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Dossier : 2015-2726(GST)APP

ENTRE :

XIAOCHEN CHEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu le 8 décembre 2015 à Ottawa (Ontario)

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Gabrielle White

 

JUGEMENT MODIFIÉ

La demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel en vertu du paragraphe 305(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C., 1985, ch. E‑15, portant sur le rejet de la part du ministre d’une demande de remboursement de la TPS/TVH pour habitations neuves, est rejetée, sans dépens, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Le présent jugement modifié remplace le jugement daté du 6 janvier 2016.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11jour de juillet 2016.

« Guy R. Smith »

Juge Smith


Référence : 2016 CCI 7

Date : 20160106

Dossier : 2015-2726(GST)APP

ENTRE :

XIAOCHEN CHEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE]

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

Le juge Smith

[1]             Il s’agit d’une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel en vertu du paragraphe 305(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »), L.R.C., 1985, ch. E‑15, laquelle demande porte sur le rejet de la part du ministre d’une demande de remboursement de la TPS/TVH pour habitations neuves (le « remboursement pour habitations neuves »).

[2]             L’appelant s’est représenté lui‑même et a été la seule personne à témoigner à l’audience.

Le contexte

[3]             Selon l’appelant, il a acheté une maison en rangée sise au 25, avenue Torbec (le « 25, avenue Torbec ») à Ottawa, en Ontario, qui devait lui servir de résidence habituelle. Dans le cadre de la transaction finale effectuée le 4 août 2010, il a rempli les documents nécessaires pour réclamer le remboursement pour habitations neuves au titre de l’article 254 de la LTA.

[4]             Dans son témoignage, l’appelant a dit avoir emménagé au 25, avenue Torbec avec son épouse peu après la transaction finale. Entre‑temps, une nouvelle phase a été ajoutée au plan de lotissement, phase qui a rendu disponibles, au dire de l’appelant, des demeures plus grandes et mieux situées, particulièrement en ce qui a trait aux écoles. En décembre 2010, il a conclu une convention d’achat‑vente relativement à une deuxième propriété. L’appelant a emménagé dans cette deuxième propriété en avril 2011. Comme il avait quitté le 25, avenue Torbec, il a pu louer cette propriété en juin 2011. Peu de détails supplémentaires ont été fournis.

[5]             Le 14 janvier 2011, l’appelant a reçu un avis de cotisation faisant état de l’approbation du remboursement pour habitations neuves, tel qu’il avait été demandé par le constructeur à la suite de la transaction finale.

[6]             Dans son témoignage, l’appelant a fait savoir que, à l’automne 2011, il avait reçu une lettre de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») l’avisant que le remboursement pour habitations neuves avait été refusé. Lorsqu’il a appelé l’ARC pour en savoir plus, les agents lui ont dit qu’ils n’étaient pas convaincus qu’il entendait se servir du 75, avenue Torbec comme résidence habituelle. La lettre de l’ARC n’a pas été présentée à l’audience.

[7]             Le 16 février 2012, l’appelant a reçu un avis de nouvelle cotisation d’une valeur de 27 482,76 $ (dont 2 025,82 $ en intérêts), selon lequel le remboursement pour habitations neuves avait été refusé [traduction] « pour les motifs mentionnés lors des récentes discussions ou dans notre lettre ». Aucun autre renseignement n’a été fourni pour expliquer le refus.

[8]             Le 22 février 2012, l’appelant a déposé un avis d’opposition et, le 12 avril 2013, environ 14 mois plus tard, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a confirmé la nouvelle cotisation du 16 février 2012.

[9]             Le 4 juin 2015, environ 26 mois après la réception de l’avis de confirmation, l’appelant a déposé sa demande de prorogation du délai pour interjeter appel.

