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Date : 20141124


Dossier : A-274-13

Référence : 2014 CAF 273

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

V. I. FABRIKANT

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20141124


Dossier : A-274-13

Référence : 2014 CAF 273

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

V. I. FABRIKANT

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]           Par une ordonnance rendue en application du paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F-7 (la Loi), M. Fabrikant a été qualifié de plaideur quérulent. L’instance engagée en l’espèce découle du fait que l’appelant a obtenu l’autorisation de déposer un avis d’appel auprès de notre Cour relativement à l’ordonnance de la protonotaire Tabib datée du 18 janvier 2013 (T-376-99) et aux directives du juge Scott (alors juge à la Cour fédérale) émises le 24 juillet 2013.

[2]           Les paragraphes 40(1), (3), (4) et (5) de la Loi disposent :

40. (1) La Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d’une requête qu’une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d’une instance, lui interdire d’engager d’autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

[…]

(3) Toute personne visée par une ordonnance rendue aux termes du paragraphe (1) peut, par requête au tribunal saisi de l’affaire, demander soit la levée de l’interdiction qui la frappe, soit l’autorisation d’engager ou de continuer une instance devant le tribunal.

(4) Sur présentation de la requête prévue au paragraphe (3), le tribunal saisi de l’affaire peut, s’il est convaincu que l’instance que l’on cherche à engager ou à continuer ne constitue pas un abus de procédure et est fondée sur des motifs valables, autoriser son introduction ou sa continuation.

(5) La décision du tribunal rendue aux termes du paragraphe (4) est définitive et sans appel.

40. (1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

(3) A person against whom a court has made an order under subsection (1) may apply to the court for rescission of the order or for leave to institute or continue a proceeding.

(4) If an application is made to a court under subsection (3) for leave to institute or continue a proceeding, the court may grant leave if it is satisfied that the proceeding is not an abuse of process and that there are reasonable grounds for the proceeding.

(5) A decision of the court under subsection (4) is final and is not subject to appeal.

[3]           Par application de ces dispositions, M. Fabrikant peut demander à la Cour fédérale l’autorisation d’introduire une instance, pourvu toutefois, si la demande d’autorisation est refusée, qu’il n’y ait aucun droit d’appel contre cette décision.

Décision de la protonotaire Tabib

[4]           Monsieur Fabrikant a tenté de présenter deux demandes de contrôle judiciaire – l’une était un recours exercé contre la Couronne pour une somme de 15 000 $ et l’autre était une requête pour le reclassifier en tant que détenu de niveau de sécurité minimale. Il n’a pas été autorisé à déposer la requête en autorisation d’introduire ces demandes puisque les droits de dépôt n’avaient pas été payés. Monsieur Fabrikant a ensuite intenté une requête devant la protonotaire Tabib en vue de le dispenser du paiement des droits de dépôt.

[5]           La protonotaire a examiné les documents déposés par M. Fabrikant ainsi que ses observations. Après avoir renvoyé à une autre décision rejetant la requête de M. Fabrikant en vue de le dispenser du paiement des droits de dépôt rendue le 1er décembre 2011 (et confirmée en appel par une ordonnance de la Cour fédérale du 19 janvier 2012), la protonotaire a affirmé ce qui suit :

[traduction] …Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j’ai tenu compte du fait que le demandeur a été qualifié de plaideur quérulent et semble avoir multiplié les requêtes en autorisation d’introduire une instance au cours des dernières années. Bon nombre de ces requêtes ont été refusées par le greffe, ont été rejetées ou, lorsqu’elles ont été accueillies, n’ont pas été présentées avec diligence, de sorte que le recours à ces requêtes en autorisation par le demandeur est devenu un fardeau important pour les ressources de la Cour. J’ai également tenu compte du fait que la requête du demandeur repose sur exactement les mêmes éléments de preuve qui, selon notre Cour, étaient manifestement insuffisants pour accorder la même réparation il y a un an. Le demandeur savait que notre Cour avait conclu que ces éléments de preuve étaient insuffisants et a tout de même choisi de se fonder sur ces mêmes éléments de preuve insuffisants à l’appui de sa requête. Vraisemblablement, le demandeur croit que les directives informelles de la Cour d’appel l’emportent sur son défaut de porter une ordonnance formelle de notre Cour en appel. Cette croyance est erronée.

