il est donc déraisonnable de supposer qu'une approbation sera donnée pour chaque endroit. Cette politique n'a pas de sens en ce qui concerne le GTI et ne devrait pas servir de fondement à une décision portant sur la question de savoir si les membres de cette unité doivent recevoir une indemnité de disponibilité de niveau II, étant donné qu'ils n'ont pas d'« endroit » de travail en tant que tel. On pourrait dire que cette politique ne s'applique aucunement au GTI, étant donné que ses membres n'ont pas d'endroit défini. [Non souligné dans l'original.]

 

[15]           L'arbitre au dossier pouvait donc tenir compte de la définition applicable et juger que les appelants ne satisfaisaient pas à ses critères.

 

[16]           Si l'arbitre a examiné d'autres facteurs, ces facteurs n'ont pas influé de façon importante sur sa conclusion selon laquelle les appelants ne répondaient pas à la définition donnant droit à l'indemnité de disponibilité de niveau II. Dans une large mesure, les observations de l'arbitre que l'on dit maintenant non pertinentes concernaient des observations faites à l'arbitre par les appelants.

 

[17]           Comme j'ai conclu que la décision de l'arbitre était raisonnable, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens. Ma décision s'appuie sur l'examen du caractère raisonnable auquel j'ai procédé et ne doit pas être interprétée comme si j'étais d'accord avec l'ensemble du libellé de la décision de la Cour fédérale.

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d'accord.

            Pierre Blais, j.c. »

 

« Je suis d'accord.

            James W. O'Reilly, j.c.a. (d'office) »

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


Dossier :                                                    A-43-13

 

INTITULÉ :                                                  Greg Irvine et autres c. Le procureur général du Canada

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                         Le 2 octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       La juge Dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :                                    Le juge en chef Blais

                                                                        Le juge O'Reilly (d'office)

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 9 décembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

CLAY JACOBSON

 

POUR LES Appelants

 

JAMES N. SHAW

 

POUR L'INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L./SRL

Calgary (Alberta)

 

pour les Appelants

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

pour l'intimé

 

 

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