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Date : 20140214


Dossier :

A-438-12

 

Référence : 2014 CAF 43

CORAM :      LE JUGE

NOËL

LE JUGE MAINVILLE

LE JUGE WEBB

 

 

ENTRE :

CHRIS HUGHES

 

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 12 février 2014.

Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 14 février 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                             LE JUGE

NOËL

LE JUGE WEBB

 

 


Date : 20140214


Dossier :

A-438-12

 

Référence : 2014 CAF 43

CORAM :      LE JUGE

NOËL

LE JUGE MAINVILLE

LE JUGE WEBB

 

 

ENTRE :

CHRIS HUGHES

 

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire contestant la décision rendue le 5 janvier 2012 par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (Commission), dont la référence neutre est 2012 CRTFP 2 (décision). Dans sa décision, la Commission a rejeté les plaintes du demandeur dans lesquelles il alléguait que le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (RHDCC) avait enfreint l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, parce qu’il s’était livré à des pratiques déloyales de travail au sens de l’article 185 de la Loi.  

 

[2]               Dans ses plaintes, le demandeur a allégué que RHDCC avait omis de le muter ou de le déployer à un autre lieu de travail, tel qu’il l’avait demandé, et que RHDCC ne lui a pas offert, à la fin de son affectation, le 27 juin 2008, une nouvelle affectation parce qu’il avait démontré un intérêt à faire partie du comité exécutif de son syndicat ou parce que RHDCC voulait le réprimander pour avoir déposé une autre plainte de pratique déloyale de travail.

 

[3]               La Commission a tenu des audiences à Victoria (Colombie-Britannique) les 13 et 14 octobre 2010,  du 2 au 5 mai 2011 et le 17 août  2011. La Commission a reçu en preuve divers documents et a entendu de nombreux témoins cités par le demandeur et par RHDCC. Dans sa décision qui comporte 475 paragraphes et qui s’étend sur 58 pages dans sa version imprimée, la Commission a effectué une analyse approfondie des éléments de preuve et des observations du demandeur.  

 

[4]               En se fondant sur son analyse, la Commission a conclu que les décisions de RHDCC de ne pas muter ou déployer le demandeur n’étaient pas motivées par un sentiment antisyndical. Elle a d’ailleurs conclu que RHDCC avait présenté des éléments de preuve crédibles et convaincants concernant les raisons de ne pas renouveler une troisième fois la nomination du demandeur, et que le demandeur n’avait pas établi que cette décision constituait une mesure de représailles parce qu’il avait exprimé son désir de devenir membre de la direction du syndicat ou parce qu’il avait déposé une plainte de pratique déloyale de travail.

[5]               Le demandeur a soulevé une multitude de questions dans sa demande visant à faire annuler la décision. Certaines de ces questions laissent voir qu’il conteste essentiellement l’analyse de la preuve effectuée par la Commission ou le poids qu’elle a accordé à certains de ces éléments de preuve. Le demandeur prétend également qu’un témoin s’est parjuré, mais une analyse approfondie de cette allégation révèle plutôt qu’il conteste la crédibilité du témoin en question et le poids que la Commission a accordé à ce témoignage. Les autres questions soulevées par le demandeur ont trait aux manquements allégués de la Commission aux principes d’équité procédurale, notamment pour avoir refusé de reprendre l’audience afin d’entendre de nouveaux témoignages et pour ne pas avoir accommodé le demandeur à l’audience en siégeant pendant de longues heures certains jours d’audience.

 

[6]               Je vais d’abord me pencher sur les allégations fondées sur l’équité procédurale et je traiterai ensuite des allégations relatives au fait que la Commission n’a pas bien apprécié la preuve.

 

[7]               Aux paragraphes 320 à 328 de sa décision, la Commission a examiné les nombreuses demandes du demandeur visant à produire de nouvelles preuves après l’étape de la présentation des preuves. Elle a conclu que certains des éléments de preuve que le demandeur cherchait à présenter n’étaient pas nouveaux ni directement liés aux plaintes et que les questions que le demandeur souhaitait soulever avaient déjà été abordées à l’audience.

