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Dossier : 2013-1178(IT)G

ENTRE :

EDWARD GRAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 6 novembre 2015 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Jeffrey Radnoff

Charles Hayworth (stagiaire)

 

Avocat de l’intimée :

Me Christian Cheong

JUGEMENT

Pour les motifs du jugement ci-joints, l’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté.

L’intimée a droit à ses dépens.

Signé à Kingston (Ontario), ce 8e jour de mars 2016.

« Rommel G. Masse »

Le juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de septembre 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2016 CCI 54

Date : 20160308

Dossier : 2013-1178(IT)G

ENTRE :

EDWARD GRAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

Aperçu

[1]             L’appelant, Edward Gray, interjette appel de la pénalité pour faute lourde qui lui a été imposée conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi ») relativement à sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2008 et à une demande connexe de report rétrospectif d’une perte pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007. En préparant la déclaration de revenus de l’appelant, le spécialiste en déclarations a déduit de fausses pertes d’entreprise très élevées. Si ces pertes avaient été admises, tout l’impôt payé ou retenu à la source pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007 et 2008 aurait été remboursé à l’appelant. Dans les faits, l’appelant n’a jamais possédé ni exploité quelque type d’entreprise que ce soit durant la période d’imposition visée. L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a rejeté les pertes et pénalisé l’appelant en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. La présente affaire vise seulement les pénalités imposées.

Contexte factuel

[2]             L’appelant est un homme de 85 ans. Il a fait des études universitaires à Montréal de 1949 à 1952. Il a étudié le commerce pendant un an, mais ce domaine ne lui convenait pas. Il s’est donc tourné vers les arts et le programme préparatoire de médecine, mais a mis fin à ses études avant d’obtenir un diplôme. Il a ensuite passé un certain temps en Europe. À son retour au Canada, il s’est qualifié pour devenir pilote. Il a déniché un emploi au sein des Lignes aériennes Trans-Canada (maintenant Air Canada). Il dit avoir été pilote pour Air Canada pendant [traduction] « 35 ans, 5 mois et 2 jours » (transcription, page 8). J’ai l’impression que cet homme a beaucoup apprécié sa carrière professionnelle. Il a pris sa retraite d’Air Canada en 1990.

[3]             Il n’a aucune expérience en affaires ni en comptabilité et il a toujours fait préparer ses déclarations de revenus par un tiers. Il en a d’abord confié la préparation à Guardian Trust, puis pendant deux ans à TACS, une entreprise spécialisée dans ce domaine. Cependant, il trouvait que TACS demandait des honoraires exorbitants pour préparer une déclaration de revenus qui lui semblait relativement simple. Ces honoraires, estime-t-il, s’élevaient à environ 500 $.

[4]             M. Gray connaît Ted Strachan depuis environ 20 ans. Leurs épouses sont de grandes amies. M. Strachan a recommandé à l’appelant un certain Carlton Branch, le spécialiste en déclarations de M. Strachan depuis un certain temps. M. Gray a retenu les services de M. Branch pour préparer ses déclarations de revenus, ce qu’il a fait pendant quatre ou cinq ans sans incident.

[5]             En avril 2009, à l’approche de la période de déclaration des revenus, M. Branch s’est rendu au domicile de M. Gray pour récupérer ses documents fiscaux, comme à l’habitude. Plusieurs personnes étaient alors présentes, à savoir l’épouse de l’appelant, M. Strachan et son épouse, Carrol Strachan, ainsi que Norman Galt et son épouse, Margaret Galt. M. Gray connaît les Galt depuis environ 10 ans. Cette rencontre était en fait un effort de vente mené par M. Branch au nom de Fiscal Arbitrators, une société de professionnels spécialistes en déclarations dont son collègue Larry Watts et lui-même étaient membres. M. Branch a affirmé aux personnes présentes à la rencontre qu’il existait une nouvelle méthode de préparation des déclarations de revenus permettant d’obtenir un remboursement intéressant. Selon M. Gray, M. Branch a expliqué très habilement cette nouvelle méthode, même s’il avait lui-même certaines difficultés à l’expliquer. Il a fait comprendre à M. Gray qu’il était simplement un numéro d’assurance sociale aux yeux du gouvernement et que, à titre de personne physique, il était une personne distincte à des fins fiscales. Il a expliqué à M. Gray qu’il pouvait déduire des pertes d’entreprise, ces pertes d’entreprise correspondant en fait à ses frais de subsistance personnels, c’est-à-dire des frais imputés à son numéro d’assurance sociale pour assurer sa subsistance. Je dois avouer que cette méthode m’a l’air complètement insensée. M. Branch a déclaré que cette méthode était tout à fait dans les règles et parfaitement légale. Puisque M. Branch avait déjà travaillé pour l’ARC, il projetait une image d’expert. M. Strachan a prétendu que Carrol, son épouse, avait reçu un important remboursement grâce à cette méthode, ce qu’elle a confirmé durant la rencontre. M. Gray était donc convaincu que cette nouvelle façon de préparer les déclarations de revenus était effectivement dans les règles. M. Branch lui a expliqué que, s’ils choisissaient d’adopter cette méthode, ils devaient accepter que toute communication avec l’ARC se fasse par écrit et toujours laisser à M. Branch le soin de répondre à l’ARC.

[6]             M. Galt était présent à la rencontre. Il a été banquier pendant 28 ans et a occupé divers postes de responsabilité. Il a raconté ce qu’il se souvenait de la rencontre. Il a compris que Carlton Branch et Larry Watts étaient partenaires au sein d’une entreprise appelée Fiscal Arbitrators (« FA ») et qu’ils avaient beaucoup d’expérience avec l’ARC. M. Galt a également compris que FA avait mis au point une nouvelle méthode de produire les déclarations de revenus. Plus d’un millier de contribuables canadiens avaient adopté cette nouvelle méthode. Mme Strachan a confirmé qu’elle avait elle-même reçu un remboursement grâce à cette méthode. M. Galt a déclaré que la méthode était extrêmement compliquée et alambiquée. Il a ajouté que le contribuable produisait sa déclaration comme s’il n’était pas visé par la méthode habituelle. Selon la nouvelle méthode, les particuliers avaient le droit de déduire leurs dépenses personnelles et n’avaient rien à déclarer au gouvernement. M. Galt était conscient de l’imbroglio créé par cette situation. Personne sauf FA n’avait fait l’essai de cette méthode. M. Galt ignorait si l’ARC allait l’autoriser ou non. Il était méfiant. Après avoir posé plusieurs questions à M. Branch à ce sujet, il a décidé de produire sa déclaration de revenus de 2008 de la façon habituelle. Cependant, FA a produit en son nom une déclaration visant les années précédentes, que l’ARC a rejetée.

