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Date : 20140501

 

Dossier : A-88-12

 

Référence : 2014 CAF 109

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

 

LE JUGE STRATAS

 

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

AZIZULLAH HAFIZY 2009-1160(IT)G

FOROOZAN HONARI 2009-1159(IT)G

MELANIE TACANAY 2009-1148(IT)G

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

(MINISTÈRE DU REVENU)

intimée

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 30 avril 2014

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er mai 2014

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

 

LE JUGE WEBB

 

 


 


Date : 20140501

 

Dossier : A-88-12

 

Référence : 2014 CAF 109

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

 

LE JUGE STRATAS

 

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

AZIZULLAH HAFIZY 2009-1160(IT)G

FOROOZAN HONARI 2009-1159(IT)G

MELANIE TACANAY 2009-1148(IT)G

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

(MINISTÈRE DU REVENU)

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE GAUTHIER

[1]               La Cour est saisie d'un appel du jugement par lequel la juge Sheridan (la juge) de la Cour canadienne de l'impôt a accueilli les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR) pour les années d'imposition 2003 et 2004. La juge a déféré les nouvelles cotisations au ministre du Revenu national (le ministre) pour nouvel examen et nouvelles cotisations pour donner effet aux concessions faites par le ministre au début de l'audience. Ce faisant, la juge a refusé le reste des déductions demandées par les appelants. Ce refus est visé par le présent appel.

 

[2]               Dans les nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 2003 et 2004 d'Azizullah Hafizy, de Foroozan Honari et de Melanie Tacanay (les appelants), le ministre a refusé la déduction de diverses dépenses déclarées par les appelants relativement à leur entreprise immobilière, notamment pour la publicité, les cotisations professionnelles, le téléphone, le stationnement, les incitatifs aux clients, les cadeaux offerts à des tiers pour des renvois, les repas avec des clients, les fournitures de bureau et les paiements faits à des tiers. Le ministre a fondé sa décision sur l'insuffisance des pièces justificatives et la piètre qualité des documents produits.

 

[3]               Devant la juge, M. Hafizy a témoigné pour le compte des trois appelants et Mme Honari a communiqué certains renseignements additionnels concernant certains points que M. Hafizy avait soulevés dans son témoignage. Toute la documentation a été produite lors de ces témoignages et M. Hafizy a été longuement contre-interrogé.

 

[4]               La juge a souligné qu'il incombait aux appelants de démontrer qu'ils avaient engagé les dépenses dont ils demandaient la déduction et que ces dépenses constituaient des dépenses d'entreprise. Elle a ensuite affirmé que l'omission des appelants de tenir des livres et des registres comptables appropriés et leur habitude de payer en espèces faisaient en sorte qu'il leur était impossible de prouver qu'ils avaient droit aux déductions qu'ils demandaient.

 

[5]               Dans ses motifs (2012 CCI 56), la juge a affirmé qu'après l'audience, elle avait fait son propre examen des documents, et que les témoignages de M. Hafizy et de Mme Honari n'avaient pas eu pour effet de corriger ou de justifier les diverses irrégularités relevées dans leur preuve documentaire. Au paragraphe 10 de ses motifs, la juge énumère plusieurs irrégularités. Elle conclut ensuite que, dans ce contexte, les concessions du ministre étaient plus qu'équitables.

 

[6]               Les appelants soutiennent que la juge n'a pas fait un examen minutieux et complet des éléments de preuve qu'ils avaient présentés et que son jugement était donc inéquitable et injuste. Après avoir décrit ce qu'ils estiment être des erreurs factuelles (par exemple, au sous-paragraphe 10(2) des motifs de la juge concernant la pièce A‑7, « Afghan Hindara »), les appelants allèguent que le défaut de tenir compte de tous les éléments de preuve constitue un manquement à l'équité procédurale.

 

[7]               Les appelants soutiennent en outre qu'un juge peut admettre des éléments de preuve supplémentaires en l'absence de preuve documentaire, par exemple des témoignages de vive voix, et qu'en l'espèce, la juge ne l'a pas fait.

 

[8]               Enfin, les appelants allèguent que les rajustements faits par l'agent d'appel pour le compte du ministre étaient non fondés, car ils reposaient uniquement sur des hypothèses et des estimations de Statistique Canada et d'autres approximations fondées sur ce que l'agent d'appel jugeait être raisonnable.

