Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20140722


Dossier : A‑243‑13

Référence : 2014 CAF 164

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

PATRICK MCEVOY ET CLAUDIO PELLICORE

appelants

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 25 mars 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

 


Date : 20140722


Dossier : A‑243‑13

Référence : 2014 CAF 164

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

PATRICK MCEVOY ET CLAUDIO PELLICORE

appelants

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SCOTT

I.                   Faits et procédures

[1]               La Cour est saisie de l’appel d’une décision du juge Mandamin de la Cour fédérale (le juge de première instance) rejetant la demande de révision judiciaire présentée par les appelants, MM. Patrick McEvoy et Claudio Pellicore, à l’encontre d’une décision de la déléguée de l’administrateur général, Mme Camille Therriault-Power (la déléguée), responsable de la classification des postes à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). La déléguée a accepté la recommandation du comité de règlement des griefs de classification (le comité), que le poste d’agent d’application de la loi à l’intérieur du pays (agent d’application de la loi) des appelants demeure classifié dans le même groupe et au même niveau PM-03, et a par conséquent rejeté leur grief.

A.         La décision du comité

[2]               Les appelants ont déposé un grief au sujet de la classification de leur poste dans le groupe et au niveau PM-03, alléguant que les nouvelles fonctions qui leur avaient été confiées à la suite de l’adoption de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, justifiaient une classification dans le groupe et au niveau PM-04.

[3]               Aux termes des alinéas 7(1)e) et 11.1(1)b) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, il incombe au Conseil du Trésor de gérer le personnel et d’établir la classification des postes dans la fonction publique. Les griefs de classification sont examinés par un comité de règlement des griefs de classification conformément aux politiques suivantes : la Politique sur les griefs de classification, la Procédure du règlement des griefs de classification, la Clarification de la procédure du règlement des griefs de classification et le Rappel – Processus de résolution des griefs de classification.

[4]               Conformément à la Procédure du règlement de la classification des griefs, un comité de règlement des griefs de classification a été formé et chargé d’examiner le grief des appelants. Il était composé de trois membres, soit un président, un représentant du Conseil du Trésor et le directeur général de la Direction des programmes commerciaux de l’ASFC.

[5]               Le comité a entendu le grief le 29 novembre 2009 et lors d’une seconde audience le 14 décembre 2009. Les appelants et un représentant de leur agent négociateur, l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), ont fait des représentations verbales et écrites. Le comité a également entendu M. Robert Johnston, directeur chargé du Programme d’exécution de la loi pour les services intérieurs pour la région de la Colombie‑Britannique, et Mme Susan Kramer, directrice générale par intérim, Direction générale des opérations, au sujet des fonctions des agents d’application de la loi.

[6]               À la suite de ces exposés, le comité a demandé à la direction des éclaircissements au sujet de certaines tâches exécutées par les agents d’application de la loi. Une copie des questions du comité et des réponses données par l’ASFC a été transmise aux appelants. Le 11 février 2010, les appelants ont déposé des observations écrites et des pièces en réplique aux réponses de l’ASFC. Le 26 février 2010, les membres du comité se sont réunis pour délibérer.

[7]               Le comité a conclu son rapport le 14 mars 2010 et l’a signé le 16 avril 2010. Le rapport recommandait à l’unanimité que le poste visé par le grief demeure classé dans le groupe et au niveau PM-03. Le rapport a été envoyé à la déléguée, qui a approuvé cette recommandation le 17 avril 2010. La décision de la déléguée a été transmise aux appelants le 19 avril 2010. La lettre de la déléguée accompagnant la décision précisait que le comité avait recommandé à l’unanimité que le poste demeure classé dans le groupe et au niveau PM-03 et que la décision était sans appel et exécutoire. La copie du rapport du comité était également jointe à la lettre.

[8]               Le 19 avril 2010, la déléguée a rédigé une note d’information au président de l’ASFC par laquelle elle précisait les motifs pour lesquels elle appuyait la recommandation unanime exprimée dans le rapport et expliquait pourquoi elle estimait que les deux classifications antérieures du poste au niveau PM-04 faites par des consultants externes étaient inexactes.

[9]               Les appelants ont introduit le 18 mai 2010 une demande de révision judiciaire visant la décision de la déléguée. Le 5 novembre 2010, à la suite d’une demande d’accès à l’information, les appelants ont reçu la copie de la note d’information envoyée par la déléguée au président de l’ASFC le 19 avril 2010.