[7]             FA a préparé la déclaration de revenus de 2008 de M. Gray, qui l’a produite à l’ARC. Une copie de cette déclaration a été déposée sous la cote R-1, à l’onglet 1. Bien qu’il n’admette pas avoir signé cette déclaration de revenus, l’appelant indique que la signature apposée à la dernière page du document ressemble à la sienne. Je considère comme étant avéré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’agit de sa signature. À la dernière page, juste au-dessus de la signature de l’appelant, on peut lire la certification habituelle par laquelle le contribuable atteste que les renseignements fournis dans la déclaration et dans tous les documents joints sont exacts, complets et révèlent la totalité de ses revenus. Il prétend ne pas l’avoir vue. Juste au-dessous de sa signature, on peut lire que faire une fausse déclaration constitue une infraction grave. Il affirme qu’il n’a peut-être pas vu cette phrase; il est malgré tout conscient qu’il ne faut pas mentir dans sa déclaration de revenus. Devant sa signature, on peut lire le mot « per » (par). Il ne sait pas qui l’a écrit, mais ne croit pas l’avoir fait. On lui a simplement dit d’apposer sa signature à la suite de « per » parce que c’est ainsi que cela devait être fait. Il n’a pas remarqué que la case 490, réservée à l’identification du spécialiste ayant préparé la déclaration de revenus, est demeurée vide.

[8]             La déclaration de revenus de l’appelant contient des renseignements d’une fausseté flagrante. Dans sa déclaration, l’appelant indique avoir subi des pertes d’entreprise nettes s’élevant à 458 476,10 $ pour l’année. Cette information est complètement fausse. Le seul revenu important que l’appelant a touché durant l’année d’imposition 2008 était essentiellement un revenu de pension, des prestations du Régime de pensions du Canada, une pension de la Sécurité de vieillesse ainsi qu’un revenu tiré d’un fonds enregistré de revenu de retraite; il n’a tiré aucun revenu d’une entreprise. L’appelant n’a jamais possédé ni exploité une entreprise en 2008 et il n’a jamais engagé les dépenses d’entreprise qui ont été déclarées. Il ignore tout simplement de quelle façon les montants inscrits dans sa déclaration de revenus ont été calculés. Il n’a certainement jamais fourni à FA des renseignements qui auraient permis d’arriver à ces montants.

[9]             L’appelant dit ne pas avoir remarqué qu’il allait obtenir un remboursement de quelque 40 800 $ pour l’année 2008. Cependant, le montant du remboursement est clairement inscrit à la droite de sa signature, sur la dernière page de sa déclaration de revenus. Il serait très difficile de ne pas le remarquer. En outre, la nature humaine étant ce qu’elle est, il est normal qu’un contribuable désire connaître le montant de son remboursement fiscal. Les années précédentes, l’appelant avait l’habitude de payer un supplément d’impôt, plutôt que d’obtenir un remboursement.

[10]        L’appelant a également signé une demande de report rétrospectif d’une perte le 10 mai 2009 (pièce R-1, onglet 1, pages 14 et 15), mais il affirme ne pas savoir qu’il l’avait fait. Puisqu’il s’agit manifestement de sa signature, je conclus qu’il a effectivement signé ce document. L’appelant a imputé une partie de ces pertes d’entreprise contre son revenu de 2008 et il a demandé que le solde soit reporté et appliqué de façon rétrospective aux années d’imposition 2005, 2006 et 2007. Si ces pertes d’entreprise avaient été admises, tout l’impôt payé ou retenu à la source pour les années d’imposition 2005 à 2008 lui aurait été remboursé. Il aurait ainsi obtenu un congé fiscal pour ces quatre années. Il prétend ne jamais avoir autorisé la demande de report rétrospectif de ses pertes, tout en ajoutant qu’il ne s’est jamais rendu compte qu’il n’aurait eu aucun impôt à payer.

[11]        L’appelant admet qu’il a examiné sa déclaration de revenus, mais qu’il n’y a pas compris grand-chose, car il n’est pas particulièrement doué pour les chiffres. Il reconnaît que les montants qu’il a vus dans sa déclaration de revenus lui ont semblé très élevés. Il affirme avoir peut-être vu qu’il déclarait des pertes d’entreprise de plus de 458 000 $. Lorsqu’il a posé des questions à ce sujet, on l’a informé que c’était la façon de faire. On lui a dit : [traduction] « ne vous inquiétez pas, ce sont les dépenses engagées pour assurer votre subsistance » (transcription, page 14). M. Gray admet n’avoir fourni au spécialiste en déclarations aucun renseignement qui lui aurait permis d’arriver à ce montant. Il ne sait pas comment le spécialiste en déclarations en est arrivé à ce montant. Il n’a rien fait pour vérifier l’exactitude des renseignements inscrits dans sa déclaration de revenus. Il dit avoir posé beaucoup de questions, mais que les réponses qui lui ont été données ne l’ont pas éclairé.

[12]        L’appelant a reçu une lettre de FA, dont une copie a été déposée sous la cote A-1, à l’onglet 2. Il dit ne pas se souvenir d’avoir reçu cette lettre mais, de son propre aveu, il l’aurait bel et bien reçue. Cette lettre se veut une annexe à un accord conclu avec FA en date du 15 juillet 2008. Cet accord prévoyait des frais initiaux de 500 $ et 10 % de tout remboursement (moins les frais initiaux). L’appelant affirme qu’à un moment donné, ce pourcentage est passé à 20 % de tout remboursement; il ne peut expliquer comment cela s’est produit. Le remboursement total a été évalué à 130 114,29 $ pour les quatre années, c’est-à-dire de 2004 à 2007. Il ne se souvient pas d’avoir payé les 500 $. On lui avait seulement dit qu’on préparerait sa déclaration de revenus de 2008. Il a appris plus tard qu’on y avait ajouté quelques années.

[13]        Le 13 novembre 2009, l’ARC a fait parvenir à l’appelant une lettre dans laquelle elle remet en question ses pertes d’entreprise et lui demande une preuve documentaire (pièce R­1, onglet 3). Cette lettre a bouleversé l’appelant. Il ne savait pas du tout comment y répondre, alors il a tenté de joindre M. Branch, en vain. Il a finalement parlé à M. Watts, qui lui a dit de lui faire parvenir la lettre et qu’il allait y répondre. La réponse que M. Watts a fournie lui a paru insensée. L’appelant a reçu d’autres lettres de l’ARC, qu’il a remises à M. Watts, qui prenait soin de rédiger une réponse. Toutes les réponses étaient absurdes. Malgré cela, l’appelant a fait exactement ce que FA lui demandait de faire. Une réponse en particulier, déposée sous la cote A-1, à l’onglet 24, est absolument ridicule. L’appelant a reçu comme directive de coller un timbre de trois ou cinq cents dans le coin inférieur droit de la lettre de réponse et d’y apposer sa signature à un angle de 45 degrés entre le coin inférieur gauche et le coin supérieur droit du timbre. Même si cette directive lui a semblé déroutante, on ne lui a jamais expliqué pourquoi il devait procéder ainsi. Les explications de M. Watts ont toujours été évasives et dénuées de sens. La plupart du temps, M. Watts disait simplement qu’il allait s’en occuper. L’appelant n’a jamais communiqué directement avec l’ARC et ne lui a jamais fourni les renseignements qu’elle avait demandés. Il a continué de faire affaire avec FA, ne sachant pas vers qui d’autre se tourner. Il n’a jamais demandé conseil auprès d’une autre personne.

