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Date : 20140502


Dossier :

A-257-13

 

Référence : 2014 CAF 105

CORAM :     

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE SCOTT

 

 

 

ENTRE :

RACHEL EXETER

 

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimé

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 26 mars 2014

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 mai 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                   LES JUGES DAWSON ET SCOTT

 

Y A SOUSCRIT :                                                                                                  LE JUGE WEBB

 


Date : 20140502

Dossier :

A‑257‑13

 

Référence : 2014 CAF 105

CORAM :     

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE SCOTT

 

 

 

ENTRE :

RACHEL EXETER

 

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LES JUGES DAWSON ET SCOTT

[1]               Rachel Exeter, l’appelante, a déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant que son ex‑employeur avait agi de façon discriminatoire à son égard. La Commission a décidé de ne pas renvoyer la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne. Par conséquent, Mme Exeter a déposé une demande de contrôle judiciaire de cette décision de la Commission.

 

[2]               Dans son avis de demande de contrôle judiciaire, Mme Exeter a demandé la production de la [traduction] « totalité du dossier [de la Commission], notamment l’ensemble des notes manuscrites, des documents, des transcriptions et des enregistrements des entrevues, des notes de service et des courriels ainsi que tout autre document pertinent eu égard à sa plainte » conformément à l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

 

[3]               La Commission s’est opposée à la production des documents que Mme Exeter demandait, au motif que cette dernière n’avait pas expliqué de quelle façon la production de l’ensemble du dossier, dont la Commission n’était pas saisie au moment où elle a rendu sa décision, aurait pu être utile à la Cour. Par suite du refus de la Commission de produire les documents demandés, Mme Exeter a déposé une requête sollicitant la production des documents.

 

[4]               Dans son avis de requête en production de documents, Mme Exeter précisait qu’elle voulait particulièrement obtenir un document de 47 pages envoyé à la Commission par son ancien employeur en réponse à sa plainte.

 

[5]               Par la suite, par mesure de courtoisie envers Mme Exeter, la Commission lui a transmis la réponse de l’employeur. La Commission a informé Mme Exeter que la réponse avait été reçue dans le cadre d’une collecte de renseignements en préparation de son rapport d’enquête; elle n’avait pas en main la réponse au moment où elle a pris la décision de rejeter la plainte de Mme Exeter. Par conséquent, la Commission a affirmé qu’elle n’avait pas à produire cette réponse.

 

[6]               Dans ses motifs d’ordonnance, dont la référence est 2013 CF 779, un juge de la Cour fédérale a rejeté la requête en production de documents de Mme Exeter et lui a ordonné de payer sans délai des dépens fixés à 300 $. Le juge a conclu que Mme Exeter s’était livrée à une « recherche à l’aveuglette ». Le juge n’a pas estimé qu’il devait s’écarter de la règle générale selon laquelle, lors d’un contrôle judiciaire, le dossier du tribunal administratif doit contenir uniquement les documents qui avaient été soumis au décideur.

 

[7]               La Cour est saisie de l’appel de l’ordonnance par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande présentée par Mme Exeter visant la production de l’ensemble du dossier de la Commission.

 

[8]               Madame Exeter conteste la décision du juge pour cinq motifs. Elle soutient ce qui suit :

 

a)      Le juge a mal compris la nature de sa demande de production de documents.

b)      Le juge a omis de tenir compte des éléments de preuve essentiels concernant les pratiques trompeuses et les ingérences de la Commission.

c)      Les motifs du juge étaient insuffisants parce qu’il n’a pas répondu à ses arguments selon lesquels la Commission s’était mal comportée et avait fait preuve de partialité.

d)     Le juge a mal interprété la pertinence des documents demandés.

e)      Le juge a commis des erreurs de droit lorsqu’il a mal appliqué la jurisprudence pertinente.

 

[9]               L’intimé, le procureur général du Canada, a initialement fait valoir que l’appel avait un caractère purement théorique étant donné que la réponse de l’employeur avait été transmise à Mme Exeter. Cet argument a été abandonné lors de l’instruction de l’appel. Madame Exeter a été informée la veille de l’audience que cet argument serait abandonné. Sur le fond, le procureur général soutient que, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, seuls les documents dont était réellement saisi le décideur doivent être produits.

 

[10]           Malgré les observations détaillées de Mme Exeter, nous avons conclu que le présent appel doit être rejeté pour les motifs exposés ci‑après.

 

[11]           Madame Exeter conteste la décision parce que le juge n’a pas abordé l’élément central de son argumentation : elle dit que la Commission s’est mal comportée et qu’elle a fait preuve de partialité, et elle en conclut que des éléments doivent être ajoutés au dossier du tribunal de façon à englober des documents qui lui permettent de démontrer la véracité de ses allégations. Ses cinq moyens d’appel visent tous le défaut du juge de répondre directement à ses observations.

 

[12]           Il aurait été préférable que le juge réponde expressément à chacune des observations de Mme Exeter. Cependant, nous déduisons de l’expression « recherche à l’aveuglette » utilisée par le juge, de même que de sa décision quant aux dépens, qu’il n’était pas convaincu que la Commission s’était mal comportée ou qu’elle avait fait preuve de partialité au point de justifier l’ajout d’éléments au dossier dont le tribunal administratif était saisi.

