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Date : 20140508


Dossier :

A-258-13

Référence : 2014 CAF 119

CORAM :

LE JUGE NOËL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

 

ENTRE :

RACHEL EXETER

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 7 mai 2014

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 mai 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NOËL

LE JUGE WEBB

 

 


Date : 20140508


Dossier :

A-258-13

Référence : 2014 CAF 119

CORAM :

LE JUGE NOËL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

 

ENTRE :

RACHEL EXETER

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1]               La Cour est saisie de l’appel de l’ordonnance du 11 juillet 2013 par laquelle la Cour fédérale confirmait dans le dossier T-943-12 l’ordonnance interlocutoire prononcée par la protonotaire Tabib le 30 mai 2013.

[2]               Était en cause devant la protonotaire un courriel envoyé par l’arbitre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Le courriel indique qu’un [traduction] « règlement est intervenu par voie de médiation ». Selon l’heure inscrite sur le courriel, celui-ci a été envoyé à peine quelques heures avant le moment où l’appelante déclare avoir consenti au règlement. Depuis, l’appelante soutient que le règlement a été conclu sous la contrainte. Elle sollicite la production de l’en-tête du courriel, lequel, selon elle, confirmera précisément de quel fuseau horaire relève l’heure indiquée sur le courriel. Elle croit que son allégation de contrainte sera étayée si le courriel a été envoyé avant la conclusion du règlement.

[3]               La protonotaire a rejeté la demande de production du document, concluant qu’elle n’était pas pertinente. La Cour fédérale a rejeté l’appel, interjeté par l’appelante, de la décision de la protonotaire sur le fondement de l’article 51 des Règles. De l’avis de la Cour fédérale, l’appelante n’a pas montré que la protonotaire s’était fondée sur un principe erroné ou qu’elle avait mal apprécié les faits au sens des arrêts Z.I. Pompey Industrie c. ECU‑Line N.V., [2003] 1 R.C.S. 450, 2003 CSC 27, au paragraphe 18, et Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, aux pages 462 et 463 (C.A.). La Cour fédérale a ajouté que les arguments de l’appelante étaient constitués d’[traduction] « énoncés non étayés par des éléments de preuve », que l’appelante [traduction] « ne précise même pas l’importance qu’aurait le document demandé » et, qu’en conséquence, [traduction] « il est impossible de saisir la pertinence du document demandé par l’appelante ».

[4]               Devant notre cour, l’appelante ne nous a pas convaincus que la Cour fédérale avait commis quelque erreur que ce soit. En effet, même si nous examinions l’affaire à nouveau, nous conclurions que les observations de l’appelante sont dénuées de fondement. L’heure d’un courriel indiquant qu’un règlement est intervenu n’a aucun lien logique avec l’existence alléguée de contrainte.

[5]               Devant notre Cour, l’appelante a allégué que la protonotaire avait fait preuve de partialité en raison de certaines déclarations qu’elle avait faites dans ses motifs, visés en l’espèce, et de ce qu’elle aurait dit au cours d’une audience qu’elle a tenue et à l’issue de laquelle elle a prononcé une ordonnance distincte le 22 mai 2013.

[6]               Dans les motifs qu’elle a écrits en l’espèce, la protonotaire a souligné que l’appelante est encline à [traduction] « être obsédée par des contradictions ou des inexactitudes perçues ou réelles dans les arguments ou les affidavits de l’intimé et à leur attribuer une importance extrême » et a conseillé à l’intimé de s’efforcer d’éviter les inexactitudes à l’avenir. Cette observation déplaît à l’appelante, mais ce n’est pas une preuve de partialité.

[7]               J’examinerai maintenant l’observation de l’appelante selon laquelle la protonotaire était partiale en raison des commentaires qu’elle a faits au cours de l’audience précédente qui s’est conclue par l’ordonnance du 22 mai 2013. Pour présenter son observation, l’appelante a demandé l’autorisation de déposer l’enregistrement audio de cette audience. Pour faire preuve de générosité envers l’appelante, qui n’est pas représentée par avocat, et dans le feu de l’action, nous avons accepté que l’enregistrement nous soit présenté afin de vérifier s’il pouvait avoir un lien quelconque avec les questions en litige dans le présent appel. En fait, ce n’est pas ce que nous aurions dû faire. Quiconque cherche à soulever des questions à propos de ce qui a été dit au cours d’une audience doit commander la transcription de l’enregistrement et déposer seulement les parties nécessaires de la transcription dans le dossier d’appel conformément à l’alinéa 344(1)e) des Règles : voir la directive datée du 21 janvier 2014 donnée par la Cour dans l’arrêt Rahman c. AGC, dossier A-365-13.

