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Date : 20140304

 

Dossier : A‑534‑12

 

Référence : 2014 CAF 59

 

 

CORAM :      LE JUGE STRATAS

                        LE JUGE WEBB

                        LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

MARITIME BROADCASTING SYSTEM LIMITED

demanderesse

et

LA GUILDE CANADIENNE DES MÉDIAS

défenderesse

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 30 octobre 2013.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mars 2014.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LE JUGE STRATAS

 

MOTIFS CONCOURANTS :                                                                               LE JUGE WEBB

 

Y A SOUSCRIT :      LE JUGE NEAR


 


Date : 20140304

 

Dossier : A‑534‑12

 

Référence : 2014 CAF 59

 

 

CORAM :      LE JUGE STRATAS

                        LE JUGE WEBB

                        LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

MARITIME BROADCASTING SYSTEM LIMITED

demanderesse

et

LA GUILDE CANADIENNE DES MÉDIAS

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

 

[1]               Dans son avis de demande en l'espèce, Maritime Broadcasting System Limited cherche à faire annuler une décision du Conseil canadien des relations industrielles du 2 avril 2012 : 2012 CCRI LD 2767. Dans cette décision, le Conseil a accrédité la Guilde défenderesse comme agent négociateur de l'unité de négociation définie par le Conseil. Dans une décision du 7 novembre 2012 sur une demande de réexamen (la décision en réexamen), le Conseil a confirmé sa décision initiale : 2012 CCRI 663.

 

[2]               Dans leurs observations écrites et verbales, les parties ont plaidé leur cause respective en considérant que les deux décisions du Conseil — soit la décision initiale et la décision en réexamen — faisaient l'objet du contrôle. Les présents motifs seront rendus en conséquence.

 

[3]               Devant le Conseil, les parties ne s'entendaient pas sur la question de savoir si le poste de « directeur du réseau Nouvelles Maritimes » devrait être inclus dans l'unité de négociation. Dans sa décision initiale, le Conseil a inclus le poste. Dans sa demande de réexamen, Maritime Broadcasting a soutenu que le Conseil avait commis une erreur en incluant le poste, car il n'avait pas suivi sa politique bien établie sur ce point. Maritime Broadcasting a également fait valoir, pour la première fois dans sa demande de réexamen, que la procédure ayant mené à la décision initiale du Conseil était inéquitable.

 

[4]               Dans sa décision en réexamen, le Conseil a rejeté tous les arguments de Maritime Broadcasting, aussi bien ceux intéressant la procédure que le fond, et il a confirmé sa décision initiale.

 

[5]               Devant la Cour, Maritime Broadcasting soutient que le Conseil aurait dû annuler sa décision initiale en raison d'un manquement à l'équité procédurale. Maritime Broadcasting allègue également que la décision en réexamen du Conseil était déraisonnable parce que le Conseil est parvenu à un résultat qui n'était ni acceptable ni justifiable au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47.

 

[6]               Pour les motifs qui suivent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire de Maritime Broadcasting, avec dépens.

 

A.        La décision initiale du Conseil

[7]               Le 21 février 2012, la Guilde a déposé auprès du Conseil une demande en vertu de l'article 24 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2, en vue d'être accréditée comme agent négociateur d'une unité de négociation à Maritime Broadcasting comprenant « tous les employés de Maritime Broadcasting System limitée qui travaillent à l'exploitation de son réseau Nouvelles Maritimes à Halifax (Nouvelle‑Écosse) ».

 

[8]               Dans sa réponse à cette demande, Maritime Broadcasting a contesté l'inclusion de plusieurs postes dans l'unité. Elle soutenait plus précisément que le poste de « directeur du réseau Nouvelles Maritimes » devrait être exclu de l'unité de négociation parce qu'il s'agissait d'un poste de direction.

 

[9]               Après avoir examiné les observations écrites des parties sur cette question, le Conseil a souscrit dans une large mesure aux observations de la Guilde. Il a accrédité la Guilde comme agent négociateur d'une unité de négociation à Maritime Broadcasting comprenant « tous les employés de Maritime Broadcasting System limitée qui travaillent à l'exploitation de son réseau Nouvelles Maritimes à Halifax (Nouvelle‑Écosse), à l'exclusion des pigistes, des stagiaires non rémunérés et des étudiants embauchés pendant l'été ».

 

[10]           Il ressort de cette définition que le Conseil n'a pas exclu le poste de « directeur du réseau Nouvelles Maritimes » de l'unité de négociation. Le Conseil estimait que ce poste ne conférait pas le genre de pouvoir décisionnel indépendant qui justifierait son exclusion de l'unité de négociation.

 

B.        La décision en réexamen du Conseil

[11]           Maritime Broadcasting a demandé au Conseil de réexaminer cette décision en vertu de l'article 18 du Code canadien du travail. Elle contestait la décision aussi bien pour des motifs procéduraux que de fond.

 

            (1)        Les motifs de contestation liés au fond de la décision

[12]           Maritime Broadcasting a fait valoir que le Conseil n'avait pas suivi sa politique bien établie concernant l'exclusion des postes de direction, qu'il a exposée dans la décision Captains and Chiefs Association c. Algoma Central Marine, une division de Algoma Central Corporation, 2010 CCRI 531.

 

[13]            Dans sa décision en réexamen, le Conseil a rejeté cette prétention. Il a jugé (au paragraphe 9) qu'il serait incorrect d'appliquer la décision Algoma aveuglément et de se fier uniquement aux titres des postes. Selon lui, il devait plutôt examiner « la nature réelle des tâches et des fonctions du poste afin de déterminer si le titulaire exerce réellement des fonctions de direction ». Il a ajouté (au paragraphe 10) qu'il avait bel et bien suivi les enseignements de la décision Algoma selon lesquels il devait interpréter restrictivement l'exclusion des postes de direction.

 

[14]           Après avoir confirmé le bien‑fondé de cette approche, le Conseil a également confirmé les conclusions qu'il avait tirées dans la décision initiale. En examinant à nouveau les éléments de preuve, il a conclu (au paragraphe 10) que « le pouvoir décisionnel rattaché au poste de [directeur du réseau Nouvelles Maritimes] n'était pas suffisamment indépendant pour que son titulaire soit un directeur ». Il s'agissait plutôt d'un poste de superviseur. Enfin, le Conseil a réaffirmé (au paragraphe 14) que le poste devrait être inclus dans l'unité de négociation comprenant les employés qui étaient supervisés.

