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Dossiers : 2013-897(IT)G

2013-899(IT)G

2013-900(IT)G

2013-3334(IT)G

ENTRE :

JEFFREY N. GREEN, YVES POTVIN,

JONATHAN RUBENSTEIN, IAN DIXON,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée

 

Requête fondée sur l’article 58 des Règles entendue le 26 janvier 2015

à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

Avocats des appelants :

Me David R. Davies

Me Natasha Reid

Avocats de l’intimée :

Me Robert Carvalho

Me Lisa McDonald

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

ORDONNANCE

Vu la requête présentée par l’intimée en vue de faire trancher, avant l’audience, les questions ci-dessous en vertu de l’alinéa 58(1)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) :

[TRADUCTION]

a) Dans une structure de société de personnes à deux niveaux, où la société de personnes du niveau supérieur n’a pas de fraction à risques par rapport à la société de personnes du niveau inférieur à la fin d’un exercice financier donné, les pertes d’entreprise subies par la société de personnes du niveau inférieur durant cet exercice conservent-elles leur caractère de pertes d’entreprise de la société de personnes du niveau supérieur, de manière qu’elles puissent être attribuées aux associés de la société de personnes du niveau supérieur comme pertes d’entreprise (lesquelles seraient alors assujetties à l’application des règles sur la fraction à risques entre les mains des associés de la société de personnes du niveau supérieur)?

b) Si la réponse à la question précédente est négative, la perte comme commanditaire qu’a la société de personnes du niveau supérieur dans la société de personnes du niveau inférieur passe-t-elle aux associés de la société de personnes du niveau supérieur, de sorte que ceux-ci ont une perte comme commanditaire?

Et vu les observations des avocats et après lecture des documents déposés;

La requête est accueillie et les questions ci-dessus sont tranchées de la manière exposée dans les motifs de l’ordonnance ci-joints. Les dépens de cette requête sont laissés à la discrétion du juge qui entendra l’appel.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 11e jour de janvier 2016.

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’avril 2017.

Erich Klein, réviseur


Référence : 2016 CCI 10

Date : 20160111

Dossiers : 2013-897(IT)G

2013-899(IT)G

2013-900(IT)G

2013-3334(IT)G

ENTRE :

JEFFREY N. GREEN, YVES POTVIN,

JONATHAN RUBENSTEIN, IAN DIXON,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge Paris

[1]  L’intimée a présenté une requête en vertu du paragraphe 58(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) afin que soient tranchées les deux questions ci-dessous :

[TRADUCTION]

a) Dans une structure de société de personnes à deux niveaux, où la société de personnes du niveau supérieur n’a pas de fraction à risques par rapport à la société de personnes du niveau inférieur à la fin d’un exercice financier donné, les pertes d’entreprise subies par la société de personnes du niveau inférieur durant cet exercice conservent-elles leur caractère de pertes d’entreprise de la société de personnes du niveau supérieur, de manière qu’elles puissent être attribuées aux associés de la société de personnes du niveau supérieur comme pertes d’entreprise (lesquelles seraient alors assujetties à l’application des règles sur la fraction à risques entre les mains des associés de la société de personnes du niveau supérieur)?

b) Si la réponse à la question précédente est négative, la perte comme commanditaire qu’a la société de personnes du niveau supérieur dans la société de personnes du niveau inférieur passe-t-elle aux associés de la société de personnes du niveau supérieur, de sorte que ceux-ci ont une perte comme commanditaire?

[2]  À la suite d’une audience antérieure, la Cour a fixé une date pour l’audience en vue de trancher ces questions.

[3]  Les questions se rapportent à l’interprétation du paragraphe 96(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) et à son application à une structure de société de personnes à paliers multiples. Dans une société de personnes à paliers multiples, quelques-unes ou l’ensemble des participations dans une société de personnes (la société de personnes du niveau inférieur) sont détenues par une autre société de personnes (la société de personnes du niveau supérieur).

[4]  Dans la présente affaire, les appelants étaient des commanditaires de la société en commandite du niveau supérieur, qui, elle, était commanditaire de plusieurs sociétés en commandite du niveau inférieur.

Faits

[5]  Les faits relatifs aux questions que l’on a demandé à la Cour de trancher sont énoncés dans un exposé conjoint des faits déposé par les parties. Ils sont les suivants :

Durant la période de 1996 à 2009, les appelants étaient des commanditaires de la société en commandite principale Monarch Entertainment 1994 (la SCP).

Durant la période de 1996 à 2009, la SCP était commanditaire de 31 sociétés en commandite de services de production (les SCSP), comme on les appelle.

L’exercice financier de la SCP et de chaque SCSP se terminait le 31 décembre chaque année.

Chaque SCSP a subi des pertes d’entreprise annuelles de 1996 à 2009.

Conformément aux contrats de société applicables des SCSP, 99,999 % des pertes de chacune des SCSP étaient attribuées à la SCP à la fin de chaque exercice financier des SCSP.