[14]        Finalement, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a rejeté les pertes d’entreprise déclarées ainsi que la demande de report rétrospectif de pertes et il a imposé à l’appelant une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. L’appelant s’est opposé à cette cotisation, mais le ministre l’a ratifiée, d’où le présent appel devant la Cour.

[15]        On fait valoir que M. Gray ne devrait pas être passible des pénalités pour faute lourde, étant donné qu’il n’était pas au courant des faux énoncés contenus dans sa déclaration de revenus de 2008 et qu’il n’a fait preuve ni d’aveuglement volontaire ni de faute lourde. On fait valoir que le fait de dépendre des conseils d’un spécialiste en déclarations en qui on a confiance ne constitue ni un aveuglement volontaire ni une faute lourde. Une telle dépendance réfute toute conclusion de conduite intentionnelle, laquelle est requise pour imposer des pénalités pour faute lourde. On fait valoir que M. Gray croyait en toute honnêteté avoir droit à un remboursement d’impôt, étant donné les conseils reçus de M. Branch et l’affirmation de Mme Strachan selon laquelle elle avait obtenu un remboursement. L’appelant croyait que la méthode était tout à fait dans les règles. Il est injuste de punir l’appelant pour les méfaits de FA, car il est une victime innocente de la conduite frauduleuse de FA. Par conséquent, l’appelant demande à la Cour d’accueillir son appel avec dépens et de faire annuler les pénalités et les intérêts qui font l’objet du présent appel.

[16]        L’intimée est d’avis que l’appelant n’a jamais possédé ni exploité quelque type d’entreprise que ce soit en 2008 et que les pertes d’entreprise qu’il a déclarées sont manifestement fausses. Ces faux énoncés sont d’une telle ampleur qu’ils permettraient à l’appelant, s’ils étaient admis, de récupérer tout l’impôt payé ou retenu au cours des quatre dernières années. L’intimée soutient que l’appelant a sciemment fait les faux énoncés. Subsidiairement, l’appelant a fait ces faux énoncés, ou y a participé, consenti ou acquiescé, dans des circonstances équivalant à faute lourde. À tout le moins, l’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire quant à la fausseté des énoncés fournis dans sa déclaration de revenus. L’intimée invite la Cour à rejeter l’appel avec dépens.

Dispositions législatives

[17]        Le paragraphe 163(2) de la Loi est libellé en partie comme suit :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité […].

[18]        En vertu du paragraphe 163(3), le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

Analyse

[19]        L’avocat de l’appelant a fait beaucoup de recherches et a fourni un recueil de jurisprudence pour m’orienter. Voici les précédents cités dans son recueil : l’arrêt R. c. Hinchey, [1996] 3 RCS 1128; l’arrêt Udell v. MRN, [1969] C.T.C. 704 (C. de l’É.); la décision Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL); la décision Dunleavy c. La Reine, [1993] A.C.I. no 78, 1 C.T.C. 2648 (CCI); la décision Farm Business Consultants Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. no 760 (QL), décision confirmée par la Cour d’appel fédérale, [1996] A.C.F. no 82 (QL); l’arrêt R. c. Jorgensen, [1995] 4 RCS 55; la décision Carlson c. La Reine, [1997] A.C.I. no 1351, [1998] 2 C.T.C. 2476 (CCI); la décision 897366 Ontario Ltd. c. Canada, [2000] A.C.I. no 117 (QL); l’arrêt Findlay c. Canada, [2000] A.C.F. no 731 (QL); la décision Turcotte c. La Reine, 2002 CanLII 782, [2002] 2 C.T.C. 2806 (CCI); la décision Isaza c. La Reine, 2002 CanLII 777, [2002] 3 C.T.C. 2107 (CCI); la décision Therrien c. La Reine, 2002 CanLII 781, [2002] 3 C.T.C. 2141 (CCI); la décision 410812 Ontario Ltd. c. Canada, [2002] A.C.I. no 176 (QL); la décision McGhee v. The Queen, 2003 TCC 265; la décision Bernick c. La Reine, 2003 CCI 433, décision confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2004 CAF 191; la décision Klotz c. La Reine, 2004 CCI 147; la décision St-Pierre c. Canada, [2002] A.C.I. no 613 (QL); la décision Julian c. La Reine, 2004 CCI 330; la décision Caron c. Canada, [2002] A.C.I. no 696 (QL); la décision Larouche c. La Reine, 2004 CCI 629; la décision Mark c. La Reine, 2006 CCI 35; la décision Hine c. La Reine, 2012 CCI 295; et la décision Murugesu c. La Reine, 2013 CCI 21.

[20]        L’avocat de l’intimée a également fourni un recueil de jurisprudence. Voici les précédents cités dans son recueil : la décision Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL); l’arrêt Canada c. Villeneuve, 2004 CAF 20; la décision DeCosta c. La Reine, 2005 CCI 545; l’arrêt Panini c. Canada, 2006 CAF 224; la décision Laplante c. La Reine, 2008 CCI 335; la décision Gélinas c. La Reine, 2009 CCI 136; la décision Chénard c. La Reine, 2012 CCI 211; la décision Bhatti c. La Reine, 2013 CCI 143; l’arrêt Mullen c. Canada, 2013 CAF 101; la décision Janovsky c. La Reine, 2013 CCI 140; la décision McLeod c. La Reine, 2013 CCI 228; la décision Brisson c. La Reine, 2013 CCI 235; la décision Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, décision confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2015 CAF 60; la décision Allison v. The Queen (4 février 2014), TCC, 2013-2144(IT)I; l’arrêt Guindon c. Canada, 2015 CSC 41; la décision Lavoie c. La Reine, 2015 CCI 228; et la décision Atutornu c. La Reine, 2014 CCI 174.

[21]        Je remercie les avocats d’avoir effectué cet utile examen de la jurisprudence.

[22]        Il est évident que notre régime fiscal repose à la fois sur l’autocotisation et l’autodéclaration. Il est fondé sur l’honnêteté et l’intégrité du contribuable. Il s’appuie sur un « système de confiance ». Le contribuable a le devoir de déclarer la totalité de son revenu imposable de manière correcte et exacte, peu importe qui prépare sa déclaration de revenus. Par conséquent, le contribuable doit être vigilant et s’assurer que les renseignements fournis dans sa déclaration sont complets et exacts. Comme l’indique le juge Martineau au paragraphe 11 de la décision Northview Apartments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 74, « Le régime fiscal repose sur l’autocotisation et l’autodéclaration, dont sont responsables les contribuables envers l’ARC ».

