Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20140930


Dossier : A-36-12

Référence : 2014 CAF 213

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

appelant

et

NAWAL HAJ KHALIL

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 mai 2014

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 


Date : 20140930


Dossier : A-36-12

Référence : 2014 CAF 213

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

 LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

appelant

et

NAWAL HAJ KHALIL

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

I.                   Objet de l’appel

[1]               Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile interjette appel d’un jugement de la Cour fédérale en date du 21 novembre 2011 par lequel le juge O’Reilly a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par Nawal Haj Khalil attaquant la décision relative à la dispense ministérielle dans le dossier no IMM‑3767‑10 rendue en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) (répertoriés sous 2011 CF 1332 [les motifs]). Se fondant sur l’évaluation et la recommandation formulées par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), le ministre a refusé d’écarter le constat d’interdiction de territoire prononcé contre Mme Haj Khalil. Le juge a certifié une question grave de portée générale permettant à notre Cour d’entendre le présent appel.

[2]               Dans les mêmes motifs, le juge a également examiné une demande de contrôle judiciaire d’une autre décision concernant Mme Haj Khalil dans l’affaire no IMM‑3769‑10. Cette décision, rendue par un agent d’immigration est celle dans laquelle Mme Haj Khalil a fait l’objet d’une interdiction de territoire au Canada en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR au motif qu’elle avait déjà fait partie du Fatah, une organisation palestinienne dont le gouvernement canadien avait des motifs raisonnables de croire qu’elle s’était livrée au terrorisme au sens de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR. Le juge a rejeté la demande de contrôle judiciaire, a conclu que la décision était raisonnable et a refusé de certifier une question grave de portée générale relativement à cette décision. L’interdiction de territoire de Mme Haj Khalil et la partie des motifs du juge qui concerne le constat d’interdiction de territoire ne font pas l’objet de l’appel dont notre Cour est saisie.

II.                Faits

[3]               Madame Haj Khalil, une Palestinienne, est née en Syrie en 1955. En mars 1994, elle est arrivée au Canada avec ses deux enfants et elle a demandé l’asile au motif qu’elle avait été détenue et torturée en Syrie. En décembre 1994, la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a reconnu la qualité de réfugiés aux trois membres de cette famille.

[4]               À compter de la fin des années soixante-dix et jusqu’en 1993, Mme Haj Khalil a collaboré comme journaliste, avec le magazine Filastin Al Thawra (le FAT) de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), où elle était rémunérée à partir de ce qu’on appelle la quote-part du Fatah (les fonds attribués au Fatah par l’OLP). Au cours de ses entrevues avec les agents de l’immigration, Mme Haj Khalil a déclaré que ses articles portaient principalement au sujet du conflit israélo-palestinien, de la position syrienne au Liban, de l’occupation du sud du Liban par Israël et des conférences qui avaient lieu à l’extérieur du Liban. De plus, Mme Haj Khalil accompagnait fréquemment en tant que membre de l'équipe de presse du président de l’OLP, Yasser Arafat, au cours de ses voyages dans les pays voisins. On s’attendait à ce que les articles qu’elle écrivait soient propalestiniens compte tenu du fait qu’ils devaient être publiés dans le FAT.

[5]               C’est en raison de ces liens avec le Fatah que Mme Haj Khalil a été déclarée interdite de territoire au Canada et qu’elle s’est vue refuser une dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR. Le Fatah est une faction de l’OLP qui a été fondée en 1959. Le gouvernement canadien estime qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le Fatah est une organisation qui s’est livrée au terrorisme.

[6]               Voici comment l’Agence des services frontaliers du Canada a décrit l’évolution du Fatah dans son évaluation de la situation qu’il a remise au ministre de la Sécurité publique pour recommander que la dispense ministérielle demandée par Mme Haj Khalil soit refusée :

[traduction]

Au fur et à mesure que le rôle de l’Organisation de libération de la Palestine a évolué pour devenir celui d’un gouvernement des Palestiniens, le rôle du Fatah s’est transformé pour devenir celui d’un organisme militant clandestin et, dans la foulée, la Brigade des martyres d’Al-Aqsa a été créée en 2000 : il s’agit d’une unité spécialisée d’opérations armées visant à lutter contre Israël. Toujours en 2000, le Fatah a été soupçonné de collaborer avec le Hamas, l’Hezbollah et le Djihad islamique palestinien au sein de « cellules mixtes » (des cellules composées de membres provenant de plusieurs groupes terroristes), qui ont planifié et exécuté plusieurs attaques contre des cibles israéliennes.