La position des parties

[10]        L’appelant prétend s’être rendu compte, quelque temps après la réception de l’avis de confirmation du 12 avril 2013 et le dépôt de la présente demande, qu’il aurait dû réclamer un remboursement de la TPS/TVH pour immeubles d’habitation locatifs neufs (le « remboursement pour immeubles d’habitation locatifs »), mais qu’il est maintenant trop tard, puisque le délai pour présenter cette demande est de 24 mois après la transaction finale.

[11]        L’appelant soutient que, si le ministre avait répondu plus rapidement à son avis d’opposition, il aurait eu le temps de déposer une demande de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs avant la fin du délai de 24 mois expirant vers le 4 août 2012. Il s’est estimé lésé par le long délai entre le dépôt de son avis d’opposition et la réception de l’avis de confirmation.

[12]        L’appelant affirme également que des circonstances atténuantes, soit le décès d’un membre de sa famille et la naissance de ses deux enfants, l’ont empêché d’effectuer des recherches plus poussées sur ce dossier en temps voulu.

[13]        Pour les motifs qui précèdent, l’appelant demande à la Cour de faire droit à sa demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel.

[14]        Le ministre aborde ces questions d’une manière beaucoup plus étroite et fait valoir que la Cour n’a pas compétence pour étudier une demande présentée après l’expiration du délai d’un an, comme le prévoit le paragraphe 305(5) de la LTA.

[15]        Le ministre a soumis le tableau ci-dessous montrant la suite des événements, qui n’est pas contestée par l’appelant :

Loi sur la taxe d’accise

Chronologie des événements

Dates

(année/mois/jour)

 

Transaction finale pour le 25, avenue Torbec

2010‑08‑04

 

Avis de cotisation

2011‑01‑14

 

Avis de nouvelle cotisation

2012‑02‑16

 

Avis d’opposition

2012‑02‑22

 

Avis de confirmation

2013‑04‑12

Art. 306

Plus 90 jours

2013‑07‑11

Par. 305(1) et 305(5)

Plus 365 jours après les 90 jours

2014‑07‑11

 

Demande déposée auprès de la Cour canadienne de l’impôt

2015‑06‑04

Le droit applicable

[16]        Tandis que le ministre a abordé les questions juridiques en cause de manière étroite, l’appelant a présenté certains arguments quant au fond de l’affaire.

[17]        Le premier argument de l’appelant concerne la longueur injustifiée du délai entre le dépôt de l’avis d’opposition et la réception de l’avis de confirmation, soit environ 14 mois. Les paragraphes 301(3) et 301(5) de la LTA prévoient ce qui suit :

301(3) Sur réception d’un avis d’opposition, le ministre doit, avec diligence, examiner la cotisation de nouveau et l’annuler ou la confirmer ou établir une nouvelle cotisation.

[Non souligné dans l’original.]

[...]

(5) Après avoir examiné de nouveau ou confirmé une cotisation, le ministre fait part de sa décision par avis envoyé par courrier recommandé ou certifié à la personne qui a fait opposition à la cotisation.

[18]        Le ministre a avisé l’appelant de sa décision le 12 avril 2013, s’acquittant ainsi des obligations que lui imposent les paragraphes 301(3) et (5) de la LTA.

[19]        La question à savoir si l’expression « avec diligence » donne à penser que le ministre aurait dû agir plus rapidement – comme le soutient l’appelant – a été abordée dans l’arrêt Hillier v. Canada (Attorney General), 2001 CarswellNat 1262, où le juge Sexton a examiné le paragraphe 165(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui exige que le ministre agisse « avec diligence » à la réception d’un avis d’opposition (aux paragraphes 12 et 13) :

[12]   J’examinerai donc la question relative au temps qui s’est écoulé entre la date du dépôt de l’avis d’opposition et la date de la nouvelle cotisation finale. Le paragraphe 165(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu exige que le ministre agisse « avec diligence » sur réception d’un avis d’opposition.