[23]        Dans l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, les juges Iacobucci et Major de la Cour suprême du Canada ont expliqué les responsabilités et les devoirs des contribuables, ainsi que quelques mesures prévues dans la Loi pour encourager les contribuables à s’y conformer :

49 Toute personne résidant au Canada au cours d’une année d’imposition donnée est tenue de payer un impôt sur son revenu imposable, calculé selon les règles prescrites par la Loi (LIR, article 2 [...]). Le processus de perception des impôts repose principalement sur l’autocotisation et l’autodéclaration : tous les contribuables sont tenus d’estimer le montant de leur impôt annuel payable (art. 151) et d’en informer l’ADRC dans la déclaration de revenu qu’ils sont tenus de produire (par. 150(1)). [...] Dès qu’il reçoit la déclaration de revenu d’un contribuable, le ministre l’examine « avec diligence », fixe le montant de l’impôt à payer ou celui du remboursement et envoie au contribuable un avis de cotisation à cet effet (par. 152(1) et (2)). Sous réserve de certaines restrictions, le ministre peut par la suite établir une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt du contribuable pour une année d’imposition (par. 152(4)).

50 Bien que l’observation volontaire de la loi et l’autocotisation constituent les éléments essentiels du régime réglementaire de la LIR, le système fiscal est doté de [traduction] « mécanismes de persuasion visant à inciter les contribuables à déclarer leurs revenus » [...]. Par exemple, pour favoriser l’aspect d’autodéclaration du régime, l’art. 162 de la LIR établit des peines pécuniaires pour les personnes qui omettent de produire leur déclaration de revenu. De même, pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans le cadre de l’autocotisation, l’art. 163 de la Loi prévoit le même type de pénalités pour les personnes qui omettent de façon répétée de déclarer un montant à inclure, qui sont complices d’un faux énoncé ou d’une omission ou qui commettent une faute lourde à cet égard.

51 Il découle des caractéristiques fondamentales de l’autocotisation et de l’autodéclaration que le succès de l’application du régime fiscal repose avant tout sur la franchise du contribuable. Comme le juge Cory l’a affirmé dans l’arrêt Knox Contracting, précité, p. 350 : « Le système d’imposition dépend entièrement de l’intégrité du contribuable qui déclare et évalue son revenu. Pour que le système fonctionne, les déclarations doivent être remplies honnêtement ». Il n’est donc pas étonnant que la Loi tente de restreindre le risque qu’un contribuable essaie de « tirer profit du régime d’auto-déclaration pour tenter d’éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi ». [...]

[Non souligné dans l’original. Renvois omis.]

[24]        Les pénalités prévues à l’article 163 de la Loi ont été établies pour assurer l’intégrité de notre régime d’autocotisation et d’autodéclaration et pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans la préparation de sa déclaration de revenus, peu importe qui la prépare. Dans la décision Sbrollini c. La Reine, 2015 CCI 178, le juge Boyle de la Cour est d’avis que la disposition prévoyant une pénalité au paragraphe 163(2) de la Loi traduit ce qui suit :

15 […] [L]’importance des exigences d’honnêteté et de fidélité requises dans le cadre du régime fiscal canadien d’autodéclaration des revenus […].

16 De telles pénalités sont dûment payables par [le contribuable] s’il a délibérément, ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait de faux énoncés ou des omissions dans ses déclarations, ou y participe, y consent ou y acquiesce.

[25]        Par conséquent, je suis d’avis que la décision d’assujettir ou non un contribuable aux pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi doit être prise à la lumière des responsabilités et des devoirs imposés au contribuable par un régime d’autocotisation et d’autodéclaration, c’est-à-dire de déclarer des revenus complets et exacts.

[26]        Deux éléments doivent nécessairement être établis pour rendre un contribuable passible des pénalités prévues au paragraphe 163(2) :

a)       un faux énoncé dans une déclaration;

b)      le fait d’avoir, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait le faux énoncé ou d’y avoir participé, consenti ou acquiescé.

[27]        Il est incontestable que la déclaration de revenus de 2008 de M. Gray contenait de faux énoncés. Il n’a jamais possédé ni exploité quelque type d’entreprise que ce soit en 2008. Les pertes d’entreprise qu’il a déclarées sont manifestement fausses.

[28]        Au cours de son contre-interrogatoire, M. Gray a admis qu’il avait regardé sa déclaration de revenus avant de la produire, même s’il reconnaît ne pas réellement l’avoir comprise. Il a également affirmé avoir vu quelques-uns des montants inscrits sur sa déclaration de revenus, qui lui ont semblé très élevés. Il affirme avoir peut-être vu qu’il déclarait des pertes d’entreprise de plus de 458 000 $. M. Gray ne sait pas comment on en est arrivé à ce montant et il admet n’avoir fourni à FA aucun renseignement qui aurait permis d’arriver à ce montant. Par conséquent, il devait savoir que ces montants n’étaient aucunement fondés en fait. J’en arrive à la conclusion, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant savait que sa déclaration de revenus contenait de faux renseignements et qu’il en a pris connaissance en apercevant les montants absolument évidents tellement ils sont anormalement élevés, qui sont décrits dans sa déclaration de revenus comme des pertes d’entreprise. Cette conclusion suffit à elle seule pour justifier l’imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[29]        Si je fais erreur en concluant que l’appelant était conscient des faux renseignements, alors je dois poursuivre mon analyse et examiner s’il a ou non fait le faux énoncé figurant dans sa déclaration de revenus ou s’il y a participé, consenti ou acquiescé dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[30]        Il y a une différence entre la négligence ordinaire et la faute lourde. Plusieurs de mes collègues et moi avons à maintes occasions scruté le droit dans les récentes décisions prises dans ce domaine. La négligence est le défaut d’agir avec autant de soin que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente et minutieuse dans des circonstances semblables. La faute lourde implique une négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi; voir la décision Venne, précitée. Dans la décision Venne, le juge Strayer de la Cour fédérale (Section de première instance) a indiqué que le paragraphe 163(2) constitue une disposition pénale à interpréter de façon stricte. Les pénalités prévues doivent être imposées uniquement dans les affaires où il existe un degré élevé de faute impliquant la connaissance ou la mauvaise conduite insouciante.

[31]        Toutefois, dans l’arrêt Guindon, précité, la Cour suprême du Canada considère que l’article 163.2 de la Loi, lequel prévoit l’imposition de pénalités pour faute lourde aux tiers qui préparent des déclarations de revenus, n’est pas une disposition pénale. Cet article prévoit une pénalité administrative qui vise principalement l’observation de règles ou la réglementation de la conduite dans une sphère d’activité limitée; son objectif est de promouvoir l’honnêteté des tiers et de les dissuader de commettre une faute lourde, des qualités essentielles du volet d’autodéclaration du régime de cotisation fiscale. Je suis d’avis que l’on peut dire la même chose des pénalités prévues au paragraphe 163(2) qui nous intéressent en l’espèce. Par conséquent, on ne doit pas chercher des éléments de preuve qui se rapprochent de la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable avant de conclure que l’imposition des pénalités prévues au paragraphe 163(2) est justifiée. Néanmoins, les pénalités visent à sanctionner une conduite grave, et non la négligence ordinaire ou la simple erreur d’un contribuable.

[32]        Il est également bien établi que la faute lourde peut comprendre l’« ignorance volontaire » (aussi appelée « aveuglement volontaire »). Cette notion bien connue en droit criminel a été expliquée par le juge Cory de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hinchey, précité. Selon la règle, si une partie qui a des soupçons omet délibérément de se renseigner davantage parce qu’elle désire demeurer dans l’ignorance, elle est réputée être au courant.