De nos jours, le Fatah continue à jouer un rôle essentiel dans la politique palestinienne en plus de diriger divers organismes sociaux, caritatifs et éducatifs qui fournissent de l’aide au peuple palestinien. Il n’en demeure pas moins que son idéologie originale rejette carrément la légitimité de l’État d’Israël et préconise le recours à la violence pour repousser les Israéliens hors de la Palestine. Par conséquent, bien que le Fatah et Arafat se soient officiellement engagés à collaborer avec Israël pour forger la paix, en réalité, bien que de nombreux membres du Fatah soient activement engagés dans des activités gouvernementales légitimes au sein de l’Autorité palestinienne, certaines factions du Fatah se sont de nouveau livrées à des actes de violence et se sont impliquées dans de nouvelles activités terroristes.

(Évaluation et recommandations de l’ASFC, dossier d’appel, volume 1, à la page 3 [recommandations de l’ASFC])

III.             Procédures

[7]               Le statut de Mme Haj Khalil au Canada fait l’objet de multiples contentieux devant les Cours fédérales depuis plus d’une décennie. Madame Haj Khalil a fait l’objet d’un constat d’interdiction de territoire au Canada pour la première fois en 1999 par une décision qui a, par la suite, été annulée par la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada. Le constat d’interdiction de territoire le plus récent qui a fait l’objet d’un recours en contrôle judiciaire devant la Cour fédérale en même temps que la décision relative à la dispense ministérielle en appel devant notre Cour est son quatrième constat d’interdiction de territoire. La décision relative à la dispense ministérielle faisant l’objet du présent appel est elle-même la seconde décision de ce type à être attaquée devant les Cours fédérales.

[8]               Comme le présent appel ne concerne que la décision relative à la dispense ministérielle et non le constat d’interdiction de territoire, seules la décision relative à la dispense ministérielle ainsi que la partie des motifs du juge qui se rapporte à cette décision sont résumées ici.

A.                Refus d’accorder une dispense ministérielle

[9]               Comme nous l’avons déjà signalé, la décision de refuser la dispense ministérielle est la seconde décision de ce type concernant Mme Haj Khalil. En février 2008, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Stockwell Day, a refusé la demande de dispense ministérielle présentée par Mme Haj Khalil. Celle-ci a obtenu gain de cause en réponse à la demande de contrôle judiciaire qu’elle avait présentée de cette décision, qui a été annulée et renvoyée au ministre pour nouvelle décision. Le 3 juin 2010, la nouvelle décision relative à la demande de dispense ministérielle a été rendue par le nouveau ministre de la Sécurité publique, Vic Toews. Le ministre a refusé d’accorder à Mme  Haj Khalil une dispense ministérielle concernant son constat d’interdiction de territoire en raison de ses liens avec le Fatah.

B.                 Procédure en contrôle judiciaire devant la Cour fédérale

[10]           La partie de ses motifs dans laquelle le juge analyse la dispense ministérielle est brève. Le juge conclu que ce qu’il qualifie de « facteurs qu’il convient de prendre en considération » sous le régime du paragraphe 34(2) pour rendre cette décision ont déjà été énoncés par la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Agraira, 2011 CAF 103 (Agraira CAF).

[11]           Le juge a conclu que la jurisprudence Agraira CAF avait limité les facteurs dont le ministre pouvait tenir compte dans le cas d’une demande de dispense ministérielle aux seules questions de sécurité nationale et de protection civile :

Les facteurs qu’il convient de prendre en considération sous le régime du paragraphe 34(2) ont récemment été définis par le juge Denis Pelletier dans Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Agraira, 2011 CAF 103 (CanLII) [Agraira]. Le juge Pelletier, après examen du contexte législatif de ce paragraphe, conclut que « les principaux, voire les seuls, facteurs dont on tient compte lors du traitement des demandes de dispense ministérielle sont la sécurité nationale et la sécurité publique, sous réserve uniquement de l’obligation du ministre de se conformer à la loi et à la Constitution ». Il précise bien aussi qu’il ne s’agit pas dans ce contexte de mettre en balance les contributions du demandeur aux intérêts nationaux du Canada avec les préjudices potentiels à ces intérêts. La sécurité nationale et la sûreté publique sont au premier rang des préoccupations. Les facteurs qui seraient pertinents pour l’analyse de la situation du demandeur dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne le sont pas pour l’examen d’une demande de dispense ministérielle. De même, le pouvoir discrétionnaire du ministre n’est pas limité par l’obligation de prendre en compte les obligations internationales du Canada, puisqu’une conclusion d’interdiction de territoire canadien n’entraîne pas nécessairement le renvoi du demandeur.

