Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Dossier : 2014-1522(IT)I

ENTRE :

PIERRE GOUGEON PGL CONSULTANT INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 28 mai 2015 à Ottawa, Ontario.

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

Pierre Gougeon

Avocate de l'intimée :

Me Kira Caceres

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de

l’impôt sur le revenu en date du 8 mars 2012 concernant l’année d’imposition 2008 de l’appelante est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada ce 30e jour d’octobre 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2015 CCI 266

Date : 20151030

Dossier : 2014-1522(IT)I

 

ENTRE :

PIERRE GOUGEON PGL CONSULTANT INC.

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]       L’appelante a logé un appel à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) telle que modifiée (la « Loi » ), en date du 8 mars 2012 concernant l’année d’imposition 2008 de l’appelante.

[2]       En vertu de la cotisation du 8 mars 2012, le ministre a refusé à l’appelante la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (la « PDTPE »)  au montant de 41 222 $.

[3]       Le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes pour fixer l’impôt payable par l’appelante, lesquelles sont énoncées au paragraphe 6 de la Réponse à l’avis d’appel :

a)         selon le registre du ministre, l’appelante exploite une entreprise de consultants en gestion de systèmes de bureaux;

b)        selon le registre des entreprises (système CIDREQ), l’appelante est actionnaire de la société Quadrisart Canada inc. (ci-après « Quadrisart »);

c)         Quadrisart a été radiée d’office par le registraire des entreprises le 4 juin 2010;

d)        selon les registres du ministre, la dernière déclaration produite par Quadrisart était pour son année terminée le 30 novembre 2006;

e)         Quadrisart n’a pas exploité d’entreprise pour les années d’imposition 2007 et 2008;

f)         au bilan de la société Quadrisart pour 2006, les sommes dues à l’actionnaire sont de 39 979 $ et le capital-actions de 10 000 $, alors qu’aucune somme à recevoir de Quadrisart n’est inscrite au bilan de l’appelante;

g)         Quadrisart a fait faillite le 10 novembre 2008;

h)         l’appelante n’est pas un créancier dans la faillite de Quadrisart;

i)         au stade des oppositions, l’appelante a soumis une liste de factures totalisant 82 443,70 $ et couvrant la période du 19 décembre 1998 au 23 décembre 2002 dont plusieurs sont au nom de Quadrisart dont [sic] l’appelante prétend avoir payées;

j)         aucun [sic] pièce justificative n’a été présentée à l’appui de ces prétendues dépenses encourues par Quadrisart et prétendument payées par l’appelante;

k)        aucune créance n’est due à l’appelante par Quadrisart à la fin de l’année d’imposition 2008;

l)         Au stade des procédures, l’appelante prétend :

i)          qu’elle a une créance douteuse de 82 444 $ pour l’année d’imposition 2008;

ii)         qu’elle a une créance irrécouvrable de 82 444 $ pour l’année d’imposition 2008;

m)        l’appelante n’a pas inclus de créance au montant de 82 444 $ dans son revenu pour l’année d’imposition 2008, ni pour les années antérieures.

[4]       Monsieur Pierre Gougeon, le représentant de l’appelante, a témoigné à l’audience. Monsieur Gougeon est un comptable agréé qui fait la tenue de livres, prépare les états financiers et produit les déclarations de revenus et de taxes pour le compte de l’appelante et de sa filiale en propriété exclusive, la société Quadrisart Canada Ltée (« Quad »).

[5]       Au début de son témoignage, monsieur Gougeon a présenté un schéma organisationnel de ses entreprises. Selon ce schéma, monsieur Gougeon détient la totalité des actions de la société Pierre Gougeon PGL Consultant Inc. (« PGL » ou l’« appelante »), qui elle-même détient la totalité des actions de Quad. Monsieur Gougeon est le président et un administrateur de PGL de même que le président-directeur général et un administrateur de Quad.

[6]       L’appelante exploitait une entreprise de consultation en gestion de systèmes de bureaux et elle gérait Quad en établissant ses besoins et en effectuant ses achats. Monsieur Gougeon n’a pas mis en preuve le contrat de gestion régissant les relations entre PGL et Quad. Quad était un manufacturier et un distributeur d’encadrements et de laminages.

[7]       Les exercices finanicers de PGL se terminaient le 31 mars de chaque année alors que ceux de Quad se terminaient le 30 novembre de chaque année.

[8]       Quad a fait faillite le 10 novembre 2008. Selon le registre des réclamations du syndic à la faillite, les dettes de Quad envers PGL et monsieur Pierre Gougeon n’ont pas été incluses dans la liste des réclamations. Par contre, le nom de certains fournisseurs figuraient dans la liste des créanciers non-garantis. Les noms des fournisseurs suivants étaient sur cette liste : Artistica, Cadres Verbec inc., Canadian Art Print, Finest Holding Inc., Fournitures de bureau Denis, Frameguild Supplies, Omega Moulding Co., Techni Scie DM, Torbram Electric Supplies, Total Electric Supply Limited, Wizard International. Les créanciers non-garantis n’ont rien reçu de la faillite de Quad.

[9]       Lors de son témoignage, monsieur Gougeon a déposé un schéma comptable des flux monétaires. Ce schéma montre que monsieur Gougeon a consenti des avances à PGL et a payé des comptes de fournisseurs de Quad, que monsieur Gougeon a cédé ses créances envers Quad à PGL, que PGL a également payé des comptes de fournisseurs de Quad de sorte que PGL est devenue créancière de Quad de son propre chef.

[10]  Il semble que le système ait fonctionné du 19 décembre 1998 jusqu’au 22 octobre 2002 puisque les dépenses payées pour le compte de Quad ne couvre que cette période. De 2002 à 2008, il semble que Quad ait été autonome d’un point de vue financier ou qu’elle a remboursé la totalité des dépenses payées pour son compte au cours de cette période.

[11]  Pour établir le montant des dépenses payables par Quad en faveur de PGL, monsieur Gougeon a déposé en preuve les documents suivants :

     la liste des dépenses payables par Quad, laquelle était basée sur le rapport du Grand Livre de PGL (Pièce A-4). Cette liste comprend la date des dépenses, le nom des fournisseurs, les montants des dépenses, les numéros de référence au Grand Livre dont plusieurs étaient manquants, et un cours descriptif de la nature des dépenses; le montant total des dépenses s’élève à 82 443,70 $ pour la période du 19 décembre 1998 au 22 octobre 2002;

     la liste des fournisseurs de Quad avec les montants des dépenses payées par PGL ou dues à PGL, laquelle liste était également basée sur le rapport du Grand Livre de PGL (Pièce A-5); le montant total des dépenses s’élève à 82 443,70 $ après remboursement par Quad à PGL d’une somme de 7 543,03 $;

     une liste des cartes de crédit ayant servies au paiement des dépenses de Quad et les montants payés au moyen de chacune d’elles (Pièce A-9); certaines de ces cartes sont au nom de PGL et certaines sont au nom de monsieur Gougeon personnellement. Les relevés de cartes de crédit fournis à titre d’exemples montrent que des factures ont été payées pour le compte de Quad par monsieur Gougeon personnellement et par PGL mais aucun des relevés produits ne concernait la période du 19 décembre 1998 au 22 octobre 2002; ces relevés étant postérieurs à cette période.

[12]  Au niveau des oppositions, monsieur Gougeon a soumis une autre liste des dépenses payées pour le compte de Quad, laquelle liste a été préparée par monsieur Gougeon sur la base du rapport du Grand Livre de PGL pour la période du 19 décembre 1998 au 23 octobre 2002. En plus des renseignements contenus aux autres listes, cette version comprenait les montants remboursés par Quad de même que les dates de remboursement :

Dates des remboursements

Montants remboursés à PGL

 

 

22 mars 1999

288,10 $

 

2 juillet 1999

513,90 $

 

2 février 2000

1 416,11 $

 

26 juin 2001

6 485,44 $

 

19 juillet 2001

   486,56 $

 

 

9 190,11 $

 

[13]  Le montant total des remboursements ne coïncident pas avec le montant de 7 643,27 $ qui apparaît aux pièces A-5 et A-9.

[14]  Monsieur Gougeon a déposé comme preuve documentaire le bilan et l’état des résultats et des bénéfices non répartis de PGL pour l’exercice financier terminé le 31 mars 2008 avec les chiffres comparatifs pour l’exercice financier terminé le 31 mars 2007. Ces états financiers sont des états non-vérifiés. Au niveau du bilan, un montant de 77 499 $ apparaît comme placement à long terme en 2007 et un montant de 0 pour 2008 à cette rubrique. Au niveau de l’état des résultats, un montant de 0 apparaît sous la rubrique « Radiation du placement à long terme » en 2007 et un montant de 82 444 $ en 2008 sous cette même rubrique.

[15]  Monsieur Gougeon a allégué que Quad était en opérations au cours des années d’imposition 2006, 2007 et 2008 et il a produit au soutien de son allégation les déclarations de taxes annuelles de Quad pour les périodes de déclarations débutant le 1er décembre 2006 jusqu’au 30 novembre 2007.

[16]  Monsieur Gougeon a expliqué que les montants à recevoir de Quad ont été inscrits aux livres de PGL comme un actif à long terme parce qu’ils n’étaient pas payés dans les 30 jours. Pour ce qui est de Quad, les montants à payer à PGL étaient inscrits aux livres comme une dette à long terme. L’intimée a déposé en preuve les bilans de PGL pour les exercices financiers 1999 à 2002, 2006 et 2008 et les bilans de Quad pour les exercices financiers 1999, 2000, 2002, 2003, 2005 et 2006, lesquels étaient annexés aux déclarations de revenus de ces deux sociétés.

