Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 


Date : 20140429

Dossier : A‑78‑13

Référence : 2014 CAF 108

CORAM :      LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE STRATAS

                        LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

QUINCO FINANCIAL INC. (anciennement LANDEX INVESTMENTS COMPANY)

intimée

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 27 novembre 2013.

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2014.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                            LA COUR

 

 

 


 


Date : 20140429

 

Dossier : A‑78‑13

 

Référence : 2014 CAF 108

CORAM :      LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE STRATAS

                        LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

QUINCO FINANCIAL INC. (anciennement LANDEX INVESTMENTS COMPANY)

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA COUR

[1]               Nous estimons que l'appel formé contre le jugement rendu par la juge D'Auray de la Cour canadienne de l'impôt, répertorié sous la référence 2013 CCI 20, devrait être rejeté.

 

[2]               La Cour ne trouve pas convaincants les arguments de la Couronne qui reposent sur une interprétation forcée des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15 (la Loi), de manière à éviter un résultat qu'elle considère, pour des raisons évidentes, comme une « aubaine ».

 

[3]               La présente affaire doit être tranchée suivant les principes d'interprétation applicables aux dispositions des lois fiscales. La Cour suprême a énoncé les principes directeurs dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601.

 

[4]               La Cour de l'impôt, à juste titre, a cité Hypothèques Trustco comme l'arrêt de principe en la matière, et, à notre avis, a correctement interprété les principes qui y sont énoncés : voir les motifs de la Cour de l'impôt, au paragraphe 30.

 

[5]               Dans l'arrêt Hypothèques Trustco, la Cour suprême a conclu qu'en matière d'interprétation des lois fiscales, il faut procéder à une analyse textuelle, contextuelle et téléologique d'une disposition légale. Toutefois, lorsque le libellé d'une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un « rôle primordial » dans le processus d'interprétation. La Cour suprême a formulé ce principe comme suit au paragraphe 10 de l'arrêt Hypothèques Trustco :

 

Il est depuis longtemps établi en matière d'interprétation des lois qu'« il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » [renvoi omis]. L'interprétation d'une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s'harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d'une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d'interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d'un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L'incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l'objet sur le processus d'interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d'une loi comme formant un tout harmonieux.

 

[6]               La Cour suprême a noté dans le même arrêt que la Loi de l'impôt sur le revenu est « un instrument dominé par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières », ce qui commande « une interprétation largement textuelle » : Hypothèques Trustco, au paragraphe 13. Le même raisonnement s'applique à la Loi qui est en cause dans le présent appel : CIBC World Markets Inc. c. Canada, 2011 CAF 270, [2013] 3 R.C.F. 3, au paragraphe 29.

 

[7]               En ce qui concerne le rôle primordial que joue le libellé des lois fiscales dans le processus d'interprétation, l'arrêt Hypothèques Trustco ne fait pas figure d'exception. Quelques années auparavant, la Cour suprême a souligné que, lorsqu'une disposition d'une loi fiscale est « claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée » : Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, au paragraphe 40. Dans le même ordre d'idées, un an après l'arrêt Hypothèques Trustco, la Cour suprême a insisté sur le fait que, lorsque le libellé d'une disposition est précis, on ne saurait supposer l'objet de cette disposition et ensuite s'en servir pour « créer une exception tacite à ce qui est clairement prescrit » ou pour « mettre de côté » le texte clair d'une disposition : Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715, au paragraphe 23.

 

[8]               Dans l'ensemble, la Loi comporte des règles claires et précises en vue de faciliter son application, son uniformité et sa prévisibilité. Voilà qui fait ressortir le rôle primordial que joue le sens ordinaire du libellé de la Loi dans le processus d'interprétation de ses dispositions.

 

[9]               Il peut y avoir des cas où des dispositions formulées en termes précis ou leur interaction procurent un avantage inattendu ou une aubaine à un inscrit en vertu de la Loi. Or, nous ne donnons pas aux dispositions fiscales une interprétation tendancieuse ou une interprétation visant à obtenir un résultat donné pour enrichir le Trésor fédéral : Shell Canada, précité, aux paragraphes 39 et 40. En l'absence de termes qui nous permettent de corriger des cas d'abus ou des aubaines, lorsque les dispositions sont précises, claires et non équivoques, il faut leur donner plein effet.

 

[10]           En l'espèce, nous sommes d'accord avec l'interprétation que donne la juge D'Auray de l'effet conjugué des paragraphes 169(1) et 232(2) et de l'alinéa 232(3)c) de la Loi.

 

[11]           Par conséquent, l'appel sera rejeté avec dépens.

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

« David Near »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :                                                    A‑78‑13

 

APPEL DU JUGEMENT RENDU LE 23 JANVIER 2013 PAR LA JUGE D'AURAY DANS LE DOSSIER NO 2010-1608(GST)G

 

INTITULÉ :                                                  SA MAJESTÉ LA REINE c. QUINCO FINANCIAL INC.

 

lieu de l'audience :                          Calgary (Alberta)

 

DATE de l'audience :                         le 27 novembre 2013

 

motifs du jugement :                       la COUR

 

DATE des motifs :                                 le 29 avril 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Deborah Horowitz

Donna Tomljanovic

 

POUR L'AppelantE

 

Ken S. Skingle, c.r.

Craig M. McDougall

POUR L'INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L'AppelantE

 

 

Felesky Flynn LLP

Calgary (Alberta)

POUR L'INTIMÉE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.