(Motifs, au paragraphe 56)

[12]           Appliquant ce critère, le juge a conclu qu’il était « évident que l’analyse de la demande de Mme Haj Khalil par l’ASFC fait entrer en ligne de compte des facteurs que le juge Pelletier a déclaré dénués de pertinence, à savoir des éléments qu’on prendrait normalement en considération dans l’examen d’une demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire et des questions relatives aux relations internationales du Canada » (motifs, au paragraphe 58). Il a également conclu que le point de savoir si la présence de Mme Haj Khalil au Canada soulevait des problèmes de sûreté de l’État ou de sécurité publique n’avait pas été « explicitement examiné » dans la décision, de sorte qu’il était « impossible de dire comment l’ASFC ou le ministre se seraient prononcés sur sa demande s’ils avaient suivi la démarche exposée par le juge Pelletier » (motifs, au paragraphe 58).

[13]           Le juge a conclu qu’il n’était ‘’pas nécessaire’’ de discuter les moyens de Mme Haj Khalil tirés de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés suivant lesquels ses droits avaient été violés (motifs, au paragraphe 58).

[14]           Se fondant sur sa conclusion que l’ASFC et le ministre n’avaient pas respecté les limites imposées par la jurisprudence Agraira CAF, le juge a accueilli la demande de contrôle judiciaire de Mme Haj Khalil et ordonné que l’affaire soit renvoyée au ministre pour nouvel examen.

[15]           À la suite des conclusions formulées par les parties et compte tenu de la décision de la Cour suprême d’accorder l’autorisation d’appel à l’occasion de l’affaire Agraira CAF, le juge a, par une ordonnance datée du 28 décembre 2011 (après correction, le 2 février 2012, des erreurs typographiques), certifié la question grave de portée générale suivante, permettant ainsi d’interjeter appel devant notre Cour :

Dans le cadre d’une demande présentée en vertu du paragraphe 34(2), le ministre de la Sécurité publique doit-il tenir compte de facteurs particuliers pour déterminer si la présence d’un étranger au Canada serait contraire à l’intérêt national? Plus particulièrement, le ministre doit-il tenir compte des cinq facteurs énumérés à l’annexe D du guide IP 10?

[16]           Le présent appel a été suspendu dans l’attente de la décision de la Cour dans l’affaire Agraira CAF. Depuis le prononcé de l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 (Agraira CSC), le présent appel peut maintenant suivre son cours.

IV.             Textes législatifs pertinents

[17]           Le paragraphe 34(1) de la LIPR énonce les raisons pour lesquelles les résidents permanents et les ressortissants étrangers peuvent être interdits de territoire pour raisons de sécurité, tandis que le paragraphe 34(2) permet au ministre de la Sécurité publique d’écarter cette interdiction de territoire s’il est convaincu que leur présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national. Bien que ces dispositions aient été modifiées et insérées dans la LIPR, elles étaient libellées comme suit au moment où la décision relative à la dispense ministérielle a été rendue :

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

c) se livrer au terrorisme;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

(a) engaging in an act of espionage or an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

(c) engaging in terrorism;

(d) being a danger to the security of Canada;

(e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada; or

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).

 

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

(2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

V.                Norme de contrôle

[18]           Lorsqu’elle est saisie de l’appel du jugement d’une cour supérieure portant sur une demande de contrôle judiciaire, la juridiction réformatrice doit rechercher si le juge a choisi la norme de contrôle appropriée et s’il l’a appliquée correctement; au final, notre Cour doit se mettre à la place de la Cour fédérale et se concentrer effectivement sur la décision administrative (Agraira CSC, aux paragraphes 45 à 47).