Conformément au contrat de société de la SCP, 99,999 % des pertes de la SCP étaient attribuées aux appelants et à d’autres commanditaires de la SCP à la fin de chaque exercice financier de la SCP.

À la fin de chaque exercice financier des SCSP de 1996 à 2008, la fraction à risques de la SCP dans chaque SCSP était nulle.

À la fin de chaque exercice financier de la SCP de 1996 à 2008, la fraction à risques des appelants dans la SCP était nulle.

À la fin de 2009, les fractions à risques des appelants dans la SCP ont été augmentées par une attribution de gains en capital provenant de la SCP à chacun d’eux en tant qu’associés de la SCP.

Dans leurs déclarations de revenus respectives pour l’année d’imposition 2009, chacun des appelants a déduit dans le calcul du revenu imposable des pertes comme commanditaire accumulées d’années précédentes à l’égard de la SCP.

Contexte

[6]  Le paragraphe 96(1) de la Loi énonce les règles générales applicables au calcul du revenu d’un associé d’une société de personnes. Une société de personnes n’est pas une entité juridique distincte, mais le paragraphe 96(1) exige que le revenu d’un associé d’une société de personnes soit calculé comme si la société de personnes était une personne distincte et comme si chaque activité de la société de personnes, y compris une activité relative à la propriété de biens, était exercée par celle-ci en tant que personne distincte. Chaque gain en capital imposable et chaque perte en capital déductible découlant de la disposition de biens et chaque revenu et perte de la société de personnes afférent à chacune de ses autres sources de revenu est alors calculé pour chaque année d’imposition de la société de personnes. Chaque revenu et chaque perte est ensuite réparti parmi les associés jusqu’à concurrence de la participation de chacun dans la société de personnes. La source originale du revenu tiré de chaque activité de la société de personnes est conservée entre les mains des associés.

[7]  Les dispositions pertinentes du paragraphe 96(1) sont les suivantes :

96 (1) Lorsqu’un contribuable est un associé d’une société de personnes, son revenu, le montant de sa perte autre qu’une perte en capital, de sa perte en capital nette, de sa perte agricole restreinte et de sa perte agricole, pour une année d’imposition, ou son revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition, selon le cas, est calculé comme si :

a) la société de personnes était une personne distincte résidant au Canada;

b) l’année d’imposition de la société de personnes correspondait à son exercice;

c) chaque activité de la société de personnes (y compris une activité relative à la propriété de biens) était exercée par celle-ci en tant que personne distincte, et comme si était établi le montant :

(i) de chaque gain en capital imposable et de chaque perte en capital déductible de la société de personnes, découlant de la disposition de biens,

(ii) de chaque revenu et perte de la société de personnes afférents à chacune des autres sources ou à des sources situées dans un endroit donné,

pour chaque année d’imposition de la société de personnes;

[...]

f) le montant du revenu de la société de personnes, pour une année d’imposition, tiré d’une source quelconque ou de sources situées dans un endroit donné, constituait le revenu du contribuable tiré de cette source ou de sources situées dans cet endroit donné, selon le cas, pour l’année d’imposition du contribuable au cours de laquelle l’année d’imposition de la société de personnes se termine, jusqu’à concurrence de la part du contribuable;

g) la perte du contribuable — à concurrence de la part dont il est tenu — résultant d’une source ou de sources situées dans un endroit donné, pour l’année d’imposition du contribuable au cours de laquelle l’année d’imposition de la société de personnes se termine, équivalait à l’excédent éventuel :

(i) de la perte de la société de personnes, pour une année d’imposition, résultant de cette source ou de ces sources,

sur :

(ii) dans le cas d’un associé déterminé (au sens de la définition d’ « associé déterminé » figurant au paragraphe 248(1), mais compte non tenu de l’alinéa b) de celle-ci) de la société de personnes au cours de l’année, le montant déduit par la société de personnes en application de l’article 37 dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition provenant de cette source ou de ces sources,

(iii) dans les autres cas, zéro.

[8]  Les sociétés de personnes à paliers multiples sont visées au paragraphe 102(2) de la Loi, qui prévoit que, pour l’application de la sous-section j de la section B de la partie I de la Loi (qui porte sur les sociétés de personnes et leurs associés), « la mention d’une personne ou d’un contribuable qui est un associé d’une société de personnes vaut également mention d’une société de personnes qui fait partie de la société de personnes ».

[9]  Le paragraphe 102(2) prévoit ce qui suit :

(2) Pour l’application de la présente sous-section, la mention d’une personne ou d’un contribuable qui est un associé d’une société de personnes vaut également mention d’une société de personnes qui fait partie de la société de personnes.

