Date : 20141117
Dossier : A‑65‑13
Référence : 2014 CAF 266
CORAM : |
LE JUGE PELLETIER LE JUGE NEAR LE JUGE SCOTT
|
ENTRE : |
IGLOO VIKSKI INC. |
appelante |
et |
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA |
intimé |
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2014.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2014.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE SCOTT |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE PELLETIER LE JUGE NEAR |
Date : 20141117
Dossier : A‑65‑13
Référence : 2014 CAF 266
CORAM : |
LE JUGE PELLETIER LE JUGE NEAR LE JUGE SCOTT
|
ENTRE : |
IGLOO VIKSKI INC. |
appelante |
et |
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA |
intimé |
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE SCOTT
[1] La Cour est saisie d’un appel interjeté aux termes de l’article 68 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch.1 (2e suppl.), à l’encontre de la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) qui a confirmé la décision du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) de classer les gants de hockey (les marchandises en cause) importés par Igloo Vikski Inc. (l’appelante) sous la position tarifaire no 62.16, rejetant ainsi la thèse de l’appelante selon laquelle les marchandises devaient être classées sous la position tarifaire no 39.26 du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36.
[2] Il est depuis longtemps établi que la norme de contrôle applicable aux décisions du TCCE en matière de classement tarifaire et d’interprétation du tarif est celle de la raisonnabilité (Les industries Jam ltée c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CAF 210, au par. 16, Industries Mon‑Tex Ltée c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 346, au par. 2, Conair Consumer Products Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 282, au par. 3, Réseau de télévision Star Choice Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 153, au par. 7).
[3] Le Tarif des douanes contient les dispositions législatives nécessaires qui donnent effet aux obligations du Canada aux termes de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, laquelle a pour objet d’harmoniser le classement des produits destinés au commerce entre les pays signataires. Les marchandises importées au Canada sont classées aux termes du Tarif des douanes.
[4] Suivant le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes, le classement des marchandises doit être effectué conformément aux Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé (Règles générales) et aux Règles canadiennes énoncées à l’annexe.
[5] Les Règles générales comprennent six règles. Le classement commence par la Règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé selon les termes des positions et des notes de section ou de chapitre concernées et, à moins d’avis contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
[6] Les dispositions qui s’appliquent en l’espèce sont la Règle 2b) des Règles générales et les notes XI à XIII des Notes explicatives, dont voici le libellé :
Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé, Règle 2b) |
General Rules for the Interpretation of the Harmonized System, rule 2(b) |
b) Toute mention d’une matière dans une position déterminée se rapporte à cette matière soit à l’état pur, soit mélangée ou bien associée à d’autres matières. De même, toute mention d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière. Le classement de ces produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la Règle 3. |
(b) Any reference in a heading to a material or substance shall be taken to include a reference to mixtures or combinations of that material or substance with other materials or substances. Any reference to goods of a given material or substance shall be taken to include a reference to goods consisting wholly or partly of such material or substance. The classification of goods consisting of more than one material or substance shall be according to the principles of Rule 3. |
Notes explicatives de la Règle 2b) |
Explanatory Notes to Rule 2(b) |
XI) L’effet de la Règle est d’étendre la portée des positions qui mentionnent une matière déterminée de manière à y inclure cette matière mélangée ou bien associée à d’autres matières. Cet effet est également d’étendre la portée des positions qui mentionnent des ouvrages en une matière déterminée de manière à y inclure ces ouvrages partiellement constitués de cette matière. |
(XI) The effect of the Rule is to extend any heading referring to a material or substance to include mixtures or combinations of that material or substance with other materials or substances. The effect of the Rule is also to extend any heading referring to goods of a given material or substance to include goods consisting partly of that material or substance. |
XII) Elle n’élargit cependant pas la portée des positions qu’elle concerne jusqu’à pouvoir y inclure des articles qui ne répondent pas, ainsi que l’exige la Règle 1, aux termes des libellés de ces positions, ce qui est le cas lorsque l’adjonction d’autres matières ou substances a pour effet d’enlever à l’article le caractère d’une marchandise reprise dans ces positions. |
(XII) It does not, however, widen the heading so as to cover goods which cannot be regarded, as required under Rule 1, as answering the description in the heading; this occurs where the addition of another material or substance deprives the goods of the character of goods of the kind mentioned in the heading. |
XIII) Il s’ensuit que des matières mélangées ou associées à d’autres matières, et des ouvrages constitués par deux matières ou plus sont susceptibles de relever de deux positions ou plus, et doivent dès lors être classés conformément aux dispositions de la Règle 3. |
(XIII) As a consequence of this Rule, mixtures and combinations of materials or substances, and goods consisting of more than one material or substance, if prima facie classifiable under two or more headings, must therefore be classified according to the principles of Rule 3. |
[7] Après analyse, le TCCE a conclu que les marchandises en cause respectent les termes du libellé de la position no 62.16 et que la présence de matières plastiques dans ces marchandises n’a pas pour effet de leur enlever leur caractère de gants en matières textiles, en application des Règles 1 et 2b) des Règles générales. Le TCCE a rejeté l’argument de l’appelante voulant que, selon une application correcte des Règles 1 et 2b), les marchandises en cause pourraient être classées dans deux positions concurrentes, en l’occurrence sous les positions tarifaires nos 39.26 et 62.16, entraînant ainsi l’application de la Règle 3 des Règles générales et leur classement à titre d’« [a]utres ouvrages en matières plastiques ».