[19]           À l’occasion de l’affaire Agraira CSC, la Cour suprême a précisément recherché si la norme de contrôle applicable en droit administratif jouait en matière de aux décisions relatives aux dispenses ministérielles prises en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR. Elle a conclu que la norme de la décision raisonnable s’appliquait à l’interprétation de cette disposition ainsi qu’à l’application de cette interprétation aux faits de l’affaire :

L’applicabilité de la norme de la décision raisonnable peut être confirmée en suivant la méthode examinée dans Dunsmuir. Comme notre Cour l’a fait remarquer au par. 53 de cet arrêt, « [e]n présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée ».  Puisque la décision du ministre aux termes du par. 34(2) est discrétionnaire, la norme de la décision raisonnable s’applique.  En outre, parce qu’une telle décision comporte l’interprétation des termes « intérêt national » figurant au par. 34(2), on peut dire qu’elle se rapporte au cas où le décideur « interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » (Dunsmuir, par. 54). Ce facteur confirme lui aussi que la norme applicable est celle de la décision raisonnable.

(Agraira CSC, au paragraphe 50)

VI.             Questions en litige

[20]           Voici les questions en litige devant notre Cour :

A) La Cour suprême a‑t‑elle, par la jurisprudence Agraira CSC, répondu à la question grave de portée générale certifiée par le juge de la Cour fédérale?

B) Le juge a‑t‑il appliqué la bonne norme de contrôle et l’a‑t‑il appliqué correctement? La décision du ministre était‑elle raisonnable?

VII.          Analyse

A.                La Cour suprême a‑t‑elle, par la jurisprudence Agraira CSC, répondu à la question grave de portée générale certifiée par le juge de la Cour fédérale?

[21]           Le juge a certifié la question grave de portée générale suivante que je reproduis par souci de commodité :

Dans le cadre d’une demande présentée en vertu du paragraphe 34(2), le ministre de la Sécurité publique doit-il tenir compte de facteurs particuliers pour déterminer si la présence d’un étranger au Canada serait contraire à l’intérêt national? Plus particulièrement, le ministre doit-il tenir compte des cinq facteurs énumérés à l’annexe D du guide IP 10?

[22]           Je suis d’avis que la Cour suprême, à l’occasion de l’affaire Agraira, a déjà répondu à la question certifiée par le juge. Elle a en effet conclu que, pour rechercher « si la présence d’une personne au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national, l’examen du ministre ne doit pas se limiter à la sécurité nationale et à la question de déterminer si le demandeur constitue un danger pour la sécurité publique ou pour la sécurité d’autrui » (Agraira CSC, au paragraphe 82). La Cour a également jugé que « l’art. 34 n’exclut pas nécessairement la prise en compte de facteurs personnels qui peuvent être pertinents dans le cadre de ce type particulier d’examen » et fait observer que « [l]e fait que le ministre ait tenu compte de ces facteurs n’a pas rendu déraisonnable son interprétation de l’expression “intérêt national” » (Agraira CSC, au paragraphe 84).

[23]           En ce qui concerne la prise en compte des lignes directrices énoncées au chapitre 10 du guide opérationnel intitulé Traitement des demandes au Canada « Refus des cas de sécurité nationale/Traitement des demandes en vertu de l’intérêt national » de CIC (désigné dans la question certifiée sous le nom d’« annexe D du guide IP 10 »), la Cour suprême a conclu que l’interprétation que le ministre donnait de l’expression « intérêt national » dans le cas de la demande de dispense ministérielle de M. Agraira n’écartait pas « les autres considérations importantes énoncées dans le guide opérationnel ou toutes considérations analogues » (Agraira CSC, au paragraphe 86).

[24]           Il est évident que, à l’occasion de l’affaire Agraira CSC, la Cour suprême a reconnu que le ministre disposait d’une certaine latitude pour rechercher si la présence d’une personne au Canada serait préjudiciable à l’intérêt national au sens du paragraphe 34(2) de la LIPR et, ce faisant, la Cour suprême a répondu à la question certifiée dans la présente affaire.

[25]           Toutefois, l’examen, par notre Cour, de la décision du juge de première instance ne se limite pas à la teneur de la question certifiée. La question certifiée n’est que le moyen par lequel l’examen en appel peut avoir lieu : voir Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 25.

B.                 Le juge a‑t‑il appliqué la bonne norme de contrôle et l’a‑t‑il appliqué correctement? La décision du ministre était‑elle raisonnable?