[10]  Dans la décision Devon Canada Corporation c. La Reine, 2013 CCI 415, le juge Hogan a décrit ainsi le transfert et la constatation du revenu dans une structure de société de personnes à paliers multiples :

45 Dans une société de personnes à paliers multiples, la source et le siège du revenu sont préservés pour chaque palier d’une société de personnes jusqu’à ce que le revenu soit ultimement constaté par la société ou chaque associé de la société de personnes et imposé en conséquence. Ceci s’inscrit dans l’optique du paragraphe 102(2) qui précise, dans le contexte du calcul du revenu des associés, « la mention [...] d’un contribuable qui est un associé d’une société de personnes vaut également mention d’une société de personnes qui fait partie de la société de personnes ».

46 Dans la décision Fredette v. The Queen [2001 DTC 263], la Cour a confirmé que le revenu conserve sa source et ses caractéristiques dans une structure de société de personnes à paliers multiples. Puisqu’une participation dans une société de personnes n’est pas en soi une source de revenus, la source de revenus de chaque activité de la société de personnes et ses caractéristiques doivent être préservées à tous les paliers, chaque société de personnes agissant à titre d’intermédiaire jusqu’à ce que le revenu soit finalement imposé dans les mains de la société ou de l’associé membre de la société de personnes. À ce propos, le juge Archambault de la Cour écrivait [à la page 276] :

[...] En d’autres mots, la source du revenu de l’associé est la même que celle de la société. De plus, on ne retrouve ailleurs dans la Loi aucune disposition créant une fiction selon laquelle les revenus d’un associé sont tirés d’une « participation dans une société de personnes ». Il faut donc conclure que l’associé tire son revenu des activités de la société elle-même et non d’un bien (la participation dans la société de personnes), et que les frais d’intérêts engagés par cet associé pour financer son apport l’ont été pour obtenir ce revenu d’entreprise [...]

[11]  Le paragraphe 96(2.1) fait partie des règles sur la fraction à risques qui se trouvent dans la Loi. Ces règles restreignent la déductibilité des pertes d’un commanditaire provenant d’une société en commandite. De manière générale, le paragraphe 96(2.1) prévoit que, malgré le paragraphe 96(1), toute perte du commanditaire n’est déductible que jusqu’à concurrence de la fraction à risques du commanditaire à la fin de l’exercice de la société de personnes. Dans la mesure où le commanditaire ne peut pas déduire la perte dans l’année d’imposition durant laquelle elle a été subie, cette perte est réputée être une perte comme commanditaire et peut être reportée et déduite jusqu’à concurrence de la fraction à risques du commanditaire à la fin d’une année d’imposition ultérieure.

[12]  Le paragraphe 96(2.1) est libellé comme suit :

(2.1) Malgré le paragraphe (1), dans le cas où un contribuable est commanditaire d’une société de personnes au cours d’une année d’imposition, l’excédent éventuel :

a) du total des montants dont chacun représente la part, dont il est tenu, d’une perte de la société de personnes résultant d’une entreprise — à l’exclusion d’une entreprise agricole — ou d’un bien, calculée conformément au paragraphe (1), pour un exercice de la société de personnes se terminant au cours de l’année,

sur :

b) l’excédent éventuel :

(i) de la fraction à risques de l’intérêt du contribuable dans la société de personnes à la fin de l’exercice,

sur le total des montants suivants :

(ii) la partie du montant déterminé à l’égard de la société de personnes que le paragraphe 127(8) prévoit d’ajouter dans le calcul du crédit d’impôt à l’investissement du contribuable pour l’année,

(iii) la part, dont le contribuable est tenu, des pertes de la société de personnes résultant d’une entreprise agricole pour l’exercice,

(iv) la part attribuable au contribuable des frais globaux relatifs à des ressources à l’étranger, frais d’exploration au Canada, frais d’aménagement au Canada et frais à l’égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz, engagés par la société de personnes au cours de l’exercice,

 

est à la fois :

c) non déductible dans le calcul de son revenu pour l’année;

d) exclu du calcul de sa perte autre qu’une perte en capital pour l’année;

e) réputé être la perte comme commanditaire subie par le contribuable dans la société de personnes pour l’année.

Première question

[13]  La première question à trancher est celle de savoir si, aux fins d’impôt, il y a un transfert d’une perte d’entreprise de la société en commandite du niveau inférieur aux commanditaires de la société en commandite du niveau supérieur dans un cas où cette dernière n’a pas de fraction à risques de son intérêt dans la société en commandite du niveau inférieur durant l’année.

Thèse de l’intimée

[14]  L’intimée soutient qu’étant donné que la société en commandite du niveau supérieur n’a pas de fraction à risques, sa part de la perte d’entreprise de la société en commandite du niveau inférieur est réputée en vertu de l’alinéa  96(2.1)e) être une perte comme commanditaire de la société en commandite du niveau supérieur et cesse d’être une perte d’entreprise. Par conséquent, selon l’interprétation que fait l’intimée du paragraphe 96(2.1), la perte d’entreprise de la société en commandite du niveau inférieur ne peut être prise en compte dans la détermination de la perte d’entreprise de la société de personnes du niveau supérieur conformément à l’alinéa 96(1)g), et aucun des associés de la société de personnes du niveau supérieur n’a de perte d’entreprise. La perte comme commanditaire réputée ne serait pas transférée aux associés de la société de personnes du niveau supérieur non plus, car aucune disposition ne prévoit l’attribution de la perte comme commanditaire de la société de personnes du niveau supérieur aux associés de celle-ci.

