Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossiers : 2013-2648(IT)G

2013-2649(GST)G

Entre :

WALTER LESLIE THISTLE,

appelant,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

[Traduction française officielle]

 

Appel entendu les 19 et 20 février 2015,

à St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

Devant : L’honorable juge John R. Owen


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Keith S. Morgan

Avocate de l’intimée :

Me Amy Kendell

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel interjeté de la cotisation établie en vertu de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, de l’article 83 de la Loi sur l’assurance‑emploi et de l’article 21.1 du Régime de pensions du Canada pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011, dont l’avis porte le numéro 1629837 et est daté du 11 janvier 2012, est accueilli avec dépens en faveur de l’appelant et la cotisation est annulée.

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel interjeté de la cotisation établie en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise pour la période de déclaration du 1er juillet 2010 au 30 septembre 2010, dont l’avis porte le numéro 1632439 et est daté du 11 janvier 2012, est accueilli avec dépens en faveur de l’appelant et la cotisation est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2015.

« J.R. Owen »

Juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de décembre 2015.

François Brunet, réviseur


Référence : 2015 CCI 149

Date : 20150616

Dossiers : 2013-2648(IT)G

2013-2649(GST)G

Entre :

WALTER LESLIE THISTLE,

appelant,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

[Traduction française officielle]


motifs du jugement

Le juge Owen

  I.            Introduction

[1]             Les présents motifs concernent les appels interjetés par M. Walter Leslie Thistle d’une cotisation (dont l’avis porte le numéro 1629837 et est daté du 11 janvier 2012) établie en vertu de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») et d’autres lois applicables[1] à l’égard de retenues salariales non versées pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 (la « cotisation établie pour les retenues salariales ») et à l’encontre d’une cotisation (dont l’avis porte le numéro 1632439 et est daté du 11 janvier 2012) établie en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») à l’égard de la taxe nette non versée pour la période de déclaration allant du 1er juillet 2010 au 30 septembre 2010 (la « cotisation de TVH »). Les dossiers de la cour portent le numéro  2013‑2648(IT)G et 2013-2649(GST)G, respectivement.

II.            Les faits

[2]             Le montant total de la cotisation établie à l’égard de l’appelant au titre de la cotisation établie pour les retenues salariales s’élève à 664 301,94 $. Voici pour chacune des années, la ventilation des montants pour lesquels une cotisation a été établie à l’égard de l’appelant au titre de la cotisation établie pour les retenues salariales :

Année d’imposition

Montant de la cotisation pour l’année, incluant les pénalités et les intérêts[2]

2008

3 418,76 $[3]

2009

1 095,64 $

2010

510 675,45 $

2011

121 916,83 $

[3]             Le montant total de la cotisation établie à l’égard de l’appelant au titre de la cotisation de TVH s’élève à 108 377,91 $.

[4]             L’appelant et Mme Tina Singleton ont témoigné pour le compte de l’appelant. Mme Singleton était l’aide‑comptable de NL RV Enterprises Inc. (« Enterprises ») d’avril 2010 à mars 2011. Enterprises est la société qui a omis de verser les montants en cause dans les présents appels.

[5]             M. Robert McGrath et M. Gregory Peddle ont témoigné pour le compte de l’intimée. M. McGrath est agent des services à la clientèle T1, agent des cas complexes et agent de recouvrement à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et est à l’heure actuelle le chef d’équipe intérimaire des Services aux contribuables et gestion des créances. M. Peddle est un chef d’équipe à la Section de l’examen des employeurs de l’ARC.

[6]             Mme Singleton a été la première personne à témoigner. Entreprises a engagé Mme Singleton à titre d’aide‑comptable à la fin d’avril 2010, peu après qu’elle eut obtenu un diplôme en gestion des affaires du College of the North Atlantic. Mme Singleton a été interviewée par Robert Aymont, qui portait le titre de directeur général et qui lui a offert l’emploi à Enterprises. Les personnes employées au bureau à ce moment-là étaient Ian Fitzgerald, Robert Aymont et Mitchell Kennedy. Enterprises a engagé un autre employé (un technicien à l’entretien et à la réparation) en juin 2010, pour un total de cinq employés à cette époque[4].

[7]             Parmi ses fonctions, Mme Singleton effectuait [traduction] « la saisie de données, des conciliations, des choses comme ça[5] ». En contre-interrogatoire, elle a déclaré qu’elle imprimait tous les mois des états financiers comme les états des résultats, les comptes créditeurs, les comptes débiteurs et les bilans au moyen de Simple Comptable, un logiciel qu’utilisait Enterprises pour tenir ses dossiers financiers[6]. Elle fournissait ces copies imprimées à M. Aymont, mais aucune autre personne ne les demandait[7].

[8]             Au moment de son embauche, Mme Singleton a compris que ses fonctions concernaient les activités d’Enterprises, qui consistaient en la vente de véhicules récréatifs (VR) et la construction de maisons mobiles[8]. Elle a eu par la suite connaissance d’une autre société, NL RV Resorts Limited (« Resorts »), à l’occasion d’une conversation informelle avec d’autres personnes du bureau. Elle n’avait toutefois aucun lien avec que cette société. Selon Mme Singleton, tous les employés du bureau travaillaient pour Enterprises[9].

[9]             Dans son témoignage, Mme Singleton a déclaré que l’appelant n’avait aucunement participé à son embauche et que, de fait, elle ne connaissait pas l’appelant en avril 2010. Elle a également déclaré que l’appelant ne participait pas au fonctionnement du bureau lorsqu’elle a été engagée[10]. Avant qu’on lui dise que l’appelant était l’un des propriétaires en août 2010, Mme Singleton croyait qu’Ian Fitzgerald était l’unique propriétaire d’Enterprises[11].

[10]        Dans son témoignage, Mme Singleton a déclaré que lorsqu’elle était entrée en fonction, les comptes d’Enterprises étaient un fouillis. Elle a précisé qu’elle avait eu de la difficulté à concilier les écritures de janvier 2010 dans Simple Comptable et qu’elle avait fait part de ses préoccupations à M. Aymont. Elle ne pouvait rien faire d’autre avant qu’il corrige les écritures. En contre‑interrogatoire, Mme Singleton a déclaré qu’elle croyait que le problème concernant les comptes découlait de la transition de Resorts à Enterprises. Les comptes n’avaient pas été saisis avec exactitude, mais cela avait été corrigé lorsque M. Aymont avait installé un nouveau système de saisie qui avait rectifié les inscriptions pour la période commençant en décembre 2009 ou en janvier 2010[12].

[11]        Mme Singleton a déclaré dans son témoignage qu’Enterprises ne recourait pas aux services de comptables pour la tenue de ces livres et qu’elle croyait qu’avant son embauche en qualité d’aide-comptable de la société, la fonction de tenue de livres pouvait avoir été remplie par l’épouse de M. Fitzgerald[13].

[12]        Mme Singleton avait accès aux relevés bancaires mensuels d’Enterprises pour concilier les montants des comptes bancaires de la société, mais elle n’avait pas d’accès quotidien aux soldes bancaires et elle n’avait pas le pouvoir de signature pour les comptes bancaires d’Entreprises[14]. Pour payer les comptes d'Enterprises, elle remplissait un formulaire indiquant les comptes créditeurs en utilisant les renseignements provenant de Simple Comptable et présentait le formulaire à M. Fitzgerald pour son approbation[15]. Une fois le montant approuvé pour paiement, elle imprimait un chèque de la société et, après que M. Fitzgerald l’eut signé, elle l’envoyait au bénéficiaire.

[13]        Seuls Mme Singleton et M. Fitzgerald participaient au processus d’émission des chèques. À sa connaissance, tous les chèques émis suivant ce processus ont été honorés[16]. Si elle avait des questions sur la manière d’inscrire quelque chose dans les livres d’Enterprises concernant les activités bancaires d’Enterprises, elle consultait M. Aymont[17].

[14]        La copie du sommaire de versements pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 préparé par Mme Singleton a été présentée en preuve comme pièce A-1[18]. En contre-interrogatoire, Mme Singleton a indiqué qu’elle préparait les sommaires de versements, mais que M. Fitzgerald s’occupait lui-même du versement des montants à l’ARC au moyen des activités bancaires en ligne[19]. Elle croyait qu’elle produisait les renseignements relatifs aux versements auprès de l’ARC, mais elle n’en était pas certaine. Elle a également déclaré qu’Enterprises pouvait avoir été en retard pour les versements au cours de l’été de 2010, mais lorsqu’on lui a demandé des précisions, il est devenu clair qu’elle n’avait aucune connaissance réelle de ce que M. Fitzgerald payait à l’ARC pour le compte d’Enterprises à cette époque[20].

[15]        Mme Singleton a renvoyé au courriel d’un employé d’un entrepreneur au Nunavut daté du 18 janvier 2011, qui lui était adressé ainsi qu’à M. Fitzgerald (pièce A‑2). Le courriel concernait des contrats conclus par Enterprises avec une société appelée NCC Dowland (l’« entrepreneur ») en vue de fournir de la main‑d’œuvre pour construire des maisons modulaires au Nunavut. Le courriel incluait à la fin un courriel de M. Fitzgerald, daté du 17 janvier 2011, par lequel M. Fitzgerald signalait des problèmes avec l’entrepreneur. Plus particulièrement, le courriel indique que seulement 50 % des factures dressées par Enterprises depuis le 25 novembre 2010 avaient été payées et que tout paiement avait cessé après le 9 décembre 2010. Il ressort clairement des éléments de preuve examinés ci‑après que cette déclaration était fausse.

[16]        En juin 2010, Enterprises avait présenté des soumissions à l’égard de contrats visant à fournir de la main-d’œuvre pour construire des maisons modulaires au Nunavut. Mme Singleton n’a pas participé à la présentation des soumissions à l’égard de ces contrats et elle n’a discuté de ce projet avec personne avant que les contrats soient obtenus[21]. Elle avait toutefois préparé les chèques représentant le dépôt de 5 % qui devait accompagner les soumissions présentées par Enterprises à l’égard des contrats[22].

[17]        Lors de son témoignage, Mme Singleton a signalé que M. Fitzgerald et M. Aymont dirigeaient le processus de soumissions[23]. Après la conclusion des contrats, M. Fitzgerald et M. Aymont engageaient les employés dont Enterprises avait besoin pour exécuter les contrats[24]. Mme Singleton a déclaré lors de son témoignage que l’appelant ne participait pas au processus d’embauche, mais elle a dit : [traduction] « Je ne sais pas s’il participait aux soumissions[25] ». Elle a également déclaré que l’appelant n’avait participé à aucune activité du bureau au cours de l’automne 2010[26].

[18]        Selon Mme Singleton, les activités d’Enterprises au Nunavut ont commencé vers le mois d’août 2010. Jusqu’à ce moment-là, la paie d’Enterprises visait un total de cinq employés. En raison des nouveaux contrats, elle a estimé que la paie était passée de cinq employés à environ 70 employés. Il ressort de la pièce A‑1 que la première augmentation d’importance relativement à la paie a eu lieu en septembre 2010, lorsque la paie brute totale d’Enterprises est passée à 77 373,60 $, alors qu’elle était de 20 848,60 $ en août 2010 et de 20 219,10 $ en juillet 2010. La paie brute a de nouveau bondi en octobre 2010 pour atteindre 363 620,48 $. Les paies brutes de novembre et de décembre 2010 sont déclarées comme s’élevant à 341 898,34 $ et à 439 661,14 $, respectivement.

[19]         Mme Singleton était chargée d’établir les factures d’Enterprises destinées à l’entrepreneur. Elle envoyait les factures relatives à la paie toutes les deux semaines et les factures relatives aux autres frais tous les mois[27]. Elle a déclaré qu’au départ, les choses se passaient bien et que l’entrepreneur fournissait un calendrier indiquant le moment où il ferait ses paiements à Entreprises[28]. Toutefois, en décembre 2010, l’entrepreneur a commencé à retenir les paiements de sorte que les paiements reçus ne couvraient que la paie nette, à l’exclusion des retenues salariales[29]. Elle a confirmé que le courriel du 18 janvier 2011 (la pièce A‑2) concernait la prétendue omission de l’entrepreneur d’effectuer les paiements. En contre-interrogatoire, Mme Singleton a indiqué qu’elle n’était pas au courant de problèmes financiers importants avant novembre ou décembre 2010 et que selon son souvenir, rien ne laissait entrevoir des difficultés financières avant ce moment[30].

[20]        Lors de son témoignage, Mme Singleton a signalé qu’avant de recevoir le courriel du 18 janvier 2011 (la pièce A‑2), elle avait connaissance du problème concernant les paiements de l’entrepreneur, parce qu’il apparaissait lorsqu’elle faisait la conciliation de la paie, comparant la paie et les retenues salariales aux montants qu’Enterprises recevait réellement. Elle a discuté la question avec M. Fitzgerald, qui semble lui avoir donné l’impression qu’il cherchait à obtenir de l’entrepreneur le paiement des montants manquants[31]. Autrement dit, il tenait l’entrepreneur responsable des sommes manquantes.

[21]        Mme Singleton a renvoyé à un calendrier des montants reçus daté du 7 mars 2011 (la pièce A‑3) qu’elle avait imprimé au moyen du logiciel Simple Comptable et a confirmé que le calendrier indiquait les montants qu'Enterprises avait reçus de l’entrepreneur jusqu’à la date du calendrier. Il de ressort la pièce A‑3 que l’entrepreneur a payé un total de 1 724 579,94 $ à Enterprises du 29 septembre 2010 au 14 janvier 2011 et que le total du montant que l’entrepreneur a retenu pour la même période s’élevait à 190 065,38 $. Le montant retenu représente environ 10 % du montant total payé.

[22]        Voici les paiements qu’Enterprises a reçus de l’entrepreneur au cours des quatre derniers mois de 2010 et en janvier 2011, nets du montant retenu (selon la pièce A‑3) :

Septembre

Octobre

Novembre

Décembre

Janvier

238 140 $

316 482 $

631 786 $

262 332 $

275 838 $

[23]        La paie brute d’Enterprises pour les mêmes mois était la suivante (selon les pièces A‑1 et A‑9) :

Septembre

Octobre

Novembre

Décembre

Janvier

77 373 $

363 620 $

341 898 $

439 661 $

152 786 $

[24]        Voici la somme manquante ou le surplus pour chaque mois et la somme manquante ou le surplus cumulatif à la fin de janvier 2011 :

 

Septembre

Octobre

Novembre

Décembre

Janvier

(Somme manquante)/surplus

160 766 $

(47 138 $)

289 888 $

(177 329 $)

123 052 $

(Somme manquante)/surplus cumulatif

160 766 $

113 629 $

403 517 $

226 188 $

349 240 $

[25]        Mme Singleton a témoigné que l’appelant ne participait pas aux projets d’habitations du Nunavut ni à la paie d’Enterprises, sauf à une occasion où on lui a demandé de signer les chèques de paie parce que M. Fitzgerald se trouvait au Nunavut. Selon Mme Singleton, les chèques ont été apportés à l’appelant pour signature à l’automne 2010.

[26]        Selon Mme Singleton, environ au même moment, elle a eu une conversation avec M. Fitzgerald à propos du fait que la paie d’Enterprises lui prenait tout son temps. À la suggestion de l’appelant, un système de paie a été mis en œuvre avec une société de paie appelée ADP[32]. Mme Singleton a renvoyé à la copie du contrat intitulé « ADP CANADA CO. EMPLOYER SERVICES Master Services Agreement » [contrat général de services d’ADP CANADA CO. EMPLOYER SERVICES] que Mme Singleton a rempli et signé le 19 octobre 2010 (pièce A‑5). Mme Singleton a déclaré lors de son témoignage que le système de paie devait être mis en œuvre par souci d’efficacité[33].

[27]        Pour utiliser le système de paie, Enterprises devait présenter à ADP tous les détails concernant les heures et la paie, ainsi que fournir les fonds afin de financer la paie. Si cela était fait au plus tard le mardi soir, ADP effectuait alors la paie (et les retenues salariales connexes) le vendredi de la même semaine. Lors de son témoignage, Mme Singleton a déclaré qu’elle avait tenté d’utiliser le système de paie toutes les semaines après sa mise en œuvre, mais que les fonds destinés au paiement n’étaient jamais disponibles le mardi soir. Ainsi, le système n’a pas été utilisé. Mme Singleton expose la situation de la manière suivante :

[traduction]
Q.        D’accord. Retournons à votre témoignage concernant le processus de chèques que vous suiviez avec M. Fitzgerald. Je comprends de votre témoignage antérieur que vous alliez le voir pour l’informer du montant qui était nécessaire pour financer la paie?

R.        Oui.

Q.        Ou vous passiez en revue les divers chèques, les comptes créditeurs et il vous indiquait si vous pouviez ou non émettre les chèques?

R.        Oui.

Q.        Ainsi, il s’agissait du processus que vous auriez suivi chaque semaine concernant les montants de la paie?

R.        Eh bien, je vérifiais le montant à payer et je communiquais avec Ian pour l’en informer et pour vérifier s’il y avait suffisamment d’argent dans le compte.

Q.        D’après ce que je crois comprendre de votre témoignage, il vous disait qu’il n’y avait pas de fonds suffisants pour couvrir les montants, est‑ce bien cela?

R.        Oui.

Q.        Cette situation, quelqu’un d’autre que vous et Ian Fitzgerald était-il au courant du fait qu’il n’y avait pas suffisamment de fonds pour honorer ces chèques?

R.        La plupart des employés.

Q.        D’accord.

R.        Parce qu’il arrivait que notre paie soit également en retard.

Q.        Je vois. Alors ils savaient que le système lui-même – je suppose, qu’ils auraient su que le système était en place, le système ADP était sur pied, est‑ce bien cela?

R.        Ils ne l’auraient pas su – eh bien, oui, ils savaient que nous étions en train de le mettre sur pied, mais ils savaient également que ne pouvions aller de l'avant parce que, vous savez, lorsque le vendredi arrivait et si nous étions capables de payer les employés, nous nous rendions alors nous‑mêmes à la banque et nous déposions les chèques.

Q.        Je vois, d’accord. Alors, est-ce que M. Thistle était au courant du fait que ce processus avait lieu après octobre?

R.        Oui. Oh, M. Thistle?

Q.        Oui.

R.        Non.

Q.        Je suppose que cette situation a en fait atteint son point culminant en janvier 2011, est-ce bien cela?

R.        Oui[34].

[28]        Mme Singleton a renvoyé à un formulaire de versements se rapportant à la Loi de 1993 de l’impôt sur le salaire des Territoires du Nord‑Ouest (pièce A‑6). Le formulaire signalait que le versement requis de 21 915,34 $ n'avait pas été fait. Le formulaire portait la signature d’Ian Fitzgerald. Mme Singleton a déclaré lors de  son témoignage qu’à sa connaissance, personne d’autre qu’elle et M. Fitzgerald n’était au courant de cette omission de versement[35].

[29]        Mme Singleton a renvoyé au formulaire appelé « T4 Sommaire de la rémunération payée », daté du 28 février 2011, qu’elle avait rempli (pièce A‑7). La case 76 du formulaire désigne Ian Fitzgerald comme personne avec qui communiquer au sujet de la déclaration. Le formulaire signale qu’il manque un montant de 462 989,66 $ au titre des retenues salariales effectuées par Enterprises. Mme Singleton a confirmé que M. Fitzgerald était au courant de la somme qui n’avait pas été versée, mais en réponse à la question de savoir si quelqu’un d’autre était au courant, Mme Singleton a répondu : [traduction] « Je ne suis pas certaine. Je ne crois pas[36]. »

[30]        Dans son témoignage, Mme Singleton a déclaré que, vers le mois de février 2011, Enterprises faisait l’objet d’une vérification par l’ARC pour non‑versement de retenues salariales et de TPS[37]. Voici le témoignage de Mme Singleton sur ce point :

[traduction]
Q.        Quelle était la nature du problème que connaissait la société?

R.        Eh bien, il y avait des soldes non versés au titre du versement des retenues salariales et du versement de la TPS.

Q.        D’accord. La vérification des livres de la société avait-elle lieu à ce moment‑là également?

R.        Oui.

Q.        Avez-vous participé à cette vérification ou aidé l’ARC à l’égard de ce processus?

R.        Oui, l’ARC a envoyé – je crois que son nom était Glen Lannon.

Q.        ...

R.        Et il m’indiquait les documents dont il avait besoin, alors je les lui imprimais.

Q.        D’accord. Et qui d’autre dans la société aurait participé à ce processus, en plus de vous?

R.        C’était principalement moi dans le bureau qui donnait des renseignements, mais il traitait également avec Ian Fitzgerald.

Q.        M. Thistle a-t-il participé à ce processus à un moment ou à un autre, vous rappelez-vous?

R.        Pas à ma connaissance[38].

[31]        Mme Singleton a renvoyé à deux déclarations de TPS/TVH qu’elle avait télécopiées à l’ARC le 3 mars 2011 (pièce A‑8), l’une pour la période du 1er juillet 2010 au 30 septembre 2010 et l’autre pour la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2010. Mme Singleton a confirmé que ces déclarations ont été envoyées à l’ARC à la demande du vérificateur de l’ARC[39]. Mme Singleton a aussi renvoyé à un sommaire de la paie et des versements de retenues salariales d’Entreprises pour la période du 1er janvier 2010 au 28 février 2011 (pièce A‑9). Les renseignements exposés dans la pièce A‑9 pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 sont les mêmes que ceux exposés dans la pièce A‑1.

[32]        Mme Singleton a renvoyé à un courriel daté du 18 janvier 2012 qu’elle avait envoyé à l’appelant lui posant des questions concernant les feuillets T4 pour les employés d’Enterprises (pièce A‑10). Mme Singleton a exposé l’échange de la manière suivante :

[traduction]
Q.        Mme Singleton, quel était l’objet de cette communication particulière?

R.        Eh bien, de nombreux employés communiquaient avec moi pour obtenir leur feuillet T4, et je n’étais plus au service de la société. J’ai communiqué avec Ian Fitzgerald au moyen de Facebook et je lui ai demandé si la société enverrait les feuillets T4 à ses employés et il m’a répondu qu’il n’avait aucun dossier et que je devais communiquer avec Les Thistle. J’ai transmis un courriel à Les Thistle et je lui ai demandé, vous savez, ce qu’il ferait à propos des feuillets T4, et il m’a dit qu’il n’avait rien à voir avec la comptabilité.

Q.        Jusqu’à ce moment-là, aviez-vous eu des rapports avec M. Thistle concernant la comptabilité?

R.        Non.

Q.        Vous avez écrit dans votre courriel de réponse à M. Thistle que vous compreniez qu’il n’avait rien à voir avec la comptabilité?

R.        Oui.

Q.        Et vous avez également écrit qu’il avait été prévu de tout organiser avec le système ADP, mais que ce nouveau fonctionnement n’avait jamais pu être mis en œuvre?

R.        Oui.

Q.        Était-ce la première fois que vous avez indiqué cela à M. Thistle?

R.        Fort possiblement. J’avais uniquement parlé à M. Thistle deux ou trois fois.

Q.        D’accord. Ainsi, est-il juste de dire que lorsqu’il dit « je croyais que tout était en ordre pour qu’ADP fasse la paie », cela pourrait très bien avoir été le cas?

R.        Je m’attendais à cette réponse.

Q.        D’accord. Cela se passait le 18 janvier 2012, donc c’est bien après toute la situation qu'une cotisation a été établie et tout le reste?

R.        Oui[40].

[33]        Enfin, Mme Singleton a déclaré lors de son témoignage qu’en janvier 2011, M. Fitzgerald avait utilisé l’un des paiements de l’entrepreneur pour régler sa carte Amex personnelle[41]. Elle ne connaissait toutefois pas le montant versé à Amex et a indiqué que M. Fitzgerald aurait eu des frais de déplacement.

[34]        Lors de son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il était avocat admis au barreau en 1995 et qu’il pratiquait seul. Outre ses investissements dans Resorts et Enterprises, il n’avait participé à aucune autre entreprise commerciale que son cabinet. En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il employait à l’heure actuelle six personnes et qu’en 2008, il employait neuf ou dix personnes. Il participait à la tenue des livres et à l’émission des chèques et effectuait les conciliations bancaires pour son cabinet, dont les activités se concentraient sur le droit immobilier. Seulement 2 % ou 3 % de sa pratique ce rapportait au  droit des sociétés ou au droit commercial. Depuis le printemps ou l’été 2005, ADP administrait la paie pour son cabinet.

[35]        L’appelant a rencontré Ian Fitzgerald en 2005 lorsque ce dernier est devenu client de l’appelant. En janvier 2007, M. Fitzgerald souhaitait acheter auprès d’une personne (le « propriétaire ») le reste de la durée d’un bail de 50 ans d’un parc de véhicules récréatifs à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Il était prévu que Resorts fasse l’achat. Le gouvernement provincial retardait l’achat qui a alors été abandonné en faveur d’une sous-location. L’appelant a effectué le travail juridique pour M. Fitzgerald et Resorts.

[36]        Vers le mois de mars 2007, M. Fitzgerald a demandé à l’appelant d’investir dans Resorts. L’idée était que Resorts vendrait à des personnes des adhésions à long terme qui leur permettraient d’utiliser le parc pour leur VR. Après que M. Fitzgerald lui eut présenté une proposition, l’appelant a investi 150 000 $ dans Resorts en août ou en septembre 2007. Les fonds ont été avancés à titre de prêt à Resorts et l’appelant a également reçu 25 % des capitaux propres de Resorts. L’appelant n’a pas effectué la constitution en société de Resorts et n’était pas, ni n’est devenu, un administrateur ou un dirigeant de Resorts.

[37]        Au printemps 2008, M. Fitzgerald a présenté à l’appelant une proposition selon laquelle Resorts vendrait des VR. L’appelant a témoigné que M. Fitzgerald semblait bien connaître ce genre d’activité et que le concept convenait bien aux activités du parc. De même, à ce moment-là, certains problèmes de personnalité étaient survenus entre M. Fitzgerald et le propriétaire. L’appelant a donc estimé que la situation lui présentait une nouvelle occasion d’affaires et un moyen d’ajouter aux activités de Resorts en cas de problèmes avec les activités de parc de VR de Resorts.

[38]        Une marge de crédit d’un million de dollars a été conclue avec Textron pour financer les nouvelles activités de vente de VR de Resorts. Resorts a utilisé la marge de crédit pour acheter un stock de VR et les vendait d’un terrain situé sur Commonwealth Avenue à Mount Pearl (T.‑N.‑L.).

[39]        L’appelant a témoigné qu’il ne participait pas aux activités quotidiennes de Resorts. À l’occasion, il [traduction] « passait » pour voir comment les ventes de VR se déroulaient et M. Fitzgerald lui faisait un compte rendu à ce moment-là[42].

[40]        À l’automne 2008, suite à d’autres conflits entre M. Fitzgerald et le propriétaire, M. Fitzgerald a demandé à l’appelant de constituer une nouvelle société (Enterprises) de manière à ce que les activités du parc et les activités de vente de VR soient disjointes. Selon la compréhension de l’appelant, les VR devaient être transférés à Enterprises et la dette que lui devait Resorts serait prise en charge par Entreprises. Il a déclaré qu’à l’automne 2008, il  avait reçu un courriel de M. Fitzgerald lui indiquant les VR avaient été transférés à Enterprises. En mai 2011, l’appelant a conclu que, dans les faits, les VR n’avaient pas été transférés à Enterprises, et qu’ils appartenaient toujours à Resorts.

[41]        L’appelant a constitué Enterprises en société le 18 novembre 2008 et a indiqué l’adresse de son cabinet à Mount Pearl (T.‑N.‑L.) comme siège social. L’appelant et M. Fitzgerald ont tous deux été nommés administrateurs d’Enterprises. L’appelant détenait 25 % des capitaux propres et M. Fitzgerald détenait le solde de 75 %. En contre-interrogatoire, l’appelant a renvoyé à la copie du certificat de constitution, à la liste des administrateurs et à l’avis de désignation du siège social. Le deuxième document confirmait qu’il était administrateur d’Enterprises (pièce R‑2). L’appelant a également confirmé qu’il est demeuré un administrateur d’Enterprises jusqu’en mars 2011.

[42]        Au début de 2009, à l'instigation de M. Fitzgerald, Enterprises s'est lancée dans la construction et la vente de maisons mobiles modulaires. La société a vendu un total de trois de ces maisons et l’appelant s’est occupé d’une question après la vente de l’une de ces maisons en janvier 2010[43].

[43]        En mai 2009, M. Fitzgerald a informé l’appelant que Textron était préoccupée par certains VR qui étaient en stock depuis longtemps et avait dit que la société devait acheter les VR, sans quoi Textron les prendrait[44]. M. Fitzgerald a signalé à l’appelant que s’il finançait l’achat des VR, il serait remboursé au fur et à mesure des ventes de ceux-ci. Compte tenu de ce qui précède et du fait que l’appelant craignait qu’une perte des stocks donne lieu à des difficultés financières pour les activités de vente de VR, il a convenu de prêter un montant supplémentaire de 188 000 $ pour un total de 424 000 $ à cette époque‑là[45]. En contre-interrogatoire, l’appelant a déclaré que les activités d’exploitation d’Enterprises l’auraient préoccupé s’il n’avait pas fourni les fonds supplémentaires, mais cette contribution signifiait que la société avait [traduction] « un lot de VR libres de toute charge[46] ».

[44]        M. Fitzgerald a demandé à l’appelant de le retirer à titre d’administrateur d’Enterprises en juillet 2010. Cette action découlait du fait que Resorts avait cessé de payer la sous-location du parc de VR et que la sous-location était retournée au propriétaire. M. Fitzgerald s’était dit préoccupé par les réclamations de personnes qui avaient acheté une adhésion au parc de VR et avait déclaré qu’il ne voulait avoir aucun lien avec Enterprises. Le 7 octobre 2010, l’appelant a reçu un courriel lui enjoignant de réintégrer M. Fitzgerald à titre d’administrateur, mais cela ne s’est pas produit avant mars 2011. L’appelant a signalé que M. Fitzgerald dirigeait toujours les activités d’Enterprises même s’il n’était pas administrateur de droit[47]. L’appelant n’était pas employé pour Enterprises et ne recevait aucun salaire de la société[48].

[45]        Au printemps 2010, M. Fitzgerald s’est adressé à l’appelant concernant la construction de maisons mobiles modulaires au Nunavut. M. Aymont avait acquis une expérience en matière de tels projets lorsque la Nunavut Housing Authority (la « NHA ») en était responsable. L’appelant a été informé que la NHA avait connu d’importants dépassements de budget dans le passé et voulait donner le travail en sous-traitance au secteur privé. Cela a été présenté à l’appelant comme étant une occasion d’affaires lucrative pour Enterprises.

[46]        L’appelant a effectué des recherches sur Internet pour confirmer les faits qui lui avaient été présentés. Il a déclaré qu’au printemps 2010, Enterprises possédait beaucoup d’actifs sous la forme de stocks, mais les activités de vente de VR avaient ralenti et les activités de construction de maisons modulaires ne répondaient pas aux attentes. Bien que la société ait été riche du point de vue des actifs, il était préoccupé par ses perspectives à long terme et estimait qu’une nouvelle gamme d’activités était nécessaire pour que la société produise un revenu. L’appelant a déclaré :

[traduction] Je n’étais pas tant préoccupé par la période à court terme, c’était plus la période à long terme et j’avais englouti un bon montant d’argent dans, je voulais tenter de m’assurer de récupérer l’argent que j’avais investi dans la société[49].

[47]        Afin de présenter une soumission pour un contrat de construction de maisons au Nunavut, les soumissionnaires devaient fournir un dépôt égal à 5 % du montant de la soumission. M. Fitzgerald s’est adressé à l’appelant pour qu’il fournisse un total de 500 000 $ à Enterprises afin de financer les dépôts pour les soumissions à l’égard de quatre contrats en échange d’un pourcentage des bénéfices provenant des contrats. M. Fitzgerald a fourni un calendrier de paiements qui indique que le principal serait remboursé à raison de deux versements par mois en octobre, en novembre et en décembre 2010 (pièce A‑12). L’appelant devait recevoir 30 % des bénéfices, M. Fitzgerald et M. Aymont devaient recevoir chacun 10 %, et le solde de 50 % devait demeurer dans Enterprises. La part de 50 % à Enterprises lui permettrait de payer sa dette existante envers l’appelant.

[48]        Le 10 juin 2010, l’appelant a prêté 430 455,18 $ à Enterprises, un montant qui devait être utilisé à l’égard de quatre soumissions présentées par Enterprises[50]. Un autre montant de 69 544,82 $ a été avancé à l’automne 2010, pour un total de 500 000 $[51]. Enterprises a obtenu le contrat à l’égard de deux soumissions. Lorsque l’appelant s’est renseigné auprès de M. Fitzgerald à propos des fonds libérés par les deux soumissions non retenues, M. Fitzgerald lui a demandé de laisser ces fonds dans Enterprises pour d’autres soumissions, ce qu’il a convenu de faire[52].

[49]        En août 2010, M. Fitzgerald a informé l’appelant que le processus concernant les projets d’habitation au Nunavut avait été modifié. Plutôt que d’obtenir des contrats directement de la NHA, Enterprises devait être engagée à titre de sous-traitante par l’entrepreneur et seul l’entrepreneur traitait avec la NHA. L’appelant ne connaissait pas la raison de cette modification, mais a conjecturé que la NHA pouvait vouloir traiter avec un seul entrepreneur plutôt qu’avec plusieurs. L’appelant a déclaré ce qui suit concernant sa participation à ce processus :

[traduction] Outre l’information fournie par Ian [Fitzgerald] en août 2010 selon laquelle telle était la façon dont l’arrangement devait fonctionner, je n’ai eu aucune autre participation que celle d’une communication périodique avec lui concernant le déroulement des choses. Il approuvait chaque contrat, prenait les décisions relatives à l’embauche et gérait les activités d’exploitation du projet d’habitation au Nunavut[53].

[50]        À la connaissance de l’appelant, la NHA n’avait pas encaissé les chèques émis au titre des dépôts pour les soumissions et l’argent était demeuré à Enterprises. En contre‑interrogatoire, l’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il avait vérifié le compte bancaire d’Enterprises à la fin du mois d’août et n’y avait trouvé que 140 000 $. Il a alors interrogé M. Fitzgerald, qui l’a informé que l’argent avait été utilisé pour l’achat de VR supplémentaires et pour payer les dépenses courantes d’Enterprises[54]. Il s’est rendu au terrain où se trouvaient les VR et a constaté qu’il y avait plusieurs nouveaux VR sur le terrain[55]. Il a avoué avoir été inquiet lorsqu’il a constaté qu’il n'avait pas été consulté à propos de l’utilisation de l’argent, mais il a déclaré avoir été rassuré par le fait que des fonds importants se trouvaient toujours dans le compte bancaire (140 000 $) d’Entreprises et qu’il y avait de nouveaux actifs sous la forme de stocks de VR supplémentaires[56].

[51]        L’appelant a reconnu que les états financiers d’Enterprises ne lui avaient pas été fournis bien qu’il ait vu des états pour Resorts. Il a déclaré qu’il avait eu deux conversations avec une personne à Grant Thornton à l’occasion desquelles il a été interrogé à propos de Resorts. L’appelant a témoigné qu’il avait périodiquement demandé des états financiers pour Enterprises, mais que M. Fitzgerald lui disait que les comptables tardaient à dresser les états financiers ou que les états financiers qui avaient été dressés devaient être révisés pour correction des erreurs[57].

[52]        En contre-interrogatoire, l’appelant a confirmé que M. Fitzgerald lui avait dit que Grant Thornton effectuait le travail de comptabilité pour Enterprises[58]. Il a déclaré ce qui suit en ce qui a trait à la situation au moment du prêt consenti en juin 2010 :

[traduction]
Q.        En juin 2010, la société avait-elle un comptable, un comptable externe?

R.        Selon ma compréhension des choses, Grant Thornton était le comptable de la société.

Q.        Et avez-vous demandé les états financiers à peu près à ce moment-là?

R.        Je demandais des états financiers périodiquement. C’était toujours la même chose – je les demandais à M. Fitzgerald, parce que dans les faits j’avais très peu de communications avec les autres membres du personnel. C’était par l’entremise d’Ian, M. Fitzgerald, et la réponse était habituellement à peu près la même, que les comptables avaient du retard ou qu’il y avait des erreurs à  faire corriger[59].

[53]        L’appelant a admis qu’il n’avait pas communiqué directement avec Grant Thornton pour demander les états financiers[60]. Selon son explication, puisqu’il ne transigeait pas personnellement avec ce cabinet, ce n’était pas son genre de leur téléphoner pour leur dire qu’ils accusaient du retard dans la préparation des états financiers. En réponse à la question de savoir s’il avait communiqué avec l’ARC ou avec Mme Singleton en juin 2010, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas communiqué avec l’ARC, qu’il ne savait pas que Mme Singleton était employée par Enterprises à ce moment-là et qu’il avait compris que Grant Thornton effectuait le travail de comptabilité[61].

[54]        L’appelant a reconnu que les contrats au Nunavut allaient donner lieu à une augmentation du nombre d’employés, mais a maintenu qu’il ne savait pas exactement combien d’employés devaient être embauchés avant octobre 2010, lorsqu’on lui a demandé de signer les chèques de paie[62]. Il a également reconnu que le document intitulé « Nunavut Housing Summary » [sommaire du projet d’habitation au Nunavut] (pièce R‑4), rédigé vers le 8 juin 2010, indiquait des coûts de main-d’œuvre se situant entre 620 664 $ et 664 300 $ pour chaque contrat, mais a souligné que l’engagement de ces coûts était fonction de l’obtention des contrats[63]. En ce qui a trait au moment où les contrats ont été signés, il a déclaré :

[traduction]
Q.        Revenons à l’onglet 14, et puis allons au paragraphe 19, et au paragraphe 19, [traduction] « En août 2010, M. Fitzgerald m’a informé qu’il semblait que les contrats au Nunavut se dérouleraient d’une manière différente de ce que nous avions cru au départ. Il semblait que nous allions maintenant fournir la main-d’œuvre. Qu’il y aurait un seul grand entrepreneur qui gérerait un grand nombre de contrats. À la fin du mois d’août 2010, M. Fitzgerald a signé les contrats avec ledit entrepreneur, NCC Dowland, mais ce n’est que plusieurs mois plus tard que je les ai vus. » Est‑ce une description exacte de la situation qui prévalait en août 2010?

R.        Oui. En réalité, je n’ai jamais vu les contrats eux‑mêmes jusqu’à ce que les choses aient commencé à mal se passer avec NCC Dowland, probablement – je crois probablement que février 2011 pourrait être la première fois que j’ai vu les contrats eux‑mêmes.

Q.        D’accord.

R.        Toutefois, je savais qu’il avait signé des contrats.

Q.        Mais vous saviez que c’était concernant la fourniture de main-d’œuvre?

R.        Oui.

Q.        À ce moment-là en août 2010, avez-vous pris des mesures pour vous assurer il y avait un processus de paie adéquat pour s’occuper de cette main-d’œuvre accrue?

R.        En août 2010, non. Eh bien, à ce moment-là je ne connaissais pas la taille de l'effectif que nous aurions. Je n’avais pas vu les contrats. Je ne savais pas combien de contrats nous avions ni combien d'employés nous comptions. Ce n’est qu’en octobre 2010 que j’ai commencé à me rendre compte du nombre d’employés qui étaient de fait engagés ou qui avaient été engagés[64].

[55]        L’appelant s’est rappelé avoir signé les chèques de paie en octobre 2010, mais croyait que le nombre se rapprochait plus de 30 employés que des 70 employés mentionnés selon le souvenir de Mme Singleton. La situation concernant les chèques l’a incité à avoir une discussion avec M. Fitzgerald à propos du recours aux services d’une société de paie pour s’occuper de la paie d’Enterprises. En ce qui concerne le recours aux services d’ADP, voici ce que l’appelant a déclaré lors de son témoignage :

[traduction]
Alors, j’ai suggéré à M. Fitzgerald que cela serait un système beaucoup plus efficace à utiliser et il a semblé en convenir. Alors nous avons travaillé avec – semblé donner des instructions à Mme Singleton de mettre sur pied le système ADP. Je sais qu’elle a communiqué avec moi concernant la mise sur pied du système ADP, et je peux me rappeler en octobre – je ne suis pas certain si c’était par téléphone ou non, mais je me souviens en effet d’avoir parlé à quelqu’un là-bas qui m’a indiqué – je me rappelle avoir demandé si le système ADP était maintenant sur pied et la personne m’a répondu oui, il est en place pour la prochaine paie. Je croyais qu’il était prêt à fonctionner pour la paie suivante[65].

[56]        L’appelant a renvoyé à un courriel daté du 7 octobre 2010 que lui a adressé M. Fitzgerald (pièce A‑14). Le courriel contenait un deuxième courriel, daté du 6 octobre 2010, de M. Fitzgerald à lui‑même (et à plusieurs autres personnes en copie) qui indique à la page 2 qu’il y avait eu des problèmes avec la paie, mais que le système de paie automatique serait bientôt prêt. L’appelant a témoigné qu’une personne du bureau l’avait informé que le système de paie était prêt pour la paie suivante et que par la suite, il n’avait pas fait de suivi pour s’assurer que le système était bel et bien utilisé :

[traduction]
Q.        D’accord. Dans la mesure où – vous vous rappelez avoir fait un suivi pour confirmer que le système ADP avait été mis sur pied?

R.        Oui.

Q.        Vous êtes-vous renseigné pour vérifier s’il était utilisé?

R.        Une fois que l’on m’a dit qu’il était prêt pour la paie suivante, je n’ai pas fait de suivi pour dire, oh, avez-vous utilisé le système pour la paie cette semaine.

Q.        D’accord.

R.        Je savais que personne ne venait pour me faire signer les chèques et personne ne soulevait avec moi de questions concernant la paie et cela semblait fonctionner[66].

[57]        Outre les commentaires concernant le système de paie, le deuxième courriel de la pièce A‑14, de M. Fitzgerald à lui-même et à d’autres employés d’Enterprises, daté du 6 octobre 2010, signale également ce qui suit au premier paragraphe :

[traduction] J’ai décidé de superviser le reste de ce projet moi-même et de mettre en œuvre des modifications qui s’appliqueront dès maintenant. Garland et Bob continueront de me prêter assistance, mais à compter de maintenant, je suis le gestionnaire principal du projet. Tina s’est installée dans mon bureau afin de veiller à répondre aux besoins du projet et aux demandes des membres du personnel.

[58]        En contre-interrogatoire, on a demandé à l’appelant s’il avait communiqué avec l’ARC en octobre 2010 après avoir vu le grand nombre de chèques de paie :

[traduction]
Q.        À ce moment-là, en octobre 2010, lorsque vous aviez vu le grand nombre de chèques et que vous aviez suggéré la mise sur pied du système de paie d’ADP, avez-vous communiqué avec l’Agence du revenu pour vous renseigner à propos des versements de retenues salariales?

R.        Non. En août 2010, nous avions, je le répète, un bon montant d’argent qui se trouvait 140 000 $ qui se trouvaient dans le compte. Un montant important avait été utilisé ou des fonds avaient été utilisés assurément pour régler les factures impayées de NLRV, ce que m’a dit M. Fitzgerald, et le solde a alors été utilisé pour acheter les VR. Je n’avais donc aucune raison de croire qu’il y avait des montants qui devaient être payés en septembre et nous mettions sur pied le système avec ADP, alors j’ai cru – j’utilisais ce système depuis cinq ou six ans à ce moment-là et je savais que la société de paie versait automatiquement les retenues salariales, je n’avais donc aucune raison de communiquer avec l’ARC. À ce moment-là, je n’avais aucune raison de communiquer avec l’ARC. À ce moment-là, je n’avais aucune raison de communiquer avec l’ARC parce que je croyais que nous avions en place un système qui s’en occupait[67].

[59]         L’appelant a témoigné qu’à l’automne 2010, il vérifiait régulièrement le solde dans le compte bancaire d’Enterprises vers la fin de la semaine en utilisant sa carte bancaire de la société. Il a déclaré qu’il semblait toujours avoir un bon montant d’argent dans le compte[68]. Il communiquait également régulièrement avec M. Fitzgerald concernant la situation financière de la société, principalement parce que le calendrier de remboursement qui lui avait été fourni concernant son prêt n’était pas respecté. Il a exposé les conversations comme suit :

[traduction]
R.        Oui, c’est exact. Alors, j’ai en effet communiqué régulièrement avec M. Fitzgerald parce que je cherchais à obtenir le remboursement du montant initial de 500 000 $ qui avait été investi dans la société.

Q.        D’accord.

R.        Et M. Fitzgerald me disait à ce moment-là qu’il fallait y laisser les fonds  un peu plus longtemps, il viendrait sous peu, vous savez, parce que nous attendons simplement le versement du prochain paiement. Je sais qu’en novembre et certainement au cours du mois de décembre, j’ai eu plusieurs conversations avec lui concernant l’argent, parce que vous savez, à ce moment-là j’aurais dû avoir reçu le remboursement de la plus grande partie sinon la totalité du montant, et il m’a dit que Dowland tardait à nous renvoyer les fonds, qu’une somme d’environ un million de dollars nous était due et je lui ai demandé précisément – j’ai dit, vous savez, qu’est-ce qui doit en être retiré, il a répondu que rien ne devait en être retiré, que cela représentait notre bénéfice et j’ai lui ai dit, alors nous sommes à jour à l’égard de tout et il m’a répondu, oui, absolument nous sommes à jour, tout cela est un bénéfice pour nous.

Q.        À quel moment vous a-t-il indiqué cela?

R.        En novembre et à au moins deux reprises en décembre également.

Q.        Avez-vous eu en décembre des discussions avec M. Fitzgerald concernant le paiement de comptes par Dowland?

R.        Je savais en décembre qu’un montant d’argent assez important était en souffrance que Dowland devait payer à NLRV Enterprises. Comme je l’ai déjà dit, vous savez, environ un million de dollars est la somme que M. Fitzgerald m’avait déclarée. Il y a eu également des discussions à propos d’autres rentrées de fonds en raison du fait que le projet dans le Nord était retardé et que nous devions recevoir une rémunération supplémentaire pour le temps additionnel que cela prendrait pour achever le projet parce que Dowland avait commencé en retard et Nunavut Housing n’avait pas les outils et les matériaux sur place. Alors nous avons eu des discussions à propos des autres fonds qui devaient nous parvenir. Il semblait que – je me rappelle avoir vu un courriel, et M. Fitzgerald me le disait également, que Dowland indiquait qu’une fois au retour à la nouvelle année, elle corrigerait les arrérages relatifs aux contrats, qu’elle fermait pendant les vacances de Noël, alors nous ne pouvions pas obtenir l’argent et corriger la situation avant janvier, mais qu’en janvier, nous recevrions alors les arrérages, mais M. Fitzgerald me disait que tout cet argent était un bénéfice pour nous et que ce n’était pas de l’argent que nous devions. Je me rappelle que j’étais en Floride en janvier et je songeais même à peut‑être acheter une voiture de sport parce que je pensais que dans le pire des scénarios, lorsque nous obtiendrions ce million de dollars, je récupérerais mes 500 000 $, il y en aurait sans doute une partie que j’y ai mise, il y aura de l’argent en surplus à venir, alors j’ai pensé que j’aurais beaucoup d’argent qui proviendrait de cela [69].

[60]        Le courriel de M. Fitzgerald à l’appelant, daté du 24 janvier 2011 (pièce R‑1), confirme que M. Fitzgerald disait à l’appelant qu’une somme de plus d’un million de dollars était due à Enterprises[70]. L’appelant a témoigné que ce courriel était pour lui la première indication de problèmes concernant les paiements effectués par l’entrepreneur[71]. Toutefois, étant donné qu’il avait compris que ce million de dollars constituait un bénéfice pour Entreprises, il ne croyait pas que la situation avait une incidence sur la stabilité financière d’Enterprises, mais croyait que cela visait uniquement sa capacité de récupérer son investissement.

[61]        L’appelant a témoigné que M. Fitzgerald a continué à s’occuper des négociations avec l’entrepreneur jusqu’à la première semaine de février, lorsqu’il a demandé à l’appelant de rédiger une lettre. L’appelant a rédigé une lettre adressée à la NHA pour l’informer de la situation et une conversation téléphonique a eu lieu plus tard en février et à laquelle l’appelant et un avocat de l’entrepreneur ont participé dans les coulisses.

[62]        L’appelant a témoigné que, à la fin de février ou au début de mars 2011, il ressortait clairement de la situation qu’il serait plus difficile que prévu de récupérer plus d’argent de l’entrepreneur. Des mesures ont été prises pour retenir les services d’un avocat au Nunavut, mais l’avocat a déclaré qu’il avait un conflit d’intérêts et a proposé la médiation comme solution de rechange. Lorsqu’il est apparu que la médiation n’avançait pas, Enterprises a retenu les services d’un avocat sur place pour déposer une déclaration et présenter une demande en vertu de la garantie d’exécution consentie par l’entrepreneur.

[63]        L’appelant a témoigné avoir d’abord eu connaissance des problèmes d’Enterprises concernant les versements de retenues salariales entre la mi‑février 2011 et la fin de février 2011, lorsqu’il a reçu un appel d’une personne de l’ARC[72]. Au cours de cet appel, il a été informé qu’Enterprises devait un montant de retenues salariales de plus de 500 000 $ et qu’en qualité d’administrateur, il pouvait en être éventuellement tenu responsable. Il a téléphoné à M. Fitzgerald, qui l’a assuré que les choses étaient en voie de règlement, mais à ce moment‑là, l’appelant voyait qu’il y avait de graves problèmes[73]. Par la suite, M. Fitzgerald lui a demandé de verser une somme supplémentaire de 25 000 $, ce que l’appelant a refusé de faire, invoquant l’omission de fournir les états financiers malgré ses nombreuses demandes[74].

[64]        L’appelant a témoigné qu’il avait rencontré M. Fitzgerald pour le déjeuner à St. John’s en mars 2011. M. Fitzgerald avait proposé de liquider les stocks de VR et la maison mobile modulaire et d’utiliser les fonds pour réduire les dettes d’Enterprises. Un courriel daté du 28 mars 2011 de M. Fitzgerald à l’appelant (pièce A‑15) indique que M. Fitzgerald souhaitait liquider les stocks de VR pour payer des comptes comme le loyer et assurer la rotation des stocks. À la fin du courriel, M. Fitzgerald déclare ce qui suit : [traduction] « Je ne peux plus faire partie de tout ceci. Je ne sais que faire, mais je sais que je n’ai pas le cœur à travailler pendant une autre période sans quoi que ce soit et le téléphone qui ne cesse de sonner. » Dans le reste du courriel, M. Fitzgerald parle de ses propres difficultés financières, incluant les prétentions selon lesquelles il n’avait pas été payé depuis six semaines et qu’Enterprises lui devait 300 000 $. Il laisse également entendre que l’appelant pourrait vouloir un nouvel associé pour diriger les activités de vente de VR.

[65]        En mai 2011, l’appelant avait découvert que des VR avaient été vendus, mais que l’argent des ventes n’avait pas été porté au crédit d'Enterprises. Au cours du même mois, l’ARC avait informé l’appelant que les VR qui restaient seraient saisis, mais que l’argent serait appliqué aux obligations de Resorts parce que cette société détenait toujours les VR. L’appelant a par la suite conclu que les ventes de VR après le transfert des activités de vente de VR à Enterprises avaient été effectuées au moyen de ventes simultanées. Plus précisément, Resorts vendait le VR à Enterprises pour qu’Enterprises puisse vendre le VR au client. La vente à Enterprises avait lieu le jour de la vente au client.

[66]        En mai 2011, l’appelant est entré dans les bureaux d’Enterprises au moyen d’une clé qu’il avait obtenue de M. Fitzgerald. Il n’avait pas été en mesure d’obtenir les dossiers d’Enterprises et en l’absence de dossiers, il lui était impossible de déterminer la dette de l’entrepreneur envers  Enterprises. L’appelant a exposé les circonstances de la manière suivante :

[traduction]
En mai 2011, je me suis rendu – alors, M. Fitzgerald m'avait donné une clé pour entrer, et j’ai pris tous les dossiers qui restaient dans le bureau d’Enterprises. Il y avait deux vieux ordinateurs, mais l’un d’entre eux n’avait même pas besoin de mot de passe tellement il était vieux; ils ne contenaient aucun dossier de comptabilité ni aucun renseignement financier. Ainsi, les trois principaux ordinateurs du bureau manquaient. J’ai de fait donné tous les dossiers que j’avais à un comptable pour tenter de reconstituer la comptabilité de la société parce qu’une partie de ce que nous tentions de faire dans le cadre des négociations entre vous et moi et Dowland et son avocat, était de voir si nous pouvions en arriver à une sorte d’arrangement pour savoir combien chaque partie avait payé à l’égard du projet et peut-être encore en arriver à une sorte d’arrangement. J’attendais sans doute que – et j’ai donné tous les documents au cabinet de comptables agréés. Après sans doute un an, un an et demi de ce va‑et‑vient, nous nous retrouvons maintenant en 2012, nous avons essentiellement conclu que nous n’avions pas tous les dossiers[75]

[67]        L’appelant a témoigné que les documents financiers qu’il avait récupérés indiquaient qu’en janvier 2011, M. Fitzgerald avait utilisé un paiement de 150 000 $ versé par l’entrepreneur à Enterprises pour abaisser sa dette sur ses cartes de crédit au lieu de verser les salaires[76]. L’omission de verser les salaires avait donné lieu à un privilège de 130 000 $ à l’encontre de l’appelant.

[68]        Enfin, l’appelant a témoigné que Resorts et Entreprises lui devaient près d’un million de dollars, mais qu’il n’avait aucune perspective de récupérer ces fonds.

[69]        Le premier témoin de l’intimée, M. Robert McGrath, a ainsi témoigné :

1. Les déclarations de TPS/TVH pour les périodes du 1er juillet au 30 septembre 2010 (la « première période de 2010 ») et du 1er octobre au 31 décembre 2010 (la « deuxième période de 2010) ont toutes deux été déposées en retard, le 3 mars 2011.

2. La déclaration pour la première période de 2010 indique un montant de taxe nette à payer de 119 241,32 $ et la déclaration pour la deuxième période de 2010 indique un montant de 17 434,86 $ à créditer.

3. Les deux périodes ont fait l’objet d’une cotisation établie selon les déclarations déposées, par un avis daté du 22 mars 2011. Le montant de taxe nette à payer s’élevait à 101 806,46 $.

4. Par avis daté du 11 janvier 2012, le ministre a, en vertu de l’article 323 de la LTA, établi une cotisation à l’égard de l’appelant dont le montant s’élevait à 108 377,91 $, qui représentait la taxe nette de 101 806,46 $, plus des intérêts de 6 571,45 $.

5. Par avis daté du 11 janvier 2012 (pièce R‑9), le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’appelant à l’égard des retenues salariales non versées dont le montant global s’élève à 664 301,94 $. L’avis de cotisation présentait, à la troisième page, la ventilation des montants faisant l’objet de la cotisation qui découlait de l’omission d’Enterprises de verser la taxe fédérale, la taxe provinciale, les cotisations au Régime de pensions du Canada et les cotisations d’assurance‑emploi. Le montant total de la cotisation incluait des pénalités pour omission d’avoir effectué les versements et des intérêts jusqu’à la date de la cotisation.

6. M. McGrath a déclaré en contre-interrogatoire que la cotisation de 3 418,76 $ établie en raison de l’omission d’Enterprises d’effectuer des versements au cours de 2008 était une erreur. Il a de plus indiqué en contre-interrogatoire que le montant visant l’omission d’Enterprises d’effectuer des versements au cours de 2009 ne s’élevait qu’à 1 095,64 $, que le montant de 510 675,45 $ faisant l’objet de la cotisation au titre de l’omission d’Enterprises d’effectuer les versements au cours de 2010 représentait la plus grande partie de la cotisation en vertu de l’article 227.1 de la LIR et que la plus grande partie de ce montant visait l’automne 2010.

[70]        Le deuxième témoin de l’intimée, M. Peddle, a témoigné que le montant de 1 028,47 $ visé par la cotisation concernant 2009 représentait la différence entre l’impôt sur le revenu retenu et versé pour cette année‑là et le montant d’impôt sur le revenu qui aurait dû être retenu et versé selon les feuillets T4 de cette année‑là. En ce qui concerne la période après 2009, c’est en mars 2010 qu’Enterprises a omis une première fois de verser les retenues salariales. Pour chacun des mois après mars 2010 jusqu’à la fin du mois de mars 2011, Entreprises a omis de verser les retenues salariales mensuelles en totalité ou en partie. M. Peddle a aussi mentionné le fait que l’ARC avait adressé une lettre à Enterprises en juin 2010 concernant les versements à effectuer pour mars, avril et mai 2010. Il semble que l’ARC n’ait pas fait de suivi concernant cette omission avant janvier 2011.

[71]        Les détails concernant les omissions d’Enterprises d’effectuer les versements sont présentés dans la pièce R‑10. Le document imprimé indique que le montant qu’Entreprises aurait dû verser, mais qu’elle n’a pas versé, atteignait un total de 32 712,99 $ pour les mois de mars, d’avril, de mai, de juin, de juillet et d’août 2010[77]; il atteignait un total de 427 048,78 $ pour les mois de septembre, d’octobre, de novembre et de décembre 2010[78]; il atteignait un total de 183 793,95 $ pour les mois de janvier, de février et de mars 2011[79]. À l’époque où le sommaire a été rédigé, le 22 mars 2011, le montant pour mars 2011 n’était pas dû et par conséquent, ne constituait qu’une estimation[80]. Selon M. Peddle, le montant qui apparaît à la troisième page de la pièce R‑10 comme ayant été versé pour janvier 2011 était une écriture de compensation qui reflétait le fait que le montant avait fait l’objet d’une cotisation plutôt que d’un versement[81].

A. Dispositions législatives

[72]        Les dispositions pertinentes sont l’article 227.1 de la LIR, l’article 323 de la LTA, l’article 83 de la Loi sur l’assurance‑emploi et l’article 21.1 du Régime de pensions du Canada. Ces deux dernières lois incorporent les paragraphes 227.1(2) à (7) de la LIR, en faisant les adaptations nécessaires, et je ne les reproduirai donc pas ici[82]. L’article 227.1 de la LIR dispose :

Responsabilité des administrateurs pour défaut d’effectuer les retenues

227.1 (1) Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu aux paragraphes 135(3) ou 135.1(7) ou aux articles 153 ou 215, ou a omis de verser cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

Restrictions relatives à la responsabilité

(2) Un administrateur n’encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 223 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l’objet d’une dissolution et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l’ordonnance de faillite.

Idem [défense fondée sur la diligence raisonnable]

(3) Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

Prescription

(4) L’action ou les procédures visant le recouvrement d’une somme payable par un administrateur d’une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l’administrateur cesse pour la dernière fois d’être un administrateur de cette société.

Montant recouvrable

(5) Dans le cas du défaut d’exécution visé à l’alinéa (2)a), la somme qui peut être recouvrée d’un administrateur est celle qui demeure impayée après l’exécution.

Privilège

(6) Lorsqu’un administrateur verse une somme à l’égard de laquelle la société encourt une responsabilité en vertu du paragraphe (1), qui est établie lors de procédures de liquidation, de dissolution ou de faillite, il a droit à tout privilège auquel Sa Majesté du chef du Canada aurait eu droit si cette somme n’avait pas été payée et, lorsqu’un certificat a été enregistré relativement à cette somme, il peut exiger que le certificat lui soit cédé jusqu’à concurrence du versement et le ministre est autorisé à faire cette cession.

Répétition

(7) L’administrateur qui a satisfait à la créance en vertu du présent article peut répéter les parts des administrateurs tenus responsables de la créance.

[73]        L’article 323 de la LTA dispose :

Responsabilité des administrateurs

323. (1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

Restrictions

(2) L’administrateur n’encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l’objet d’une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance.

Diligence [défense fondée sur la diligence raisonnable]

(3) L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

Cotisation

(4) Le ministre peut établir une cotisation pour un montant payable par une personne aux termes du présent article. Les articles 296 à 311 s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, dès que le ministre envoie l’avis de cotisation applicable.

Prescription

(5) L’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

Montant recouvrable

(6) Dans le cas du défaut d’exécution visé à l’alinéa (2)a), la somme à recouvrer d’un administrateur est celle qui demeure impayée après l’exécution.

Privilège

(7) L’administrateur qui verse une somme, au titre de la responsabilité d’une personne morale, qui est établie lors de procédures de liquidation, de dissolution ou de faillite a droit au privilège auquel Sa Majesté du chef du Canada aurait eu droit si cette somme n’avait pas été versée. En cas d’enregistrement d’un certificat relatif à cette somme, le ministre est autorisé à céder le certificat à l’administrateur jusqu’à concurrence de son versement.

Répétition

(8) L’administrateur qui a satisfait à la réclamation peut répéter les parts des administrateurs tenus responsables de la réclamation.

B. La thèse de l’appelant

[74]        L’avocat de l’appelant a soutenu que M. Thistle avait été attiré dans un filet complexe destiné à l’inciter à investir près d’un million de dollars dans l’entreprise exploitée d’abord par Resorts et ensuite par Enterprises. Comme tout bon filet, il avait une apparence de vérité en raison de la présentation d’occasions d’affaires viables, notamment la vente de VR et la construction de maisons modulaires au Nunavut, d’un plan d’affaires faisant valoir la perspective de bénéfices importants provenant des entreprises si un investissement important était fait, de la participation d’un cabinet comptable qui a communiqué avec M. Thistle à propos de Resorts, de l’embauche d’une aide‑comptable pour Enterprises et de la mise sur pied d’un système de paie pour Entreprises avec ADP. Les apparences étaient toutefois illusoires, parce que le cabinet comptable n’est pas intervenu pour Enterprises, l’aide‑comptable venait tout juste de terminer ses études et ne comptait pas une expérience professionnelle concrète et le système de paie n’a jamais été utilisé.

[75]        Il a été soutenu que, compte tenu des circonstances objectives, notamment la présence d’une aide‑comptable pour la société et les mesures prises avec une société de paie externe, une personne raisonnable supposerait que les activités d’exploitation d’Enterprises faisaient l’objet d’une surveillance financière et que le système de paie mis sur pied était utilisé, plus particulièrement en raison du fait qu’il n’y a eu aucune indication qu’il ne l’était pas avant février 2011.

[76]        Il a été soutenu que M. Thistle n’était pas au courant de la situation financière d’Enterprises avant que l’ARC communique avec lui en février 2011. À la fin de novembre 2010, il savait que les factures d’Enterprises à l’intention de l’entrepreneur n’avaient pas été réglées au complet, mais on lui avait également dit que ces montants impayés reflétaient le bénéfice d’Enterprises, qui s’élevait à un million de dollars. M. Thistle a bien exprimé sa préoccupation lorsque les montants qui lui étaient dus ne lui ont pas été remboursés à l’automne 2010. Il n’a toutefois pas assimilé cette omission à des difficultés financières, car il croyait qu’Enterprises était riche en actifs et rien n’indiquait qu’il y avait d’autres créances que la sienne. De même, le calendrier des paiements des clients (pièce A‑3) indiquait d’importants paiements en espèces versés à Enterprises du 29 septembre 2010 au 14 janvier 2011 et la limitation des paiements ne s’est réellement produite qu’après la pause de décembre, ce qui est ressorti du courriel du 18 janvier 2011 adressé à Enterprises par l’entrepreneur (pièce A‑2).

[77]        Lorsqu’il a eu connaissance du fait qu’Enterprises avait réellement un déficit de quelque 700 000 $ et non un bénéfice d’un million de dollars, M. Thistle a immédiatement pris des mesures pour remédier à la situation en rappelant des équipes de travail des projets du Nunavut le plus rapidement possible et en tentant d’obtenir de l’entrepreneur les montants que celui-ci devait à Entreprises.

[78]        En ce qui a trait à la question de savoir si M. Thistle aurait dû savoir qu’Enterprises avait eu des problèmes quant aux versements avant février 2011, il a  été soutenu que les circonstances étaient telles que la personne raisonnable n’aurait eu aucune raison de soupçonner que de tels problèmes existaient. Plus particulièrement, M. Thistle était administrateur externe qui ne participait pas aux activités courantes d’Enterprises; il avait récemment investi 500 000 $ dans Enterprises et croyait que la société possédait un montant substantiel de capitaux propres; il savait qu’Enterprises avait des contrats de construction de maisons modulaires au Nunavut et que la société recevait des paiements à l’égard de ces contrats; on lui avait dit que le système de paie avait été mis sur pied en octobre 2010; au cours de l’automne 2010, la personne qui dirigeait Enterprises lui fournissait des comptes rendus périodiques qui n’indiquaient aucun problème important.

C. La thèse de l’intimée

[79]        L’avocate de l’intimée a soutenu que le droit concernant le moyen de  défense fondé sur la diligence raisonnable tiré de paragraphe 227.1(3) de la LIR et du paragraphe 323(3) de la LTA est l’enseignement de la Cour d’appel fédérale consacré par l’arrêt Buckingham c. Canada, 2011 CAF 142, [2013] 1 R.C.F. 86. Cela dit, il est clair qu’il incombe à l’administrateur de prouver qu’il a rempli les conditions nécessaires pour invoquer utilement ce moyen de défense. La norme est une norme objective et les circonstances entourant les actions de l’administrateur sont importantes, alors que les motivations subjectives de celui‑ci ne le sont pas.

[80]        Il a été soutenu que la norme de diligence visant l’administrateur externe n’est pas différente de celle qui vise l’administrateur interne. Bien que l’administrateur interne puisse prendre connaissance d'un problème plus tôt que l’administrateur externe, il s’agit d’une simple question de temps et cela ne modifie pas la norme imposée aux deux types d’administrateurs. Dans les cas ou l’administrateur externe savait ou aurait dû savoir que la société commençait à éprouver des difficultés financières, la norme de diligence et le critère objectif de la personne prudente jouent en ce qui concerne l’appréciation des mesures prises par l’administrateur au moment où il avait cette connaissance ou aurait dû l’avoir.

[81]        Il a été soutenu que M. Thistle savait ou aurait dû savoir qu’Enterprises avait des difficultés financières en juin 2010 lorsqu’il a prêté un montant supplémentaire de 430 455,18 $ à la société. À cette époque, les ventes de VR d’Enterprises étaient au ralenti, il n’y avait aucune vente de maisons modulaires et Enterprises ne disposait d’aucun financement avec des tiers pour rechercher de nouvelles occasions d’affaires. De plus, M. Thistle faisait des affaires avec M. Fitzgerald depuis plusieurs années, mais n’avait reçu aucun paiement à l’égard de ses prêts et n’avait pas reçu les états financiers. L’avocate de l’intimée s’est reportée à une jurisprudence de notre Cour, D’Amore c. La Reine, 2012 CCI 373, à l’appui de la thèse selon laquelle la personne raisonnablement prudente aurait examiné ces circonstances et aurait pris des mesures pour vérifier la situation financière d’Enterprises en juin 2010 avant d’y investir des fonds supplémentaires.

[82]        En ce qui concerne les événements ultérieurs, à la fin du mois d’août 2010, M. Thistle a été très inquiet lorsqu’il a vu le solde bancaire d’Enterprises et a été agacé de ne pas avoir été consulté. En septembre 2010, M. Thistle savait que les contrats avaient été retardés. En octobre, M. Thistle a été informé du fait qu’il y avait un problème avec la paie et bien qu’il ait pris des mesures pour mettre un système en œuvre, il n’a pas effectué de suivi pour s’assurer qu’il était utilisé. De même, M. Thistle n’a pas reçu le premier versement de remboursement, dû en octobre, à l’égard du prêt consenti en juin et, en décembre, on a dit à M. Thistle qu’une somme d’un million de dollars était due à Enterprises. En décembre 2010, M. Thistle ne s’est pas renseigné sur la question de savoir si les versements de retenues salariales d’Enterprises étaient à jour, même si à cette époque les employés d’Enterprises, plus particulièrement Mme Singleton, savaient pertinemment que les versements n’étaient pas effectués.

III.          Analyse

[83]        L’appelant invoque le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable tiré du paragraphe 227.1(3) de la LIR et du paragraphe 323(3) de la LTA. Ce moyen de défense est incorporé par renvoi dans les dispositions de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada portant sur la responsabilité des administrateurs.

[84]        A l’occasion de l’affaire  Buckingham, la Cour d’appel fédérale a exposé  au paragraphe 52 les éléments requis pour invoquer utilement ce moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable :

[52] Le Parlement n’a pas requis des administrateurs qu’ils soient assujettis à une responsabilité absolue relativement aux versements de leurs sociétés. En conséquence, le Parlement accepte qu’une société puisse, dans certaines circonstances, ne pas effectuer des versements sans que la responsabilité de ses administrateurs ne soit engagée. Ce qui est requis des administrateurs, c’est qu’ils démontrent qu’ils se sont effectivement préoccupés des versements fiscaux et qu’ils se sont acquittés de leur obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés[83].

[85]        La cour a conclu que la norme imposée par le paragraphe 227.1(3) de la LIR et le paragraphe 323(3) de la LTA est une norme objective qui prend en compte le contexte dans lequel la question relative aux versements survient :

[37] Par conséquent, je conclus que la norme de soin, de diligence et d’habileté exigée au paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et au paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise est une norme objective comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans Magasins à rayons Peoples.

[. . .]

[39] Une norme objective ne signifie toutefois pas qu’il ne doit pas être tenu compte des circonstances propres à un administrateur. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérées au regard de la norme objective d’une « personne raisonnablement prudente ». Comme l’a souligné la Cour dans Magasins à rayons Peoples au paragraphe 62 :

Le texte de l’al. 122(1)b) de la LCSA qui énonce l’obligation de diligence reprend presque mot à mot celui que propose le Rapport Dickerson. La principale différence réside dans le fait que la version qui a été adoptée comprend les mots « en pareilles circonstances », ce qui modifie la norme légale en exigeant qu’il soit tenu compte du contexte dans lequel une décision donnée a été prise. Le législateur n’a pas introduit un élément subjectif relatif à la compétence de l’administrateur, mais plutôt un élément contextuel dans la norme de diligence prévue par la loi. Il est clair que l’al. 122(1)b) est plus exigeant à l’égard des administrateurs et des dirigeants que la norme traditionnelle de diligence prévue par la common law et expliquée, par exemple, dans la décision Re City Equitable Fire Insurance, précitée. [[1925] 1 Ch. 407]

[40] L’objectif de l’examen prévu aux paragraphes 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise différera toutefois de celui qu’exige l’alinéa 122(1)b) de la LCSA, car les premières dispositions requièrent que l’administrateur s’acquitte de son obligation de soin, de diligence et d’habileté de manière à prévenir les défauts de versement. Pour invoquer ces moyens de défense, l’administrateur doit par conséquent démontrer qu’il s’est préoccupé des versements requis et qu’il s’est acquitté de son obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés.

[86]        La cour a également conclu que l’appréciation de la conduite de l’administrateur commence lorsqu’il devient évident pour l’administrateur, agissant avec le soin, la diligence et les habiletés qui sont requises, que la société entame une période de difficultés financières[84]. À l’appui de cette enseignement, la cour cite son arrêt rendu à l’occasion de l’affaire Soper c. La Reine, [1998] 1 C.F. 124, dans lequel elle a observé au paragraphe 53 :

À mon avis, l’obligation expresse d’agir prend naissance lorsqu’un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l’amener à conclure que les versements posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel. En d’autres termes, il incombe vraiment à l’administrateur externe de prendre des mesures s’il sait, ou aurait dû savoir, que la société pourrait avoir un problème avec les versements. La situation typique dans laquelle un administrateur est, ou aurait dû être, au courant de cette éventualité est celle de la société qui a des difficultés financières. [...]

[87]        Pour rechercher si le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable joue, il est également important de garder à l’esprit trois principes généraux. Premièrement, la norme de la personne raisonnablement prudente est celle du raisonnable et non celle de la perfection[85]. On reconnaît ainsi que même la personne qui est raisonnablement prudente est sujette à l’erreur humaine. La norme fondée sur la notion du caractère raisonnable a été utilement définie comme suit au regard du droit de la responsabilité délictuelle :

[traduction] La norme de diligence applicable à la personne raisonnable est une norme objective. Elle vise la conduite du défendeur et le caractère suffisant de cette conduite par rapport à celle de la personne raisonnable. Le raisonnement ou la connaissance subjective du défendeur relativement au danger que constitue sa conduite à l’égard d’autres personnes n’est aucunement pris en compte. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de montrer que le défendeur prenait des risques de façon délibérée. En effet, le critère de la personne raisonnable exclut toutes les caractéristiques psychologiques et physiques qui font que chaque personne est différente. La capacité d’une personne de prévoir et d’éviter le danger peut très bien être en partie fonction de son intelligence, de son temps de réaction, de sa force, de son courage, de sa mémoire, de sa coordination, de sa maturité, de sa sagesse, de son tempérament, de son assurance, de sa dextérité et de plusieurs autres attributs personnels. Le caractère objectif exclut toutes ces caractéristiques individuelles lorsqu’il est question d'évaluer la diligence raisonnable[86].

[88]        Deuxièmement, la norme sert à l’appréciation de la conduite en fonction de celle de la [traduction] « personne raisonnablement prudente » et non d’une [traduction] « personne raisonnable ». Le Canadian Oxford Dictionary (2e éd.) définit le mot anglais « prudent » [prudent] de la manière suivante : [traduction] « 1 qui a soin de prévoir pour l’avenir. 2 discret ou qui fait preuve de prudence; circonspect. 3 qui a ou fait preuve d’un bon jugement. » Ainsi, l'important est de savoir si, dans les circonstances, l’intéressé s'est montré soucieux de l’avenir et a fait preuve de prudence et d’un bon jugement. Troisièmement, les circonstances qui sont jugées en fonction de la norme de la personne raisonnablement prudente sont les circonstances qui existaient pendant la période pertinente et non les circonstances telles qu’on les connaît maintenant avec l’avantage du recul[87].

[89]        Je retiens le témoignage de l’appelant selon lequel il ne savait pas qu’Enterprises avait un problème concernant le versement des retenues salariales et le versement de la taxe nette en vertu de la LTA avant que l’ARC communique avec lui entre la mi‑février et la fin de février 2011. Je retiens également le témoignage de l’appelant selon lequel il ne croyait pas qu’Enterprises connaissait des difficultés financières avant la mi‑février ou la fin de février 2011 lorsqu’il est devenu clair qu’Enterprises devait près de 700 000 $ en raison de son omission de faire les versements. Plus particulièrement, j’ai conclu que l’appelant était un témoin honnête et crédible qui a franchement cru jusqu’en février 2011 qu’Enterprises était solvable et à jour à l’égard de ses diverses obligations, compte tenu des renseignements que M. Fitzgerald (la personne qui dirigeait les activités d’Enterprises) lui avait fournis et de l’important montant de capitaux qu’il avait prêté à la société.

[90]        L’appelant ne participait pas aux activités d’exploitation d’Enterprises, comme l’a confirmé Mme Singleton. Il était au courant de certaines difficultés qu'Enterprises a éprouvées à l’occasion, comme la demande de remboursement du prêt par Textron en 2009, le ralentissement des activités de vente de VR et le rendement insatisfaisant des activités liées aux maisons modulaires. Ces difficultés ont été rapidement réglées par la fourniture de capitaux importants supplémentaires à Enterprises. En raison de ses prêts à Enterprises, dans l’esprit de l’appelant, la société était riche en actifs et ne connaissait aucune difficulté financière.

[91]        En août 2010, l’appelant n’avait certes aucune raison de croire qu’Enterprises n’effectuait pas les versements en temps opportun compte tenu du petit nombre d’employés et du niveau de capitalisation de la société. Plus particulièrement, selon la pièce R‑10, le montant total qu’Enterprises aurait dû verser de la fin de mars 2010 à la fin d’août 2010 s’élevait à 32 712,99 $, ce qui est une petite portion des 430 455,18 $ que l’appelant avait prêtés à Enterprises en juin 2010.

[92]        À la fin de novembre ou au début de décembre 2010, l’appelant savait que l’entrepreneur retenait des montants sur les paiements versés à Enterprises, même s’il semble que M. Fitzgerald ait grandement exagéré l’ampleur des retenues pour expliquer la raison pour laquelle l’appelant n’avait pas été remboursé conformément aux modalités du prêt consenti à Entreprises par l’appelant en juin 2010[88]. Quoi qu’il en soit, l’appelant a témoigné que M. Fitzgerald l’avait informé que les montants retenus étaient des bénéfices pour Enterprises et rien d’autre et qu’Enterprises respectait ses obligations. Compte tenu du  comportement de M. Fitzgerald dans cette affaire, je n’ai aucun doute que tel était le cas.

[93]        En octobre 2010, l’appelant savait qu’il y avait des problèmes d’efficacité en ce qui concernait la paie en raison de l’augmentation importante du nombre de l'effectif d'Enterprises. L’appelant a voulu remédier à ces problèmes en proposant le recours aux services de service de paie externe pour gérer la paie d’Enterprises. Il a conseillé à Mme Singleton quant à l’établissement d’un lien avec cette société et il est clair que le contrat a été signé avec la société de paie et que l’appelant avait le sentiment que le système serait utilisé. L’appelant n’a pas effectué de suivi pour le confirmer, mais n’a pas non plus reçu d’indication que le système de paie n’était pas utilisé. Quoi qu’il en soit, compte tenu du témoignage de Mme Singleton[89] et des commentaires sous la rubrique « Payroll » [paie] dans la pièce A‑14, les problèmes liés à la paie ont été décrits comme étant des problèmes d’efficacité et à ce titre, ils n’étaient pas un indicateur direct de difficultés financières ou d’une omission d’Entreprises d’effectuer les versements.

[94]        L’appelant a reconnu qu’il n’avait pas vu d’états financiers pour Entreprises, même s’il les avait demandés à M. Fitzgerald à plusieurs occasions. Toutefois, l’absence d’états financiers ne constitue pas en elle‑même une indication qu’Enterprises connaissait des difficultés financières ou qu’elle omettait d’effectuer les versements. Il ressort de cette absence que l’appelant a accepté les excuses invoquées par M. Fitzgerald en ce qui concerne les états financiers. L’appelant s’en remettait plutôt à une communication directe avec M. Fitzgerald pour savoir comment allaient les activités d’Enterprises. De toute manière, des états financiers pour 2008 et 2009 n’auraient pas révélé les problèmes relatifs aux versements été effectués après février 2010 et les états financiers de 2010 n’auraient été dressés qu’au début de 2011 et à ce moment-là, l’appelant avait été prévenu des problèmes par l’ARC.

[95]        L’appelant a également admis qu’il était préoccupé lorsqu’il a constaté, à la fin du mois d’août 2010, qu’Enterprises avait 140 000 $ dans son compte bancaire. Il en a parlé à M. Fitzgerald, qui lui a dit que le solde du prêt consenti en juin avait été utilisé pour acheter d’autres VR et payer des dépenses d’Enterprises. L’appelant a déclaré qu’il avait vérifié la présence de nouveaux VR sur le terrain. Il a également déclaré qu’il avait été rassuré par le fait qu’il restait toujours 140 000 $ dans le compte bancaire après le paiement des dépenses d’Entreprises, outre les stocks de VR. Par la suite, il a vérifié régulièrement le compte bancaire et confirmé qu’Enterprises avait des fonds importants dans le compte. Pendant le reste de l’année 2010, aucun employé d’Entreprises ne lui a fourni de renseignements qui auraient donné à penser qu’Enterprises avait des difficultés financières.

[96]        L’appelant a déclaré qu’à la fin de novembre ou en décembre 2010, on l'avait informé des problèmes de paiement avec l’entrepreneur, mais M. Fitzgerald lui avait dit que le montant dû à Enterprises représentait entièrement un bénéfice pour la société. La pièce R‑1 confirme que M. Fitzgerald disait à l’appelant que l’entrepreneur devait plus d’un million de dollars à Enterprises.

[97]        Enfin, Mme Singleton a confirmé qu’elle n’avait fourni aucun renseignement à l’appelant qui aurait prévenu celui-ci du fait qu’Enterprises n'avait pas effectué tous les versements exigibles. Il ressort des éléments de preuve que M. Fitzgerald et, en décembre 2010, Mme Singleton étaient les seules personnes au courant des problèmes concernant les versements jusqu’à ce que l’ARC appelle directement l’appelant entre la mi‑février et la fin de février 2011. Aucune de ces deux personnes n’a informé l’appelant à ce sujet et Mme Singleton, l’aide‑comptable d’Enterprises, avait retenu l’affirmation de M. Fitzgerald selon laquelle l’entrepreneur était responsable de l’omission d’effectuer les versements[90].

[98]        Dans les circonstances, je retiens la position de l’appelant selon laquelle il ne croyait pas qu’Enterprises avait des difficultés financières ou qu’elle était en retard dans les versements et qu’il n’avait aucun renseignement donnant à penser qu’elle avait des difficultés financières ou qu’elle était en retard dans les versements jusqu’à ce qu’il reçoive l’appel de l’ARC entre la mi‑février et la fin de février 2011.

[99]        La question à laquelle il faut encore toutefois répondre est celle de savoir si, avant l’appel téléphonique de l’ARC entre la mi‑février et la fin de février 2011, l’appelant aurait dû savoir qu’Enterprises connaissait des difficultés financières et qu’elle avait omis d’effectuer les versements de retenues salariales et de TPS/TVH dès mars 2010[91]. Compte tenu de la norme exposée au paragraphe 46 de l’arrêt Buckingham, précité, de la Cour d’appel fédérale, il y a maintenant lieu de rechercher si la personne hypothétique, agissant raisonnablement et avec soin, diligence et habileté, aurait su qu’Enterprises commençait à éprouver des difficultés financières si elle avait été en présence de circonstances comparables à celles dans lesquelles se trouvait l’appelant. Il ne s’agit pas de poser la question de savoir si l’appelant faisait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard de la possibilité qu’Enterprises éprouve des difficultés, mais plutôt de poser la question de savoir si une personne raisonnable, se trouvant dans des circonstances comparables, aurait soupçonné qu’Enterprises connaissait des difficultés financières ou omettait d’effectuer les versements requis.

[100]   L’appelant connaissait M. Fitzgerald depuis 2005 et il est clair qu’il avait suffisamment confiance en M. Fitzgerald pour investir près d’un million de dollars dans les entreprises qu’il dirigeait. L’appelant demandait périodiquement des comptes rendus directement à M. Fitzgerald à propos des activités et du fonctionnement d’Entreprises et, de toute évidence, il était satisfait de ce que M. Fitzgerald lui disait. Avec le recul, il semble que tout renseignement négatif fourni à l’appelant, comme la demande de remboursement de la ligne de crédit de Textron ou la nécessité de diversifier ses activités pour améliorer le flux de trésorerie, avait pour but de solliciter plus de capitaux de sa part. Quoi qu’il en soit, l’appelant a réagi aux renseignements négatifs en prêtant plus d’argent à Enterprises, atténuant ainsi toute préoccupation qu’il aurait pu autrement avoir concernant la situation financière de la société. En bref, l’appelant n’était pas inquiété par le court terme et il avait répondu à toute préoccupation qu’il aurait pu avoir à propos du long terme en fournissant des fonds supplémentaires.

[101]   Dans ces circonstances, je ne vois aucune raison de croire que la personne agissant raisonnablement et avec soin, diligence et habileté aurait perçu la situation financière d’Enterprises différemment que l’appelant, étant donné le fait que la société était à première vue riche en actifs à toutes les périodes pertinentes, si l’on écarte la dette due à l’appelant. Je relève également qu’en juin 2010, Enterprises comptait quatre employés clés, outre M. Fitzgerald, et aucun n’a soulevé de questions financières ou d’autres questions auprès de l’appelant en 2010. Dans les circonstances, j’estime que l’observateur objectif aurait eu le sentiment que l’on s’occupait des activités d’Enterprises et que la société ne connaissait pas de difficultés financières.

[102]   En effet, il semble que M. Fitzgerald ait été en mesure de dissimiler son omission d’effectuer les versements d’Enterprises, que lui seul contrôlait, non seulement à l’appelant, mais également aux autres employés d’Enterprises, à tout le moins jusqu’en décembre 2010. Même après que Mme Singleton a eu connaissance du problème concernant les versements en décembre 2010, elle a retenu  l’explication selon laquelle le problème était imputable à la prétendue omission de l’entrepreneur de payer ses comptes en totalité plutôt qu’à toute omission de la part de M. Fitzgerald d’effectuer les versements[92]. À mon avis, l’omission d’Entreprises d’effectuer les versements peut uniquement être imputée à une décision délibérée de M. Fitzgerald de ne pas effectuer les versements et non à des difficultés financières d’Enterprises.

[103]   Il y avait toutefois deux signes avant‑coureurs indiquant la possibilité de problèmes non pas tant en ce qui concerne la situation financière d’Enterprises, mais plutôt en ce qui concerne la véracité des propos de M. Fitzgerald. Ces signes avant-coureurs sont l’utilisation non divulguée du prêt consenti par l’appelant en juin 2010 à Enterprises à une autre fin que le projet d’habitation au Nunavut et l’absence d’états financiers concernant Enterprises.

[104]   Comme je l’ai signalé, l’appelant a soulevé l’utilisation du prêt consenti en juin 2010 auprès de M. Fitzgerald et a pris les mesures pour vérifier ce qui lui avait été dit. Par la suite, il a pris des mesures pour vérifier régulièrement le compte bancaire d’Enterprises et il était convaincu que la société avait à sa disposition une encaisse considérable. Je suis d’avis que sa conduite répondait à la norme de la  personne agissant raisonnablement et avec soin, diligence et habileté. Même si, avec le recul, il est possible de percevoir les actions de M. Fitzgerald concernant le prêt consenti en juin 2010 à Enterprises différemment, le critère consiste à  rechercher si la conduite de l’appelant à ce moment-là était la conduite de la  personne agissant raisonnablement et avec soin, diligence et habileté. Je conclus que tel était le cas et que l’utilisation du prêt de juin 2010 par M. Fitzgerald ne signifie pas que l’appelant aurait dû savoir qu’Enterprises avait des difficultés financières ou qu’elle n’effectuait pas ses versements lorsqu’ils étaient dus. De plus, compte tenu du montant du prêt consenti à Enterprises (430 455,18 $) par opposition à la dette accumulée relative aux versements au 31 août 2010 (32 712,99 $), objectivement Enterprises n’avait pas de difficultés financières à ce moment-là et aurait pu aisément payer sa dette impayée relative aux versements si M. Fitzgerald avait choisi de le faire.

[105]   L’appelant a déclaré qu’il avait demandé les états financiers d’Enterprises à plusieurs reprises, mais que M. Fitzgerald avait toujours une excuse concernant la raison pour laquelle ces documents n’étaient pas disponibles. L’appelant n’a pas semblé remettre en question les excuses ni chercher à se renseigner ailleurs. Cependant, le lien entre l’obtention d’états financiers et la découverte de difficultés financières ou d’une omission d’effectuer des versements est très ténu. Il en est ainsi plus particulièrement dans le cas d’une société privée comme Enterprises qui n’est pas tenue d’avoir des états financiers vérifiés[93], et des états financiers non vérifiés peuvent être manipulés par la personne qui fournit les renseignements sur lesquels se fondent les états financiers.

[106]   Je ne peux conclure qu’il ressort du fait que l’appelant n’a pas obtenu les états financiers d’Enterprises indique qu’il aurait dû savoir qu’Enterprises connaissait des difficultés financières quand toutes les autres circonstances objectives à ce moment‑là semblent aller en sens contraire. Au lieu de s’appuyer sur des renseignements ponctuels que l’on retrouve dans des états financiers annuels, l’appelant a choisi de s’appuyer sur une communication directe régulière avec la personne qui dirigeait les activités d’Enterprises.

[107]   L’appelant n’était pas déraisonnable ou négligent lorsqu’il a choisi se renseigner directement auprès de M. Fitzgerald, puisque celui‑ci dirigeait les activités quotidiennes d’Enterprises et qu’il était le mieux placé pour donner des renseignements en temps réel à propos de ces activités et de la situation de la société en général. Quoi qu’il en soit, comme je l’ai déjà relevé, les seuls états financiers qui auraient été disponibles au début de 2011 auraient été les états financiers pour 2008 et 2009. Les états financiers pour 2008 et 2009, sans aucun doute dressés en se fondant sur des renseignements fournis par M. Fitzgerald, n’auraient pas révélé ce qui se passait à Enterprises de mars 2010 à février 2011[94]. De même, compte tenu des prêts totalisant 500 000 $ consentis par l’appelant en 2010 et des renseignements que contiennent les pièces A‑1, A‑3 et A‑9, il est loin d’être clair qu’Enterprises avait des difficultés financières à proprement parler avant la fin de janvier 2011[95]. La seule chose claire est que M. Fitzgerald, pour des raisons que lui seul connaît, a délibérément choisi de ne pas effectuer les versements d’Entreprises au titre des retenues salariales et de la TPS/TVH. Comme M. Fitzgerald a retiré tous les dossiers financiers du bureau d’Enterprises, il était impossible pour l’appelant de dresser le tableau exact de ce qui s’était passé à Enterprises en 2010 et au début de 2011.

[108]   L’appelant a reconnu qu’il avait été mis au courant des problèmes d’Enterprises concernant les versements lorsque l’ARC a communiqué avec lui entre la mi‑février et la fin de février 2011. À ce moment-là, il a immédiatement pris des mesures pour limiter d’autres problèmes relatifs aux versements en rappelant la main-d’œuvre embauchée pour le projet au Nunavut et en tentant d’obtenir le paiement de ce qu’il croyait que l’entrepreneur devait, compte tenu des déclarations de M. Fitzgerald. Malheureusement, à ce moment-là, Enterprises n’avait pas les fonds pour effectuer les versements exigibles en février et en mars 2011. Je n’impute aucune faute ni aucun manque de diligence à l’appelant pour cette situation.

[109]   L’appelant n’a pas tiré d’avantages de l’omission d’Enterprises d’effectuer les versements de retenues salariales pour février 2011 et mars 2011 et il n’a pris aucune décision à l’encontre du paiement de ces versements en faveur d’une autre utilisation. Pour des raisons qui ne seront peut‑être jamais pleinement connues, Enterprises n’avait pas les fonds pour effectuer les versements de retenues salariales au moment où l’appelant a eu connaissance du problème concernant les versements entre la mi‑février et la fin de février 2011. En fait, Enterprises ne pouvait même pas payer les salaires, ce qui a donné lieu à l’inscription d’un privilège de 130 000 $ à l’encontre de l’appelant. La seule mesure à la disposition de l’appelant était de mettre fin aux activités le plus rapidement possible et de chercher à recouvrer tout montant dû à la société, ce qu’il a fait.

[110]   Par les motifs qui précèdent, je conclus que l’appelant a bel et bien agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir l’omission d’Enterprises d’effectuer les versements de retenues salariales et de taxe nette qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables. En bref, l’appelant a été sérieusement induit en erreur par une personne à laquelle il faisait confiance pour diriger les activités d’Enterprises. On ne peut s’attendre à ce que même la personne raisonnablement prudente découvre une tromperie délibérée lorsque les circonstances objectives à ce moment‑là ne permettaient pas de voir cette tromperie et que la personne a pris les mesures concrètes pour veiller à la santé financière de la société et s’assurer qu’un mécanisme soit mis en œuvre pour administrer la paie compte tenu de la croissance rapide de l’effectif de la société.

[111]   En conséquence, les appels sont accueillis avec dépens en faveur de l’appelant et la cotisation établie pour les retenues salariales et la cotisation de TVH sont annulées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2015.

« J.R. Owen »

Juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de décembre 2015.