[6]           La protonotaire a également examiné l’observation de M. Fabrikant selon laquelle la dispense du paiement des droits de dépôt lui avait déjà été accordée par la Cour fédérale. Elle a indiqué que la dispense du paiement des droits de dépôt ne lui avait pas été accordée – il s’agissait simplement d’une erreur de lui avoir permis de déposer les demandes en autorisation d’introduire une instance fondée sur le paragraphe 40(3) de la Loi sans payer les droits exigés.

[7]           La protonotaire a indiqué que M. Fabrikant [traduction] « ne remet pas en question ou ne conteste pas les Règles des Cours fédérales et le tarif exige clairement le versement d’un droit de 30 $ pour le dépôt de chacune de ses requêtes envisagées ».

[8]           La protonotaire a rejeté sa requête en vue de le dispenser du paiement des droits de dépôt.

[9]           Lorsque M. Fabrikant a tenté d’interjeter appel de l’ordonnance de la protonotaire, une directive a été émise par le juge Roy indiquant que sa requête en vue d’interjeter appel de cette ordonnance ne pouvait être acceptée par le greffe. Il a ensuite été autorisé à interjeter appel devant notre Cour. Par conséquent, dans le présent pourvoi, aucun juge de la Cour fédérale n’a rendu une décision quant à l’appel de l’ordonnance de la protonotaire au fond.

[10]       Dans l’arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488; [2004] 2 R.C.F. 459, notre Cour a indiqué que, selon la norme de contrôle applicable, le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne devrait pas intervenir sauf dans l’un ou l’autre des deux cas suivants :

a)         le protonotaire a commis une erreur de droit; il a notamment exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits;

b)         l’ordonnance soulève une question ayant une influence déterminante sur l’issue du principal.

[11]       Il s’agit de la norme de contrôle qui devrait s’appliquer en l’espèce puisque l’appel contre l’ordonnance de la protonotaire n’a pas été examiné par un juge de la Cour fédérale.

[12]       Je ne crois pas que la protonotaire a commis une erreur de droit ou qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. Elle avait le pouvoir discrétionnaire de rendre cette décision. Rien n’indiquait si M. Fabrikant disposait d’autres actifs ou sources de revenus et, dans toutes les circonstances de l’espèce, la protonotaire avait le pouvoir discrétionnaire de refuser de le dispenser du paiement des droits de dépôt.

[13]       S’agissant des affaires à l’égard desquelles M. Fabrikant demandait l’autorisation d’introduire une instance, l’issue du principal de l’une visait la question de savoir si la Couronne devrait être tenue de verser 15 000 $ à M. Fabrikant et l’issue du principal de l’autre visait la question de savoir si M. Fabrikant devait être reclassifié en tant que détenu de niveau de sécurité minimale. L’ordonnance rejetant sa requête en vue de le dispenser du paiement des droits de dépôt n’a pas soulevé une question ayant une influence déterminante sur l’issue du principal de l’une ou l’autre de ces affaires. La dispense du paiement des droits de dépôt est une question préliminaire liée à sa demande en autorisation d’introduire une instance. Même si on lui permettait de déposer sa demande d’autorisation sans payer les droits de dépôt, il devrait néanmoins obtenir l’autorisation d’introduire l’instance.

[14]       Par conséquent, je n’interviendrais pas sur la décision de la protonotaire et je rejetterais l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire Tabib.