[15]  L’intimée affirme que la seule interprétation raisonnable de l’alinéa 96(2.1)c) est que, dans la mesure où une perte d’entreprise d’une société en commandite n’est pas déductible dans le calcul du revenu de la société de personnes du niveau supérieur, cette dernière n’a plus de perte d’entreprise. L’intimée soutient que le fait que l’alinéa 96(2.1)c) prévoit que la perte d’entreprise calculée en vertu de l’alinéa 96(1)g) n’est pas déductible peut avoir pour seul résultat qu’il n’y a aucune perte d’entreprise pour l’associé et que la perte d’entreprise cesse d’exister dans la mesure où elle excède le montant de la fraction à risques de l’associé et qu’il n’y a aucune perte à transférer aux associés de la société de personnes du niveau supérieur. L’intimée fait valoir que l’expression « est à la fois non déductible dans le calcul de son revenu pour l’année » à l’alinéa 96(2.1)c) est non ambiguë à cet égard. L’intimée dit que, puisque la perte d’entreprise ne peut être déduite par l’associé dans le calcul de son revenu et est réputée être une perte comme commanditaire, il n’y a pas de perte d’entreprise.

[16]  L’intimée dit également que, contrairement aux alinéas 96(2.1)d) et e), qui portent sur le calcul du revenu imposable et ne s’appliquent donc pas à un associé qui est une société de personnes, l’alinéa 96(2.1)c) s’applique manifestement à une société de personnes du niveau supérieur, car il porte sur le calcul du revenu d’un associé d’une société de personnes de la même manière que l’alinéa 96(1)g) prévoit le calcul de la perte d’entreprise d’une société de personnes.

[17]  L’intimée dit que le paragraphe 96(2.1) modifie le calcul de la perte d’entreprise de la société de personnes du niveau supérieur en prévoyant, à l’alinéa 96(2.1)e), que la perte est réputée être une perte comme commanditaire. Le fait que la disposition déterminative puisse entraîner un résultat inéquitable dans un cas donné ne justifie pas que l’on ne tienne pas compte du libellé clair de la disposition ou que l’on y déroge.

[18]  L’intimée soutient que le libellé du paragraphe 96(2.1), et en particulier celui des alinéas 96(2.1)c) et e), est clair et sans équivoque et que le sens ordinaire des mots utilisés dans ces dispositions devrait jouer un rôle prépondérant dans l’interprétation du paragraphe 96(2.1).

Thèse des appelants

[19]  Les appelants affirment que les règles sur la fraction à risques de la Loi s’appliquent seulement pour déterminer l’impôt à payer d’un commanditaire et ne peuvent donc s’appliquer qu’à un associé qui est un contribuable. Comme une société de personnes n’est pas une personne juridique distincte, elle ne peut avoir d’obligation fiscale. Les règles sur la fraction à risques ne sont donc pas pertinentes et ne peuvent s’appliquer à une société de personnes.

[20]  L’avocat fait valoir que le paragraphe 102(2), qui rend applicables aux sociétés de personnes à paliers multiples les règles générales concernant le calcul du revenu d’une société de personnes, n’est exécutoire qu’aux fins de la sous-section j de la section B de la partie I de la Loi. La sous-section j comprend les articles 96 à 103, qui portent sur les sociétés de personnes et leurs associés, mais n’inclut pas les règles régissant le calcul du revenu ou du revenu imposable, lesquelles se trouvent à l’article 3 et à la section C de la Loi, respectivement.

[21]  Les appelants soutiennent donc que les règles énoncées aux alinéas 96(2.1)c), d) et e) ne peuvent s’appliquer à une société de personnes du niveau supérieur qui est un commanditaire d’une société en commandite du niveau inférieur, et qu’une perte d’entreprise de la société en commandite du niveau inférieur conserve son caractère de perte d’entreprise et peut être attribuée aux associés de la société de personnes du niveau supérieur.

[22]  Selon les appelants, le régime établi par la Loi oblige le contribuable qui est un associé d’une société de personnes du niveau supérieur à calculer son revenu ou sa perte dont la source est la société de personnes du niveau supérieur en calculant la part de celle-ci du revenu ou de la perte de la société de personnes du niveau inférieur sans tenir compte des règles sur la fraction à risques, puis en calculant sa propre part du revenu ou de la perte de la société de personnes du niveau supérieur.