 

[9]               La norme de contrôle applicable aux conclusions mixtes de fait et de droit de la juge (en l'absence d'un principe juridique isolable) est celle de l'erreur manifeste et dominante : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 36 (Housen). La pondération des éléments de preuve est susceptible de contrôle selon cette même norme de contrôle qui commande la retenue.

 

[10]           Selon la norme de l'erreur manifeste et dominante, le fardeau dont les appelants doivent s'acquitter « est lourd » : Hokhold c. Canada, 2013 CAF 86, au paragraphe 24. Compte tenu des éléments de preuve dont la juge disposait, je suis convaincue qu'il lui était loisible de tirer la conclusion qu'elle a tirée.

 

[11]           Le juge Stratas a expliqué ce qui suit dans l'arrêt R. c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46 : « Lorsque l'on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l'arbre debout. On doit faire tomber l'arbre tout entier. » En l'espèce, les appelants ont effectivement réussi à arracher certaines feuilles de l'arbre, puisque dans au moins un des exemples donnés par la juge, les faits semblent inexacts si on en fait une interprétation littérale (pièce A‑7, « Afghan Hindara »). Cela dit, l'arbre n'est pas tombé. Les éléments de preuve présentés par les appelants comportent plusieurs irrégularités qui justifient la décision de la juge de ne pas admettre d'autres déductions.

 

[12]           Pour ce qui concerne les allégations des appelants selon lesquelles il y a eu un manquement à l'équité procédurale, je n'en vois aucun. Les appelants ont eu l'occasion d'être pleinement entendus et ils ont pu présenter tous leurs arguments. En fait, au cours de l'audience, la juge a expressément demandé des précisions au sujet de postes de dépenses dont le témoin n'avait pas parlé lors de son interrogatoire et de son contre-interrogatoire (dossier d'appel, page 185, lignes 1 à 6).

 

[13]           Dans l'arrêt Housen, au paragraphe 46, la Cour suprême du Canada a clairement affirmé qu'un juge est présumé avoir pris en compte tous les éléments de preuve au dossier. En l'espèce, non seulement la juge a-t-elle dit aux appelants à l'audience qu'elle [TRADUCTION] « examinerait soigneusement les documents plus tard » (dossier d'appel, page 163, lignes 2 à 4; voir aussi le dossier d'appel, à la page 161, aux lignes 15 à 19), mais on lui a fait examiner bon nombre des documents. La juge a aussi affirmé expressément dans ses motifs qu'elle avait procédé à son propre examen des documents produits par les appelants (motifs, au paragraphe 10). Elle a aussi exposé en détail les imperfections des éléments de preuve, en citant des exemples précis que l'intimée n'avait pas, selon les appelants, convenablement examinés (voir, par exemple, la pièce A‑7, « Likha », la pièce A‑2, « Taliba », et les motifs de la juge au sous-paragraphe 10(4)).

 

[14]           Dans ces circonstances, la présomption selon laquelle la juge a examiné tous les documents au dossier n'a pas été réfutée.

 

[15]           Dans ces circonstances, l'appel devrait être rejeté.

 

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

 

 

« Je suis d'accord.

            David Stratas, j.c.a. »

 

 

« Je suis d'accord.

            Wyman W. Webb, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 


dossier :

A-88-12

 

APPEL DU JUGEMENT RENDU PAR LA JUGE SHERIDAN LE 16 FÉVRIER 2012 DANS LES DOSSIERS NUMÉROS 2009‑1160(IT)G, 2009‑1159(IT)G ET 2009-1148(IT)G

 

INTITULÉ :

AZIZULLAH HAFIZY 2009-1160(IT)G, FOROOZAN HONARI 2009-1159(IT)G, MELANIE TACANAY 2009-1148(IT)G c. SA MAJESTÉ LA REINE (MINISTÈRE DU REVENU)

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 30 AVRIL 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER MAI 2014

COMPARUTIONS :

 

Azizullah Hafizy

Foroozan Honari

Melanie Tacanay

 

POUR LEUR PROPRE COMPTE

 

Alisa Apostle

Carol Calabrese

pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour leur propre compte

 

les appelants

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

pour l'intimée

 

 

 

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