B.         La décision de la Cour fédérale

[10]           Devant la Cour fédérale, les appelants ont reproché à la déléguée d’avoir manqué aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle en confirmant la décision du comité. Ils ont soutenu que le comité avait préjugé la cause, qu’il n’avait pas motivé suffisamment sa décision et qu’il n’avait pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve qui lui avaient été présentés. Les appelants ont également soutenu devant le juge de première instance que la déléguée ne leur avait pas accordé la possibilité de répondre aux observations additionnelles qu’elle avait évoquées dans sa note d’information au président de l’ASFC.

[11]           Le juge de première instance a rejeté leur demande, concluant que ni le comité ni la déléguée n’avaient manqué aux principes d’équité procédurale. Compte tenu du rôle limité de la déléguée dans le processus, le juge de première instance a conclu que le comité était de fait le décideur. Il a également conclu que la déléguée n’était pas expressément tenue de motiver sa décision de confirmer ou de rejeter la recommandation du comité. Puisque la déléguée a appuyé la recommandation unanime du comité, le juge de première instance a conclu que la note d’information envoyée au président de l’ASFC, deux jours après l’acceptation de la recommandation unanime, n’a pas sapé la décision du comité ni eu d’incidence sur celle-ci. Il n’y a donc eu aucun manquement aux principes d’équité procédurale.

[12]           Le juge de première instance a rejeté l’argument des appelants selon lequel le comité n’a pas suffisamment motivé sa décision, étant donné le principe qu’une décision doit traiter des principaux points en litige et énoncer le raisonnement suivi. Il a conclu que le comité s’était effectivement penché sur tous les arguments présentés par les appelants.

[13]           Le juge de première instance a également rejeté l’allégation des appelants voulant que le comité n’a pas tenu compte de tous leurs arguments ni de tous les éléments de preuve présentés. Il a déclaré que la thèse des appelants à ce sujet reposait sur l’hypothèse que les motifs du comité étaient insuffisants, alors qu’il a conclu que le comité avait bel et bien analysé les éléments de preuve relatifs aux principaux points en litige.

[14]           Le juge de première instance a également rejeté la thèse des appelants selon laquelle le comité avait préjugé leur cause, puisque les renvois que comportent le rapport et la chaine des réponses fournies n’appuient pas la thèse des appelants. Il a également rejeté l’argument voulant que Mme Kramer n’aurait pas dû intervenir à titre de représentante de la direction parce qu’elle était déjà intervenue au dossier.

[15]           Par leur appel devant la Cour les appelants ont réitéré les arguments présentés devant le juge de première instance. Par les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter l’appel.

II.                Analyse

[16]           En appel d’une décision rendue dans une demande de révision judiciaire, la cour d’appel doit d’abord trancher les questions suivantes : Le juge de première instance a-t-il retenu la norme de contrôle appropriée et l’a-t-il appliquée correctement? (voir Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 43, et Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2006 CAF 31, [2006] 3 R.C.F. 610, au paragraphe 14).

[17]           En l’espèce, le juge de première instance a choisi à raison d’appliquer la norme de la décision correcte en ce qui a trait aux questions d’équité procédurale, et la norme de la décision raisonnable en ce qui concerne la décision de la déléguée (voir Bégin c. Canada (Procureur général), 2009 CF 634, [2009] A.C.F. no 742, aux paragraphes 8 et 9 [Bégin], et Hagel c. Canada (Procureur général), 2009 CF 329, [2009] A.C.F. no 417, aux paragraphes 28, 34 et 35).

[18]           Ce qui constitue une décision raisonnable a été précisé dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47. La décision est raisonnable si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[19]           Les appelants ont soulevé quatre questions dans leur appel.

a)      La déléguée avait-elle une obligation d’équité procédurale envers les appelants et, le cas échéant, a-t-elle manqué à cette obligation?

b)      Le comité a-t-il négligé de tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents présentés par les appelants et est-ce que ses motifs sont insuffisants?

c)      Le comité a-t-il commis une erreur en retenant le témoignage rendu par Mme Kramer, représentante de la direction?

d)     Le comité a-t-il préjugé l’affaire?

A.                Le devoir d’équité procédurale

[20]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 21 et 22 [Baker], nous enseigne que l’obligation d’équité est souple et variable et qu’elle repose sur l’appréciation du contexte de la loi et des droits visés. En matière de processus de règlement des griefs de classification, la jurisprudence énonce que le niveau d’équité procédurale due à l’appelant se situe « du côté d’une moindre exigence » (voir Beauchemin c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2008 CF 186, 364 F.T.R. 159, aux paragraphes 24 et 42, citant Chong c. Canada (Conseil du Trésor), [1995] A.C.F. no 693 (QL), [1999] A.C.F. no 176 (QL)).

