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Dossier : 2012-509(IT)G

ENTRE :

OMAR RAMLAL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 16 octobre 2015 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable Rommel G. Masse, juge suppléant


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Jan Jensen

JUGEMENT

Pour les motifs du jugement, ci-joints, l’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 est rejeté.

L’intimée a droit à ses dépens.


Signé à Kingston, (Ontario), ce 27e jour de janvier 2016.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de novembre 2016.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 

 


Référence : 2016 CCI 26

Date : 20160127

Dossier : 2012-509(IT)G

ENTRE :

OMAR RAMLAL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

Aperçu

[1]             Omar Ramlal fait appel de la pénalité pour faute lourde qui lui a été imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi ») relativement à son année d’imposition 2009 et à sa demande connexe de report rétrospectif des pertes aux années d’imposition 2006, 2007 et 2008. Le spécialiste en déclarations de revenus inconnu de l’appelant a déclaré dans la déclaration de revenus de ce dernier de fausses pertes d’entreprise très élevées. Si ces pertes avaient été admises, tout l’impôt payé ou retenu à la source pour les années d’imposition 2006, 2007, 2008 et 2009 aurait été remboursé à l’appelant. Le fait est que l’appelant n’a jamais possédé ni exploité quelque type d’entreprise que ce soit durant la période d’imposition en question. L’Agence du revenu du Canada (« l’ARC ») a rejeté lesdites pertes et a pénalisé l’appelant conformément au paragraphe 163(2) de la Loi. La présente affaire vise seulement les pénalités imposées.


Contexte factuel

[2]             L’appelant est originaire de Trinité-et-Tobago. Il a fréquenté l’école secondaire jusqu’à l’âge de 16 ans, mais il a quitté l’école pour aider son père à subvenir aux besoins de sa famille. Il s’est rendu jusqu’à la 5e année du secondaire qui, selon ce qu’il comprend, est l’équivalent de la 12e année scolaire au Canada. Il a immigré au Canada en 1995 en compagnie de sa femme et de ses enfants. Il a trouvé un emploi en 1998 et a occupé divers autres emplois jusqu’en 2003, quand il a été embauché par Unilever Canada. Il travaille chez Unilever depuis cette année-là. Il travaille en tant qu’opérateur de machines et il est payé 30,79 $ l’heure.

[3]             Il a déclaré qu’un collègue lui avait présenté quelqu’un nommé Len à Scarborough, qui était apparemment un comptable. Il ne se souvient pas du nom de famille de Len. Len a rempli ses déclarations de revenus et les a produites auprès de l’ARC par voie électronique. L’appelant a témoigné qu’il n’a jamais eu à signer quoi que ce soit lorsque Len remplissait ses déclarations de revenus. Les honoraires de Len variaient entre 300 et 500 $. Len n’a jamais voulu être payé par chèque; il ne voulait que de l’argent comptant. Il a dit à l’appelant qu’il conservait une copie de tous les dossiers; il avait des copies de tout, mais n’en a jamais montré une à l’appelant. À un certain moment, en 2008, l’appelant croit qu’il a fait l’objet d’une vérification par l’ARC relativement à ses déclarations de revenus des années précédentes. Apparemment, Len avait déclaré des pertes commerciales fictives au nom de l’appelant au cours des années précédentes. Ces pertes commerciales ont été rejetées et l’appelant a fait l’objet de pénalités pour faute lourde. Lorsque l’appelant a reçu une lettre de vérification de l’ARC, Len lui a dit : [traduction] « Si jamais tu me poursuis en justice, je nierai. . . avoir préparé tes déclarations de revenus. » Cela a effrayé l’appelant et son épouse. Deux semaines plus tard, Len l’a appelé et lui a dit qu’il était désolé pour ce qui était arrivé et qu’il connaissait quelqu’un qui remédierait à la situation. L’appelant a obtenu le numéro de cette autre personne et l’a appelée. L’appelant a rencontré cette personne, Reyul Magrah (l’appelant n’est pas trop sûr du nom de famille). Reyul lui a dit qu’il connaissait un comptable qui aiderait l’appelant à réparer les dégâts causés par Len au cours des années précédentes. À ce moment-là, l’appelant ne faisait plus confiance à Len, mais Reyul lui a dit que Len ne connaissait pas ce comptable. Reyul lui a demandé son feuillet T4, son numéro d’assurance sociale et le numéro d’assurance sociale de son épouse. Il lui a dit qu’il y aurait des frais de 500 $, mais qu’il voulait de l’argent comptant, pas de chèques. Ils se sont rencontrés à nouveau et l’appelant a remis l’argent comptant à Reyul. Un peu plus tard, ils se sont rencontrés à nouveau et Reyul a demandé à l’appelant de signer des documents, ce qu’il a fait. Reyul a pris les documents et lui a dit que sa déclaration de revenus serait produite dans une ou deux semaines. Reyul lui a seulement dit qu’il recevrait un chèque par la poste, mais ne lui a pas indiqué le montant du chèque.