 

            (2)        Les motifs de contestation d'ordre procédural

[15]           Dans sa demande de réexamen déposée auprès du Conseil, Maritime Broadcasting a soutenu que le Conseil avait négligé de suivre la procédure décrite dans sa lettre du 22 février 2012, procédure qui reflétait celle établie dans le Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles, DORS/2001‑520 (la version du Règlement alors en vigueur).

 

[16]           Selon Maritime Broadcasting, la réplique de la Guilde du 15 mars 2012 était censée être le « dernier mot ». La lettre du 22 février 2012 du Conseil ne prévoyait pas d'autres observations. Maritime Broadcasting a ajouté que cela était confirmé par un document intitulé « Un aperçu du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles » affiché sur le site Web du Conseil. En outre, un employé du Conseil avec qui elle avait parlé le lui aurait également confirmé.

 

[17]           Or, la Guilde a déposé deux documents le 22 mars 2012 et Maritime Broadcasting n'aurait pas eu la possibilité d'y répondre. Cela n'était pas sans importance, puisque la décision initiale du Conseil s'appuyait sur ces observations présentées irrégulièrement.

 

[18]           L'iniquité procédurale aurait été aggravée par le fait que le Conseil n'a pas tenu d'audience.

 

[19]           Dans sa décision en réexamen, le Conseil a rejeté ces arguments pour plusieurs motifs. Afin de bien comprendre la décision en réexamen du Conseil, il est nécessaire de décrire plus en détail ce qui s'est passé.

 

[20]           La Guilde a déposé sa réplique le 15 mars 2012. Selon Maritime Broadcasting, cela aurait dû mettre un terme à l'affaire. Cependant, la lettre initiale du Conseil du 22 février 2012 avisait les parties qu'au plus tard le 19 mars 2012, un agent enquêteur remettrait un rapport aux parties. Elle les informait également qu'il leur était loisible de présenter jusqu'au 21 mars 2012 tout commentaire ou toute correction à l'agent enquêteur.

 

[21]           Maritime Broadcasting s'est prévalue de cette possibilité — malgré le fait que la réplique de la Guilde du 15 mars 2012 était censée être le « dernier mot » — et elle a remis des commentaires à l'agent enquêteur le 21 mars 2012. Le lendemain, soit le 22 mars 2012, la Guilde a répondu à ces commentaires du 21 mars 2012 de Maritime Broadcasting et a ajouté un bref addenda à sa réponse plus tard le même jour.

 

[22]           Dans sa décision en réexamen, le Conseil a noté que les commentaires que Maritime Broadcasting avait communiqués à l'agent enquêteur le 21 mars 2012 répondaient à certaines des questions que la Guilde avait soulevées dans sa réplique du 15 mars 2012. (Des précisions concernant certains de ces commentaires sont données plus loin, au paragraphe 42.)

 

[23]           Tout bien considéré et compte tenu de ces faits, le Conseil a conclu au terme de son réexamen que la procédure suivie pour parvenir à sa décision initiale n'avait pas été inéquitable.

 

[24]           À l'appui de cette conclusion, le Conseil a exposé (aux paragraphes 18 à 21) sa compréhension du principe d'une audience équitable ou du principe audi alteram partem. Il a cité ses décisions sur ce point, comme dans l'affaire Lacelle, 2002 CCRI 166 (qui reprenait les mots de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Telecommunications Workers Union c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications), [1995] 2 R.C.S. 781, au paragraphe 29), et l'affaire Kies, 2008 CCRI 413.

 

[25]           Dans sa décision en réexamen, le Conseil a également noté (au paragraphe 22) que sa lettre du 22 février 2012 avertissait les parties qu'elles devaient présenter la totalité de leurs arguments par écrit. L'agent enquêteur du Conseil l'a également rappelé aux parties. Selon le Conseil, les délais donnés dans sa lettre du 22 février 2012 n'étaient pas nécessairement rigides : à tout moment, les parties pouvaient demander « de présenter d'autres observations si elles estimaient ne pas avoir exposé complètement et exactement leur position au Conseil » (au paragraphe 23). La Guilde s'est prévalue de cette possibilité, mais Maritime Broadcasting, non.

 

[26]           En ce qui a trait au document affiché sur le site Web du Conseil et aux renseignements donnés par son employé, selon lesquels la réplique que la Guilde a déposée le 15 mars 2012 était censée constituer le « dernier mot », le Conseil a affirmé dans sa décision en réexamen (au paragraphe 29) que : « Le Conseil n'est pas lié par l'information générale fournie par un employé du [Conseil] ou affichée sur son site Web, et son pouvoir de déterminer ses propres procédures n'est pas limité par celle‑ci. » Le Conseil a également conclu (au paragraphe 29) que Maritime Broadcasting avait omis de fournir des détails sur les renseignements que l'employé du Conseil lui aurait donnés.

 

[27]           Le Conseil a noté (au paragraphe 30) que Maritime Broadcasting avait en fait eu la possibilité de présenter des observations au sujet des aspects de la réplique du 15 mars 2012 de la Guilde qui la préoccupaient, lorsqu'elle a remis ses commentaires au sujet du rapport de l'agent enquêteur. Maritime Broadcasting s'était même prévalue de cette possibilité le 21 mars 2012.

 

[28]           Dans sa décision en réexamen, le Conseil est même allé plus loin. Citant une de ses propres décisions, TELUS Corporation, 2000 CCRI 94, au paragraphe 12, le Conseil a affirmé (au paragraphe 25) que lorsqu'une partie allègue un manquement à l'équité du fait d'avoir été privée de la possibilité de formuler une réponse à des éléments de preuve et des observations, cette partie doit prouver des faits matériels nouveaux qui auraient pu amener le tribunal à rendre une autre décision. Or, Maritime Broadcasting ne l'a pas fait.

 

[29]           En outre, citant C.E.P., Local 141 c. Bowater Mersey Paper Co., 2010 NSCA 19, le Conseil a déclaré (au paragraphe 27) que si Maritime Broadcasting avait des préoccupations en matière d'équité, elle aurait dû s'opposer immédiatement aux observations tardives de la Guilde ou demander la possibilité d'y répondre, ce qu'elle n'a pas fait. Le Conseil a trouvé l'omission de Maritime Broadcasting d'autant plus significative que Maritime Broadcasting avait traité de certains des aspects de la réplique du 15 mars 2012 de la Guilde dans ses commentaires du 21 mars 2012 au sujet du rapport de l'agent enquêteur. En bref, si Maritime Broadcasting avait voulu en dire davantage, elle n'avait qu'à le demander.

