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Date : 20141117


Dossier : A-280-13

Référence : 2014 CAF 265

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

ENTRE :

 

HUMANICS INSTITUTE

 

appelante

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

intimé

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 


Date : 20141117


Dossier : A-280-13

Référence : 2014 CAF 265

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

ENTRE :

 

HUMANICS INSTITUTE

 

appelante

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF NOËL

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté sur le fondement du paragraphe 172(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) à l’encontre d’une décision par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a confirmé la décision de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) rejetant la demande de l’appelante en vue d’être enregistrée à titre d’organisme de bienfaisance aux termes de la Loi.

[2]               Le ministre a rejeté la demande de l’appelante au motif qu’elle n’a pas démontré, comme l’exige le paragraphe 149.1(1), que la totalité de ses ressources est consacrée à des activités de bienfaisance qu’elle mène elle-même. Cette conclusion repose sur plusieurs prémisses. Premièrement, les objectifs de l’appelante étaient généraux et vagues. Deuxièmement, les activités proposées à l’appui de ses objectifs déclarés, en particulier le plan de construire et de maintenir un sanctuaire et un parc de sculptures, ne promouvraient pas la religion ou l’éducation à des fins de bienfaisance. Troisièmement, le financement d’une bourse pour études à l’étranger proposé par l’appelante ne constituerait pas les propres activités de l’organisme ni le financement d’un donataire reconnu.

[3]               L’appelante invoque trois motifs d’appel. Elle fait valoir que la décision du ministre était déraisonnable, inéquitable sur le plan de la procédure et en contravention des alinéas 2a) et b) et de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Pour les motifs qui suivent, chacun de ces arguments doit être rejeté.

[4]               Le principal argument de l’appelante est que, en exigeant la foi en un être suprême et l’adoration d’un être suprême et en indiquant que le sanctuaire et le parc de sculptures proposés par l’appelante ne sont pas des activités servant à promouvoir la religion à des fins de bienfaisance, le ministre a appliqué une conception de la religion beaucoup trop étroite (mémoire de l’appelante, par. 18 à 22 et 33).

[5]               À mon sens, le ministre n’a pas commis une telle erreur. Je reconnais que le ministre devait se fonder sur le principe applicable, mais le concept de [traduction] « l’unité de la réalité » proposé par l’appelante est tellement général et vague qu’il est pratiquement impossible à déterminer. L’appelante n’a pas démontré l’existence d’un « système particulier et complet de dogmes et de pratiques » ou d’un ensemble d’enseignements et de doctrines qui ferait en sorte que le concept qu’elle promeut soit conforme au sens juridique du mot religion (Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47, [2004] 2 R.C.S. 551, par. 39).

[6]               Même si les valeurs promues par l’appelante constituent une religion, l’état du droit est tel que, pour promouvoir une religion, l’appelante doit prendre une tentative ciblée de la promouvoir (Fuaran Foundation c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 181, [2004] A.C.F. no 825, par. 15 [Fuaran]). Il ne suffit pas de « simplement offrir un endroit où l’on peut se livrer à une réflexion religieuse » (ibidem).

[7]               Dans sa communication avec l’appelante, l’ARC a cité cette exigence et était d’avis que l’appelante proposait de faire précisément ce que notre Cour a décrit dans l’arrêt Fuaran lorsqu’elle a exposé les activités qui ne correspondaient pas à la promulgation de la religion en matière de bienfaisance (dossier d’appel, vol. 2, p. 603). Bien que l’appelante ait tenté d’établir une distinction entre l’espèce et l’arrêt Fuaran au motif que d’autres facteurs étaient en jeu dans cet arrêt, la proposition qu’elle défend demeure inchangée. L’appelante n’a pas démontré que la conclusion tirée par le ministre était déraisonnable.