[23]  Étant donné qu’une personne qui est un associé d’une société de personnes du niveau supérieur est susceptible de devoir payer de l’impôt, elle doit appliquer les règles sur la fraction à risques à sa part des pertes de la société de personnes du niveau supérieur (qui comprennent celles de la société de personnes du niveau inférieur) dans le calcul du revenu imposable et de l’impôt à payer.

[24]  Les appelants soutiennent qu’une analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 96(2.1) mène à cette conclusion.

Analyse

[25]  Dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, la Cour suprême du Canada a énoncé comme suit l’approche à utiliser pour interpréter les lois fiscales :

10 Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999 CanLII 639 (CSC)], [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

[...]

12 Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent être interprétées de manière à assurer l’uniformité, la prévisibilité et l’équité requises pour que les contribuables puissent organiser intelligemment leurs affaires. Comme l’affirme la Cour, au par. 45 de l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999 CanLII 647 (CSC)], [1999] 3 R.C.S. 622 :

[E]n l’absence d’une disposition expresse contraire, il n’appartient pas aux tribunaux d’empêcher les contribuables de recourir, dans le cadre de leurs opérations, à des stratégies complexes qui respectent les dispositions pertinentes de la Loi, pour le motif que ce serait inéquitable à l’égard des contribuables qui n’ont pas opté pour cette solution. [Nous soulignons.]

Voir également l’arrêt 65302 British Columbia, par. 51, où le juge Iacobucci cite P. W. Hogg et J. E. Magee, Principles of Canadian Income Tax Law (2e éd. 1997), p. 475‑476 :

[traduction] La Loi de l’impôt sur le revenu serait empreinte d’une incertitude intolérable si le libellé clair d’une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions qui n’y sont pas exprimées, provenant de la conception qu’un tribunal a de l’objet de la disposition.

13 La Loi de l’impôt sur le revenu demeure un instrument dominé par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières et commandent une interprétation largement textuelle. [...]

[26]  À mon avis, le texte, le contexte et l’objet du paragraphe 96(2.1) viennent tous appuyer la thèse des appelants selon laquelle la perte d’entreprise de la société de personnes du niveau inférieur est transférée à la société de personnes du niveau supérieur et aux associés de celle-ci, et conserve son caractère de perte d’entreprise à chaque étape.

Texte

[27]  Selon le libellé du paragraphe 96(2.1), la dérogation au paragraphe 96(1) s’opère après que les pertes subies par une société en commandite relativement à une entreprise ou à un bien ont été calculées et attribuées aux commanditaires selon la part proportionnelle de chacun en vertu du paragraphe 96(1). Ce point de départ est établi à l’alinéa 96(2.1)a), qui exige que le commanditaire calcule sa part « d’une perte de la société de personnes résultant d’une entreprise [...] ou d’un bien, [...] conformément au paragraphe (1) ». Les dispositions pertinentes du paragraphe 96(2.1) sont les suivantes :

96(2.1) Malgré le paragraphe (1), dans le cas où un contribuable est commanditaire d’une société de personnes au cours d’une année d’imposition, l’excédent éventuel :

a) du total des montants dont chacun représente la part, dont il est tenu, d’une perte de la société de personnes résultant d’une entreprise — à l’exclusion d’une entreprise agricole — ou d’un bien, calculée conformément au paragraphe (1), pour un exercice de la société de personnes se terminant au cours de l’année, 

(Non souligné dans l’original.)

[28]  Ce n’est qu’une fois que la perte du commanditaire résultant d’une entreprise ou d’un bien a été calculée conformément au paragraphe 96(1) que les dispositions des alinéas 96(2.1)b) à e) entrent en jeu.

[29]  Après le calcul de la perte d’une société en commandite résultant d’une entreprise ou d’un bien et la détermination de la part du commanditaire dans la perte, la prochaine étape, qui est énoncée à l’alinéa 96(2.1)b), consiste à calculer la fraction à risques du commanditaire. Ensuite, dans la mesure où la perte du commanditaire résultant d’une entreprise ou d’un bien dépasse sa fraction à risques, les alinéas 96(2.1)c) et d) restreignent la déductibilité de l’excédent. Ils prévoient en effet que l’excédent est à la fois « non déductible dans le calcul de son revenu pour l’année » et « exclu du calcul de sa perte autre qu’une perte en capital pour l’année ».

[30]  Comme les appelants le soulignent, le paragraphe 96(2.1) ne prévoit nullement que la perte d’un commanditaire résultant d’une entreprise ou d’un bien est réputée ne plus être une perte résultant d’une entreprise ou d’un bien, selon le cas. Le fait d’empêcher un contribuable d’inclure dans le calcul de son revenu et de ses pertes autres que des pertes en capital la partie de ces pertes qui dépasse sa fraction à risques ne veut pas dire que cette partie des pertes est réputée ne plus exister.