 

[30]           Concernant la question de la tenue d'une audience, le Conseil a noté (aux paragraphes 16 et 38) qu'il avait le pouvoir de « trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d'audience » et de « modifier toute règle de procédure [...] ou dispenser une personne de l'observation de celle‑ci » : Code canadien du travail, précité, à l'article 16.1; Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles, précité, à l'article 46. Dans sa lettre du 22 février 2012, le Conseil a averti les parties que « le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d'audience ».

 

[31]           Après avoir examiné à nouveau l'affaire, le Conseil a réaffirmé (au paragraphe 34) qu'il était indiqué de trancher l'affaire sur le fondement des observations écrites des parties plutôt qu'en tenant une audience. Le Conseil a déclaré (au paragraphe 32) qu'il tient rarement d'audience pour les demandes d'accréditation comme celle dont il était saisi. Enfin, le Conseil a ajouté (au paragraphe 32) que la partie qui souhaite qu'une audience soit tenue doit en faire la demande et doit fournir des motifs qui en justifient la tenue : Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles, précité, à l'alinéa 10g). Or, Maritime Broadcasting ne l'a pas fait.

 

[32]           Insatisfaite de la décision en réexamen du Conseil, Maritime Broadcasting demande maintenant à la Cour de contrôler cette décision.

 

C.        Analyse

            (1)        Les motifs de contrôle liés au fond de la décision

[33]           Devant notre Cour, Maritime Broadcasting reconnaît que le contrôle du fond des décisions du Conseil doit se faire selon la norme de la décision raisonnable, c'est‑à‑dire que les décisions du Conseil peuvent être annulées si le Conseil est parvenu à un résultat qui n'appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

 

[34]           Il est maintenant bien admis que cette gamme d'options acceptables et justifiables ou cette marge d'appréciation s'adapte au contexte, et qu'elle sera plus large ou plus étroite selon la nature de la question et d'autres circonstances : voir Canada (Procureur général) c. Abraham, 2012 CAF 266, aux paragraphes 37 à 50, Canada (Procureur général) c. Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75, aux paragraphes 13 et 14, Canada (Ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités) c. Farwaha, 2014 CAF 56, Mills c. Ontario (Tribunal d'appel de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail), 2008 ONCA 436, au paragraphe 22, et, dans le même sens, le tout récent arrêt McLean c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, aux paragraphes 37 à 41.

 

[35]           En bref, comme la Cour suprême l'a affirmé dans Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, aux paragraphes 17 à 19 et 23, l'éventail des issues acceptables et justifiables est « souple », il dépend de « l'ensemble des facteurs pertinents » et « varie selon [...] la nature de la mesure administrative contestée » et « le type particulier de processus décisionnel en cause ». Dans l'affaire Catalyst, l'éventail était plutôt large, puisque le décideur avait un « large pouvoir discrétionnaire » qui faisait intervenir « toute une gamme de considérations non juridiques, notamment sur les plans social, économique et politique ». Voir également Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 R.C.S. 364, au paragraphe 44.

 

[36]           En l'espèce, le Conseil a examiné la question de savoir si un poste précis au sein d'une entreprise précise devrait être inclus dans une unité de négociation. Pour examiner cette question, le Conseil devait déterminer s'il s'agissait d'un poste de direction. À cette fin, le Conseil a dû examiner des faits et faire appel à son expérience et à ses connaissances spécialisées en matière de relations de travail, en tenant compte de sa propre jurisprudence et de ses propres politiques concernant cette question. À mon avis, eu égard à la norme de la décision raisonnable, la gamme des options acceptables et justifiables qui s'offraient au Conseil en l'espèce était relativement large.

 

[37]           Devant notre Cour, Maritime Broadcasting a soutenu que les décisions du Conseil étaient déraisonnables et a repris bon nombre des observations qu'elle avait présentées au Conseil. Cependant, tel qu'il ressort du résumé qui précède, le Conseil avait des réponses acceptables et justifiables à ces observations. En particulier, comme je l'ai résumé au paragraphe 14, le Conseil a tiré des conclusions de fait concernant la nature réelle des tâches et des fonctions du poste, et il a conclu, en faisant appel à son expérience et à ses compétences spécialisées en matière de relations de travail, que le pouvoir décisionnel rattaché au poste n'était pas suffisamment indépendant pour que son titulaire soit un directeur.

 

[38]           Pour en arriver à ce résultat, le Conseil, lors de son réexamen, a dûment pris en compte la décision Algoma, précitée, et son analyse à cet égard peut se justifier. L'on ne peut pas dire que le Conseil est parvenu à un résultat contraire à celui auquel il était parvenu dans l'affaire Algoma sans explication, ce qui aurait donné lieu à une crainte quant au caractère raisonnable. Le Conseil a donné une explication complète qui démontrait en quoi sa décision en l'espèce s'accordait avec la décision Algoma.

 

[39]           Dans sa plaidoirie devant notre Cour, Maritime Broadcasting a également soutenu que le Conseil avait incorrectement tiré une inférence défavorable à son endroit dans sa décision initiale et avait ainsi agi de manière déraisonnable. Maritime Broadcasting n'a pas soulevé cette question devant le Conseil lors de son réexamen, et il n'est donc pas nécessaire que la Cour en traite. Quoi qu'il en soit, cette prétention est dénuée de fondement.

 

[40]           Dans ses observations présentées en vue de la décision initiale du Conseil, Maritime Broadcasting a déclaré que le directeur du réseau Nouvelles Maritimes imposait des mesures disciplinaires et embauchait des employés, exerçant ainsi deux fonctions de direction. En ce qui concerne la question des mesures disciplinaires, Maritime Broadcasting a présenté une lettre disciplinaire signée par la directrice du réseau Nouvelles Maritimes. Quant à la question des embauches, Maritime Broadcasting a affirmé, sans plus de précisions, que le titulaire du poste [TRADUCTION] « tenait des entretiens d'embauche, recrutait et sélectionnait des “journalistes” du réseau Nouvelles Maritimes ».