 

[13]           Madame Exeter donne trois exemples de ce qu’elle considère comme une inconduite de la part de la Commission :

1.                  La Commission l’a trompée lorsqu’elle l’a informée que les observations de son ancien employeur n’avaient pas été transmises au décideur.

2.                  La Commission a déposé la réponse de l’employeur à sa plainte au dossier de la Cour fédérale, mais elle a fourni à Mme Exeter une version différente de ce document.

3.                  La Commission l’a trompée lorsqu’elle l’a informée que son ancien employeur n’avait pas déposé de réplique, ce qui a fait obstacle à la communication réciproque d’observations.

 

[14]           À notre avis, pour les motifs exposés ci‑après, Mme Exeter n’a pas démontré que la Commission, selon toute vraisemblance, s’était mal comportée ou avait fait preuve de partialité.

 

[15]           Premièrement, Mme Exeter n’a pas étayé l’allégation selon laquelle le décideur avait en sa possession la réponse de son ancien employeur à sa plainte. Le fait qu’une pièce jointe à la réponse de l’employeur se soit retrouvée entre les mains du décideur ne démontre pas que c’était aussi le cas de la réponse elle‑même.

 

[16]           Deuxièmement, la réponse de l’employeur à la plainte consistait en une page couverture de télécopie, une lettre de trois pages qui constituait une réponse à la plainte et trois pièces jointes. Les pièces jointes étaient des documents déjà en la possession de Mme Exeter. En tout, l’employeur a transmis 47 pages de documents à la Commission. Il a envoyé par télécopieur l’ensemble de ces documents à Mme Exeter. Cette dernière n’a pas reçu la première et la troisième page de la lettre de l’employeur, mais elle a reçu deux copies de la deuxième page. Un examen, même superficiel, des documents permet de repérer facilement ces lacunes.

 

[17]           Nous ne considérons pas que ces faits démontrent une intention de tromper Mme Exeter. Personne ne pouvait être trompé. Les pages manquantes et les nombreuses copies de la page 2 ne sont que des problèmes survenus dans le processus d’envoi par télécopieur des documents à Mme Exeter.

 

[18]           Enfin, lorsque l’employeur a reçu le rapport de l’enquêteur, il a eu l’occasion d’y répondre. L’employeur y a répondu comme suit par courriel :

[traduction] S’agissant des allégations formulées par Mme Exeter, j’aimerais confirmer que l’employeur n’a rien d’autre à présenter en réponse. Nous demandons à la Commission de continuer à prendre en compte les objections déjà déposées et tenons à souligner que nous sommes toujours d’avis qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les plaintes de Mme Exeter, comme nous l’avons indiqué dans les objections que nous avons déposées.

 

Merci d’avoir donné à Statistique Canada l’occasion de répondre. Si vous avez besoin d’autres renseignements, n’hésitez pas à communiquer avec moi.

 

[19]           Une copie de ce courriel a été envoyée à Mme Exeter à titre d’information seulement. Elle déclare que la Commission l’a trompée parce qu’elle lui a initialement fait croire que l’employeur n’avait pas déposé de réplique.

 

[20]           À notre avis, les difficultés liées à ce courriel découlent de la façon dont il est décrit. Bien que le courriel ait été envoyé après que l’employeur eut reçu le rapport de l’enquêteur, ce qui dans une certaine mesure constituait une forme de réplique, il ne contenait aucun élément de fond. Il n’ajoutait rien à la réponse initiale de l’employeur. Comme il ne comportait pas de nouveaux éléments, Mme Exeter n’avait aucune réplique à déposer. Il n’y a pas eu d’atteinte au droit de Mme Exeter à la communication réciproque et rien ne permettait de conclure à une inconduite de la part de la Commission.

 

[21]           Vu que Mme Exeter n’a fourni aucune preuve convaincante d’une inconduite ou de partialité de la part de la Commission, le juge n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a rejeté sa requête visant la production de l’ensemble du dossier de la Commission. Il s’ensuit que nous rejetterions l’appel.

 

[22]           Le procureur général sollicite des dépens de l’ordre de 1 400 $ et des débours s’élevant à 270,18 $. Madame Exeter demande aussi à la Cour de lui adjuger des dépens, en s’appuyant sur le principe selon lequel la partie qui soulève une question de droit nouveau d’intérêt public dans le cadre d’une demande doit se voir adjuger les dépens, peu importe l’issue de la cause.

 

[23]           Les questions de droit et de fait soulevées dans l’appel interjeté par Mme Exeter ne sont pas du droit nouveau et l’affaire ne porte pas sur des questions importantes qui vont au‑delà des intérêts immédiats de Mme Exeter. Puisque l’appel sera rejeté, nous n’adjugerions pas les dépens en faveur de Mme Exeter. Nous n’accorderions aucuns dépens au procureur général non plus étant donné qu’il a retiré à la dernière minute son argument selon lequel l’appel était purement théorique.

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« A.F. Scott »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                                                                A‑257‑13

 

 

INTITULÉ :

RACHEL EXETER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                                                LE 26 MARS 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

                                                                                                LES JUGES DAWSON ET SCOTT

Y A SOUSCRIT :                                                                 LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

                                                                                                LE 2 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Rachel Exeter

POUR L’APPELANTE

(pour son propre compte)

 

Abigail Martinez

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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