[4]             La pièce R-1 de l’onglet 2 est la déclaration de revenus de 2009 de l’appelant, datée du 31 mars 2010. À la page où il devait apposer sa signature, on peut lire l’attestation habituelle par laquelle le contribuable atteste que les renseignements fournis dans la déclaration et dans tous les documents joints sont exacts, complets et révèlent la totalité de ses revenus. L’appelant n’a pas lu cela avant de signer. Il affirme que Reyul ne lui a présenté qu’environ trois ou quatre pages et qu’il les a signées sans les regarder. Il affirme que Reyul n’était qu’un intermédiaire ou un messager entre l’appelant et le soi-disant comptable. Il n’a jamais rencontré ce comptable.

[5]             Dans la déclaration de revenus, le remboursement pour l’année 2009 est indiqué comme étant 20 696,99 $. L’appelant dit qu’il n’a pas vu cela quand il a signé sa déclaration de revenus. Il ne se souvient même pas si des chiffres avaient été inscrits sur ces documents ou non. La case 490, réservée à l’identification du spécialiste ayant préparé la déclaration de revenus, est demeurée vide. L’appelant n’a apparemment pas remarqué cela. Il ne se souvient pas avoir vu l’état des activités commerciales ou professionnelles ou la demande de report rétrospectif des pertes, également datée du 31 mars 2010, bien que sa signature figure sur ces documents. Il ne peut pas dire si le mot « par » figurait sur la ligne de signature quand il a signé les documents. Il y figurait clairement et cela aurait dû être évident pour lui. Il est manifestement clair qu’il n’a tout simplement jamais prêté attention aux documents qui lui ont été présentés pour les signer.

[6]             Si l’appelant avait pris la peine de jeter même un simple coup d’œil à sa déclaration de revenus, il aurait découvert des énoncés évidemment faux. Dans sa déclaration, l’appelant a déclaré un revenu d’entreprise brut, décrit comme [TRADUCTION]  « reçu à titre de mandataire », de 97 599,82 $. Il a également déclaré des dépenses d’entreprise, décrites comme [TRADUCTION]  « montant du mandataire au mandant », de 362 350,72 $, ce qui a entraîné une perte d’entreprise nette de 264 750,90 $.  L’appelant reconnaît que sa seule source de revenus, au cours de ces années, était un revenu d’emploi. À aucun moment au cours de la période visée n’a-t-il possédé ou exploité une entreprise. Le revenu et les dépenses d’entreprise déclarés sont évidemment faux et le sont manifestement. L’appelant a déduit le montant de 80 963,90 $ de ces pertes d’entreprise dans sa déclaration de son année d’imposition de 2009 et a demandé que leur solde soit reporté et appliqué de façon rétrospective aux années d’imposition 2006, 2007 et 2008 en tant que pertes autres que pertes en capital. Le résultat de tout cela est que l’appelant obtiendrait le remboursement de tous les impôts payés ou déduits à la source pour 2006, 2007, 2008 et 2009 – un résultat étonnant.

[7]             Après la production de la déclaration de revenus, l’ARC a envoyé une lettre datée du 30 juin 2010 (pièce R-1, onglet 4) à l’appelant pour lui demander des renseignements au sujet des dépenses et du revenu d’entreprise qu’il avait déclarés. L’ARC a exigé qu’il remplisse un questionnaire d’entreprise et présente tous les documents sources à l’appui de toutes les dépenses d’entreprise déclarées. L’appelant était confus et a pensé que la même chose lui arrivait une fois de plus comme ce qui était arrivé avec Len. Il n’a pas répondu directement à cette lettre de l’ARC. Quelqu’un d’autre, très probablement Reyul ou le comptable fiscaliste inconnu, a rédigé une réponse pour que l’appelant la signe. Cette réponse datée du 27 juillet 2010 (pièce R-1, onglet 5) ne répond en rien aux préoccupations soulevées par l’ARC. Le ton de la lettre et très hostile et elle n’a aucun sens. L’appelant a effectivement signé cette réponse et admet qu’il ne l’a pas lue avant de la signer. Il affirme qu’il ne sait pas comment il est venu à signer la lettre qui figure à l’onglet 5, en disant : [traduction] « [C]omment puis-je signer quelque chose comme ça sans savoir ce que c’est? » En effet, pourquoi signerait-il un document important qu’il ne comprend pas, sans chercher une explication? Cependant, il l’a fait.