[13]   Le sens de l’expression « avec diligence » a été examiné par la Cour canadienne de l’impôt et par la présente cour. Dans la décision J. Stollar Construction Ltd. c. le ministre du Revenu national, 89 D.T.C. 134, Monsieur le juge Bonner, de la Cour canadienne de l’impôt, a statué, à la page 136, que l’exigence selon laquelle le ministre devait agir « avec toute la diligence possible » visait à « protéger l’individu en lui permettant d’être fixé au sujet de sa situation financière le plus rapidement possible ». En ce qui concerne ce qui constituait une période raisonnable, le juge a dit ce qui suit :

L’expression anglaise « with all due dispatch » et l’expression française « avec toute la diligence possible » expriment une intention manifeste du législateur d’exiger que le ministre agisse dans un délai raisonnable dont la durée variera selon les circonstances de chaque cas. Le libellé des lois ne permet pas que soient formulés des délais rigides.

[Non souligné dans l’original.]

[20]        Le juge Sexton a conclu qu’un retard de 18 mois était « injustifiable » (au paragraphe 17), ce qui étaierait quelque peu l’argument de l’appelant en l’espèce, à savoir qu’un délai de 14 mois est déraisonnable. Cela dit, l’appelant aurait pu accélérer le processus en interjetant appel directement à la Cour canadienne de l’impôt.

[21]        L’alinéa 306b) de la LTA prévoit qu’une personne qui a produit un avis d’opposition à une cotisation peut interjeter appel directement à la Cour canadienne de l’impôt après l’expiration du délai de 180 jours suivant la production de l’avis d’opposition.

[22]        L’appelant ne s’est pas prévalu de cette option et a plutôt décidé d’attendre la réponse du ministre. Peu importe la raison, qu’il s’agisse du manque de connaissances de l’appelant sur les options disponibles ou des circonstances atténuantes susmentionnées, il n’est pas nécessaire que je tranche la question de savoir si le ministre a agi « avec diligence », car la véritable question se rapporte au dépôt d’un appel dans le délai imparti.

[23]        Aux termes de l’article 302 de la LTA, l’appelant disposait de 90 jours à partir de la réception de l’avis de confirmation du 12 avril 2013 pour interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Il ne l’a pas fait et, maintenant, il cherche à obtenir une prorogation du délai pour déposer son appel.

[24]        Aux termes du paragraphe 305(1) de la LTA, une personne qui n’a pas interjeté appel dans le délai de 90 jours susmentionné :

305(1) [...] peut présenter à la Cour canadienne de l’impôt une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Cette cour peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’elle estime justes.

[25]        Bien que ce paragraphe semble conférer un vaste pouvoir discrétionnaire à la Cour, l’alinéa 305(5)a) prévoit ce qui suit :

305(5). Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a)       la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel par ailleurs imparti; [...]

[Non souligné dans l’original.]

[26]        Le paragraphe 305(5) énonce ensuite certains facteurs aux sous‑alinéas b)(i) à (iv) que la Cour doit prendre en compte lorsqu’elle est appelée à déterminer si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder la prorogation d’un délai. Ce qui rend la situation actuelle problématique est le fait qu’elle ne répond manifestement pas au premier critère. Le délai d’un an pour présenter une demande de prorogation a expiré le 11 juillet 2014.

[27]        L’avocate de l’intimée a fait valoir que, vu cette situation, la Cour n’a pas compétence pour traiter cette demande. Je ne souscris pas entièrement à ce point de vue, puisque la Cour a certainement compétence pour être saisie de cette affaire aux termes du paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt.

12(1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de la [...] Loi sur la taxe d’accise, de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse [...]

[28]        Bien que je reconnaisse que le mot « compétence » a été utilisé d’une manière générale dans ce contexte, il serait plus juste de dire que la Cour n’est pas autorisée à ordonner la prorogation du délai pour déposer un appel, sauf si elle est convaincue que les conditions établies aux alinéas 305(5)a) et b) ont été respectées : pour 2786885 Canada Inc. v. R, 2011 CarswellNat 2039, CAF.