(1)               Décision du ministre

[26]           Il est difficile de cerner la norme de contrôle que le juge a appliquée en l’espèce en ce qui concerne la décision relative à la dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR. Le juge s’est plutôt borné à conclure que le ministre avait tenu compte d’autres facteurs que ceux énumérés dans l’arrêt Agraira CAF et, pour cette raison, il a renvoyé l’affaire au ministre pour nouvel examen. Il est toutefois clair que, par l’arrêt Agraira CSC, la Cour suprême a jugé que les décisions relatives aux dispenses ministérielles appellent la norme déférente de la raisonnabilité susmentionnée. Il est également évident que, par l’arrêt Agraira CSC, la Cour suprême a jugé que les facteurs énoncés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Agraira CAF étaient trop restrictifs et que le ministre pouvait tenir compte d’autres facteurs que la sécurité nationale et le danger pour la sécurité publique ou pour la sécurité d’autrui lorsqu’il s’agissait de se prononcer sur la dispense ministérielle prévue au paragraphe 34(2) de la LIPR. Par conséquent, la décision du juge qui s’était fondé sur la jurisprudence Agraira CAF ne saurait être confirmée sur ce fondement, compte tenu de la jurisprudence de la Cour suprême.

[27]           Cela ne règle pas pour autant la question. Notre Cour doit rechercher si, pour appliquer la norme déférente de la raisonnabilité, la décision du ministre de ne pas écarter le constat d’interdiction de territoire prononcé contre Mme Haj Khalil en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR était raisonnable vu l’ensemble des éléments de preuve dont il disposait.

[28]           Les demandes de dispenses ministérielles présentées au ministre s’accompagnent d’une évaluation et d’une recommandation de l’ASFC. La décision définitive incombe au ministre, à qui il est loisible de retenir, ou non, la recommandation de l’ASFC. En l’espèce, l’ASFC a recommandé au ministre de refuser d’accorder la dispense demandée.

[29]           Madame Haj Khalil soutient, au paragraphe 4 de son mémoire des faits et du droit complémentaire, que lorsqu’il a rendu sa décision, le ministre n’a pas retenu l’évaluation et la recommandation de l’ASFC. Je ne suis pas de cet avis. À mon avis, il est évident que le ministre a fait sienne la recommandation de l’ASFC. La recommandation de l’ASFC peut constituer les motifs de la décision du ministre lorsqu’il abonde dans le même sens : Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, aux paragraphes 37 et 38 (Sketchley), et Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 15 (Newfoundland Nurses).

[30]           Dans son évaluation, l’ASFC relatait les antécédents et l’historique de l’OLP et du Fatah depuis leurs origines jusqu’à aujourd’hui, pour ensuite aborder l’histoire personnelle de Mme Haj Khalil avec ces organisations. Elle a ensuite énoncé le critère relatif à la dispense ministérielle prévue au paragraphe 34(2) de la LIPR et fait observer qu’il incombait à la demanderesse de s’acquitter du fardeau de démontrer que sa présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l’intérêt national. Voici comment l’ASFC a formulé le critère relatif aux facteurs pertinents quant à l’appréciation de la demande de dispense ministérielle :

[traduction]

Les facteurs définissant l’intérêt national que l’on trouve dans le Guide opérationnel intitulé Traitement des demandes IP 10 sont pertinents pour examiner la présente demande et tous les éléments de preuve produits ont été examinés à la lumière de ces facteurs.

L’étude de l’intérêt national comporte l’évaluation et la pondération de tous les facteurs relatifs à l’admission du demandeur, à la lumière des objectifs énoncés dans la Loi ainsi que les obligations et intérêts du Canada, tant nationaux qu’internationaux.

Le processus de dispense ministérielle n’est pas censé porter sur la justesse du constat d’interdiction de territoire. Le paragraphe 34(2) de la Loi habilite le ministre à accorder une dispense malgré l’interdiction de territoire dont l’intéressée fait l’objet en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi.

(Recommandation de l’ASFC, à la page 5)

[31]           L’évaluation de l’ASFC donne ensuite des détails au sujet des liens de Mme Haj Khalil avec le Fatah. Elle explique le rôle qu’elle jouait au sein du Fatah (son travail de journaliste pour le FAT, où elle était rémunérée avec la quote‑part du Fatah), la teneur de ses articles, ses déplacements à l’étranger en tant que membre de l’équipe de presse accompagnant le président Arafat, le fait qu’elle était au courant des violences commises par le Fatah, le fait qu’elle s’était dissociée du Fatah à la suite de l’accord de paix signé à Oslo en 1993 entre Israël et l’OLP, ses activités au Canada depuis son arrivée au pays, et les autres observations formulées par Mme Haj Khalil. Madame Haj Khalil avait formulé des observations sur le caractère apparemment illusoire des dispositions relatives aux dispenses ministérielles, sur l’OLP, le droit à l’autodétermination, la liberté d’expression, son interdiction de territoire, la situation des Palestiniens au Canada et à l’étranger, les objectifs et les obligations du Canada en ce qui concerne les réfugiés et les problèmes d’ordre humanitaire, ainsi que son adhésion aux valeurs démocratiques canadiennes.