[8]               Je souligne que la Cour est saisie d’un appel de l’ordonnance du 22 mai 2013 et que cet appel est en instance. Dans les présents motifs, je ne me prononce qu’en ce qui concerne l’enregistrement audio dans la mesure où il fait la lumière sur la partialité alléguée par l’appelante. Je n’exprime aucun avis concernant le bien-fondé de l’appel en instance.

[9]               L’enregistrement audio démontre que, loin d’être partiale, la protonotaire a agi avec beaucoup de courtoisie, de patience et de professionnalisme dans des conditions difficiles. L’appelante a allégué que les fonctionnaires se sont parjurés et elle leur a reproché une autre conduite indigne, sans toutefois présenter une preuve à l’appui. Elle a soulevé des questions qui allaient bien au-delà de la portée de l’avis de requête, allant même jusqu’à demander à la protonotaire de porter des accusations contre certains fonctionnaires. Après avoir entendu ces observations, la protonotaire s’est entretenue poliment avec l’appelante pendant plus d’une heure afin de savoir si elle avait le moindre élément de preuve à l’appui de ses graves allégations. Dans les observations qui nous ont été présentées, l’appelante a affirmé que la protonotaire avait employé des mots durs comme [traduction] « vous me tenez sous la contrainte ». Or, l’enregistrement audio ne révèle pas de tels propos.

[10]           Dans l’ensemble, l’appelante a fait valoir que la partialité de la protonotaire a fait en sorte qu’elle l’a condamnée aux dépens. Toutefois, la protonotaire a ordonné à l’appelante de payer seulement le niveau habituel des dépens, conformément au principe selon lequel les dépens sont à la charge de la partie qui n’a pas gain de cause. Vu l’absence de bien-fondé en l’espèce et la conduite de l’appelante devant la protonotaire, celle-ci aurait pu condamner l’appelante à des dépens plus élevés, en fait les dépens avocat-client, mais elle ne l’a pas fait.

[11]           L’allégation de partialité est « une décision sérieuse qu’on ne doit pas prendre à la légère » : R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, au paragraphe 113; Es-Sayyid c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CAF 59, aux paragraphes 38 et 50. Dans l’affaire qui nous occupe, l’appelante a allégué la partialité sans présenter aucune preuve à l’appui.

[12]           L’allégation de fraude est tout aussi sérieuse : Banque de Nouvelle-Écosse c. Fraser, 2001 CAF 267. En l’espèce, l’appelante a souvent allégué la fraude et la falsification de la part des fonctionnaires visés dans l’affaire qui a donné lieu à la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelante, ces allégations n’étant pas étayées dans le dossier qui nous a été présenté et ne s’appliquant pas à la question dont est saisi le tribunal, à savoir si l’en-tête du courriel était pertinent pour trancher la question de la contrainte.

[13]           L’appelante a même allégué, en l’absence de toute preuve, que l’enregistrement audio de l’audience devant la protonotaire, réalisé par la Cour fédérale et gardé en sécurité par celle-ci, avait été trafiqué, apparemment par le personnel de la Cour fédérale.

[14]           L’enregistrement audio révèle que la protonotaire a averti fermement, mais poliment, l’appelante concernant le fait de porter des allégations extrêmes sans rien pour les étayer. Dans ses motifs, elle l’avertissait également. Devant notre cour, l’appelante n’a pas tenu compte de l’avertissement.

[15]           Pour ces motifs, l’appel n’est pas fondé et je le rejetterais. La conduite de l’appelante devant nous est vexatoire et constitue un abus de procédure. Une sanction est justifiée quant à l’adjudication des dépens. Toutefois, la Couronne a seulement demandé la somme de 1 500 $ à titre de dépens et je considère qu’il n’est pas permis à la Cour d’aller au-delà de ce montant. Par conséquent, je condamne l’appelante aux dépens, fixés au montant de 1 500 $, payables sans délai.

[16]           J’encourage l’appelante à tout mettre en œuvre pour que sa demande de contrôle judiciaire soit instruite au fond avec célérité et de manière efficace au lieu de soulever des allégations graves non étayées par des éléments de preuve.

« David Stratas »

Juge

« Je suis d’accord.

Marc Noël, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A-258-13

APPEL DE L’ORDONNANCE PRONONCÉE LE 11 JUILLET 2013 PAR MONSIEUR LE JUGE ROY DANS LE DOSSIER No T-943-12

INTITULÉ :

RACHEL EXETER c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 MAI 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NOËL

LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Rachel Exeter

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Léa Bou Karam

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

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