[8]             Après cela, il a reçu une autre lettre de l’ARC datée du 25 novembre 2010 (pièce R-1, onglet 6). Il a essayé de communiquer avec le comptable inconnu, anonyme et sans visage en composant un numéro 1-800 que lui avait remis Reyul. Il a laissé des messages d’innombrables fois, mais le comptable n’a jamais répondu à ses appels. Il a également essayé en vain de communiquer avec Reyul.

[9]             L’ARC a rejeté le revenu et les dépenses d’entreprise, et a rejeté la demande de report rétrospectif des pertes autres qu’en capital aux années d’imposition 2006, 2007 et 2008. L’ARC a également imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[10]        Il convient de noter que l’appelant avait fait l’objet de nouvelles cotisations le 4 mars 2010, pour les années d’imposition antérieures de 2002 à 2008, dans lesquelles les pertes d’entreprise déclarées ont été rejetées. Des pénalités pour faute lourde relativement à ces années lui ont également été imposées. Par conséquent, il a signé sa déclaration de revenus de 2009 le 31 mars 2010, sachant très bien que l’ARC remettait en question ses déclarations de revenus antérieures.

[11]        Un ami de l’appelant l’a présenté à Vijay Kapur, son comptable fiscaliste actuel. M. Kapur est un homme de parole et un vrai professionnel. Il a obtenu auprès de l’ARC toutes les déclarations de revenus antérieures de l’appelant, remontant jusqu’à 2003. C’est là qu’il a découvert que les spécialistes en déclarations de revenus précédents de l’appelant avaient rempli des déclarations de revenus frauduleuses indiquant des pertes d’entreprise inexistantes. M. Kapur a produit des déclarations de revenus modifiées pour les années d’imposition 2002 à 2009. Il a également interjeté le présent appel au nom de l’appelant afin d’essayer de le faire sortir de ce gâchis causé par ses spécialistes en déclarations de revenus sans scrupules. Il a apporté son soutien à l’appelant tout au long du présent appel. Son soutien est bien apprécié.

[12]        L’appelant soutient qu’il n’a tout simplement aucune connaissance ou compréhension de l’impôt sur le revenu et qu’il ignorait totalement que sa déclaration de revenus de 2009 comportait de faux renseignements. Dans le passé, il n’a jamais consulté, ni signé, ses déclarations de revenus. Il fait valoir qu’il est la victime innocente et inconsciente d’un spécialiste en déclarations de revenus peu scrupuleux qui a profité de sa naïveté et de son manque de connaissances et de compréhension. Il ne savait pas ce que son spécialiste de déclarations en revenus faisait et n’a jamais reçu aucune explication de sa part sur ce qui se passait. Il a tout simplement signé sa déclaration de revenus de 2009 et sa demande de report rétrospectif des pertes lorsque ces documents lui ont été présentés et qu’on lui a demandé de le faire. Il ne savait pas ce qui allait être produit en son nom et n’a jamais reçu de copies de ses déclarations de revenus de la part de ses spécialistes en déclarations de revenus. Il a fallu à M. Kapur beaucoup d’efforts pour corriger les problèmes causés par le peu scrupuleux « Len ». Le fait de se retrouver maintenant obligé de payer les pénalités très lourdes qui lui sont imposées à la suite de ce que Reyul et le spécialiste en déclarations de revenus inconnu lui ont fait se traduirait par d’énormes difficultés pour lui et sa famille. Il prie la Cour d’accueillir son appel et de faire annuler les pénalités et les intérêts qui font l’objet du présent appel.

[13]        L’intimée est d’avis que l’appelant n’a jamais possédé ni exploité quelque entreprise que ce soit au cours de l’année d’imposition 2009. Par conséquent, ses pertes d’entreprise telles que rapportées dans sa déclaration de revenus de 2009 et sa demande de report rétrospectif des pertes connexe sont évidemment fausses. Ces faux énoncés sont d’une telle ampleur qu’ils permettraient à l’appelant, s’ils étaient admis, de récupérer tout l’impôt payé ou retenu de 2005 à 2009. L’intimée allègue que l’appelant a sciemment fait ces faux énoncés. Subsidiairement, l’appelant a fait ces faux énoncés ou y a acquiescé dans des circonstances équivalant à faute lourde. À tout le moins, l’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire quant à la fausseté des énoncés faits dans sa déclaration de revenus et dans la demande connexe relativement au report rétrospectif des pertes. L’intimée demande instamment à la Cour de rejeter l’appel avec dépens.

Dispositions législatives

[14]        Le paragraphe 163(2) de la Loi est libellé en partie comme suit :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité [ ...]