Les quatre directives du juge Scott

[15]       Monsieur Fabrikant a présenté des avis de requête en autorisation d’introduire les instances suivantes :

a)         l’annulation de sa qualification de plaideur quérulent, ou à titre subsidiaire, l’autorisation de poursuivre la présente instance dans le dossier de la Cour no T‑376-99;

b)         une instance liée à la décision du commissaire à l’égard de certains de ses griefs;

c)         une demande contre Service Canada pour recouvrer le versement de sa pension de vieillesse et du supplément à partir du 1er janvier 2011;

d)         une demande contre la Couronne pour obtenir 350 $, plus les dépens et les dommages punitifs, relativement à un écran d’ordinateur qui aurait été endommagé.

[16]       Le 24 juillet 2013, le juge Scott a émis la directive suivante pour chacune des demandes susmentionnées :

[traduction] La Cour ordonne que l’autorisation est refusée.

[17]       Par une ordonnance de la juge Sharlow datée du 29 août 2013, l’avis d’appel modifié de M. Fabrikant (en vue d’inclure un renvoi à ces directives) a été accepté par le greffe. L’instance découlant de cet avis d’appel modifié est l’instance dont nous sommes maintenant saisis.

[18]       Dans ses observations présentées à l’audience de la présente espèce, M. Fabrikant s’est fondé sur une directive adressée au greffe que j’avais émise relativement à un autre appel qu’il tentait de déposer à l’encontre d’une décision lui refusant l’autorisation d’introduire une instance. Monsieur Fabrikant s’est fondé à tort sur cette directive. La directive ne visait pas les affaires dont notre Cour est maintenant saisie, et les commentaires dans la directive étaient fondés uniquement sur la formulation de l’ordonnance rendue par la juge Sharlow l’autorisant à modifier son avis d’appel.

[19]       Dans son ordonnance, la juge Sharlow a indiqué ce qui suit dans les attendus :

[traduction] Dans sa directive, émise sans motifs écrits, le juge Scott n’a pas accordé la permission de déposer quatre requêtes sollicitant apparemment l’autorisation d’introduire une autre instance.

[20]       Suivant cette formulation, il semblerait que les directives émises par le juge Scott ne sont pas des décisions fondées sur le paragraphe 40(4) de la Loi (à la suite d’une demande en autorisation d’introduire une instance), mais plutôt des directives privant M. Fabrikant de son droit de demander l’autorisation d’introduire une instance sur le fondement du paragraphe 40(3) de la Loi.

[21]       Cependant, la véritable formulation des directives émises par le juge Scott (qui font partie du dossier en l’espèce) est celle indiquée au paragraphe 16. La formulation des directives n’est pas celle que la juge Sharlow a indiquée dans son ordonnance. Suivant la véritable formulation, [traduction] « l’autorisation est refusée »; cette formulation serait utilisée pour rendre une décision en application du paragraphe 40(4) de la Loi, puisque selon cette disposition, l’autorisation d’introduire une instance est accordée ou refusée. Par conséquent, la directive ne vise pas à refuser à M. Fabrikant la permission de déposer les quatre requêtes demandant l’autorisation d’introduire d’autres instances. Les directives émises par le juge Scott constituent plutôt des décisions refusant à M. Fabrikant l’autorisation d’introduire les instances susmentionnées.

[22]       Par application des dispositions du paragraphe 40(5) de la Loi, ces décisions sont sans appel. Par conséquent, j’annulerais l’appel interjeté par M. Fabrikant à l’encontre de ces directives.

[23]       Enfin, lorsqu’elle examine des requêtes, y compris celles fondées sur le paragraphe 40(4) de la Loi, la Cour fédérale devrait rendre des ordonnances et non émettre des directives.


Conclusion

[24]       Par conséquent, je rejetterais l’appel interjeté par M. Fabrikant à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire Tabib datée du 18 janvier 2013 et j’annulerais l’appel interjeté par M. Fabrikant à l’encontre des quatre directives du juge Scott datées du 24 juillet 2013, le tout sans frais.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

            Johanne Gauthier, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-274-13

 

INTITULÉ :

V. I. FABRIKANT c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 OCTOBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 NOVEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Pour son propre compte

 

POUR L’Appelant

 

Éric Lafrenière

 

POUR LES INTIMÉs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉs

 

 

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