[8] En l’espèce, l’appelante fait principalement valoir que les marchandises en cause sont constituées partiellement de matières plastiques et partiellement de matières textiles. Bien que les marchandises ne correspondent pas à la description indiquée sous la position no 39.26, en application de la Règle 1, puisque la matière textile est séparée de la matière plastique, elles sont susceptibles de relever de la position no 39.26, suite à l’application de la Règle 2b), contrairement à l’analyse du Tribunal.
[9] L’explication avancée par le TCCE pour justifier sa décision défavorable envers l’appelante est contradictoire puisqu’ayant conclu que les matières plastiques que contenaient les marchandises en cause constituaient plus que de simples garnitures, les Notes explicatives au chapitre 62 en empêchaient le classement sous la position no 62.16, par application de la Règle 1. Par conséquent, c’est l’application de la Règle 2b) et les notes XI à XIII des Notes explicatives qui étendaient la portée de la position no 62.16 pour y inclure les marchandises en cause, à savoir des gants constitués partiellement de matières textiles et partiellement de matières plastiques.
[10] Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il était déraisonnable pour le TCCE de classer les marchandises en cause dans la position no 62.16, par application des Règles 1 et 2b).
[11] L’interprétation donnée par le TCCE à la Règle 2b) est déraisonnable puisqu’aucune condition préalable à l’application de la Règle 2b) n’exige que les marchandises en cause doivent premièrement correspondre à la description de la position visée en vertu de la Règle 1, comme il est énoncé au paragraphe 66 de ses motifs. Ce raisonnement va à l’encontre de la structure en cascade des Règles générales.
[12] Étant donné que les marchandises en cause contiennent une matière textile qui est séparée de la matière plastique, elles ne correspondent pas à la description de la position no 39.26, en application de la Règle 1. Contrairement à la conclusion du Tribunal, c’est précisément pour cette raison qu’il faut appliquer la Règle 2b), et plus particulièrement la note XI des Notes explicatives. Cette disposition a pour effet d’élargir la portée de la position no 39.26, de manière à y inclure les ouvrages constitués partiellement de matières plastiques et partiellement de matières textiles. Les marchandises en cause correspondront alors à la description de la position no 39.26. De même, aux termes de l’application de la Règle 2b) et de la note XI des Notes explicatives, les marchandises en cause peuvent être visées par la portée étendue de la position no 62.16. En conséquence, les marchandises en cause sont susceptibles d’être classées dans deux positions, en l’occurrence les positions nos 62.16 et 39.26, ce qui entraîne l’application de la Règle 3 des Règles générales, suivant la note XIII des Notes explicatives, ce que le TCCE a omis de faire.
[13] Par conséquent, l’appel sera accueilli avec dépens, la décision du TCCE sera annulée et l’affaire sera renvoyée pour être redéterminée à la lumière d’une analyse qui tient compte de l’application intégrale des notes XI à XIII des Notes explicatives à la Règle 2b).
« A.F. Scott »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
J.D. Pelletier, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
D.G. Near, j.c.a. »
Traduction
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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DoSSIER : |
A‑65‑13 |
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INTITULÉ : |
IGLOO VIKSKI INC. c. PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Ottawa (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 2 SEPTEMBRE 2014
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MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE SCOTT
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Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE PELLETIER LE JUGE NEAR
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DATE DES MOTIFS : |
LE 17 NOVEMBRE 2014
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COMPARUTIONS :
Michael Kaylor
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POUR L’AppelantE IGLOO VIKSKI INC.
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Luc Vaillancourt
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POUR L’INTIMÉ PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lapointe Rosenstein Marchand Mélançon, S.E.N.C.R.L. Montréal (Québec)
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POUR L’AppelantE IGLOO VIKSKI INC.
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉ PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA |