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Date : 20141030


Dossier : A-209-13

Référence : 2014 CAF 248

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

ACANAC INC.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

et

AARON C. MOULAND

intervenant

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 29 octobre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 octobre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE STRATAS


Date : 20141030


Dossier : A-209-13

Référence : 2014 CAF 248

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

ENTRE :

ACANAC INC.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

et

AARON C. MOULAND

intervenant

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

[1]               La société Acanac Inc. (l'appelante) interjette appel de la décision rendue le 16 mai 2013 par la Cour canadienne de l'impôt par laquelle le juge Campbell Miller (le juge) rejetait les appels formés aux termes de l'article 103 de la Loi sur l'assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, et de l'article 28 du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (2013 CCI 163).

[2]               L'appelante souhaite faire infirmer la décision au motif que le juge a commis des erreurs fondamentales dans les conclusions de fait qu'il a tirées et dans l'appréciation de la preuve dont il disposait. L'appelante soutient en outre que le juge a commis des erreurs de procédure dans sa façon de conduire le procès.

[3]               La question en litige consistait à déterminer si deux travailleurs, MM. Mouland et Westcott, occupaient des emplois assurables et ouvrant droit à pension aux termes des lois précitées. Selon moi, le juge a appliqué le critère juridique approprié, à savoir le critère énoncé dans la décision Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553. Ainsi que l'a dit la Cour suprême du Canada, lorsqu'on applique le critère énoncé dans Wiebe Door, la question centrale à trancher est de « savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte » (671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983, au paragraphe 47; voir aussi 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 85, au paragraphe 41).

[4]               Essentiellement, l'appelante demande à notre Cour de soupeser une nouvelle fois la preuve retenue par le juge dans l'application du critère juridique approprié aux faits de l'espèce. L'appelante demande à la Cour de réexaminer la preuve en ce qui concerne la nature de l'entreprise (un service de soutien par Internet), le degré de contrôle que l'appelante exerçait sur les activités des travailleurs, la nature des outils utilisés, la formation et le soutien fournis aux travailleurs ainsi que l'intention des parties quant à la nature de leur relation.

[5]               Il convient de faire preuve de retenue à l'égard de l'appréciation de la preuve qu'a faite le juge et de la valeur qu'il a accordée à cette preuve en appliquant le critère juridique. Notre Cour ne peut intervenir que si le juge a commis des erreurs manifestes et dominantes (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 10). À mon avis, il n'a pas commis d'erreur évidente ni d'erreur qui touche directement à l'issue de l'affaire dans son appréciation de la preuve à l'égard d'un quelconque point soulevé par l'appelante. Les éléments de preuve dont disposait le juge étayent amplement les conclusions tirées sur ces points. Rien ne justifie donc une intervention.

[6]               L'appelante fait aussi valoir que le juge a commis une erreur dans la conduite du procès. L'appelante soutient que le juge aurait dû admettre en preuve, dans son entièreté, un document de 183 pages (l'historique d'une conversation par le logiciel Spark) que M. Mouland (l'intervenant et le témoin de l'intimé) a présenté à la Cour, plutôt qu'admettre les dix premières pages seulement, et qu'il aurait dû accorder un ajournement plus long pour permettre à l'appelante d'examiner le document. L'intimé a produit cet élément de preuve pendant qu'il interrogeait M. Mouland afin de démontrer l'existence d'un système de communication entre les travailleurs et les superviseurs. Par ailleurs, l'appelante conteste aussi la décision du juge de refuser d'entendre son témoin expert, Martin Cleaver.

[7]               Selon moi, en ce qui concerne l'historique de la conversation sur Spark, le juge a pris des décisions équitables en se fondant sur les circonstances qui lui ont été présentées durant le procès. En outre, il importe de signaler que cette affaire s'est déroulée selon la procédure informelle exposée à l'article 18 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch. T‑2. Le paragraphe 18.15(3) de ladite loi dispose que les règles strictes de la preuve ne s'appliquent pas à la procédure informelle; la question prépondérante consiste à déterminer si la démarche du juge était juste. Le juge a examiné l'historique de la conversation sur Spark et a tenu compte des observations des avocats, et a décidé qu'il n'avait besoin que des dix premières pages pour trancher la question restreinte pour laquelle la preuve a été produite. Rien ne justifie d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire quant à la longueur de l'historique de la conversation ou la durée de l'ajournement. Il convient de signaler que la preuve a été produite par l'intimé dans le seul but de démontrer que l'appelante exerçait un contrôle et une supervision sur ses travailleurs.

[8]               Enfin, l'appelante fait valoir que le juge aurait dû laisser témoigner son expert, Martin Cleaver. L'appelante soutient que la décision du juge de ne pas laisser témoigner son expert l'a empêchée de produire des éléments de preuve pertinents faisant ressortir le contexte inédit des services de soutien offerts sur Internet.

[9]               Il ne fait aucun doute que le juge a compris la thèse de l'appelante selon laquelle le travail axé sur le savoir, tel que le service de soutien par Internet dont il est question en l'espèce, est susceptible de soulever des considérations inédites et qu'il était disposé à entendre les observations de l'appelante à cet égard. Selon moi, le juge n'a pas cherché à restreindre la thèse de l'appelante quant à la nouveauté du contexte. Le juge a plutôt décidé de ne pas entendre l'expert de l'appelante après avoir conclu, à la lumière des observations des avocats, que le témoignage de l'expert n'était ni utile ni nécessaire étant donné que les travailleurs concernés pouvaient produire des éléments de preuve semblables (se reporter aux pages 198 à 200 du dossier d'appel). Autrement dit, il a estimé ne pas avoir besoin d'autres éléments que la preuve produite par les travailleurs pour trancher la question. En outre, le juge a entendu la preuve des travailleurs avant de prendre la décision définitive de ne pas entendre l'expert. Le juge a également exprimé de véritables réserves quant à la recevabilité du rapport de l'expert.

[10]           Je ne vois pas de raison de rejeter le raisonnement du juge. Le juge connaissait les principes établis régissant la recevabilité de la preuve d'un expert et a appliqué ces principes correctement aux circonstances dont il a été saisi. Nous ne voyons donc pas de raison d'intervenir à cet égard.

[11]           Par conséquent, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens en faveur de l'intimé.

« David G. Near »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Johanne Trudel, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

David Stratas, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A-209-13

 

APPEL D'UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE CAMPBELL MILLER DE LA COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT LE 16 MAI 2013, DOSSIERS NOS 2011‑1064(EI), 2011‑1066(CPP), 2011‑1210(EI), 2012‑579(CPP) ET 2012‑580(EI).

INTITULÉ :

ACANAC INC. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET AARON C. MOULAND (INTERVENANT)

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 29 OCTOBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE STRATAS

DATE DES MOTIFS :

LE 30 OCTOBRE 2014

COMPARUTIONS :

Gerald Matlofsky

 

POUR L'APPELANTE

 

Alisa Apostle

Carol Calabrese

POUR L'INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The Law Office of Gerald Matlofsky

Toronto (Ontario)

 

POUR L'APPELANTE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉ

 

 

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