[32]           Après avoir énuméré les éléments de fait dont il fallait tenir compte, l’ASFC expose, dans son évaluation, la grille d’analyse à laquelle elle a eu recours pour formuler sa recommandation en ce qui concerne la dispense ministérielle :

[traduction]

Aux fins de la présente recommandation en matière de dispense ministérielle, nous avons tenu compte des objectifs en matière d’immigration énumérés à l’article 3 de la Loi et notamment de l’objectif visant à permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques, de protéger la sécurité des Canadiens et de protéger les obligations internationales du Canada en matière de sécurité. De plus, les priorités du gouvernement formulées dans les discours du Trône de novembre 2008 et de janvier 2009 sont, bien qu’elles ne fournissent pas une liste exhaustive, considérées comme une indication des intérêts et des obligations nationales et internationales du Canada. En ce qui concerne la dispense ministérielle, quatre priorités gouvernementales ont été retenues : l’économie, la sécurité publique, la sécurité nationale et internationale et les relations internationales et bilatérales.

Lors de l’examen de l’ensemble des facteurs relatifs à l’admission de la demanderesse au Canada, tous les éléments présentés ont été étudiés attentivement de manière à assurer le respect de la justice internationale et des enjeux et obligations en matière de sécurité.

(Recommandation de l’ASFC, à la page 16)

[33]           L’ASFC a reconnu l’existence de facteurs favorables à Mme Haj Khalil (le fait qu’une vingtaine d’années s’étaient écoulées entre son association avec le Fatah et la décision relative à la dispense ministérielle, le fait qu’il ressortait des éléments de preuve que ses activités personnelles se limitaient à celles d’une journaliste et ne comportaient aucun élément de violence, l’évolution de la position du gouvernement canadien au sujet du Fatah et les démarches qu’elle avait entreprises pour s’intégrer à la société canadienne); toutefois, dans son évaluation, l’ASFC a estimé que les facteurs défavorables à Mme Haj Khalil l’emportaient sur ces facteurs positifs. Les facteurs défavorables en question étaient le poste de confiance qu’elle occupait au sein du Fatah, à une époque où le Fatah [traduction« recourait systématiquement à des tactiques terroristes pour promouvoir ses visées politiques » (recommandation de l’ASFC, à la page 16), le fait qu’elle [traduction« avait sciemment contribué aux mesures de propagande de l’Organisation de libération de la Palestine, glorifiant le recours au terrorisme » (recommandation de l’ASFC, à la page 17) et les contradictions que contenaient les renseignements qu’elle avait communiqués au sujet de ses liens avec le Fatah.

[34]           Ainsi qu’il est expliqué plus en détail dans les motifs du juge, l’ASFC a également examiné les renseignements concernant la situation de Mme Haj Khalil. Elle a évalué les avantages sociaux, culturels et économiques que Mme Haj Khalil avait apportés au Canada, la sûreté et la sécurité du Canada (notamment la nature du Fatah, le rôle de Mme Haj Khalil au sein de cette organisation et les avantages qu’elle en avait retirés, les démarches qu’elle avait entreprises pour s’en distancier et les contradictions que comportaient les renseignements qu’elle avait fournis aux fonctionnaires canadiens (ainsi que les relations et obligations internationales et bilatérales du pays et les observations formulées par Mme Haj Khalil au sujet du respect des droits de la personne et de la façon dont le gouvernement canadien avait traité son cas)).