[15]        En vertu du paragraphe 163(3), le ministre du Revenu national a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

Analyse

[16]        Notre régime fiscal repose à la fois sur l’autocotisation et l’autodéclaration. Il dépend de l’honnêteté et de l’intégrité du contribuable. Le contribuable a le devoir de déclarer la totalité de son revenu imposable de manière correcte et exacte, peu importe qui remplit sa déclaration de revenus. Par conséquent, le contribuable doit être vigilant et il doit s’assurer que les renseignements fournis dans sa déclaration sont complets et exacts. Le juge Martineau a déclaré dans la décision Northview Apartments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 74, au paragraphe 11 : « Le régime fiscal repose sur l’autocotisation et l’autodéclaration, dont sont responsables les contribuables envers l’ARC. »

[17]        Dans l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, les juges Iacobucci et Major de la Cour suprême du Canada ont expliqué les responsabilités et les devoirs des contribuables, ainsi que certaines mesures prévues dans la Loi pour en favoriser l’observation :

49 Toute personne résidant au Canada au cours d’une année d’imposition donnée est tenue de payer un impôt sur son revenu imposable, calculé selon les règles prescrites par la Loi (LIR, article 2 [...]). Le processus de perception des impôts repose principalement sur l’autocotisation et l’autodéclaration : tous les contribuables sont tenus d’estimer le montant de leur impôt annuel payable (art. 151) et d’en informer l’ADRC dans la déclaration de revenu qu’ils sont tenus de produire (par. 150(1)) [...] Dès qu’il reçoit la déclaration de revenu d’un contribuable, le ministre l’examine « avec diligence », fixe le montant de l’impôt à payer ou celui du remboursement et envoie au contribuable un avis de cotisation à cet effet (par.  152(1) et 152(2)). Sous réserve de certaines restrictions, le ministre peut par la suite établir une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt du contribuable pour une année d’imposition (par. 152(4)).

50 Bien que l’observation volontaire de la loi et l’autocotisation constituent les éléments essentiels du régime réglementaire de la LIR, le système fiscal est doté de [traduction] « mécanismes de persuasion visant à inciter les contribuables à déclarer leurs revenus » [...] Par exemple, pour favoriser l’aspect d’autodéclaration du régime, l’art. 162 de la LIR établit des peines pécuniaires pour les personnes qui omettent de produire leur déclaration de revenu.  De même, pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans le cadre de l’autocotisation, l’art. 163 de la Loi prévoit le même type de pénalités pour les personnes qui omettent de façon répétée de déclarer un montant à inclure, qui sont complices d’un faux énoncé ou d’une omission ou qui commettent une faute lourde à cet égard.

51 Il découle des caractéristiques fondamentales de l’autocotisation et de l’autodéclaration que le succès de l’application du régime fiscal repose avant tout sur la franchise du contribuable. Comme l’a déclaré le juge Cory dans l’arrêt Knox Contracting, précité, p. 350 : « Le système d’imposition dépend entièrement de l’intégrité du contribuable qui déclare et évalue son revenu. Pour que le système fonctionne, les déclarations doivent être remplies honnêtement ». Il n’est donc pas étonnant que la Loi tente de restreindre le risque qu’un contribuable essaie de « tirer profit du régime d’autodéclaration pour tenter d’éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi ». [...]

[Non souligné dans l’original. Références omises.]

[18]        Les pénalités prévues à l’article 163 de la Loi ont été établies pour assurer l’intégrité de notre régime d’autocotisation et d’autodéclaration et pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans la préparation de sa déclaration de revenus, peu importe qui la prépare. Dans la décision Sbrollini c. La Reine, 2015 CCI 178, le juge Boyle a exprimé l’avis que les dispositions relatives aux pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi renvoient à :

15 [...] la portée et l’importance des exigences d’honnêteté et d’exactitude du régime fiscal canadien, basé sur l’autodéclaration [...]

16 De telles pénalités sont dûment payables par [...] [le contribuable] s’il a délibérément, ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait de faux énoncés ou des omissions dans ses déclarations, ou y participe, y consent ou y acquiesce.

[19]        Par conséquent, je suis d’avis que la décision d’assujettir ou non un contribuable aux pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi doit être prise à la lumière des responsabilités et des devoirs imposés au contribuable par un régime d’autocotisation et d’autodéclaration, c’est-à-dire de déclarer des revenus complets et exacts.

[20]        Pour qu’une personne soit passible des pénalités prévues au paragraphe 163(2), il faut prouver deux éléments :

a)       elle doit avoir fait un faux énoncé dans une déclaration;

b)      elle doit avoir, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait le faux énoncé, y avoir consenti ou y avoir acquiescé.

[21]        Il n’y a aucun doute que la déclaration de 2009 de l’appelant et sa demande de report rétrospectif des pertes comportaient de faux énoncés. L’appelant n’a pas possédé ni exploité d’entreprise au cours de cette année-là et n’a donc pas eu de revenu ou de dépenses d’entreprise. Sa déclaration de pertes d’entreprise n’a aucun fondement en fait et s’avère manifestement fausse.