 

[41]           Au sujet des mesures disciplinaires, la Guilde a expliqué que la directrice du réseau Nouvelles Maritimes avait envoyé la lettre disciplinaire [TRADUCTION] « contre son gré », suivant les instructions que lui avait données le vice‑président à la programmation. Pour appuyer ses dires, la Guilde a renvoyé à des discussions précises entre ces deux personnes. En ce qui concerne les embauches, la Guilde a mentionné deux cas où la directrice du réseau Nouvelles Maritimes avait embauché une personne, mais elle l'avait fait avec l'approbation du directeur intérimaire des opérations. Dans un autre cas, la directrice du réseau Nouvelles Maritimes avait recommandé qu'une personne soit embauchée, mais sa recommandation avait été rejetée.

 

[42]           Maritime Broadcasting a répondu à la Guilde dans son commentaire du 21 mars 2012 concernant le rapport de l'agent enquêteur. Au sujet des circonstances entourant la lettre disciplinaire, elle a simplement affirmé, sans renvoyer à une discussion précise, que les faits ne démontraient pas que la directrice du réseau Nouvelles Maritimes agissait seulement comme intermédiaire. Quant à la question de l'embauchage, Maritime Broadcasting a simplement affirmé, sans invoquer d'élément de preuve précis, que la directrice du réseau Nouvelles Maritimes [TRADUCTION] « jouait un rôle actif dans le processus d'embauchage » et que [TRADUCTION] « dans les situations d'embauche où elle était intervenue, elle avait pris la décision concernant l'embauche de nouveaux employés de façon complètement autonome ».

 

[43]           Après avoir examiné et soupesé ces éléments de preuve, le Conseil a tranché en faveur de la Guilde :

[TRADUCTION]

 

La lettre de renvoi et la lettre disciplinaire produites par [Maritime Broadcasting] n'ont pas convaincu le Conseil que la titulaire du poste en cause exerce un pouvoir décisionnel indépendant. La lettre de renvoi indique clairement que la décision de mettre fin à l'emploi du destinataire a été prise collectivement (« Nous avons pris une décision d'affaires [...] ») plutôt que par son auteur seule. Selon les éléments de preuve présentés par [la Guilde], la lettre disciplinaire a été envoyée selon les instructions expresses du vice‑président à la programmation plutôt qu'à l'initiative de la directrice du réseau Nouvelles Maritimes; [Maritime Broadcasting] ne l'a pas nié. Bien que [Maritime Broadcasting] affirme que la titulaire du poste joue un rôle actif dans le processus d'embauche, elle n'a pas réfuté les trois exemples précis donnés par [la Guilde], qui indiquent que les décisions en matière d'embauche ont été prises soit par le directeur intérimaire des opérations soit par le vice‑président à la programmation.

 

[44]           Le Conseil n'a pas tiré une inférence défavorable d'éléments de preuve qui n'existaient pas. Il a plutôt tiré des conclusions factuelles fondées sur les éléments de preuve qui lui avaient été présentés. Il peut arriver qu'un décideur administratif tire une conclusion de fait dénuée de tout fondement ou expose un raisonnement qui est inacceptable ou injustifiable, mais ce n'est pas le cas en l'espèce.

 

[45]           Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, les décisions du Conseil étaient raisonnables.

 

            (2)        Les motifs de contrôle d'ordre procédural

[46]           Devant notre Cour, Maritime Broadcasting soutient que le Conseil a commis une erreur dans sa décision en réexamen en ne reconnaissant pas l'iniquité procédurale qui avait entaché le processus ayant mené à la décision initiale. Maritime Broadcasting soutient que la décision en réexamen du Conseil devrait être contrôlée selon la norme de contrôle de la décision correcte. Dans son mémoire des faits et du droit, la Guilde a admis que la norme de contrôle était celle de la décision correcte. Cependant, l'accord des parties quant à la norme de contrôle ne nous lie pas — nous devons appliquer la bonne norme de contrôle : Monsanto Canada Inc. c. Ontario (Surintendant des services financiers), 2004 CSC 54, [2004] 3 R.C.S. 152.

 

[47]           Durant les plaidoiries, la Guilde a modifié sa position en réponse à des questions. Elle a soutenu qu'il pouvait y avoir des situations où la norme de la décision raisonnable serait la norme appropriée à l'égard de questions d'ordre procédural et que c'était le cas en l'espèce en raison de la trame factuelle complexe. Maritime Broadcasting n'était pas de cet avis.

 

[48]           Je suis d'accord avec la Guilde. À mon avis, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable au sens de la jurisprudence actuelle.

 

[49]           Le Conseil a réexaminé l'équité de la procédure lors de sa décision initiale sans faire preuve de déférence. Il a examiné l'affaire à nouveau. Si nous devions contrôler la décision en réexamen du Conseil selon la norme de la décision correcte, nous nous mettrions à la place du Conseil et nous procéderions au réexamen de l'équité procédurale au regard de sa décision initiale sans faire preuve de déférence. À mon avis, ce n'est pas ce qu'il conviendrait de faire.

 

[50]           Si l'on examine l'affaire au regard des principes fondamentaux, l'on peut soutenir que la norme de la décision raisonnable s'applique. Comme on le dit souvent, la notion d'équité procédurale est « éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas » (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 21). Le Conseil est le mieux placé pour en décider. C'est lui, et non la Cour siégeant en révision, qui est le juge des faits. Il connaît les circonstances des procédures dont il est saisi. Il possède des compétences spécialisées en matière de relations de travail et des politiques en place. Armé de ces avantages, le Conseil est le maître de sa propre procédure, et il est libre de concevoir, de modifier, d'appliquer et, lors d'une instance en réexamen, d'évaluer ses procédures pour s'assurer qu'elles sont équitables et efficaces : Re Therrien, 2001 CSC 35, [2001] 2 R.C.S. 3, au paragraphe 88; Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la page 685.

 

[51]           Lorsque l'on examine l'affaire au regard des précédents, les arguments militent aussi fortement en faveur de la norme de la décision raisonnable. Le précédent le plus éloquent à cet égard est probablement l'arrêt Dunsmuir, précité, qui a récemment modifié le cours du droit administratif canadien. La décision d'un décideur administratif concernant les procédures à suivre dans une affaire donnée est souvent une décision discrétionnaire. Que dit l'arrêt Dunsmuir au sujet des décisions discrétionnaires? Le paragraphe 53 de l'arrêt Dunsmuir nous enseigne que les décisions discrétionnaires sont présumées être susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. En outre, le paragraphe 54 de l'arrêt Dunsmuir nous dit quant à lui que lorsqu'un décideur administratif a « acquis une expertise dans l'application d'une règle générale de common law [...] dans son domaine spécialisé » — dans le cas du Conseil, les règles de common law relatives à l'équité procédurale dans le contexte légal précis du Code canadien du travail —, il y a lieu de faire preuve de retenue. Pour faire bonne mesure, au paragraphe 54 de l'arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a ajouté que « [l]'arbitrage en droit du travail demeure un domaine où cette approche se révèle particulièrement indiquée ». En l'espèce, l'application par le Conseil des règles d'équité procédurale aux faits particuliers qui lui avaient été présentés ne peut être distinguée de n'importe quelle autre décision où un décideur administratif applique une loi qu'il connaît bien, comme sa loi constitutive, à un ensemble de faits qui lui ont été présentés : Dunsmuir, au paragraphe 54; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654.