[31]  Je suis d’accord avec les appelants que le texte du paragraphe 96(2.1) présume que l’excédent continue d’être une perte d’entreprise. Si l’excédent cessait d’être une perte d’entreprise, les alinéas 96(2.1)c) et d) seraient inutiles. Les appelants expriment cet argument comme suit dans leurs observations écrites, au paragraphe 17 :

[TRADUCTION]

Si un excédent était, par l’effet de la disposition déterminative à l’alinéa 96(2.1)e), réputé être une perte comme commanditaire tout simplement, et ce, à toutes fins, et qu’il cessait d’être également une perte d’entreprise, les alinéas 96(2.1)c) et d) seraient superflus :

a. L’alinéa 96(2.1)c) prévoit que l’excédent de la perte d’entreprise n’est pas déductible dans le calcul du revenu. Les pertes d’entreprise ordinaires sont déductibles dans le calcul du revenu pour l’année, jusqu’à concurrence du montant du revenu du contribuable provenant d’autres sources, selon l’alinéa 3d) de la Loi. Les pertes comme commanditaire sont déductibles dans le calcul du revenu imposable en vertu de l’alinéa 111(1)e), à la section C de la Loi. Si l’excédent n’était qu’une perte comme commanditaire et pas une perte d’entreprise également, elle ne serait déjà pas « déductible dans le calcul du revenu » (car une perte comme commanditaire est déductible seulement dans le calcul du revenu imposable) et l’alinéa 96(2.1)c) serait donc inutile.

b. Si la perte d’un contribuable pour l’année dépasse le revenu provenant d’autres sources, le contribuable a normalement une perte autre qu’une perte en capital pour l’année. Toutefois, l’alinéa 96(2.1)d) prévoit qu’un excédent ne peut être ajouté à la perte autre qu’en capital du contribuable pour l’année. Une « perte autre qu’une perte en capital », selon la définition au paragraphe 111(8), correspond à la perte totale que le contribuable a subie relativement à une charge, à un emploi, à une entreprise ou à un bien. Si l’excédent perdait son caractère de perte d’entreprise en vertu de la disposition déterminative, une perte comme commanditaire n’aurait pas été subie relativement « à une charge, à un emploi, à une entreprise ou à un bien » et serait donc exclue du calcul de la perte autre qu’en capital. Si l’excédent a perdu son caractère de perte d’entreprise, l’interdiction expresse énoncée à l’alinéa 96(2.1)d) ne serait pas nécessaire.

[32]  À mon avis, l’interprétation qu’a faite l’intimée de l’alinéa 96(2.1)c) est indéfendable, car elle confond le calcul de la perte d’entreprise de la société de personnes et le calcul du revenu en vertu de l’article 3 de la Loi. Il me semble que, selon son sens ordinaire, l’expression « dans le calcul de son revenu pour l’année » à l’alinéa 96(2.1)c) se rapporte au calcul du revenu exigé par l’article 3 de la Loi et non au calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien. L’article 3 énonce les règles applicables à la détermination du « revenu » d’un contribuable pour une année d’imposition à des fins d’impôt sur le revenu. Le calcul du revenu conformément à l’article 3 comprend plusieurs éléments, notamment le revenu du contribuable pour l’année provenant de toutes les sources, y compris le « revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien » (alinéa 3a)) ainsi que les « pertes subies par le contribuable pour l’année qui résultent d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise ou d’un bien » (alinéa 3d)). Le calcul du revenu et des pertes résultant d’une entreprise ou d’un bien se fait selon les règles énoncées à la sous-section b de la section B de la partie 1 de la Loi. Le revenu ou la perte résultant d’une entreprise ou d’un bien est une composante du revenu calculé selon l’article 3 et doit donc être calculé avant le calcul du revenu d’un contribuable conformément à l’article 3.

[33]  Je suis d’accord avec les appelants que l’interdiction, énoncée à l’alinéa 96(2.1)c), de déduire l’excédent « dans le calcul [du] revenu [du contribuable] pour l’année » ne peut s’appliquer qu’à un commanditaire qui est un contribuable et qu’elle ne s’applique pas à un commanditaire qui est une société de personnes puisqu’une société de personnes n’est pas tenue de calculer le revenu visé à l’article 3 de la Loi. Dans Taxation of Corporations, Partnerships and Trusts, 4e éd. (Carswell, 2013), l’auteur Norman C. Tobias écrit ceci :

[traduction]
L’article 3 de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui s’applique aux « contribuables », n’est pas pertinent en ce qui concerne la détermination du revenu d’une société de personnes, car le revenu ou les pertes d’une société de personnes sont attribués aux associés source par source [alinéa 96(1)c)]. L’article 3 est pertinent relativement au calcul du revenu des associés.

(à la page 43)

[34]  Il est clair que le calcul du revenu d’un contribuable pour l’année n’est pas le même que le calcul du revenu d’entreprise d’un contribuable pour l’année. Par conséquent, ces expressions ne sont pas équivalentes comme le prétend l’intimée. L’avocat de l’intimée affirme que l’alinéa 96(2.1)c) porte sur le calcul du revenu de l’associé de la société de personnes, comme l’alinéa 96(1)g) de la Loi, et que si ce dernier alinéa s’applique à une société de personnes à deux niveaux, l’alinéa 96(2.1)c) s’y applique aussi.