[29]        Je ne suis pas tenu de le faire, mais j’examinerai aussi l’argument de l’appelant selon lequel, si le ministre avait traité son avis d’opposition plus rapidement, il aurait eu le temps de déposer une demande de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs plutôt qu’une demande de remboursement pour habitations neuves, et ce, avant l’expiration du délai de 24 mois débutant à la date de la transaction finale.

[30]        Un cas semblable a été étudié dans la décision Napoli c. R., 2013 CCI 307, où le juge Paris a souligné ce qui suit :

12. Le représentant de l’appelant a fait valoir, subsidiairement, que si l’appelant n’avait pas droit au remboursement pour habitations neuves, il devrait pouvoir demander un remboursement de TPS/TVH pour immeubles d’habitation locatifs neufs (le « remboursement pour immeubles d’habitation locatifs ») à l’égard de la maison parce qu’il répondait à toutes les conditions connexes.

13. Cependant, comme l’a fait remarquer l’avocate de l’intimée, le délai prévu pour demander un remboursement pour immeubles d’habitation locatifs est de deux ans après la fin du mois où la TPS est devenue payable pour la première fois relativement à l’achat. C’est ce qui est prescrit à l’alinéa 256.2(7)a) de la LTA.

14. Étant donné que la TPS est devenue payable sur l’achat de la maison à la date de clôture, soit le 31 octobre 2007, le délai prévu pour demander un remboursement pour immeubles d’habitation locatifs aurait été le 31 octobre 2009. L’appelant n’a déposé la demande qu’en 2011, après que le ministre eut refusé sa demande de remboursement pour habitations neuves.

15. Je n’ai pas compétence pour faire lever ou proroger le délai prévu à l’alinéa 256.2(7)a). Je ne suis donc pas habilité à ordonner au ministre de faire droit à la demande de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs de l’appelant.

16. Aux dires de l’appelant, d’autres contribuables qui ont acheté une maison du même constructeur et demandé le remboursement pour habitations neuves, mais qui ont ensuite loué cette maison se sont vu autoriser par l’ARC à déposer une demande de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs à la place de leur demande de remboursement pour habitations neuves, et ce remboursement leur a en fait été accordé.

17. Là encore, je conviens avec l’avocate de l’intimée que je ne puis tenir compte de la manière dont l’ARC a traité ces autres contribuables. Il me faut appliquer les dispositions de la LTA aux faits de l’espèce et, comme je l’ai indiqué, la demande que l’appelant a déposée en vue d’obtenir le remboursement pour immeubles d’habitation locatifs était hors délai.

[31]        En l’espèce, l’appelant savait, dès l’automne 2011, que sa demande de remboursement pour habitations neuves serait probablement refusée. Bien qu’il ait mentionné des circonstances atténuantes, je conclus qu’il disposait d’amplement de temps pour déposer une demande de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs avant l’expiration du délai de 24 mois, mais qu’il a omis de le faire.

[32]        Lorsque l’on a insisté sur ce point, l’appelant a fait savoir que, à son avis, la présentation d’un autre formulaire aurait contredit sa position initiale selon laquelle il avait droit au remboursement pour habitations neuves. En fin de compte, on ne peut qu’avancer des hypothèses sur les arguments qui auraient été soulevés en appel si l’avis d’appel avait été déposé dans les délais et si on avait débattu du bien‑fondé de l’appel.

Conclusion

[33]        Selon ce qui précède, le délai pour déposer une demande de prorogation en vertu de l’alinéa 305(5)a) de la LTA expirait le ou vers le 11 juillet 2014. La Cour n’est pas autorisée à proroger ce délai et, par conséquent, la demande doit être rejetée sans dépens.

Les présents motifs du jugement modifiés remplacent les motifs du jugement datés du 6 janvier 2016.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11jour de juillet 2016.

« Guy R. Smith »

Juge Smith


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 7

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-2726(GST)APP

INTITULÉ :

XIAOCHEN CHEN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 décembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS :

L’honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Gabrielle White

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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