 

[52]           L'arrêt Dunsmuir est également digne de mention en raison de ce qu'il ne dit pas. Aux paragraphes 51 à 64 de l'arrêt Dunsmuir, la Cour suprême énonce des présomptions quant à la norme de contrôle applicable dans toutes sortes de cas, mais reste ostensiblement muette quant à la norme de contrôle applicable aux questions d'ordre procédural. Plus loin dans l'arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a jugé que les obligations liées à l'équité procédurale en droit public ne s'appliquaient pas, mais elle n'a rien dit au sujet de la norme de contrôle qui s'appliquerait s'il y avait de telles obligations. Ainsi, il ne nous reste que les paragraphes 53 et 54 de l'arrêt Dunsmuir et l'affirmation selon laquelle la norme de contrôle devrait être celle de la décision raisonnable.

 

[53]           Je note que six années se sont écoulées depuis l'arrêt Dunsmuir et que la Cour suprême ne s'est pas prononcée au sujet de la norme de contrôle applicable à la décision d'un tribunal administratif sur des questions d'ordre procédural. Je reconnais que, dans l'arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43, la Cour suprême a affirmé en passant, dans une remarque incidente (l'affaire ne soulevait pas de questions d'ordre procédural), que, suivant l'arrêt Dunsmuir, la norme de contrôle applicable aux questions de procédure était celle de la décision correcte. L'arrêt Dunsmuir n'a toutefois rien affirmé de tel : voir l'observation similaire du juge Evans dans Ré:Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, au paragraphe 38. Si l'on examine uniquement l'arrêt Dunsmuir, les paragraphes 53 et 54 font cavaliers seuls.

 

[54]           Bon nombre des précédents antérieurs à l'arrêt Dunsmuir s'accordent avec la position adoptée aux paragraphes 53 et 54. Ces précédents antérieurs à l'arrêt Dunsmuir n'ont jamais été critiqués par des tribunaux judiciaires et font toujours autorité.

 

[55]           Selon mes calculs, six de ces précédents proviennent de la Cour suprême. Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 27, la Cour suprême a jugé que lorsqu'une cour siégeant en révision déterminait si un décideur administratif s'était montré équitable au plan procédural, elle devait prendre en considération et respecter les choix particuliers faits par le décideur : voir aussi Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, aux pages 568 et 569. À d'autres occasions, la Cour suprême a fait preuve de retenue à l'égard des choix procéduraux de décideurs administratifs : voir, par exemple, Deloitte & Touche LLP c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), 2003 CSC 61, [2003] 2 R.C.S. 713 (arrêt rendu presque en même temps que l'arrêt S.C.F.P.); Bibeault c. McCaffrey, [1984] 1 R.C.S. 176 (décision d'un tribunal du travail concernant les participants à une enquête relative à la détermination d'une unité de négociation). La Cour suprême a également affirmé qu'« [i]l faut faire montre d'une grande déférence à l'égard des décisions procédurales d'un tribunal qui a le pouvoir de contrôler sa propre procédure » : Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650, au paragraphe 231. Même l'arrêt qui a marqué la naissance du droit moderne en matière d'équité procédurale — Nicholson c. Haldimand‑Norfolk Regional Police Commissioners, [1979] 1 R.C.S. 311 — laisse entendre que la retenue est de mise. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu que M. Nicholson avait droit à une audition au nom de l'équité procédurale, mais elle a refusé d'aller plus loin. Elle a laissé la forme de l'audition — orale ou écrite — au choix du comité des services de police. Ces précédents s'accordent mal avec un contrôle des décisions de décideurs administratifs en matière de procédure selon la norme de la décision correcte.

 

[56]           D'autres précédents étayent également la thèse de la norme de la décision raisonnable. Aussi bien avant qu'après l'arrêt Dunsmuir, notre Cour a examiné à l'occasion les décisions procédurales de décideurs administratifs selon une norme de contrôle fondée sur la retenue : voir Xwave Solutions Inc. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2003 CAF 301, au paragraphe 34, le juge Evans (« la Cour ne doit intervenir que pour empêcher une inéquité évidente »); Canadian Airport Workers Union c. Sécurité préembarquement Garda inc., 2013 CAF 106, au paragraphe 5 (la décision du Conseil de ne pas divulguer un rapport à une partie « relevait clairement de son mandat en relations de travail qui, en tant qu'organisme administratif spécialisé, commande la déférence »). De même, de temps à autre, d'autres cours d'appel ont examiné les décisions procédurales de décideurs administratifs selon une norme fondée sur la retenue : Syndicat des travailleuses et travailleurs de ADF‑CSN c. Syndicat des employés de Au Dragon Forgé Inc., 2013 QCCA 793; Ontario (Ministry of Community, Family and Children Services) c. Crown Employees Grievance Settlement Board (2006), 81 O.R. (3d) 419, 2006 CanLII 21173 (C.A. Ont.), au paragraphe 22. Voir aussi David J. Mullan, « Establishing the Standard of Review: The Struggle for Complexity? » (2004), 17 Can. J. Admin. L. Prac. 59, aux pages 86 et 87. Ces sources s'accordent elles aussi mal avec un contrôle des décisions procédurales de décideurs administratifs selon la norme de la décision correcte.

 

[57]           Un contrôle selon la norme de la décision raisonnable mine‑t‑il la capacité de la Cour de faire respecter les principes fondamentaux d'équité procédurale lorsque les circonstances le justifient? Certainement pas. Un contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne diminue en rien la responsabilité des cours de révision de faire respecter les normes minimales qu'impose la primauté du droit. Autrement dit, cette norme ne commande pas une retenue excessive. En fait, dans certains cas, la nature ou l'importance de la question liée à l'équité procédurale, les graves conséquences du vice procédural allégué sur la partie lésée, la proximité entre la procédure examinée et la procédure de tribunaux judiciaires, ou toute combinaison de ces éléments peuvent restreindre considérablement ou éliminer la gamme des options acceptables et justifiables au regard des faits et du droit qui s'offrent au décideur administratif (voir les paragraphes 34 et 35 des présents motifs). Deux arrêts de la Cour suprême antérieurs à Dunsmuir, souvent cités comme exemples de contrôles selon la norme de la décision correcte, en fournissent peut‑être des illustrations : S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539; Moreau‑Bérubé c. Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, [2002] 1 R.C.S. 249.