[35]  Cependant, l’alinéa 96(1)g) porte sur le calcul d’une « perte [...] résultant d’une source ou de sources », y compris d’une perte d’entreprise, tandis que l’alinéa 96(2.1)c) porte sur le calcul du revenu, ce qui, comme je l’ai conclu précédemment, signifie le revenu visé à l’article 3. La perte d’un contribuable provenant d’une source, comme une perte résultant d’une entreprise, est une composante du revenu visé à l’article 3 de ce contribuable. L’alinéa 96(1)g) dispose ainsi :

96. (1) Lorsqu’un contribuable est un associé d’une société de personnes, son revenu, le montant de sa perte autre qu’une perte en capital, de sa perte en capital nette, de sa perte agricole restreinte et de sa perte agricole, pour une année d’imposition, ou son revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition, selon le cas, est calculé comme si :

[...]

g) la perte du contribuable — à concurrence de la part dont il est tenu — résultant d’une source ou de sources situées dans un endroit donné, pour l’année d’imposition du contribuable au cours de laquelle l’année d’imposition de la société de personnes se termine, équivalait à l’excédent éventuel :

(i) de la perte de la société de personnes, pour une année d’imposition, résultant de cette source ou de ces sources,

sur :

(ii) dans le cas d’un associé déterminé (au sens de la définition d’« associé déterminé » figurant au paragraphe 248(1), mais compte non tenu de l’alinéa b) de celle-ci) de la société de personnes au cours de l’année, le montant déduit par la société de personnes en application de l’article 37 dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition provenant de cette source ou de ces sources,

(iii) dans les autres cas, zéro.

[36]  J’ajouterais également que la disposition déterminative à l’alinéa 96(2.1)e) ne prévoit pas que son application à l’excédent des pertes d’un commanditaire résultant d’une entreprise ou d’un bien sur sa fraction à risques a pour effet que ces pertes cessent d’être des pertes résultant d’une entreprise ou d’un bien. L’argument de l’intimée selon lequel la disposition déterminative à l’alinéa 96(2.1)e) en est une [traduction] « d’application générale » n’est pas étayé par le libellé de cette disposition. Une telle interprétation exigerait en fait que l’on lise l’alinéa 96(2.1)e) comme si y figurait, après les mots « réputé être », une expression comme « à toutes fins ». En l’absence d’une telle expression, la portée de la disposition déterminative devrait être fonction de son contexte, puisqu’une telle disposition doit être considérée comme s’appliquant dans un but précis. Dans l’arrêt R. c. Verrette, [1978] 2 R.C.S. 838, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

[...] Une disposition déterminative est une fiction légale; elle reconnaît implicitement qu’une chose n’est pas ce qu’elle est censée être, mais décrète qu’à des fins particulières, elle sera considérée comme étant ce qu’elle n’est pas ou ne semble pas être. Par cet artifice, une disposition déterminative donne à un mot ou à une expression un sens autre que celui qu’on leur reconnaît habituellement et qu’il conserve là où on l’utilise; elle étend la portée de ce mot ou de cette expression comme le mot « comprend » dans certaines définitions; cependant, en toute logique, le verbe « comprend » n’est pas adéquat et sonne faux parce que la disposition crée une fiction. [...]

(aux pages 845-846)

[37]  En l’espèce, le contexte de la disposition déterminative laisse croire qu’elle doit s’appliquer au calcul du revenu et du revenu imposable, comme c’est le cas des alinéas 96(2.1)c) et d), et seulement après que le contribuable a calculé son revenu ou ses pertes résultant d’une entreprise ou d’un bien. Comme une société de personnes n’est pas un contribuable et ne calcule pas son revenu ou son revenu imposable, la disposition déterminative à l’alinéa 96(2.1)e) ne peut s’appliquer à une telle société.

[38]  Par conséquent, je conclus que, selon le sens ordinaire du paragraphe 96(2.1), les pertes d’entreprise d’une société de personnes du niveau inférieur qui dépassent la fraction à risques de l’intérêt de la société de personnes du niveau supérieur dans la société en commandite ne cessent pas d’être des pertes d’entreprise et elles peuvent être transférées aux associés de la société de personnes du niveau supérieur.

Contexte

[39]  Je suis également d’avis que cette conclusion est étayée par le contexte du paragraphe 96(2.1).

[40]  La Loi contient de nombreuses dispositions qui portent sur divers aspects de l’application des règles sur la fraction à risques et sur l’utilisation des pertes comme commanditaire. Les appelants ont dressé une liste de telles dispositions dans leur mémoire. Toutefois, à mon avis, une seule de ces dispositions, soit le sous-alinéa 53(2)c)(i), offre une orientation contextuelle relativement à la question précise d’interprétation qui se pose en l’espèce.

