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Date : 20140910

Dossier : A-102-14

Référence : 2014 CAF 195

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

JOSE S. DIAS

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 10 septembre 2014

Jugement prononcé à l'audience à Toronto (Ontario), le 10 septembre 2014

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

 



Date : 20140910

Dossier : A-102-14

Référence : 2014 CAF 195

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

JOSE S. DIAS

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 10 septembre 2014)

LE JUGE STRATAS

[1]               Le Procureur général interjette appel du jugement rendu le 21 janvier 2014 par le juge Phelan de la Cour fédérale : 2014 CF 64. La Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de M. Dias et a annulé la décision du directeur de la direction des enquêtes de la Direction générale de la sécurité de Passeport Canada.

[2]               S'appuyant sur le Décret sur les passeports canadiens, TR/81‑86, le directeur avait décidé de priver M. Dias de services de passeport pendant cinq ans parce que celui‑ci avait sciemment organisé le voyage de son épouse au moyen d'un passeport néo‑zélandais contrefait, ou l'avait incitée, aidée ou encouragée à le faire. M. Dias utilisait un passeport canadien valide.

[3]               En vertu de l'alinéa 10(2)b) du Décret sur les passeports canadiens, Passeport Canada peut « révoquer le passeport de la personne qui [...] utilise le passeport pour commettre un acte criminel au Canada, ou pour commettre, dans un pays ou État étranger, une infraction qui constituerait un acte criminel si elle était commise au Canada ». Lorsque les conditions prévues à ce paragraphe s'appliquent, Passeport Canada a le pouvoir en vertu de l'article 10.3 d'imposer à une personne une période de refus de services de passeport.

[4]               Avant de rendre sa décision, le directeur avait écrit à M. Dias en exposant sa perception des faits et les mesures qu'il se proposait de prendre. Le directeur invitait M. Dias à répondre. Dans sa lettre, le directeur n'a pas précisé à M. Dias quel acte criminel celui‑ci aurait commis.

[5]               Toutefois, dans une autre lettre du 2 novembre 2011, le directeur a informé M. Dias de l'infraction, soit l'infraction visée à l'article 117 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 : « Commet une infraction quiconque sciemment organise l'entrée au Canada » d'une personne — l'épouse de M. Dias — « non munie des documents — passeport, visa ou autre — requis par la présente loi ou incite, aide ou encourage une telle personne à entrer au Canada. »

[6]               Il s'ensuit que la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu'elle a conclu (au paragraphe 18) que le directeur avait agi d'une manière inéquitable au plan procédural en omettant d'informer M. Dias de l'infraction alléguée afin que celui‑ci puisse répondre à cette allégation. M. Dias avait bien été informé de l'infraction alléguée.

[7]               Cependant, nous observons que les faits sur lesquels le directeur s'est appuyé ne pouvaient pas mener à sa conclusion selon laquelle M. Dias avait commis l'infraction prévue à l'article 117 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. La Cour fédérale a bien résumé ces faits au paragraphe 8 de ses motifs. Aucun de ces faits n'étaye une conclusion selon laquelle M. Dias — par opposition à son épouse — a utilisé son passeport pour organiser l'entrée au Canada de son épouse avec un passeport contrefait, en contravention à cette disposition, ou a incitée, aidée ou encouragée son épouse à le faire. Ce n'est qu'en tenant déraisonnablement pour acquis l'existence d'une culpabilité par association que le directeur a pu conclure de ces seuls faits que M. Dias avait commis l'infraction prévue à l'article 117.

[8]               Le directeur n'a pas cru ce que M. Dias lui a dit en réponse à sa lettre d'invitation à présenter des observations. Mais le fait de ne pas croire ce que M. Dias avait dit, sans plus, n'étaye pas une conclusion selon laquelle M. Dias lui‑même a commis l'infraction visée à l'article 117, c'est‑à‑dire que tous les éléments constitutifs de l'infraction visée à l'article 117 sont présents. Dans certaines circonstances, l'incrédulité peut amener le directeur à avoir des motifs raisonnables de croire ou de soupçonner qu'une infraction visée à l'article 117 a été commise. Cependant, le Décret sur les passeports canadiens ne permet pas au directeur d'agir sur le fondement de motifs raisonnables ou de soupçons.

[9]               L'appelant a insisté devant nous sur la très grande importance de prévenir et de corriger les mauvais usages de passeports et de maintenir l'intégrité du système de passeports. Cela est vrai : voir, p. ex., Kamel c. Canada (P.G.), 2008 CF 338, [2009] 1 R.C.F. 59, au paragraphe 41. Cependant, les pouvoirs réglementaires comme celui-ci peuvent être exercés seulement lorsque la loi l'autorise et le permet.

[10]           Pour les motifs qui précèdent, nous souscrivons au résultat auquel en est arrivée la Cour fédérale. Par conséquent, en dépit de l'argumentation solide de Me Tausky, nous rejetterons l'appel avec dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-102-14

 

APPEL DU JUGEMENT PRONONCÉ LE 21 JANVIER 2014 PAR LE JUGE PHELAN DANS LE DOSSIER T‑1344‑12

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. JOSE S. DIAS

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 10 septembre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :

LE JUGE STRATAS

COMPARUTIONS :

Laura Tausky

 

pour l'appelant

 

Hamza N.H. Kisaka

 

pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

pour l'appelant

 

Hamza Kisaka

Toronto (Ontario)

pour l'intimé

 

 

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