[35]           Dans son évaluation finale du dossier de Mme Haj Khalil, l’ASFC a reconnu qu’elle n’avait pas été personnellement impliquée dans des actes de violence, que ses opinions avaient évolué au sujet du recours au terrorisme pour parvenir à ses fins politiques, qu’elle avait fait des efforts pour s’intégrer à la société canadienne et qu’elle avait bien réussi à élever ses deux enfants. Malgré ces facteurs positifs, l’ASFC a estimé que [traduction« la présence au Canada d’une personne qui a été impliquée au sein d’un groupe terroriste va à l’encontre des intérêts nationaux et internationaux du Canada en ce qui concerne le maintien de bonnes relations avec ses partenaires internationaux et, en fin de compte, avec les obligations internationales du Canada dans sa lutte contre le terrorisme » (recommandation de l’ASFC, à la page 27). L’ASFC a signalé que le fait que Mme Haj Khalil avait occupé ce que l’ASFC a qualifié de [traduction« rôle de confiance » à une époque où l’OLP se livrait à des activités terroristes et que son travail de journaliste [traduction] « servait à glorifier » des tactiques terroristes faisait pencher la balance en sa défaveur (recommandation de l’ASFC, à la page 27). Enfin, l’ASFC a fait observer qu’il y avait toujours lieu de s’interroger sur le rôle exact de Mme Haj Khalil au sein du Fatah, compte tenu des tentatives qu’elle avait faites pour minimiser ses liens avec l’organisation et des incohérences que comportaient les renseignements qu’elle avait versés au dossier. L’ASFC a conclu que [traduction« après avoir apprécié et pondéré ces facteurs pertinents, l’ASFC conclut que Mme Haj Khalil n’a pas démontré que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national » (recommandation de l’ASFC, à la page 27).

[36]           À mon avis, le ministre a examiné tant les facteurs positifs que les facteurs négatifs qui ressortaient de l’évaluation de l’ASFC et il a finalement retenu la recommandation de l’ASFC. Le ministre aurait pu en arriver à une décision différente compte tenu des faits de la présente affaire, mais sa décision n’est pas pour autant déraisonnable. Ainsi que la Cour suprême l’a observé à l’occasion de l’affaire Agraira CSC,

dans le cadre d’un contrôle du caractère raisonnable de l’exercice ministériel d’un pouvoir discrétionnaire, les tribunaux ne sont pas autorisés à utiliser un nouveau processus d’évaluation […] Puisque le ministre a examiné et évalué tous les facteurs pertinents comme il l’a jugé à propos, il n’appartient pas à la Cour d’annuler sa décision parce qu’elle serait déraisonnable.

(Agraira CSC , au paragraphe 91)

[37]           Il est clair qu’en retenant la recommandation de l’ASFC, le ministre était particulièrement préoccupé par la durée de l’implication de Mme Haj Khalil au sein du Fatah, de l’importance relative du poste qu’elle y occupait et des renseignements contradictoires qu’elle avait produits au sujet de ses activités. J’estime que la décision du ministre de ne pas écarter le constat d’interdiction de territoire prononcé contre Mme Haj Khalil était raisonnable.

[38]           Comme je l’ai déjà fait observer, le pouvoir d’accorder une dispense ministérielle aux termes du paragraphe 34(2) de la LIR incombe exclusivement au ministre de la Sécurité publique, mais la recommandation de l’ASFC peut constituer les motifs de la décision du ministre lorsque celui-ci suit cette recommandation : voir Sketchley, aux paragraphes 37 et 38, et Newfoundland Nurses, au paragraphe 15.

(2)               La Charte

[39]           Madame Haj Khalil a présenté par écrit au juge et à notre Cour des conclusions suivant lesquelles ses droits [traduction« à la liberté, à la sécurité de sa personne, à la liberté d’expression, à la liberté d’association et à l’absence de discrimination » garantis par l’article 7 de la Charte étaient en jeu (mémoire des faits et du droit de l’intimé, au paragraphe 35). Elle soutient que la loi a été appliquée dans son cas d’une manière arbitraire et discriminatoire au point qu’il y a eu inobservation des principes de justice fondamentale (mémoire des faits et du droit de l’intimé, au paragraphe 43). La question relative à la Charte n’a pas été abordée lors des débats devant notre Cour.

[40]           Madame Haj Khalil soutient que la décision du ministre a nui à sa capacité de circuler librement pour aller à l’étranger et d’acquérir la citoyenneté canadienne. Elle soutient également que le fait de se retrouver apatride et sans résidence permanente [traduction« perpétue et aggrave sa vulnérabilité » (mémoire des faits et du droit de l’intimé, au paragraphe 42). Madame Haj Khalil soutient que la façon dont son cas a été instruit [traduction« indique que le processus décisionnel était de toute évidence arbitraire et discriminatoire » (mémoire des faits et du droit de l’intimé, au paragraphe 46) et que les divers rapports et notes de service rédigés à son sujet dénotent une [traduction« démonisation des Palestiniens » (mémoire des faits et du droit de l’intimé, au paragraphe 52). Elle accuse les fonctionnaires en cause de [traduction« tenir mordicus à une opinion arrêtée d’elle-même et de l’OLP et du Fatah, une vision très étroite » (mémoire des faits et du droit de l’intimé, au paragraphe 45), ce que j’interprète comme une accusation de parti pris de la part du ministre et des fonctionnaires qui ont instruit son dossier.