 

[8]               Le demandeur n’a pas montré à la Cour que la Commission a commis une erreur en tirant ces conclusions ou qu’elle a ainsi manqué aux principes d’équité procédurale. Au contraire, il ressort du dossier dont nous disposons que le demandeur a amplement eu l’occasion de présenter sa preuve et de faire valoir ses arguments devant la Commission.

 

[9]               Le demandeur soutient également que la Commission a manqué à l’équité procédurale quand elle a refusé de reprendre l’audience après la publication de la décision pour examiner d’autres courriels qui, selon le demandeur, lui avaient été récemment envoyés par son ancien employeur. Compte tenu du dossier dont dispose la Cour, le demandeur n’a pas réussi à démontrer que ces éléments de preuve étaient pertinents eu égard aux questions soumises à la Commission ou qu’ils auraient pu amener la Commission à rendre une décision différente.

 

[10]           Le demandeur ajoute que la Commission a refusé de prendre en considération ses antécédents de stress, d’anxiété et de dépression quand elle prolongeait les heures durant lesquelles certaines audiences étaient tenues. Cependant, rien dans le dossier n’indique que, ces jours-là, le demandeur a cherché à obtenir un arrangement quelconque de la Commission. Dans de telles circonstances, je ne vois pas de quelle manière la Commission a pu manquer aux principes d’équité procédurale.

 

[11]           Dans ses observations, le demandeur conteste essentiellement l’appréciation de la preuve faite par la Commission et les conclusions auxquelles la Commission est arrivée dans sa décision  en se fondant sur cette preuve. Dans une procédure de contrôle judiciaire, le rôle de la Cour n’est pas de réévaluer la preuve ou de substituer sa propre opinion à celle de la Commission.

 

[12]           En ce qui concerne les conclusions de fait de la Commission, notre rôle consiste plutôt à déterminer si l’appréciation de la preuve faite par la Commission, et ses conclusions fondées sur cette preuve, étaient raisonnables. Dans ce contexte, la Cour suprême du Canada a expliqué la « raisonnabilité » de la façon suivante dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au par. 47 :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de la raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

 

[13]           Le demandeur est clairement insatisfait des conclusions de la Commission, mais il n’a pas démontré que ces conclusions étaient déraisonnables à la lumière de l’ensemble du dossier. La décision de la Commission est clairement intelligible et bien formulée. De plus, compte tenu du dossier dont nous disposons, les conclusions que la Commission a tirées dans sa décision appartiennent toutes aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[14]           Le demandeur s’est notamment fondé sur une décision du Tribunal canadien des droits de la personne (Hughes c. Canada (Ressources humaines et développement des compétences), 2012 TCDP 22), selon laquelle RHDCC n’avait pas cherché à répondre à ses besoins compte tenu de sa déficience en ne renouvelant pas son contrat à durée déterminée. Cette décision fait actuellement l’objet d’une procédure de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale; par conséquent, je ne me prononcerai pas sur son bien-fondé. Cependant, je souligne que dans cette décision, le Tribunal canadien des droits de la personne a aussi conclu que RHDCC n’a pas soumis le demandeur à des représailles ou à des menaces de représailles pour avoir déposé la plainte. À la lumière de cette conclusion, je ne vois pas comment cette décision pourrait aider le demandeur à contester la décision de la Commission qui a rejeté ses plaintes de pratiques déloyales de travail.

 

[15]           Je rejetterais donc la demande. Compte tenu de la situation du demandeur, il n’y a pas lieu d’adjuger de dépens.  

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Marc Noël, j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

                                                                                                A-438-12

 

INTITULÉ :

CHRIS HUGHES c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                                                Vancouver, (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                                                LE 12 FÉVRIER 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

                                                                                                LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                           LE JUGE

NOEL

LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

                                                                                                LE 14 FÉVRIER 2014

COMPARUTIONS :

Chris Hughes

 

NON REPRÉSENTÉ PAR UN AVOCAT

 

Allison Sephton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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