[21]           Par conséquent, l’obligation d’équité procédurale est remplie « si les plaignants ont eu la possibilité d’exposer leurs moyens relatifs à la classification de leurs postes, de se faire entendre et que leur participation n’a été soumise à aucune restriction » (voir Bégin, précitée, au paragraphe 9).

[22]           Les appelants soutiennent que la déléguée s’est fondée sur des facteurs additionnels qui n’apparaissaient pas dans le rapport du comité et ce, sans qu’on les avise. Ils soutiennent que cela constitue un manquement aux principes d’équité procédurale et que le juge de première instance a erré en concluant que ces facteurs n’avaient aucunement influencé la décision de la déléguée de confirmer la recommandation du comité.

[23]           Au cours de l’audience devant notre Cour, l’avocat des appelants a soutenu que la déléguée aurait pu rejeter la recommandation du comité si elle leur avait donné l’occasion de commenter les autres points qu’elle avait soulevés auprès de l’administrateur général.

[24]           À mon avis, cette thèse doit être rejetée par les motifs qui suivent.

[25]           La section VI de la Procédure du règlement des griefs de classification énonce la procédure que doit suivre le délégué lorsqu’il reçoit la recommandation du comité. Dans le cas d’une recommandation unanime, comme c’est le cas en l’occurrence, le délégué ne peut qu’appuyer ou rejeter la recommandation du comité. Selon ce mandat, le délégué ne peut modifier une recommandation unanime du comité et la remplacer par ses propres conclusions.

[26]           En l’espèce, la déléguée a confirmé la recommandation unanime du comité le 17 avril 2010. La note d’information au président de l’ASFC a été signée deux jours plus tard, soit le 19 avril 2010. Dans cette note, la déléguée explique clairement pourquoi elle a appuyé le rapport du comité, puis signale d’autres aspects qu’elle a pris en considération (voir le dossier d’appel complémentaire des appelants, à la page 30). Elle s’est exprimée en ces termes :

[traduction]

Voici les raisons pour lesquelles j’estime que la recommandation est raisonnable :

•      À la demande du Syndicat des douanes et de l’immigration et pour rassurer les employés au sujet du caractère impartial de l’examen de leur dossier, un consultant accrédité a présidé les audiences les plus récentes et a rédigé le rapport du comité de règlement des griefs de classification.

•      La décision a été prise par un comité de règlement des griefs de classification, composé d’un agent accrédité de l’ASFC, d’un représentant du Secrétariat du Conseil du Trésor et d’un représentant de la direction de l’ASFC qui a reçu une formation sur l’utilisation des normes de classification PM.

•      La cotation numérique du rapport le plus récent attribue 440 points à ce poste, ce qui le situe au milieu de la fourchette de 401 à 500 points prévus pour les postes PM‑03.

Vous remarquerez qu’il est signalé dans le rapport que deux consultants ont par le passé classé le poste au niveau PM‑04, mais ni l’une ni l’autre de leur décision ne peuvent être considérées comme faisant autorité. Le premier consultant a été engagé par le Syndicat des douanes et de l’immigration et ne peut donc être considéré comme impartial. Le second consultant n’avait pas l’accréditation nécessaire pour attribuer des cotes numériques, et l’ASFC ne lui avait pas demandé de le faire. Le rapport ci‑joint renvoie à un historique de cinq pages fourni par M. McEvoy, un des plaignants, qui donne à penser que l’ASFC a engagé ce consultant pour évaluer le poste. En réalité, le consultant a été engagé uniquement pour rédiger la description de travail, ce qui ne nécessite aucune accréditation.

[27]           La thèse des appelants selon laquelle la déléguée aurait possiblement pu rejeter la recommandation est beaucoup trop conjecturale. Aux termes de la Politique de règlement des griefs de classification, lorsqu’un comité recommande une classification à l’unanimité, le pouvoir discrétionnaire du délégué est très limité. Si le délégué rejette la recommandation unanime du comité, la nouvelle décision doit être approuvée par l’administrateur général, qui doit ensuite informer le Secrétariat du Conseil du Trésor des motifs pour lesquels la recommandation unanime n’a pas été retenue. Les motifs communiqués au Conseil du Trésor doivent se rapporter directement aux recommandations du comité.