[22]        Je suis convaincu, cependant, que l’appelant n’a pas sciemment fait un faux énoncé, car il ne savait pas ce qui figurait dans sa déclaration de revenus et sa demande de report rétrospectif des pertes. Il n’a jamais consulté ces documents avant de les signer. La question est de savoir si l’appelant a fait un faux énoncé dans des circonstances équivalant à faute lourde. Le fardeau de la preuve incombe à la Couronne. En s’acquittant de son fardeau de la preuve, il ne suffit pas à la Couronne de prouver que l’appelant a simplement fait preuve de négligence; elle doit prouver que l’appelant a commis une faute lourde.

[23]        La négligence s’entend du défaut d’agir avec autant de soin que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente et minutieuse dans les mêmes circonstances. La faute lourde doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée ou à une indifférence au respect de la loi; voir la décision Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL). Dans la décision Farm Business Consultants Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. no 760 (QL), le juge Bowman (tel était alors son titre) de la Cour canadienne de l’impôt a déclaré au paragraphe 23 que l’expression « faute lourde », au paragraphe 163(2), sous-entend un comportement caractérisé par un degré de négligence si élevé qu’il frise l’insouciance. Dans un tel cas, une cour doit, même en appliquant une norme de preuve civile, examiner la preuve avec beaucoup de soin et viser un degré de probabilité plus élevé que celui auquel on s’attendrait dans des situations où l’on cherche à établir le bien-fondé d’allégations moins graves (au paragraphe 28).

[24]        Il est également bien établi en droit que la faute lourde peut comprendre l’« ignorance volontaire », une notion bien connue en droit criminel. Le juge Cory de la Cour suprême du Canada a expliqué en profondeur la notion d’« ignorance volontaire » en droit criminel dans l’arrêt R. c. Hinchey, [1996] 3 R.C.S. 1128. Selon la règle, si une partie qui a des soupçons omet délibérément de se renseigner davantage parce qu’elle désire demeurer dans l’ignorance, elle est réputée être au courant. Il y a « ignorance volontaire » lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité, préférant rester dans l’ignorance. Il y a un soupçon que le défendeur omet délibérément de transformer en une connaissance certaine. Le défendeur « s’est fermé les yeux » ou a fait preuve d’« ignorance volontaire ». 

[25]        Il a été décidé que la notion d’ignorance volontaire [aussi appelée « aveuglement volontaire »] est applicable aux affaires fiscales; voir les arrêts Canada c. Villeneuve, 2004 CAF 20, et Panini c. Canada, 2006 CAF 224. Dans l’arrêt Panini, le juge Nadon a clairement indiqué que la notion d’« aveuglement volontaire » est incluse dans celle de la « faute lourde », au sens où cette expression est utilisée au paragraphe 163(2) de la Loi. Il a déclaré ce qui suit :

43 [...] le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable.

[26]        Il a été décidé que, pour établir la distinction entre la négligence « ordinaire » et la faute « lourde », il faut examiner plusieurs facteurs, à savoir :

a)       l’importance de l’omission relative au revenu déclaré;

b)      la faculté du contribuable de découvrir l’erreur;

c)       le niveau d’instruction du contribuable et son  intelligence apparente;

d)      l’effort réel de se conformer à la loi.

Aucun facteur n’est prédominant. Il faut accorder à chacun des facteurs le poids qui lui convient dans le contexte de l’ensemble de la preuve (voir la décision DeCosta c. La Reine, 2005 CCI 545, au paragraphe 11; la décision Bhatti c. La Reine, 2013 CCI 143, au paragraphe 24; et la décision McLeod c. La Reine, 2013 CCI 228, au paragraphe 14).

[27]        Dans la décision Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, le juge C. Miller a fait un examen très approfondi de la jurisprudence touchant les pénalités pour faute lourde imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Il a résumé au paragraphe 65 les principes directeurs à appliquer, à savoir :

a)         La connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

b)         La notion d’aveuglement volontaire peut être appliquée aux pénalités pour faute lourde prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi [...]

c)         Pour savoir s’il y a eu ou non aveuglement volontaire, il faut tenir compte du niveau d’instruction et d’expérience du contribuable.

d)         Pour conclure à un aveuglement volontaire, il doit y avoir eu nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité.

e)         Les facteurs laissant supposer la [...] nécessité de s’informer avant la production d’une déclaration [...] comprennent ce qui suit :

i)          l’importance de l’avantage ou de l’omission;

ii)         le caractère flagrant du faux énoncé et la facilité avec laquelle il peut être décelé;

iii)        l’absence, dans la déclaration elle-même, d’une attestation du spécialiste qui a établi la déclaration;

iv)        les demandes inusitées du spécialiste;

v)         le fait que le spécialiste était auparavant inconnu du contribuable;

vi)        les explications inintelligibles du spécialiste;

vii)       le point de savoir si d’autres personnes ont eu recours au spécialiste ou ont fait des mises en garde à l’encontre de ce dernier, ou le point de savoir si le contribuable lui-même hésite à s’en ouvrir à d’autres.

f)         Le dernier critère de l’aveuglement volontaire est le fait que le contribuable ne s’enquiert pas auprès du spécialiste pour comprendre la déclaration de revenus, ni ne s’enquiert aucunement auprès d’un tiers, ou auprès de l’ARC elle-même.