[33]        Il a été décidé que la notion d’ignorance volontaire est applicable aux affaires fiscales; voir les arrêts Villeneuve et Panini, précités. Dans l’arrêt Panini, le juge Nadon a clairement indiqué que la notion d’« aveuglement volontaire » est incluse dans la notion de « faute lourde », puisque cette expression est utilisée au paragraphe 163(2) de la Loi. Il a déclaré ce qui suit :

[43] […] le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable.

[34]        Il a été jugé que, pour établir la distinction entre « négligence ordinaire » et « faute lourde », il faut tenir compte d’un certain nombre de facteurs, à savoir :

a)       l’importance de l’omission relative au revenu déclaré;

b)      la faculté du contribuable de découvrir l’erreur;

c)       le niveau d’instruction du contribuable et son intelligence apparente;

d)      l’effort réel de se conformer à la loi.

Évidemment, aucun facteur n’est prédominant. Il faut accorder à chacun des facteurs le poids qui lui convient dans le contexte de l’ensemble de la preuve (voir la décision DeCosta, précitée, au paragraphe 11; la décision Bhatti, précitée, au paragraphe 24; et la décision McLeod, précitée, au paragraphe 14).

[35]        Dans la décision Torres, précitée, le juge C. Miller de la Cour a mené un examen très approfondi de la jurisprudence touchant les pénalités pour faute lourde applicables en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Il résume au paragraphe 65 les principes directeurs à appliquer, à savoir :

a)         La connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

b)         La notion d’aveuglement volontaire peut être appliquée aux pénalités pour faute lourde prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi […].

c)         Pour savoir s’il y a eu ou non aveuglement volontaire, il faut tenir compte du niveau d’instruction et d’expérience du contribuable.

d)         Pour conclure à un aveuglement volontaire, il doit y avoir eu nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité.

e)         Les facteurs laissant supposer la nécessité de s’informer avant la production d’une déclaration […] comprennent ce qui suit :

i)          l’importance de l’avantage ou de l’omission;

ii)         le caractère flagrant du faux énoncé et la facilité avec laquelle il peut être décelé;

iii)        l’absence, dans la déclaration elle-même, d’une attestation du spécialiste qui a établi la déclaration;

iv)        les demandes inusitées du spécialiste;

v)         le fait que le spécialiste était auparavant inconnu du contribuable;

vi)        les explications inintelligibles du spécialiste;

vii)       le point de savoir si d’autres personnes ont eu recours au spécialiste ou ont fait des mises en garde à l’encontre de ce dernier, ou le point de savoir si le contribuable lui-même hésite à s’en ouvrir à d’autres.

f)         Le dernier critère de l’aveuglement volontaire est le fait que le contribuable ne s’enquiert pas auprès du spécialiste pour comprendre la déclaration de revenus ni ne s’enquiert aucunement auprès d’un tiers, ou auprès de l’ARC elle-même.

[36]        Cette liste n’est certainement pas exhaustive.

[37]        L’appelant est un homme intelligent et raffiné; il s’exprime bien et a fait des études en commerce et en médecine préparatoire. Il est suffisamment intelligent pour s’être qualifié en tant que pilote de ligne, ce qui est toute une réalisation à mon avis. Même s’il prétend ne pas bien comprendre les déclarations de revenus, il sait faire la différence entre des revenus d’entreprise et des revenus d’emploi. Il connaît aussi la différence entre un profit et une perte. Son niveau d’instruction, son expérience et son intelligence ne sont pas des considérations permettant à l’appelant d’échapper à la conclusion qu’il a fait de faux énoncés dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[38]         De nombreux signes avant-coureurs auraient dû éveiller les soupçons de l’appelant et susciter en lui le besoin de se renseigner davantage :

a)       Caractère spécieux du stratagème d’économies fiscales : M. Branch avait préparé les déclarations de revenus de l’appelant sans incident jusqu’à ce que, pour l’année 2008, il propose à ce dernier une nouvelle méthode totalement différente de préparer sa déclaration. Cela aurait dû piquer la curiosité de l’appelant et sûrement l’amener à poser quelques questions sur ce qui n’allait pas avec la méthode employée par M. Branch jusque-là. Le stratagème proposé par M. Branch et FA était en soi ridicule, ce qui aurait dû sauter aux yeux de l’appelant. La théorie selon laquelle il est possible de dissocier un particulier de son numéro d’assurance sociale pour créer deux entités distinctes à des fins fiscales est absurde. Personne ne peut honnêtement croire que des dépenses personnelles puissent être imputées contre des revenus personnels sous le couvert de dépenses d’entreprise. Même si l’appelant avait cru à la légalité de ce stratagème, il aurait dû se demander comment M. Branch et FA en sont arrivés aux montants qu’ils ont déclarés. Les pertes d’entreprise inscrites dans la déclaration de revenus de 2008 de l’appelant n’ont aucun sens, et l’appelant le savait. Ce facteur laisse croire fortement à une faute lourde découlant d’un aveuglement volontaire.

b)      Honoraires : L’appelant a témoigné que son ancien spécialiste en déclarations, TACS, lui facturait des honoraires exorbitants pour préparer une déclaration de revenus simple en apparence. Pourtant, FA lui a facturé exactement les mêmes honoraires, c’est-à-dire 500 $, en plus d’exiger 10 % de tout remboursement (moins les frais initiaux). Ce pourcentage est ensuite passé à 20 %. Il est évident que l’appelant s’attendait à obtenir un remboursement important comparativement aux années précédentes et qu’il aurait donc eu à payer des frais très élevés de plusieurs milliers de dollars. La déclaration de revenus préparée par FA n’était pas complexe au point de justifier des honoraires aussi exorbitants, étant donné que FA n’a fait qu’inscrire dans quelques formulaires le peu de renseignements que l’appelant lui aurait fournis. Cela aurait dû être un signal d’alarme pour l’appelant.

 c)      Manque d’explications de la part du spécialiste en déclarations : Il est évident que l’appelant ne comprenait pas bien la nouvelle méthode proposée par M. Branch et FA. Une telle situation aurait nécessité quelques explications de la part du spécialiste en déclarations. Les explications qu’il a fournies étaient lamentablement inadéquates et se résumaient essentiellement à dire [traduction] « ne vous inquiétez pas ». Un vrai professionnel aurait voulu s’assurer que ses clients comprennent la portée et le bien-fondé de sa démarche, tout particulièrement en raison du changement radical par rapport à la méthode initiale. Dans ces circonstances, le manque d’explications complètes et adéquates, ainsi que les réponses évasives du spécialiste, auraient dû alerter l’appelant qu’il y avait anguille sous roche.