 

[58]           En outre, les normes légales et les normes juridiques élaborées dans la jurisprudence peuvent restreindre la gamme des options acceptables et justifiables au regard des faits et du droit ou la marge de manœuvre qui s'offre au décideur administratif : voir Almon Equipment Limited c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 318 (où une disposition légale tendait à restreindre la gamme des options qui s'offraient à un tribunal au moment de rendre une décision discrétionnaire); arrêt Abraham, précité (où la jurisprudence fiscale tendait de même à restreindre la gamme des options qui s'offraient au ministre du Revenu national au moment de rendre une décision discrétionnaire); arrêt Commission canadienne des droits de la personne, précité, aux paragraphes 13 et 14 (une jurisprudence minimisant le rôle des groupes de comparaison dans la jurisprudence relative à l'article 15 de la Charte rendait déraisonnable la décision d'un tribunal qui insistait sur la présence d'un groupe de comparaison). Encore une fois, les arrêts S.C.F.P. et Moreau‑Bérubé pourraient peut‑être être cités à titre d'exemples. Voir aussi l'arrêt McLean, précité, aux paragraphes 37 à 41, où la clarté de dispositions légales restreignait considérablement la gamme des options acceptables et justifiables. Compte tenu des normes légales bien définies dans la jurisprudence actuelle relative à l'équité procédurale, la gamme des options acceptables et justifiables ou la marge de manœuvre qui s'offre au décideur administratif sera souvent restreinte. Il y aura toutefois des situations où la nature de l'affaire et les circonstances présentées au décideur administratif devraient amener la cour de révision à accorder au décideur une plus grande marge d'appréciation.

 

[59]           Avant d'appliquer ces principes aux faits de la présente espèce, je prends acte des motifs rendus cette semaine par mon collègue le juge Evans dans l'arrêt Ré:Sonne, précité. Dans cette affaire, le juge Evans a reconnu que « [l]e droit est bien fixé : le juge doit appliquer la norme de la décision correcte lorsqu'il se penche sur des allégations de manquement à l'équité procédurale » (au paragraphe 34). Toutefois, après avoir examiné certains des mêmes précédents que ceux que j'ai moi‑même examinés plus haut — et en accord avec l'analyse qui précède — le juge Evans a modifié le droit « bien fixé » en reconnaissant la nécessité de faire montre de retenue lors de l'examen de questions procédurales dans certaines circonstances (au paragraphe 42) :

[S]i le juge saisi de la demande de contrôle doit décider selon la norme de la décision correcte de la conformité des choix procéduraux d'un organisme, généraux ou particuliers, à l'obligation d'équité, il doit le faire en se montrant respectueux de ces choix. Il convient donc que le juge accorde de l'importance à la manière dont l'organisme a cherché à établir un équilibre entre, d'une part, la participation maximale et, d'autre part, l'efficacité du processus décisionnel. Compte tenu de l'expertise dont dispose l'organisme, le degré de retenue que commande un choix de l'administrateur en matière de procédure peut être particulièrement important lorsque le modèle procédural utilisé par l'organisme visé par la demande de contrôle diffère considérablement du modèle judiciaire que les juges connaissent le mieux.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[60]           Dans ce passage, je ne vois pas le juge Evans prôner une nouvelle norme de contrôle, aux côtés de la norme de la décision correcte et de la norme de la décision raisonnable, appelée « la norme respectueuse de la décision correcte » ou « le caractère correct avec un certain degré de retenue ». L'arrêt Dunsmuir a simplifié les choses en ramenant les normes de contrôle à deux catégories — une norme n'appelant aucune retenue, appelée la norme de la décision correcte, et une norme commandant de faire montre de retenue, appelée la norme de la décision raisonnable — et il n'y a pas de place pour que nous en introduisions une troisième. Je ne vois pas non plus le juge Evans appliquer la norme de la décision correcte telle qu'on l'entend dans la jurisprudence. Un contrôle selon la norme de la décision correcte a toujours été un contrôle sans aucune retenue. Le « caractère correct avec un certain degré de retenue » est intrinsèquement contradictoire. Ce serait comme décrire une voiture comme étant stationnaire mais en mouvement.

 

[61]           Je préfère interpréter les mots du juge Evans dans l'arrêt Ré:Sonne d'une manière fidèle à l'arrêt Dunsmuir, aux arrêts ultérieurs de la Cour suprême et aux arrêts de notre Cour (résumés aux paragraphes 34, 35, et 50 à 58 qui précèdent), qui nous lient tous. Ces arrêts nous disent qu'un contrôle effectué d'une manière « respectueuse des choix de l'organisme » ou avec un certain « degré de retenue » à l'égard de ces choix constitue en réalité une espèce de contrôle empreint de retenue, c'est‑à‑dire qu'il correspond à la norme de la décision raisonnable, norme que la Cour suprême a décrite dans l'arrêt Dunsmuir, précité (aux paragraphes 47 et 48), comme la seule norme « respectueuse » ou « commandant la déférence ».

 

[62]           Dans l'arrêt Ré:Sonne, le juge Evans a estimé que le décideur avait droit à une certaine marge de manœuvre — la possibilité d'envisager une certaine gamme d'options acceptables et justifiables — ce qui correspond à la norme de la décision raisonnable décrite dans l'arrêt Dunsmuir, précité, aux paragraphes 47 et 48. Mais, dans les circonstances particulières de l'affaire Ré:Sonne, seule une petite marge de manœuvre a été accordée au décideur, en conformité avec les avis de la Cour suprême et de notre Cour selon lesquels il peut arriver que la gamme d'issues acceptables et justifiables soit étroite (voir les paragraphes 57 et 58 qui précèdent). Dans l'arrêt Xwave Solutions, précité, le juge Evans a donné au décideur une marge de manœuvre bien plus large. Je ne suis pas enclin à appeler cela « un contrôle selon la norme de la décision correcte avec beaucoup de retenue », mais plutôt un contrôle selon la norme de la décision raisonnable dans des circonstances où le décideur peut envisager une vaste gamme d'options acceptables et justifiables, où il a une marge d'appréciation plus large.