[28]        Il ne s’agit certainement pas d’une liste exhaustive et il peut y avoir d’autres facteurs qui devraient être pris en considération en fonction des circonstances de chaque cas particulier.

[29]        En l’espèce, je suis convaincu que l’appelant n’a pas sciemment fait un faux énoncé. Il a lui-même avoué dans son témoignage qu’il ne savait tout simplement pas ce qui figurait dans sa déclaration de revenus de 2009, car il ne l’a jamais examinée. Cependant, je suis convaincu qu’il a acquiescé aux faux énoncés dans des circonstances équivalant à une faute lourde. Du moins, il a fait preuve d’aveuglement volontaire quant au faux contenu de sa déclaration de revenus de 2009. J’en viens à cette conclusion pour les motifs qui suivent.

[30]        L’appelant a l’équivalent d’un diplôme d’études secondaires au Canada. Il vit au Canada depuis 1995. Il a été régulièrement employé et gagne bien sa vie. Bien qu’il ne soit pas la personne la plus avertie du monde, il a une compréhension des notions élémentaires de la fiscalité et comprend la notion des profits et des pertes d’entreprise. Le niveau d’instruction ou d’expérience de la vie de l’appelant ne laisse pas à désirer au point où il puisse invoquer l’ignorance. Son niveau d’instruction, son expérience et son intelligence ne sont pas des considérations pouvant permettre à l’appelant d’échapper à la conclusion qu’il a fait de faux énoncés dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[31]         De nombreux signes avant-coureurs auraient dû éveiller les soupçons de l’appelant et susciter en lui le besoin de se renseigner davantage. Len, le comptable, lui a été recommandé par un collègue. Len n’appartenait pas à un cabinet comptable bien connu. L’appelant n’a vérifié aucune référence concernant Len et il semblerait, en fait, qu’il ne connaissait même pas le nom de famille de Len. Len ne voulait pas être payé par chèque; il ne voulait être payé qu’en espèces. L’argent comptant est légal et le paiement en espèces est certainement légal, mais on peut se demander pourquoi un spécialiste en déclarations de revenus professionnel ou un comptable fiscaliste insisterait sur l’argent comptant au lieu d’un chèque, d’un paiement par carte de crédit ou par carte de débit, qu’accepteraient la plupart des professionnels du monde des affaires d’aujourd’hui. Len n’a jamais expliqué quoi que ce soit à l’appelant et ne lui a jamais fourni des copies de ses déclarations de revenus. Lorsque l’appelant a fait l’objet d’une vérification relativement à ses déclarations de revenus de 2002 à 2008 pour avoir déclaré de fausses pertes d’entreprise, Len l’a menacé. L’appelant savait alors que Len était malhonnête, sournois et sans scrupules. Cependant, l’appelant a toujours accepté les conseils de Len et a décidé de communiquer avec Reyul sur recommandation de Len. On pourrait penser qu’un contribuable raisonnablement prudent hésiterait à accepter les recommandations de quelqu’un comme Len. Je trouve étonnant que l’appelant ait même envisagé de retenir une personne recommandée par Len.