d)      Importance de l’avantage : L’appelant allègue ne pas avoir remarqué qu’il allait obtenir un remboursement de quelque 40 800 $ pour l’année 2008. Cependant, le montant du remboursement est clairement inscrit à la droite de sa signature, sur la dernière page de sa déclaration de revenus. Il serait très difficile de ne pas le remarquer. Je ne peux accepter son assertion voulant qu’il n’ait pas remarqué ce montant, car il aurait été évident pour quiconque aurait jeté un simple coup d’œil à la page où le contribuable doit apposer sa signature. En outre, la nature humaine étant ce qu’elle est, il est normal qu’un contribuable désire connaître le montant de son remboursement fiscal. La lettre présentée sous la cote A-1, à l’onglet 2, que l’appelant admet avoir reçue selon toute vraisemblance, indique qu’il pouvait s’attendre à obtenir un remboursement total d’environ 130 000 $ pour les années 2004 à 2007. Ceci était très douteux, car sa situation fiscale n’avait aucunement changé, et l’appelant avait l’habitude de payer un supplément d’impôt, plutôt que d’obtenir un remboursement. M. Branch avait préparé ses déclarations de revenus depuis quelques années et, tout à coup, il découvrait que l’appelant aurait dû se faire rembourser des sommes importantes durant cette période? M. Branch était censé être un ancien employé de l’ARC. Si ce qu’il proposait était légitime, pourquoi M. Branch n’en avait-il pas parlé au tout début? Ceci aurait dû amener l’appelant à mettre en cause le stratagème que M. Branch proposait. Qu’est-ce qui aurait pu échapper par le passé à M. Branch, un soi-disant professionnel de l’impôt, qui puisse aujourd’hui valoir à l’appelant un avantage fiscal de quelque 130 000 $? L’importance de cet avantage était un signal d’alarme d’une évidence aveuglante qui aurait dû motiver l’appelant à remettre en cause les agissements de son spécialiste en déclarations.

e)       Faux énoncés flagrants et facilement décelables : Les pertes d’entreprise indiquées dans la déclaration de revenus de 2008 de l’appelant sont énormes, s’élevant à environ 458 500 $. Cette information était d’une fausseté flagrante. L’appelant a vu ce très gros montant. S’il ne l’a pas vu ou ne l’a pas remarqué, il aurait dû, car il était facilement décelable. Cet autre facteur flagrant démontre une faute lourde découlant d’un aveuglement volontaire.

f)       Absence d’attestation du spécialiste qui a préparé la déclaration de revenus : La case 490 de la déclaration de revenus est réservée à l’identification du spécialiste qui a préparé la déclaration. Or, elle est vide. L’affirmation de l’appelant selon laquelle il n’a pas remarqué la case 490 est difficile à accepter, car cette case est située juste à côté de sa signature, à la dernière page du document. Il doit l’avoir vue et aurait dû se demander pourquoi M. Branch, M. Watts ou FA ne souhaitaient pas s’identifier auprès de l’ARC. Si l’appelant n’a vraiment pas vu la case, c’est qu’il a fait preuve de négligence puisqu’il ne s’est pas donné la peine d’examiner sa déclaration.

g)       Défaut de demander des renseignements à d’autres professionnels ou à l’ARC : Lorsque l’appelant n’a reçu aucune explication adéquate de son spécialiste en déclarations, il n’a demandé l’avis de personne d’autre, que ce soit un comptable fiscaliste, un avocat-fiscaliste, ses anciens spécialistes en déclarations ou tout autre spécialiste en déclarations qu’il connaissait, ni même l’ARC. Il a simplement choisi de ne pas se renseigner. Il aurait dû le faire, et cette omission indique qu’il a choisi de rester dans l’ignorance. Ceci est une indication d’aveuglement volontaire.

h)      Effort réel de se conformer à la Loi : Je suis d’avis que l’appelant n’a fait aucun effort pour se conformer à la Loi. Ma conclusion est certainement appuyée par sa conduite a posteriori. Lorsqu’il a reçu de l’ARC une lettre qui remettait en cause ses pertes d’entreprise, plutôt que de répondre directement à l’ARC et de réprimander son spécialiste en déclarations, il a remis cette lettre à M. Watts. La réponse préparée pour l’appelant n’avait aucun sens et ne répondait en rien aux questions soulevées à juste titre par l’ARC. Il l’a pourtant envoyée à l’ARC. À la réception de la première lettre de l’ARC, il devait savoir que M. Branch ou FA avait fait quelque chose de vraiment répréhensible; il n’avait plus aucune raison de leur faire confiance. Malgré cela, il a continué de participer à des pratiques obstructionnistes comme le prônait M. Watts. Je trouve ridicule la réponse présentée sous la cote A-1, à l’onglet 24, et le fait que M. Watts ait demandé à l’appelant d’apposer sa signature sur un timbre de trois ou cinq cents à un angle de 45 degrés, du coin inférieur gauche au coin supérieur droit du timbre; l’appelant ne pouvait pas honnêtement croire que cette lettre constituait une réponse de bonne foi aux questions soulevées par l’ARC. Sa conduite a posteriori est une indication de son état d’esprit dans toute cette affaire; voir le paragraphe 7 de l’arrêt Mullen, précité, qui a trait à la conduite a posteriori.

Tous les facteurs qui précèdent auraient dû amener l’appelant à se poser des questions au sujet de ce qui se passait. Cependant, il ne l’a pas fait. En réalité, il n’a rien fait. Il a choisi de rester dans l’ignorance et a plutôt préféré faire confiance entièrement et inconditionnellement à M. Branch, à M. Watts et à FA. À mon avis, le fait d’avoir refusé de se renseigner sur le contenu de sa déclaration de revenus, même de manière générale, est non seulement une preuve d’aveuglement volontaire, mais aussi d’une conduite équivalant à faute lourde.

[39]        L’appelant soutient qu’il est l’innocente victime de personnes en qui il avait confiance. L’appelant allègue qu’il croyait honnêtement que ce que lui proposait M. Branch était parfaitement légal. Dans certains cas, un contribuable peut faire porter le blâme à des professionnels négligents ou malhonnêtes auxquels il accordait sa confiance. Par exemple, dans l’affaire Lavoie, précitée, les contribuables se fiaient à un avocat qu’ils connaissaient depuis plus de 30 ans, un ami digne de confiance. L’avocat de l’appelant a également fourni d’autres exemples de précédents dans lesquels on a jugé qu’un contribuable ne devait pas être passible de pénalités pour faute lourde lorsqu’il s’est honnêtement fié à un conseiller financier, à un spécialiste en déclarations de revenus, à un ami ou à un membre de sa famille en qui il avait confiance (voir la décision Mark, précitée, aux paragraphes 18 et 19; l’arrêt Findlay, précité, au paragraphe 27; la décision Hine, précitée, aux paragraphes 9, 35, 42 et 51 (confiance en sa conjointe); l’arrêt Udell, précité, au paragraphe 44 (confiance en son comptable); la décision Murugesu, précitée, aux paragraphes 54 et 55 (nouvel arrivant ayant choisi un comptable recommandé par des membres de sa communauté); et la décision Klotz, précitée, aux paragraphes 70 et 72 (confiance en son conseiller financier)). On y affirme que, lorsqu’un contribuable croît honnêtement, mais à tort, que ce que le spécialiste en déclarations a fait est correct, il ne peut être passible de pénalités pour faute lourde. Il soutient que le fait de s’être fié à un conseiller de confiance réfute toute conclusion d’aveuglement volontaire, car un contribuable ne se pose pas de questions au sujet de ce qu’il croit et il ne se sentirait pas obligé de vérifier ce dont il ne doute pas (voir la décision Larouche, précitée, aux paragraphes 25 et 26; la décision McGhee, précitée, au paragraphe 27; la décision Dunleavy, précitée, au paragraphe 50; et la décision Carlson, précitée, aux paragraphes 33 et 36).