 

[63]           À mon avis, la présente espèce en est une où il y a lieu d'accorder une marge de manœuvre au Conseil en conformité avec la norme de contrôle de la décision raisonnable. Le Conseil a compris les exigences de l'équité procédurale, citant deux de ses propres décisions qui étaient fondées sur une jurisprudence pertinente de la Cour suprême du Canada. La tâche du Conseil en l'espèce consistait à appliquer ces normes d'une manière discrétionnaire à la trame factuelle complexe qui lui avait été présentée, en fonction de son appréciation de la dynamique de l'affaire dont il était saisi et de sa connaissance de la façon dont ses procédures devraient et doivent fonctionner, le tout en s'acquittant de sa responsabilité d'administrer les affaires de relations de travail de manière équitable, juste et ordonnée et en temps opportun. C'est ce que le Conseil a fait sous le régime d'une disposition légale l'habilitant à examiner ses propres procédures sur le fondement de son appréciation des circonstances particulières des affaires dont il est saisi et à modifier ces procédures ou à s'en écarter lorsqu'il l'estime indiqué : Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles, précité, à l'article 46.

 

[64]           Maritime Broadcasting ne signale aucune notion de droit pertinente que le Conseil aurait mal comprise. Elle nous invite plutôt à nous mettre à la place du Conseil et à appliquer les principes en l'espèce. Comme je l'ai dit, il n'est pas approprié d'agir ainsi.

 

[65]           À mon avis, il n'y a aucune raison d'annuler la décision du Conseil en ce qui concerne la procédure. Comme nous l'avons vu aux paragraphes 15 à 31 des présents motifs, le Conseil avait de nombreuses raisons, compte tenu du droit et des éléments de preuve, de conclure que sa décision initiale était équitable au plan procédural. J'ajouterais qu'en tant que juge d'une cour d'appel sans expérience en matière de relations de travail, si j'étais forcé de me mettre à la place du Conseil et d'évaluer l'équité de la décision initiale du Conseil selon la norme de la décision correcte, j'aurais été d'accord avec le Conseil, et ce, essentiellement pour les motifs qu'il a donnés.

 

[66]           J'ai trois autres observations à formuler concernant les prétentions de Maritime Broadcasting au sujet de l'équité procédurale.

 

– I –

 

[67]           Je note que les observations que Maritime Broadcasting a formulées au sujet de l'équité procédurale devant notre Cour vont à l'encontre d'une jurisprudence bien établie, et elles doivent donc être rejetées. Un demandeur doit soulever une allégation de manquement à l'équité procédurale à la première occasion qui lui est donnée : Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 461, [2007] 1 R.C.F. 107, au paragraphe 220, conf. par 2007 CAF 199, [2008] 1 R.C.F. 155; In Re Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique Can., [1986] 1 C.F. 103 (C.A.F.), à la page 113. La première occasion se présente lorsque « le demandeur est informé des renseignements pertinents et qu'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il soulève une objection » : décision Benitez, précitée, au paragraphe 220; voir également D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles) (Toronto, Canvasback, 1998), au paragraphe 3:6000. Une partie « ne peut pas attendre d'avoir perdu pour crier à l'injustice » : Kozak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 124, [2006] 4 R.C.F. 377, au paragraphe 66.

 

[68]           Si Maritime Broadcasting avait formulé une objection ou avait demandé au Conseil le droit de présenter des observations additionnelles avant que le Conseil rende sa décision initiale, le Conseil aurait peut‑être pu l'aider. Cependant, puisqu'elle n'a fait aucune de ces choses, on doit considérer qu'elle était satisfaite du processus : arrêt Bowater, précité, au paragraphe 55, auquel le Conseil a renvoyé lorsqu'il a réexaminé sa décision initiale. En conséquence, Maritime Broadcasting a renoncé à tout droit de soulever la question lors d'un contrôle judiciaire.

 

– II –

 

[69]           Comme indiqué précédemment, Maritime Broadcasting a invoqué un document rédigé par le Conseil et accessible sur son site Web ainsi que ce qu'un employé du Conseil lui avait dit comme preuve que la réplique du 15 mars 2012 de la Guilde était censée être le « dernier mot ». Or, il est bien établi que les énoncés administratifs comme le document du Conseil et les paroles de l'employé n'entravent pas le pouvoir discrétionnaire du Conseil, et celui‑ci demeure libre de ne pas les suivre : Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, au paragraphe 75. Il est fait exception à ce principe si un décideur administratif promet par des affirmations « claires, nettes et explicites » qu'une certaine procédure sera suivie dans une affaire donnée, car cette promesse doit alors être tenue : Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504, au paragraphe 68; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 94 à 102. Maritime Broadcasting ne m'a pas convaincu qu'une telle promesse lui avait été faite. Dans le cas des paroles de l'employé, le Conseil a noté (au paragraphe 29 des motifs de sa décision en réexamen) que les détails des communications entre l'employé et Maritime Broadcasting ne sont pas connus.

 

– III –

 

[70]           Enfin, comme le Conseil l'a fait remarquer (au paragraphe 26 des motifs de sa décision en réexamen), Maritime Broadcasting n'a pas indiqué quelles observations additionnelles ou quels éléments de preuve nouveaux elle aurait présentés si elle s'était vu accorder un droit de répondre aux observations additionnelles que la Guilde a déposées le 22 mars 2012. Compte tenu de la nature des observations formulées, l'on peut présumer qu'il n'était pas nécessaire de dire quoi que ce soit en réponse à ces observations ou que quoi que ce soit aurait pu être dit en réponse à ces observations. Dans ces circonstances, l'on ne peut pas présumer que l'impossibilité supposée de Maritime Broadcasting de répondre aux observations du 22 mars 2012 de la Guilde lui a causé quelque préjudice que ce soit.

 

[71]           Par conséquent, s'il y a eu en l'espèce un manquement à l'équité procédurale à cet égard, le redressement consistant à annuler la décision du Conseil est inapproprié : Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202.

 

[72]           Tout bien considéré, Maritime Broadcasting n'a établi aucun motif qui justifierait que la Cour modifie les décisions du Conseil.

 

D.        Décision proposée

[73]           Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

« David Stratas »

j.c.a.