François Brunet, réviseur



RÉFÉRENCE :

2015 CCI 149

NOS des dossiers de la cour :

2013-2648(IT)G et 2013-2649(GST)G

INTITULÉ :

WALTER LESLIE THISTLE c. SA MAJESTÉ LA REINE

Lieu de l’audience :

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 19 et 20 février 2015

Motifs du jugement :

L’honorable juge John R. Owen

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 juin 2015

Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Keith S. Morgan

Avocate de l’intimée :

Me Amy Kendell

avocats inscrits au dossier :

Pour l’appelant :

Nom :

Keith S. Morgan

 

Cabinet :

Browne Fitzgerald Morgan & Avis

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]               Les autres lois pertinentes à l’égard desquelles notre Cour est compétente sont la Loi sur l’assurance‑emploi et le Régime de pensions du Canada. L’article 83 de la Loi sur l’assurance‑emploi et l’article 21.1 du Régime de pensions du Canada sont pertinentes. Ces dispositions intègrent par renvoi les paragraphes 227.1(2) à (7) de la LIR. Ainsi, l’analyse du paragraphe  227.1(3) de la LIR dans les présents motifs vaut pour ces deux autres lois.

[2]               Ces montants sont les montants de la cotisation d’Enterprises. Il y a de plus d’autres intérêts jusqu’au moment de la cotisation établie pour les retenues salariales, s’élevant à 27 195,26 $, pour un total de 664 301,94 $.

[3]               L’intimée a reconnu que le montant de la cotisation pour 2008 était erroné et devait être retiré du total.

[4]               Les lignes 27 et 28 de la page 18 et les lignes 1 à 5 de la page 19 de la transcription de l’audience tenue à St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 19 février 2015 (la « transcription »).

[5]               Les lignes 6 et 7 de la page 7 de la transcription.

[6]               Les lignes 24 à 28 de la page 44 et les lignes 1 à 6 de la page 45 de la transcription.

[7]               Les lignes 7 à 10 de la page 45 de la transcription.

[8]               Les lignes 21 à 27 de la page 7 de la transcription.

[9]                      Les lignes 3 à 6 de la page 10 de la transcription.

[10]             Les lignes 17 à 22 de la page 10 de la transcription.

[11]             Les lignes 19 à 21 de la page 13 et les lignes 12 à 27 de la page 47 de la transcription.

[12]             Les inscriptions à compter de décembre ou janvier ont été corrigées. Il semble que les corrections aient été réellement effectuées par M. Aymont après que Mme Singleton eut commencé à travailler pour Enterprises à la fin d’avril 2010.

[13]             Les lignes 14 à 22 de la page 11 de la transcription.

[14]             Les lignes  27 et 28 de la page 11 et les lignes 1 à 4 et 17 à 24 de la page 12 de la transcription.

[15]             Les lignes 8 à 16 de la page 12 de la transcription.

[16]             Les lignes 25 à 27 de la page 12 de la transcription.

[17]                    Les lignes 3 à 13 de la page 13 de la transcription.

[18]             À la première page, la pièce indique que la période visée s’étend du 01/01/2010 au 31/01/2010. En réponse à ce sujet, Mme Singleton a signalé lors de son témoignage que le sommaire de versements était réellement pour la période du 01/01/2010 au 31/12/2010 (les lignes 1 à 17 de la page 21 de la transcription), ce qui est compatible avec les renseignements contenus dans le corps du sommaire.

[19]                    Les lignes 25 à 28 de la page 45 et les lignes 1 à 12 de la page 46 de la transcription.

[20]             Les lignes 20 à 28 de la page 46 et les lignes 1 à 11 de la page 47 de la transcription.

[21]             Les lignes 8 à 16 de la page 16 de la transcription.

[22]             Les lignes 11 à 18 de la page 17 de la transcription.

[23]             Les lignes 10 à 12 de la page 16 de la transcription.

[24]             Les lignes 21 à 26 de la page 16 de la transcription.

[25]             Les lignes 1 et 2 de la page 17 de la transcription.

[26]             Les lignes 14 à 16 de la page 25 de la transcription.

[27]             Les lignes 21 à 25 de la page 19 de la transcription.

[28]             Les lignes 26 à 28 de la page 19 de la transcription.

[29]             Les lignes 3 à 19 de la page 22 de la transcription.

[30]             Les lignes 8 à 20 de la page 50 de la transcription.

[31]             Les lignes 2 à 5 de la page 23 de la transcription.

[32]             La ligne 28 de la page 25 et les lignes 1 à 8 de la page 26 de la transcription.

[33]             Les lignes 12 à 19 de la page 26 de la transcription.

[34]             Les lignes 22 à 28 de la page 29, la page 30 et les lignes 1 à 8 de la page 31 de la transcription.

[35]             Les lignes 8 à 11 de la page 32 de la transcription.

[36]             Les lignes 4 à 22 de la page 34 de la transcription.

[37]             Les lignes 1 à 12 de la page 35 de la transcription.

[38]              Les lignes 9 à 28 de la page 35 de la transcription.

[39]             Les lignes 21 à 28 de la page 37 de la transcription.

[40]              Les lignes 26 à 28 de la page 40, la page 41 et les lignes 1 et 2 de la page 42 de la transcription.

[41]             Les lignes 22 à 27 de la page 43 de la transcription.

[42]             Les lignes 5 à 12 de la page 67 de la transcription.

[43]             La question a été soulevée dans un courriel daté du 9 janvier 2010 et présenté en preuve comme pièce R‑5. L’appelant traitait d’une lacune dans la construction de la maison (les lignes 18 à 28 de la page 132 et les lignes 1 à 4 de la page 133 de la transcription).

[44]             L’appelant identifie la société comme étant Resorts, ce qui ne correspond pas à sa chronologie du transfert des activités de vente de VR à Enterprises, mais correspond au fait que M. Fitzgerald n’a jamais réellement transférés les VR à Enterprises. En contre-interrogatoire, il a fait siennes les déclarations de son avis d’opposition qui indiquent que les fonds supplémentaires ont réellement été fournis à Enterprises (les lignes 14 à 28 de la page 110 et les lignes 1 à 20 de la page 111 de la transcription). Je n’accorde aucune importance à cette incohérence mineure.

[45]             En contre‑interrogatoire, l’appelant a déclaré que le montant exact du prêt s’élevait à 188 608,11 $, pour un total de 424 008,11 $ (lignes 1 à 8 de la page 111 de la transcription). L’appelant n’a fourni aucun détail concernant l’investissement d’environ 86 000 $ en vertu duquel son investissement initial de 150 000 $ est passé à 236 000 $ avant le dernier prêt de 188 000 $ pour les activités de vente de VR.

[46]             Les lignes  2 à 3 de la page 112 de la transcription.

[47]             Les lignes 14 à 19 de la page 70 et les lignes 3 à 7 de la page 73 de la transcription.

[48]                    Les lignes 19 à 21 de la page 70 de la transcription.

[49]             Les lignes 8 à 12 de la page 77 de la transcription.

[50]             Les lignes 17 à 27 de la page 80 de la transcription.

[51]             Les lignes 12 à 28 de la page 116 et les lignes 1 et 2 de la page 117 de la transcription.

[52]             Les lignes 8 à 22 de la page 81 de la transcription.

[53]             Les lignes 1 à 7 de la page 84 de la transcription.

[54]             Les lignes 17 à 26 de la page 123 et les lignes 21 et 22 de la page 125 de la transcription.

[55]             Les lignes 26 à 28 de la page 123 et les lignes 1 à 3 de la page 124 de la transcription.

[56]                    Les lignes 4 à 16 de la page 124 de la transcription.

[57]             Les lignes 13 à 28 de la page 77 et les lignes 1 à 7 de la page 78 de la transcription.

[58]             Les lignes 1 à 9 de la page 118 de la transcription.

[59]             Les lignes 14 à 26 de la page 117 de la transcription.

[60]             Les lignes 10 à 15 de la page 118 de la transcription.

[61]             Les lignes 20 à 28 de la page 118 et les lignes 1 à 10 de la page 119 de la transcription.

[62]             Les lignes 26 à 28 de la page 119 et les lignes 1 à 8 de la page 120 de la transcription.

[63]                    Les lignes 9 à 28 de la page 120 et les lignes 1 à 22 de la page 121 de la transcription.

[64]             Les lignes 23 à 28 de la page 121 et les lignes 1 à 24 de la page 122 de la transcription.

[65]             Les lignes 6 à 17 de la page 86 de la transcription.

[66]             Les lignes 12 à 23 de la page 87 de la transcription.

[67]             Les lignes 17 à 28 de la page 125 et les lignes 1 à 7 de la page 126 de la transcription.

[68]             Cela est compatible avec la pièce A‑3, qui indique des paiements de l’entrepreneur à Enterprises et dont le total s’élève à 1 448 741,52 $ du 29 septembre 2010 au 9 décembre 2010.

[69]             Les lignes 11 à 28 de la page 88, la page 89 et les lignes 1 à 7 de la page 90 de la transcription.

[70]             La pièce A‑3 préparée par Mme Singleton en mars 2011 contredit le montant qui, aux dires de M. Fitzgerald, était dû à Entreprises. Le document de Mme Singleton indique que le montant total retenu par l’entrepreneur était en réalité 190 065,38 $.

[71]             L’appelant a également témoigné qu’à la fin de novembre 2010, il était au courant de l’insuffisance des paiements effectués par l’entrepreneur. Selon ma compréhension, sa déclaration relativement à la pièce R‑1 signifie qu’il s’agissait de la première indication que l’insuffisance était plus qu’une question de paiements versés en temps opportun et qu’il était possible que l’entrepreneur ne paie pas le million de dollars.

[72]             Les lignes 18 à 28 de la page 96 et les lignes 1 à 6 de la page 97 de la transcription.

[73]             Les lignes 7 à 17 de la page 97 de la transcription.

[74]             Les lignes 18 à 28 de la page 97 et les lignes 1 à 8 de la page 98 de la transcription.

[75]             Les lignes 23 à 28 de la page 94 et les lignes 1 à 13 de la page 95 de la transcription.

[76]                    La pièce A‑3 indique qu’Enterprises a reçu deux paiements en janvier 2011, à savoir un paiement de 149 411,60 $ le 5 janvier 2011 et un paiement de 126 426,82 $ le 14 janvier 2011.

[77]             La première page de la pièce R‑10.

[78]             La première page de la pièce R‑10.

[79]             La troisième page de la pièce R‑10.

[80]             Les lignes 2 à 14 de la page 152 de la transcription.

[81]             Les lignes 16 à 28 de la page 152 de la transcription.

[82]             Voir le paragraphe 83(2) de la Loi sur l’assurance‑emploi et le paragraphe 21.1(2) du Régime de pensions du Canada.

[83]                    Buckingham, précité, au paragraphe 52.

[84]             Buckingham, précité, au paragraphe 46.

[85]             Smith c. La Reine, 2001 CAF 84, au paragraphe 14 et Roitelman c. La Reine, 2014 CCI 139, au paragraphe 31.

[86]                    Philip H. Osborne, The Law of Torts, 4e éd., Toronto, Irwin Law, 2011, à la page 28.

[87]             Roitelman, précitée, au paragraphe 32.

[88]                    Il ressort de la pièce A‑3 que l’entrepreneur retenait environ 10 % du prix des contrats, ce qui peut simplement refléter le respect d’une obligation prévue par la loi du type privilège de construction. Bien que les paiements de décembre aient été inférieurs à la paie du mois, les paiements de novembre ont plus que compensé le montant manquant et les paiements de janvier dépassaient également la paie de ce mois. À la fin de janvier 2011, Enterprises avait reçu de l’entrepreneur un montant qui dépassait de 349 240 $ sa paie brute pour la période du 1er septembre 2010 au 31 janvier 2011. Lorsque ce montant est ajouté aux 500 000 $ prêtés par l’appelant en 2010, cela ne donne pas à penser qu’Entreprises éprouvait des difficultés financières.

[89]             Voir, par exemple, les lignes 12 à 19 de la page 26 de la transcription.

[90]             Les lignes 14 à 28 de la page 22 et les lignes 1 à 5 de la page 23 de la transcription.

[91]                    La cotisation en vertu du paragraphe 227.1(1) pour 2008 a été établie par erreur et le montant de 1 028,47 $ (plus les pénalités et les intérêts) prévu par la cotisation pour 2009 représentait l’écart entre le montant d’impôt sur le revenu retenu et remis et le montant finalement déclaré dû.

[92]                    Le témoignage de Mme Singleton (les lignes 3 à 28 de la page 22, la page 23, et les lignes 1 à 19 de la page 24 de la transcription). Mme Singleton ne comprenait pas clairement ce que faisait réellement M. Fitzgerald à l’égard des versements, même si elle remplissait les formulaires (les lignes 19 à 28 de la page 45, la page 46, et les lignes 1 à 11 de la page 47 de la transcription). Si elle savait qu’il y avait des problèmes, ce renseignement n’a pas été communiqué à l’appelant. 

[93]                    L’article 266 de la Corporations Act, RSNL 1990, c. C‑36.

[94]             La cotisation de TVH vise la période du 1er juillet au 31 septembre 2010 et la totalité de la cotisation établie pour les retenues salariales, exception faite d'un montant de 1 095,64 $, vise la période ultérieure à février 2010.

[95]          Entre septembre 2010 et janvier 2011, Enterprises a eu des rentrées de fonds qui dépassaient sa paie brute de 349 240 $ - voir le paragraphe 24 ci-dessus.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.