[28]           De plus, l’obligation d’équité procédurale du délégué est mineure vu son pouvoir discrétionnaire limité. Compte tenu du fait que les politiques régissant les griefs de classification sont conçues pour encourager les décisions unanimes, peu de poids peut être accordé aux observations incidentes. De plus, ces remarques supplémentaires de la déléguée semblaient destinées à devancer certaines des questions que le président de l’ASFC était susceptible de soulever parce que deux consultants avaient antérieurement proposé passé une classification plus élevée.

[29]           À mon avis, il est difficile de conclure que ces commentaires constituent la justification de la déléguée comme le font valoir les appelants et que la déléguée a, par conséquent, manqué à son obligation d’équité procédurale en ne permettant pas aux appelants de s’exprimer sur sa note d’information.

B.                 Modification insuffisante et défaut de tenir compte d’éléments de preuve

[30]           Les appelants soutiennent que les motifs du comité sont insuffisants en ce qu’ils ne satisfont pas aux exigences prévues à l’annexe 1 de la Procédure du règlement des griefs de classification. Ils soutiennent que les motifs ne font état d’aucune analyse sérieuse des questions de fond en litige. Les appelants soutiennent que le comité n’a pas procédé à l’examen des différences entre leur poste d’agent d’application de la loi et les postes qu’ils ont signalés dans leur étude de relativité. Ils allèguent que rien n’indique que le comité a considéré ces postes. Par conséquent, ils soutiennent ne pas pouvoir déterminer de quelle manière le comité a résolu les divergences entre les éléments de preuve présentés.

[31]           Les appelants soutiennent par ailleurs que le comité n’a pas tenu compte de leur réponse aux témoignages présentés par M. Johnston et Mme Kramer. Ils ajoutent que, dans leur réponse relative aux faits avancés par Mme Kramer, ils ont fait ressortir des divergences importantes entre leurs éléments de preuve et ceux de leur employeur en ce qui concerne les fonctions des agents d’application de la loi, ce que le comité n’a pas évalué ni commenté.

[32]           Après examen du dossier, je ne peux pas retenir ces arguments. Le rapport du comité reprend en détail l’argumentation des appelants (voir le rapport du comité, dossier d’appel, volume V, pages 1886 à 1889). Il expose ensuite les questions posées à Mme Kramer, représentante de la direction, et ses réponses, qui ont été communiquées à la fois aux plaignants et au représentant de l’ASFC.

[33]           Le comité a d’abord étudié la proposition de l’ASFC, indiquant clairement à quels égards et pour quelles raisons il n’estimait pas la classification proposée appropriée (voir le rapport du comité, dossier d’appel, volume V, pages 1884 à 1886). Il a ensuite fait de même avec la classification proposée par les plaignants et les consultants (voir le rapport du comité, dossier d’appel, volume V, pages 1886 à 1889). Le comité a considéré les quatre postes proposés à des fins comparatives par les plaignants dans leur étude de relativité, soit les postes d’enquêteur des douanes, d’agent d’immigration, d’agent d’audience et de spécialiste de la politique relative au classement tarifaire, et exposé, en fonction de quatre critères utilisés pour évaluer le poste d’agent d’application de la loi, soit les connaissances, la prise de décision, la responsabilité opérationnelle et les contacts, pourquoi il ne jugeait pas la comparaison pertinente.

[34]           Le comité a également tenu compte des fonctions supplémentaires découlant de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. À la page 1885 du dossier d’appel, le comité signale l’évaluation faite par Mme Wight de ces nouvelles fonctions et, à la page 1887, il renvoie aux arguments des plaignants et au fait que deux tâches importantes ont été déléguées aux agents d’application de la loi.

[35]           Par ces motifs, je conclus que les appelants ne m’ont pas convaincu que le comité n’a pas considéré leurs arguments. De plus, comme le démontre l’examen que nous avons fait du rapport du comité, les motifs de ce dernier étaient suffisants pour permettre un examen en appel.

C.                 Témoignage de Mme Kramer, représentante de la direction

[36]           Les appelants soutiennent que le comité n’aurait pas dû entendre le témoignage de Mme Kramer, représentante de la direction, parce qu’ils doutaient de sa partialité. Leurs préoccupations découlent de sa participation à la décision relative à la classification faisant l’objet du grief devant le comité. Ils allèguent que Mme Kramer a, par le passé, préconisé la classification existante en se fondant sur des éléments de preuve inexacts. Les appelants soutiennent que le comité n’a pas examiné leurs préoccupations et n’a pas fourni d’analyse ni de motifs pour expliquer pourquoi il en a fait abstraction.