[41]           À mon avis, même si l’on devait supposer que les droits garantis à Mme Haj Khalil par l’article 7 entrent en jeu – une thèse que je rejette –, rien ne permet de penser qu’il y a eu manquement à ces droits ont été violés ou que Mme Haj Khalil a été traitée de manière arbitraire ou discriminatoire. Rien ne permet de penser que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière partiale. Rien ne permet non plus de penser que l’ASFC ou le ministre démonise les Palestiniens. Le fait pour l’ASFC, dans son évaluation et sa recommandation, et pour le ministre, dans sa décision, d’avoir constamment été en désaccord avec Mme Haj Khalil ne constitue pas une preuve en soi d’une discrimination ou d’un parti pris ni une preuve que Mme Haj Khalil n’a pas été traitée de façon équitable et transparente.

[42]           D’ailleurs, en obligeant le ministre à examiner les divers facteurs concernant Mme Haj Khalil, le paragraphe 34(2) de la LIPR tient compte des droits à la liberté et à la sécurité dont jouit l’intéressé : Lemus c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 114, au paragraphe 16. Il est également révélateur que, à l’occasion de l’affaire Agraira CSC, la Cour suprême du Canada n’a pas signalé d’éventuels problèmes auxquels pouvait donner lieu le processus de dispense ministérielle prévu au paragraphe 34(2) de la LIPR en ce qui concerne les droits garantis par la Charte.

(3)               Ezokola

[43]           À l’ouverture de l’audience devant notre Cour, Mme Haj Khalil a demandé la permission de soutenir que l’alinéa 34(1)f) ne jouait pas dans son cas en raison de la jurisprudence Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40 (Ezokola) de la Cour suprême. Voilà une nouvelle question qui n’a été discutée ni dans la décision du ministre ni lors de la procédure en contrôle judiciaire visant cette décision devant la Cour fédérale. La Cour a refusé l’autorisation demandée, pour les motifs qu’elle communiquerait plus tard. Voici les motifs en question.

[44]           La question de savoir si une juridiction informatrice, en l’occurrence la Cour d’appel fédérale, accepte d’entendre une nouvelle question dans le cadre d’une procédure en contrôle judiciaire est une question qui relève de son pouvoir discrétionnaire. La Cour suprême enseigne que, en règle générale, dans une procédure en contrôle judiciaire, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé au bénéfice du demandeur lorsque la question en litige aurait pu être soulevée devant le tribunal administratif, mais ne l’a pas été : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 23 (Alberta Teachers). La principale philosophie ce principe est que le tribunal administratif doit disposer d’un dossier de preuve complet et que c’est ce tribunal qui constitue le dossier de preuve : Alberta Teachers, au paragraphe 26. En l’espèce, le dossier présenté au ministre n’a rien à voir avec l’alinéa 34(1)f). De plus, la situation de Mme Haj Khalil est maintenant d’autant plus délicate que l’affaire a cheminé d’une procédure en contrôle judiciaire à un appel, de sorte qu’elle est encore plus éloignée du décideur administratif initial. Enfin, la jurisprudence Ezokola n’a pas eu pour effet de modifier l’état du droit au point où la Cour est maintenant justifiée d’exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur de Mme Haj Khalil. Par ces motifs, la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant d’examiner la question relative à l’alinéa 34(1)f) dans le cas qui nous occupe.

VIII.       Conclusion

[45]           Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir l’appel, d’annuler le jugement de la Cour fédérale, de rejeter la demande de contrôle judiciaire et de rétablir la décision du ministre. Le ministre ne sollicite pas ses dépens et je suis donc d’avis de n’en adjuger aucuns.

« David G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord

Wyman W. Webb, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-36-12

APPEL D’UN JUGEMENT PRONONCÉ LE 28 DÉCEMBRE 2011 PAR MONSIEUR LE JUGE O’REILLY DANS LE DOSSIER NO IMM-3676-10.

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

c. NAWAL HAJ KHALIL

 

lieu de l’audience :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 MAI 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

le juge nEAR

 

y ont souscrit :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 SEPTEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

Marina Stefanovic

John Loncar

 

POUR L’Appelant

 

Barbara Jackman

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANT

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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