 


LE JUGE WEBB (motifs concourants)

[74]           Je suis d'accord avec la décision au sujet de la présente demande proposée par mon collègue le juge Stratas, essentiellement pour les motifs qu'il a exposés. Je ne puis toutefois souscrire à sa conclusion selon laquelle la norme de contrôle applicable aux questions procédurales est celle de la décision raisonnable. Puisqu'il a déclaré que, même s'il avait conclu que la norme de contrôle applicable aux questions procédurales était la norme de la décision correcte, il serait parvenu au même résultat, cette conclusion n'a aucune incidence sur l'issue de la présente demande.

 

[75]           Comme le juge Stratas le notait, les parties ont toutes deux affirmé dans leurs mémoires que la norme de contrôle applicable aux questions d'équité procédurale était celle de la décision correcte. Comme le reconnaissait également le juge Stratas, dans l'arrêt Ré:Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada et Goodlife Fitness Centres Inc., 2014 CAF 48, mon collègue le juge Evans a affirmé :

34        Le droit est bien fixé : le juge doit appliquer la norme de la décision correcte lorsqu'il se penche sur des allégations de manquement à l'équité procédurale de la part de décideurs administratifs (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43).

 

[76]           Le juge Evans a reconnu que les exigences découlant de l'obligation d'équité dans tout contexte donné sont nuancées et souples (paragraphe 36). Il a également reconnu qu'« [e]n l'absence de dispositions législatives en sens contraire, les décideurs administratifs jouissent d'un large pouvoir discrétionnaire pour fixer leur propre procédure, notamment quant aux aspects qui relèvent de l'équité procédurale » (paragraphe 37). Le juge Evans a également cité les arrêts Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, et Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650, que le juge Stratas cite lui aussi.

 

[77]           Cependant, le juge Evans n'était pas convaincu que sa position initiale, selon laquelle la norme de contrôle applicable aux questions d'équité procédurale est la norme de la décision correcte, était incorrecte et qu'il fallait plutôt appliquer la norme de la décision raisonnable. Au paragraphe 42, il a déclaré :

Bref, si le juge saisi de la demande de contrôle doit décider selon la norme de la décision correcte de la conformité des choix procéduraux d'un organisme, généraux ou particuliers, à l'obligation d'équité, il doit le faire en se montrant respectueux de ces choix. Il convient donc que le juge accorde de l'importance à la manière dont l'organisme a cherché à établir un équilibre entre, d'une part, la participation maximale et, d'autre part, l'efficacité du processus décisionnel. Compte tenu de l'expertise dont dispose l'organisme, le degré de retenue que commande un choix de l'administrateur en matière de procédure peut être particulièrement important lorsque le modèle procédural utilisé par l'organisme visé par la demande de contrôle diffère considérablement du modèle judiciaire que les juges connaissent le mieux.

 

[78]           Pour ce qui est de la question de savoir si la norme de contrôle applicable aux questions procédurales est la norme de la décision correcte, il importe d'examiner l'affirmation du juge Binnie dans l'arrêt Khosa :

43        L'intervention judiciaire est aussi autorisée dans les cas où l'office fédéral

 

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

 

Aucune norme de contrôle n'est précisée. Par contre, suivant Dunsmuir, les questions de procédure (sous réserve d'une dérogation législative valide) doivent être examinées par un tribunal judiciaire selon la norme de la décision correcte.

 

[79]           Il me semble que, même si ces commentaires ont pu être formulés en passant et dans une remarque incidente, il s'agit d'une affirmation claire dans les motifs de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada : la norme de contrôle applicable aux questions procédurales est la norme de la décision correcte. Dans l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, le juge Binnie a rédigé des motifs concourants dans lesquels il a affirmé :

A.        Les limites imposées à l'attribution du pouvoir décisionnel

 

126      Lors du contrôle judiciaire, la détermination des questions de droit devant être tranchées par une cour de justice ne devrait pas être ardue. Trois éléments restreignent fondamentalement l'attribution du pouvoir discrétionnaire administratif.

 

[...]

 

129      En troisième lieu, le caractère équitable de la procédure est censé être au service de la justice. C'est pourquoi le législateur et la common law imposent aux organismes administratifs des obligations en la matière — dont l'« équité procédurale » — qui varient selon la catégorie à laquelle appartient le décideur et la nature de la décision en cause. La cour de révision a le dernier mot à ce chapitre aussi. La nécessité de telles garanties procédurales est manifeste. Nul ne devrait voir ses droits, ses intérêts ou ses privilèges faire l'objet d'une décision défavorable à l'issue d'une procédure injuste. On ne saurait non plus prêter au législateur l'intention d'obtenir pareil résultat inique. [...]

 

[80]           Dans l'arrêt Dunsmuir, le juge Binnie a reconnu que les exigences de « l'“équité procédurale” [...] varient selon la catégorie à laquelle appartient le décideur et la nature de la décision en cause ». Cependant, lorsqu'il a rédigé par la suite les motifs de la majorité de la Cour dans l'arrêt Khosa, il a clairement confirmé que la norme de contrôle applicable aux questions d'équité procédurale est la norme de la décision correcte. En conséquence, à mon avis, la norme de contrôle applicable aux questions d'équité procédurale est la norme de la décision correcte. Toutefois, les exigences particulières de l'équité procédurale « varient selon la catégorie à laquelle appartient le décideur et la nature de la décision en cause ».

 

[81]           Dans le présent contrôle judiciaire, le juge Stratas a affirmé, au paragraphe 65 de ses motifs, qu'il « aurai[t] été d'accord avec le Conseil, et ce, essentiellement pour les motifs qu'il a donnés » s'il examinait la présente affaire selon la norme de la décision correcte. J'estime moi aussi qu'examiner la présente affaire selon la norme de la décision correcte mènerait au même résultat, essentiellement pour les motifs exposés par le Conseil.

 

[82]           En conséquence, je rejetterais également la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

 

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

 

 

« Je suis d'accord.

            David G. Near, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


dOSSIER :                                                    A‑534‑12

 

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D'UNE DÉCISION DU CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES DU 7 NOVEMBRE 2012

 

INTITULÉ :                                                  MARITIME BROADCASTING SYSTEM LIMITED c. LA GUILDE CANADIENNE DES MÉDIAS

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                          Halifax (NOUVELLE‑ÉCOSSE)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                         LE 30 OCTOBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE STRATAS

 

MOTIFS CONCOuRANTS :                     LE JUGE WEBB

 

Y A SOUSCRIT :                                         LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                 LE 4 MARS 2014

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bradley D.J. Proctor

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sean FitzPatrick

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Cavalluzzo Shilton McIntyre Cornish LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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