[41]  Aux termes du sous-alinéa 53(2)c)(i) de la Loi, le prix de base rajusté d’une participation dans une société de personnes est réduit du montant de la part du contribuable dans toute perte de la société de personnes provenant de n’importe quelle source pour l’exercice,

sauf dans la mesure où il est raisonnable de considérer que tout ou partie de cette perte est incluse dans la perte comme commanditaire du contribuable dans la société de personnes pour l’année d’imposition du contribuable au cours de laquelle cet exercice se termine,

[42]  Comme l’avocat des appelants le fait remarquer, si une perte comme commanditaire ne conservait pas aussi son caractère de perte d’entreprise, il n’y aurait aucune nécessité d’inclure la partie du sous-alinéa 53(2)c)(i) reproduite ci-dessus. Donc, la perte comme commanditaire demeure une perte résultant d’une entreprise ou d’un bien et doit être exclue de l’application de la règle relative à la réduction du prix de base rajusté.

[43]  Enfin, l’intimée n’a offert aucune analyse contextuelle pour contrer l’interprétation des appelants.

Objet

[44]  L’objet des règles sur la fraction à risques est clair : limiter au capital risqué dans la société de personnes (c.-à-d., la fraction à risques de l’associé), la mesure dans laquelle un commanditaire peut déduire du revenu provenant d’autres sources les pertes résultant d’une entreprise ou d’un bien subies par une société de personnes. Le montant des pertes de la société de personnes résultant d’une entreprise ou d’un bien qui dépasse la fraction à risques du commanditaire peut être reporté et déduit, dans des années futures, soit du revenu provenant de la société de personnes qui a subi les pertes, soit, lorsque la fraction à risques de l’intérêt du contribuable dans la société de personnes a augmenté, du revenu provenant d’autres sources (Canada Tax Service - McCarthy Tetrault, volume 8, analyse de l’article 96, p. 96-1, 9 octobre 2015.)

[45]  Il est donc évident que l’objet n’est pas de refuser absolument la déduction des pertes dépassant la fraction à risques d’un commanditaire, mais plutôt de différer la déduction de l’excédent jusqu’à ce que la société de personnes ait généré un revenu ou que la fraction à risques de l’associé ait augmenté pour une autre raison.

[46]  L’interprétation de l’intimée entraînerait, dans le cas d’une société de personnes à paliers multiples, le refus absolu de la déduction des pertes résultant d’une entreprise ou d’un bien qui ont été subies par une société en commandite et qui dépassent la fraction à risques de la société de personnes du niveau supérieur, car il n’existerait aucun moyen d’attribuer à la société de personnes du niveau supérieur la perte comme commanditaire créée par l’alinéa 96(2.1)e).

[47]  La capacité de reporter sur une année ultérieure une perte comme commanditaire est un élément clé des règles sur la fraction à risques, et je conclus donc que l’interprétation proposée par l’intimée n’est pas conforme à l’objet de ces règles.

[48]  De manière plus générale, je crois également que l’extrait suivant tiré des notes techniques du ministère des Finances portant sur les paragraphes 96(2.1) à (2.7) appuient la proposition voulant que l’objet des règles sur la fraction à risques ne soit pas de limiter l’attribution à un commanditaire de pertes résultant d’une entreprise ou d’un bien, mais plutôt de limiter la déductibilité de ces pertes une fois qu’elles ont été attribuées :

Aucune restriction ne limite les pertes d’entreprise que la société en commandite peut attribuer à un commanditaire. Ces pertes ne peuvent toutefois être réclamées par ce dernier qu’à concurrence de la fraction à risques qui lui reste sur son investissement. Les pertes qui ne peuvent être réclamées à cause de cette règle peuvent être reportées indéfiniment par le commanditaire, afin de réduire les revenus futurs provenant de la même société en commandite.

Conclusion

[49]  Pour toutes ces raisons, je répondrais à la première question par l’affirmative. Étant donné cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’entreprendre l’analyse de la deuxième question. Les dépens de la requête sont laissés à la discrétion du juge qui entendra l’appel.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 11e jour de janvier 2016.

« B. Paris »

Le juge Paris

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’avril 2017.

Erich Klein, réviseur

 

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2016 CCI 10

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-897(IT)G, 2013-899(IT)G, 2013-900(IT)G et 2013-3334(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

JEFFREY N. GREEN, YVES POTVIN, JONATHAN RUBENSTEIN, IAN DIXON c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATES DE L’AUDIENCE :

Le 26 janvier 2015

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :

L’honorable juge B. Paris

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 11 janvier 2016

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelants :

Me David R. Davies

Me Natasha Reid

Avocats de l’intimée :

Me Robert Carvalho

Me Lisa McDonald

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Nom :

Me David R. Davies

Me Natasha Reid

Cabinet :

Thorsteinssons LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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