[40]        Cependant, on peut citer de nombreux exemples où les contribuables n’ont pu échapper à des pénalités pour faute lourde parce qu’ils ont fait confiance aveuglément à leur spécialiste en déclarations sans au moins prendre quelques mesures pour vérifier l’exactitude des renseignements qui figuraient dans leurs déclarations de revenus. Indépendamment de l’aveuglement volontaire, les contribuables qui ne prennent aucune mesure pour s’assurer que les renseignements inscrits dans leurs déclarations de revenus sont exacts et complets peuvent par conséquent être passibles de pénalités pour faute lourde.

[41]        Dans la décision Gingras c. Canada, [2000] A.C.I. no 541 (QL), tout comme en l’espèce, les appelants ont affirmé avoir toujours agi de bonne foi et avoir cru que l’entreprise de leur spécialiste en déclarations était responsable et fiable, ajoutant qu’ils avaient peu, ou n’avaient pas, de connaissances en matière fiscale. Le juge Tardif a écrit :

19 Le fait d’avoir recours à un expert ou à quelqu’un qui se présente comme tel, n’excuse en rien la responsabilité de ceux qui attestent, par leur signature, la véracité de leur déclaration.

20 Les appelants ont signé une déclaration de revenus qui contenait des renseignements faux et mensongers et ne peuvent prétendre que cela a été fait à leur insu. Ils avaient l’obligation de s’assurer que toutes les informations et renseignements contenus dans leur déclaration étaient véridiques. Dans l’hypothèse où la théorie soumise par Ratelle [le spécialiste en déclarations de revenus], à l’effet que tout contribuable avait droit, une fois durant sa vie, à une exemption totale d’impôt, ce qui n’est pas le cas, cela ne leur permettait pas ni ne justifiait pour autant de soumettre de faux énoncés pour se prévaloir du supposé privilège.

[42]        Le juge Tardif a également écrit :

30 L’imputabilité des faux renseignements fournis dans une déclaration de revenus incombe au signataire de la dite (sic) déclaration et non au mandataire qui l’a complété (sic), peu importe ses compétences ou qualifications.

31 En matière de pénalités, le fardeau de la preuve incombe à l’intimée. La prépondérance de la preuve soumise a largement établi que les appelants avaient soumis dans leur déclaration respective des faux énoncés importants ayant des effets significatifs sur leur fardeau fiscal. Il s’agissait d’éléments dont ils ne pouvaient pas ignorer la fausseté. Le Tribunal peut comprendre que les contribuables puissent être incapables, inexpérimentés et incompétents quand vient le temps de préparer leur déclaration de revenus. Par contre, il est tout à fait répréhensible d’attester par sa signature que les renseignements fournis sont exacts alors que l’on sait ou devrait savoir qu’elle contient de faux énoncés. Un tel comportement est suffisant pour conclure à une faute lourde justifiant l’imposition des pénalités applicables.

[Non souligné dans l’original.]

[43]        Dans la décision DeCosta, précitée, le juge en chef Bowman a affirmé :

12 […] Même si son comptable doit assumer une certaine part de responsabilité, je ne crois pas que l’on peut dire que l’appelant peut signer nonchalamment sa déclaration et passer outre à l’omission d’un montant qui représente presque le double du montant qu’il a déclaré. Une attitude aussi cavalière va au-delà du simple manque d’attention.

[44]        Dans la décision Laplante, précitée, le juge Bédard a écrit :

15 De toute façon, je suis d’avis que la négligence de l’appelant (soit le fait de ne pas examiner du tout ses déclarations de revenus avant de les signer) était assez grave pour justifier l’épithète « lourde » qui est quelque peu péjoratif (sic). L’attitude de l’appelant était si cavalière en l’espèce qu’elle traduisait une indifférence totale au respect de la Loi. L’appelant n’a‑t‑il pas admis que, s’il avait examiné ses déclarations de revenus avant de les signer, il aurait nécessairement décelé les nombreux faux énoncés qui y apparaissaient, énoncés qui auraient été faits par monsieur Cloutier? L’appelant ne peut pas se dégager ici de sa responsabilité en pointant du doigt son comptable. En tentant de se soustraire ainsi à toute responsabilité à l’égard de ses déclarations de revenus, l’appelant se trouve à rejeter négligemment du revers de la main les responsabilités, les devoirs ou les obligations que lui impose la Loi. En l’espèce, la Loi imposait au minimum à l’appelant l’obligation de jeter un coup d’œil sur ses déclarations de revenus avant de les signer, d’autant plus qu’en l’espèce il a admis que cet examen rapide lui aurait permis de déceler les faux énoncés que son comptable avait faits.

[Non souligné dans l’original.]

[45]        Dans la décision Brown c. La Reine, 2009 CCI 28, le juge Bowie a affirmé :

20 Par ailleurs, pour ce qui est des pénalités pour faute lourde imposées à l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’appelant a lui-même clairement affirmé au début de son témoignage qu’il n’avait jamais porté attention aux revenus et aux dépenses indiqués dans les déclarations pour les quatre années en cause lorsqu’il les signait. L’appelant a dit qu’il conservait ses dossiers, préparait des tableaux de ventilation à partir de ses dossiers et qu’il donnait les tableaux à une spécialiste en déclarations de revenus, qui se servait des documents qu’elle recevait de l’appelant pour préparer les déclarations de revenus de ce dernier. La spécialiste n’a pas témoigné, mais, si l’on se fie à la version des faits de l’appelant, il reste que l’appelant était quand même tenu d’examiner ses déclarations de revenus avant de les signer et de les produire auprès du ministre. La déclaration que le contribuable fait lorsqu’il signe sa déclaration de revenus est ainsi rédigée :

J’atteste que les renseignements donnés dans cette déclaration et dans tous les documents annexés sont exacts, complets et révèlent la totalité de mes revenus [...]

Le fait de signer une déclaration de revenus et de faire, par le fait même, la déclaration précitée sans même vérifier le contenu de la déclaration – ce qu’a fait l’appelant, si j’ai bien compris son témoignage – constitue, à lui seul, une faute lourde qui justifie l’imposition des pénalités.

[Non souligné dans l’original.]