[32]        Reyul, comme Len, voulait être payé en argent comptant et non par chèque. C’était un indice évident que Reyul, comme Len, n’exerçait probablement pas des activités licites. Comme il s’est avéré, Reyul n’était ni un spécialiste en déclarations de revenus ni un comptable fiscaliste; c’était seulement un intermédiaire entre l’appelant et le comptable. Le spécialiste en déclarations de revenus ou le comptable fiscaliste engagé par Reyul était inconnu de l’appelant et l’est encore puisque les deux ne se sont jamais rencontrés. L’appelant n’a jamais demandé, ni vérifié, des références concernant ce comptable inconnu. Il n’a pas examiné sa déclaration de revenus et l’a tout simplement signée sans vérifier l’exactitude des renseignements qui y figuraient, même s’il est le seul qui soit responsable en fin de compte de l’exactitude de ces renseignements. On ne lui a donné aucune explication et il n’a posé aucune question au sujet de sa déclaration de revenus. Il n’a jamais reçu de copie de sa déclaration de revenus. Il affirme qu’il n’a même pas vu s’il y avait des chiffres sur les documents qu’il a signés et n’a même pas vu s’il allait obtenir un remboursement ou le montant du remboursement. Je trouve invraisemblable le fait qu’il n’ait pas vu le montant du remboursement qu’il allait recevoir puisque ce remboursement est clairement indiqué sur la page où il devait apposer sa signature. En outre, la première chose qu’un contribuable souhaite savoir, c’est la bonne nouvelle de savoir combien on va lui rembourser ou la mauvaise nouvelle de savoir combien il doit payer. La nature humaine est ainsi faite. Lorsque l’appelant a produit sa déclaration de revenus de 2009, il savait que l’ARC mettait en doute ses déclarations des années précédentes en ce qui concerne les dépenses d’entreprise douteuses que Len avait déclarées en son nom. Cela aurait dû lui donner une raison de faire preuve de plus de diligence avant de signer et de produire sa déclaration de revenus de 2009, d’autant plus que Reyul lui avait été recommandé par Len à qui il ne pouvait tout simplement pas faire confiance. Toutes les considérations qui précèdent auraient dû amener l’appelant à soupçonner le comptable inconnu qui a rempli sa déclaration de revenus et à se demander ce qui se passait. Cependant, il ne l’a pas fait. En réalité, il n’a rien fait. Il a préféré rester parfaitement ignorant à l’égard des pratiques vraiment douteuses de son spécialiste en déclarations de revenus. Il s’est tout simplement fié à quelqu’un qu’il n’a jamais rencontré et lui a fait confiance.  En refusant de se renseigner, l’appelant n’a pas seulement fait preuve d’aveuglement volontaire, mais il a également commis une faute lourde, à mon avis.

[33]        Même en faisant abstraction de l’aveuglement volontaire, je suis d’avis que l’appelant a commis, par son comportement, une faute lourde. Comme l’ont souvent dit nos tribunaux, notre régime fiscal repose sur l’autocotisation et l’autodéclaration. Chaque contribuable a l’obligation de veiller à ce que tous les renseignements figurant dans sa déclaration de revenus soient complets et exacts, peu importe qui remplit cette déclaration de revenus. Ce n’est pas une lourde responsabilité. L’appelant n’a fait aucun effort pour s’assurer que les renseignements dans sa déclaration de revenus étaient complets et exacts. Il l’a tout simplement signée et produite sans même la regarder. S’il avait fait même le moindre effort, il aurait rapidement et facilement découvert les renseignements manifestement faux qui y figuraient. L’appelant ne peut pas, dans le but de rejeter le blâme sur autrui, prétendre qu’il était victime d’un spécialiste en déclarations de revenus malhonnête alors qu’il n’a fait aucun effort pour vérifier l’exactitude de sa déclaration de revenus.

[34]        Dans la décision Laplante c. La Reine, 2008 CCI 335, le juge Bédard a écrit ce qui suit :

15 [...] L’appelant ne peut pas se dégager ici de sa responsabilité en pointant du doigt son comptable. En tentant de se soustraire ainsi à toute responsabilité à l’égard de ses déclarations de revenus, l’appelant se trouve à rejeter négligemment du revers de la main les responsabilités, les devoirs ou les obligations que lui impose la Loi. [...]

[35]        Dans le jugement Brochu c. La Reine, 2011 CCI 75, la Cour a maintenu les pénalités pour faute lourde imposées à une contribuable qui s’était simplement fiée aux énoncés de sa comptable qui lui avait affirmé que tout était en règle. La contribuable a dit avoir rapidement feuilleté sa déclaration de revenus et a prétendu qu’elle ne comprenait pas les termes « revenus d’entreprise » et « crédit », mais elle n’a pourtant posé aucune question à sa comptable ni à qui que ce soit d’autre pour s’assurer que ses revenus et ses dépenses étaient correctement comptabilisés. Le juge Favreau de la Cour était d’avis que, parce que la contribuable n’a pas songé à la nécessité de s’informer, elle avait été négligente, ce qui constituait une faute lourde.

[36]        Un autre exemple récent est donné dans l’affaire Atutornu c. La Reine, 2014 CCI 174, où les contribuables se sont simplement et aveuglément fiés aux conseils de leur spécialiste en déclarations de revenus sans lire ni examiner leurs déclarations et sans faire aucun effort pour en vérifier l’exactitude.

[37]        Il a été décidé que le fait de ne pas revoir sa déclaration de revenus avant de la signer et de la produire peut, en soi, entraîner une conclusion de faute lourde. Comme l’a déclaré le juge Tardif dans la décision Gingras c. Canada, [2000] A.C.I. no 541 (QL) :

31 [...] il est tout à fait répréhensible d’attester par sa signature que les renseignements fournis sont exacts alors que l’on sait ou devrait savoir qu’elle contient de faux énoncés. Un tel comportement est suffisant pour conclure à une faute lourde justifiant l’imposition des pénalités applicables.