[8]               Bien que l’appelante soutienne qu’elle promouvra activement la religion en [traduction] « mettant en œuvre et en soutenant des programmes et des services éducatifs et multireligieux et en organisant des conférences, des ateliers et des séminaires » (mémoire de l’appelante, par. 24), notre Cour a conclu que le fait de simplement témoigner de ses aspirations ne donne pas droit à un demandeur au statut d’organisme de bienfaisance (Sagkeeng Memorial Arena Inc. c. Canada (Revenu national), 2012 CAF 171, [2012] A.C.F. no 827, par. 8). Le ministre est plutôt en droit d’exiger que le demandeur fournisse des renseignements détaillés et crédibles des activités qu’il propose (ibidem, par. 9). C’est ce que le ministre a fait en l’espèce, et il a conclu que l’appelante n’avait pas satisfait à cette exigence. L’appelante n’a pas démontré que cette décision était déraisonnable.

[9]               Dans son allégation d’iniquité procédurale, l’appelante fait valoir que le ministre a fait preuve d’une [traduction] « fermeture d’esprit » à l’égard de sa demande et lui a également refusé toute possibilité de répondre à certains renseignements recueillis durant l’enquête du ministre. La première allégation repose entièrement sur des affirmations générales qui ne trouvent aucun appui dans le dossier. L’appelante n’a pas démontré, par exemple, que le ministre a ignoré ses observations ou a adopté une attitude méprisante envers elle. La deuxième allégation n’est d’aucune utilité en l’espèce, puisque la décision du ministre était raisonnablement justifiée et ne renvoyait aucunement aux renseignements en question (Lord’s Evangelical Church of Deliverance and Prayer of Toronto c. Canada, 2004 CAF 397, [2004] A.C.F. no 1984, par. 18).

[10]           Les arguments de l’appelante portant sur la Charte ne sauraient être retenus. Sa prétention fondée sur l’alinéa 2a) de la Charte n’est que partiellement soutenue, puisque ses observations ne portent que sur l’existence d’une croyance religieuse, ou ce que la Cour suprême a appelé la « partie subjective » de l’analyse (S.L. c. Commission scolaire des Chênes, 2012 CSC 7, [2012] 1 R.C.S. 235, par. 24). L’appelante n’a pas démontré comment la décision du ministre porte objectivement atteinte à sa liberté de religion.

[11]           Sa prétention fondée sur l’alinéa 2b) de la Charte n’est aucunement étayée par des arguments et ne permet pas à la Cour de modifier la décision du ministre (mémoire de l’appelante, par. 25).

[12]           Finalement, la prétention de l’appelante fondée sur l’article 15 de la Charte indique que la distinction établie par le ministre lorsqu’il a omis de reconnaître que son système de croyances spirituelles est discriminatoire envers l’appelante elle‑même (mémoire de l’appelante, par. 27). Toutefois, l’appelante est une entreprise sans but lucratif et notre Cour a conclu expressément que les entreprises de cette nature ne sont pas des personnes au sens de l’article 15 (Organisation nationale anti-pauvreté c. Canada, [1989] 3 C.F. 684 (CAF), autorisation d’appel à la CSC refusée, 1989 CarswellNat 1290 (CSC), par. 22).

[13]           De plus, comme le démontre l’analyse ci‑dessus, le rejet du ministre n’était pas fondé simplement sur une distinction entre les croyances promues par l’appelante et un autre ensemble de croyances. Au contraire, l’appelante n’a pas démontré comment elle promouvrait ces croyances et n’a donc pas satisfait aux exigences d’enregistrement prévues par la Loi.

[14]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

« Marc Noël »

Juge en chef

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-280-13

 

INTITULÉ :

HUMANICS INSTITUTE c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’aUDIENCE :

LE 13 NOVEMBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 NOVEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Yavar Hameed

 

POUR L’APPELANtE

 

April Tate

 

POUR L’INTIMé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

HAMEED & FARROKHZAD

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANte

 

WILLIAM F PENTNEY

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMé

 

 

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