[37]           Les appelants mettent l’accent sur le rôle du représentant de la direction et le fait qu’il ne doit pas présenter des arguments pour ou contre la décision à l’origine du grief ni tenter d’influencer les membres du comité. Ils ont également souligné le fait que plusieurs employés de l’ASFC avaient été invités à intervenir à titre de représentants de la direction, mais avaient refusé en raison de leur participation antérieure à des activités relatives à la classification du poste d’agent d’application de la loi.

[38]           L’argumentation des appelants est inexacte. Mme Kramer était habilitée à témoigner. Les arguments des appelants selon lesquels elle n’aurait pas dû être appelée à témoigner comme représentante de la direction parce qu’ils craignaient qu’elle ne soit pas impartiale en raison de sa participation antérieure au processus ne sont pas fondés. Une personne peut être appelée à témoigner, qu’elle soit partiale ou non. L’autre partie a la possibilité d’attaquer la crédibilité de cette personne en démontrant qu’elle a fait preuve de partialité dans son témoignage.

[39]           Les appelants n’ont aucunement démontré que Mme Kramer avait fait preuve de partialité dans son témoignage. La simple allégation qu’elle a volontairement induit le comité en erreur n’est pas confirmée par les éléments de preuve versés au dossier. De plus, ils n’ont pas établi que Mme Kramer avait réellement présenté des arguments en faveur de la classification existante, ni qu’elle eut adopté une telle position lorsqu’elle a fourni de l’information au comité, ni qu’elle eut agi de manière contraire à la Procédure du règlement des griefs de classification. Vu qu’ils n’ont pas produit devant la Cour d’éléments de preuve de nature à établir le manque de crédibilité de Mme Kramer comme témoin, je rejette l’argument des appelants.

D.                Préjugement

[40]           Les appelants soutiennent que le comité a préjugé leur grief, puisqu’il a signalé à la page 16 de son rapport qu’[traduction] « [à] la suite de la réponse du syndicat du 11 février 2010, le comité s’est réuni de nouveau le 26 février pour examiner cette réponse. Après examen approfondi des éléments de preuve présentés, le comité a conclu que les nouveaux renseignements ne modifieraient pas sa décision » (voir le rapport du comité, dossier d’appel, volume V, page 1898).

[41]           Pour établir que le comité avait préjugé leur demande de classification, les appelants devaient prouver « qu’il ne servirait à rien de présenter des arguments contredisant le point de vue adopté » (voir Association des résidents du Vieux St‑Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, au paragraphe 57). Ils n’ont pas prouvé que tel avait été le cas. La déclaration n’indique pas que l’opinion du comité était déjà établie et que tout argument serait inutile.

[42]           De plus, il n’est pas interdit à un décideur de prendre une décision au fur et à mesure qu’il reçoit des éléments de preuve, puisqu’il est normal de soupeser différents facteurs au fur et à mesure qu’ils entrent en jeu. Cela fait partie du processus décisionnel.

[43]           Selon moi, l’affirmation selon laquelle [traduction] « [a]près un examen approfondi des éléments de preuve présentés, le comité a conclu que les nouveaux renseignements ne modifieraient pas sa décision » peut être interprétée comme signifiant qu’après avoir soupesé les nouveaux renseignements, le comité a jugé qu’ils ne l’emportaient pas sur les autres éléments de preuve versés au dossier et qui justifiaient le maintien tel quel du niveau de classification. Par conséquent, cela n’a pas «modifié la décision». En d’autres termes, en se fondant sur son analyse de l’étude de relativité et sur les arguments des parties, le comité a jugé que la classification devrait demeurer la même et que la réponse du syndicat ne justifiait pas une autre conclusion. Cela ne prouve pas que le comité n’a pas examiné les nouveaux renseignements ou a préjugé la question en litige.

[44]           La déclaration doit être interprétée dans son contexte, l’élément important étant de savoir si le comité était disposé à considérer les nouveaux éléments de preuve présentés. En l’occurrence, rien ne prouve le contraire.

[45]           Bref, le juge de première instance a retenu les normes de contrôle appropriées et les a appliquées correctement. Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens, fixés à 3 000$, en faveur de l’intimé.

« A.F. Scott »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

Traduction


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A‑243‑13

 

INTITULÉ :

PATRICK MCEVOY ET CLAUDIO PELLICORE c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 mars 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

Le 22 juillet 2014

 

COMPARUTIONS :

David Yazbeck

POUR LES APPELANTS

 

Sean Kelly

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck S.R.L.

Ottawa (Ontario)

POUR LES APPELANTS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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