[38]        Dans le jugement Laplante, précité, le juge Bédard a écrit ceci :

15 De toute façon, je suis d’avis que la négligence de l’appelant (soit le fait de ne pas examiner du tout ses déclarations de revenus avant de les signer) était assez grave pour justifier l’épithète « lourde » qui est quelque peu péjorative. L’attitude de l’appelant était si cavalière en l’espèce qu’elle traduisait une indifférence totale au respect de la Loi. L’appelant n’a‑t‑il pas admis que, s’il avait examiné ses déclarations de revenus avant de les signer, il aurait nécessairement décelé les nombreux faux énoncés qui y apparaissaient, énoncés qui auraient été faits par monsieur Cloutier? [...] En l’espèce, la Loi imposait au minimum à l’appelant l’obligation de jeter un coup d’œil sur ses déclarations de revenus avant de les signer, d’autant plus qu’en l’espèce il a admis que cet examen rapide lui aurait permis de déceler les faux énoncés que son comptable avait faits.

[Souligné dans l’original.]

[39]        Plus récemment encore, le juge Bowie a déclaré, dans la décision Brown c. La Reine, 2009 CCI 28, ce qui suit :

20 Par ailleurs, pour ce qui est des pénalités pour faute lourde imposées à l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’appelant a lui-même clairement affirmé au début de son témoignage qu’il n’avait jamais porté attention aux revenus et aux dépenses indiqués dans les déclarations pour les quatre années en cause lorsqu’il les signait. L’appelant a dit qu’il conservait ses dossiers, préparait des tableaux de ventilation à partir de ses dossiers et qu’il donnait les tableaux à une spécialiste en déclarations de revenus, qui se servait des documents qu’elle recevait de l’appelant pour préparer les déclarations de revenus de ce dernier. La spécialiste n’a pas témoigné, mais, si l’on se fie à la version des faits de l’appelant, il reste que l’appelant était quand même tenu d’examiner ses déclarations de revenus avant de les signer et de les produire auprès du ministre. La déclaration que le contribuable fait lorsqu’il signe sa déclaration de revenus est ainsi rédigée :

J’atteste que les renseignements donnés dans cette déclaration et dans tous les documents annexés sont exacts, complets et révèlent la totalité de mes revenus [...]

Le fait de signer une déclaration de revenus et de faire, par le fait même, la déclaration précitée sans même vérifier le contenu de la déclaration – ce qu’a fait l’appelant, si j’ai bien compris son témoignage – constitue, à lui seul, une faute lourde qui justifie l’imposition des pénalités.

[40]        Dans le jugement Bhatti, précité, le juge C. Miller a fait remarquer ceci :

30 [...] Il est tout simplement insuffisant d’affirmer ne pas avoir vérifié ses déclarations. Confier aveuglément ses obligations à quelqu’un d’autre sans même une vérification minimale de l’exactitude de la déclaration va au-delà de l’imprudence. Donc, même si elle n’a pas sciemment omis de déclarer le revenu, elle a certainement adopté l’attitude cavalière du laisser-aller. [...]

[41]        Je suis d’avis que, dans les circonstances de l’espèce, l’appelant a complètement manqué à ses devoirs aux termes de la Loi. Il n’a fait aucun effort pour se conformer aux exigences de la Loi au moment de la production. L’appelant, de par son comportement tout au long de cette affaire, a non seulement fait preuve de négligence, mais il a également commis une faute lourde.

Conclusion

[42]        Il ne fait aucun doute que la déclaration de revenus de 2009 de l’appelant et sa demande de report rétrospectif de pertes comportaient de faux énoncés, étant donné que l’appelant n’exploitait aucune entreprise et qu’il n’a subi absolument aucune perte d’entreprise. Dans les circonstances de l’espèce, je ne peux arriver à aucune autre conclusion que la suivante : l’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire et a commis une faute lourde quant à la fausseté de ces énoncés. C’est particulièrement vrai dans la mesure où il a signé sa déclaration de revenus et a ainsi attesté l’exactitude des renseignements qui y figuraient sans se soucier même d’y jeter un coup d’œil ou de faire un effort pour vérifier l’exactitude de la déclaration. Il est donc à juste titre assujetti aux pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[43]        Son appel est rejeté pour l’ensemble des motifs qui précèdent. L’intimée a droit à ses dépens.

Signé à Kingston (Ontario), ce 27e jour de janvier 2016.

« Rommel G. Masse »

Le juge suppléant Masse

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de novembre 2016.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 26

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-509(IT)G

 

INTITULÉ :

OMAR RAMLAL c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 octobre 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable Rommel G. Masse, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 janvier 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Jan Jensen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Pour l’appelant :

 

 

      Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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