[17]  L’actif à long terme de PGL pour les exercices financiers se terminant le 31 mars des années 1999 à 2002 et de 2006 à 2008 était comme suit :

1999

1 000 $

2000

11 000 $

2001

65 532 $

2002

65 532 $

2003

— $

2004

— $

2005

— $

2006

84 210 $

2007

77 499 $

2008

0 (placement radié)

[18]  La dette à long terme de Quad pour les exercices financiers se terminant le 30 novembre des années 1999, 2000, 2002, 2003, 2005 et 2006 était comme suit :

1999

111 425 $

2000

  98 327 $

2001

       —

2002

  57 893 $

2003

  65 588 $

2004

       —

2005

  59 983 $

2006

  56 328 $

2007

       — (déclaration de revenu non produite)

2008

       — (déclaration de revenu non produite)

Analyse

[19]        Pour qu’un contribuable puisse réclamer une quelconque déduction à l’égard d’une créance suite à la disposition de la créance ou lorsqu’elle est devenue une créance douteuse ou une créance irrécouvrable, il doit d’abord établir l’existence de la créance de même que le montant de la créance à la date de la disposition ou à la date où elle est devenue douteuse ou irrécouvrable.

[20]  À mon avis, l’appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait une créance de 82 444 $ envers Quad au 31 mars 2008. La preuve de l’existence de la créance est nettement insuffisante dans les circonstances.

[21]  Monsieur Gougeon, un comptable de profession, n’a pas soumis les factures qui ont été payées par PGL pour le compte ou pour le bénéfice de Quad pour la période du 19 décembre 1998 au 31 mars 2008. Il n’a pas, non plus, mis en preuve le contrat de gestion permettant à PGL de gérer les affaires de Quad. Comme seule preuve de l’existence de ces factures, monsieur Gougeon n’a soumis qu’une liste de factures supposément payées par PGL pour la période du 19 décembre 1998 au 19 juillet 2002. Pour les périodes subséquentes, soit du 20 juillet 2002 au 31 mars 2008, aucune facture n’a été soumise ni aucune liste de factures comme pour la période précédente.

[22]  Comme seule preuve de paiement de factures par PGL, monsieur Gougeon a produit des relevés de cartes de crédit montrant que des factures pour des fournitures à Quad avaient été payées soit par PGL, soit par lui-même personnellement. Ces relevés de cartes de crédit ne concernaient pas la période du 19 décembre 1998 au 22 octobre 2002 mais ont simplement permis d’établir que PGL a continué de payer des factures de fournitures de Quad après le 22 octobre 2002. Monsieur Gougeon n’a pas ailleurs fourni aucune preuve démontrant des cessions de créances de sa part en faveur de PGL suite au paiement de factures pour des fournitures à Quad.

[23]  Monsieur Gougeon n’a fourni aucune preuve documentaire démontrant les remboursements de dettes par Quad à PGL. Monsieur Gougeon a fait référence à des remboursements totalisant 7 643,27 $, alors qu’aux livres de Quad, la dette à long terme est passée de 111 425 $ au 30 novembre 1999 à 56 328 $ au 30 novembre 2006. Ces données démontrent que les remboursements effectués par Quad sont beaucoup plus importants que ceux indiqués par monsieur Gougeon et ce dernier n’a pas identifié avec précision les dettes qui avaient été remboursées par Quad. S’agissait-il des dettes encourues avant le 20 juillet 2002 ou celles encourues après le 19 juillet 2002?

[24]  Comme la créance de PGL n’a pas été incluse dans la liste des dettes de Quad dans le cadre de la faillite, de forts doutes subsistent quant à l’existence même de la créance de PGL au 10 novembre 2008.

[25]  Dans les circonstances, il m’apparaît être raisonnable d’exiger plus de transparence de la part de l’appelante et de son actionnaire, son comptable, et une meilleure preuve démontrant l’existence et le montant de la créance de PGL. Une perte de l’ampleur de celle réclamée par l’appelante ne saurait être accordée que sur la foi de simples écritures comptables non corroborées.

[26]  Même si compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire de déterminer si la créance, si créance il y a, de PGL est de nature capitale, ni de déterminer s’il s’agit d’une créance douteuse ou d’une créance irrécouvrable, il y a lieu de préciser que l’appelante n’a pas démontré que :

a)     les paiements des factures de fournitures à Quad ont été effectués dans le cours normal des activités de son entreprise qui consistait à prêter de l’argent;

b)    sa créance, si créance il y a, envers Quad était irrécouvrable au 31 mars 2008 suite à des démarches en recouvrement infructueuses;

c)     sa créance, si créance il y a, envers Quad a été incluse dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2008 ou pour une année d’imposition antérieure.

[27]  Pour ces motifs, l’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation datée du 8 mars 2012 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’octobre 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 266

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-1522(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Pierre Gougeon PGL Consultant Inc. et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 28 mai 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 30 octobre 2015

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

Pierre Gougeon

Avocate de l'intimé :

Me Kira Caceres

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.