[46]        Dans la décision Gélinas, précitée, le juge Bédard a écrit :

11 […] En effet, je suis d’avis que la négligence de l’appelant (soit le fait de ne pas examiner du tout sa déclaration avant que son comptable ne la fasse parvenir à l’Agence des douanes et du revenu du Canada) était assez grave pour justifier l’épithète « lourde » qui est quelque peu péjorative. L’attitude de l’appelant était si cavalière en l’espèce qu’elle traduisait une indifférence totale au respect de la Loi. Si l’appelant avait examiné sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2004, il aurait nécessairement décelé le faux énoncé qui y apparaissait (énoncé qui aurait été fait par son comptable) compte tenu de l’ordre de grandeur des revenus non déclarés et des autres facteurs analysés ci-haut (sic). L’appelant ne peut pas se dégager ici de sa responsabilité en pointant du doigt son comptable. En tentant de se soustraire ainsi à toute responsabilité à l’égard de ses déclarations de revenu, l’appelant se trouve à rejeter négligemment du revers de la main ses responsabilités, les devoirs et les obligations que lui impose la Loi. En l’espèce, la Loi imposait au minimum à l’appelant l’obligation de jeter un coup d’œil sur sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2004 avant que son comptable ne l’expédie, d’autant plus qu’en l’espèce un examen rapide lui aurait permis, à mon avis, de déceler le faux énoncé que son comptable aurait fait.

[Non souligné dans l’original.]

[47]        Dans la décision Brochu c. La Reine, 2011 CCI 75, la Cour a confirmé les pénalités pour faute lourde imposées à une contribuable qui s’était simplement fiée aux déclarations de sa comptable selon qui tout était en règle. La contribuable a dit avoir rapidement feuilleté sa déclaration de revenus et a prétendu ne pas comprendre les termes « revenus d’entreprise » et « crédit ». Elle n’a pourtant posé aucune question à sa comptable ni à qui que ce soit d’autre pour s’assurer que ses revenus et ses dépenses étaient correctement comptabilisés. De l’avis du juge Favreau de la Cour, la contribuable a été négligente parce qu’elle n’avait pas songé à la nécessité de s’informer, ce qui constitue une faute lourde. Cette affaire n’est pas très différente de celle en l’espèce.

[48]        Dans la décision Janovsky, précitée, la juge V.A. Miller a déclaré :

22 L’appelant dit avoir passé en revue sa déclaration avant de la signer et ne pas avoir posé de questions. Il a déclaré qu’il faisait confiance aux FA car il s’agissait d’experts en fiscalité. Cette déclaration est, selon moi, peu vraisemblable. Il a assisté à une seule réunion avec les FA en 2009. Il n’avait jamais entendu parler de ces derniers auparavant et, pourtant, entre la réunion qu’il a eue avec eux et la production de sa déclaration en juin 2010, il n’a jamais posé de questions sur les FA. Il n’a mis en doute ni leurs titres de compétence ni leurs prétentions. Dans son désir de toucher un remboursement élevé, l’appelant n’a pas essayé de se renseigner sur eux.

23 Compte tenu du niveau d’instruction de l’appelant et de l’ampleur du faux énoncé qu’il a fait dans sa déclaration de 2009, je suis d’avis que l’appelant savait que les montants indiqués dans sa déclaration étaient faux.

24 Si je me trompe et si l’appelant n’a pas fait sciemment ce faux énoncé, je conclus dans ce cas qu’il a fait montre d’aveuglement volontaire. S’il est vrai qu’il ne comprenait pas la terminologie qu’ont utilisée les FA dans sa déclaration ni la façon dont les FA avaient calculé ses dépenses, il avait dans ce cas le devoir de se renseigner auprès de personnes étrangères aux FA. Dans un régime d’autocotisation tel que le nôtre, l’appelant avait le devoir de s’assurer que son revenu et ses dépenses étaient correctement déclarés. Notre régime d’imposition est fondé sur un système d’autodéclaration et d’autocotisation, et son succès dépend de l’honnêteté et de l’intégrité des contribuables : R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 RCS 627. L’attitude cavalière de l’appelant témoigne d’un tel degré de négligence ou d’aveuglement volontaire qu’elle doit être qualifiée de faute lourde : Chénard c. La Reine, 2012 CCI 211.

[Non souligné dans l’original.]

[49]        Dans la décision Bhatti, précitée, le juge C. Miller a fait remarquer ce qui suit :

30 […] Il est tout simplement insuffisant d’affirmer ne pas avoir vérifié ses déclarations. Confier aveuglément ses obligations à quelqu’un d’autre sans même une vérification minimale de l’exactitude de la déclaration va au-delà de l’imprudence. Donc, même si elle n’a pas sciemment omis de déclarer le revenu, elle a certainement adopté l’attitude cavalière du laisser-aller […]

[50]        Un autre exemple récent est donné dans l’affaire Atutornu, précitée, où les contribuables ont simplement signé leurs déclarations de revenus là où on leur avait indiqué de signer, se sont aveuglément fiés aux conseils de leur spécialiste sans lire ni examiner leurs déclarations et n’ont fait aucun effort pour vérifier l’exactitude de leurs déclarations de revenus. Le juge Jorré a conclu que les pénalités pour faute lourde imposées en vertu du paragraphe 163(2) étaient appropriées dans les circonstances.

[51]        Dans la décision Torres, précitée, une décision qui fait jurisprudence en la matière, le juge C. Miller a entendu l’appel de six contribuables qui étaient convaincus que le groupe FA était composé d’anciens fonctionnaires de l’ARC qui étaient des professionnels et qui savaient ce qu’ils faisaient. Les contribuables croyaient que FA était un groupe légitime et ils lui ont tous confié la préparation de leurs déclarations de revenus. FA a convaincu ces contribuables de participer à une escroquerie identique à celle en l’espèce. Tous les contribuables étaient sûrs d’avoir droit aux remboursements qu’ils réclamaient. Ils en avaient été complètement et totalement persuadés par de parfaits escrocs. L’ARC a rejeté les pertes d’entreprise qu’ils avaient déclarées et leur a imposé des pénalités pour faute lourde. Le juge C. Miller a rejeté leur appel même si les contribuables « avaient tous accordé une confiance inébranlable à des représentants du groupe Fiscal Arbitrators qui devaient établir leurs déclarations de revenus de telle sorte qu’elles génèrent les remboursements escomptés ». Même si les contribuables étaient crédibles, qu’ils ont cru que FA agissait dans la légalité et qu’ils ont fait confiance à FA, le juge C. Miller a conclu qu’ils ont tous fait preuve d’aveuglement volontaire et a rejeté leur appel des pénalités pour faute lourde. L’appel de cette décision à la Cour d’appel fédérale a été rejeté.

[52]        Il m’est difficile de voir comment je pourrais distinguer le cas de l’appelant de celui de l’un ou l’autre des contribuables dans l’affaire Torres.

Conclusion

[53]        Il ne fait aucun doute que la déclaration de revenus de 2008 de l’appelant contenait de faux énoncés, étant donné que l’appelant n’exploitait aucune entreprise et qu’il n’a subi absolument aucune perte d’entreprise. Dans les circonstances en l’espèce, je suis d’avis que l’appelant était au courant de ces faux énoncés ou, à tout le moins, qu’il a fait preuve d’aveuglement volontaire ou qu’il a commis une faute lourde en faisant de faux énoncés dans sa déclaration de revenus ou en y participant, en y consentant ou en y acquiesçant. En signant sa déclaration de revenus, il a attesté qu’elle contenait des renseignements complets et exacts, ce qui n’était pas le cas. Il avait le devoir de remplir sa déclaration de revenus avec soin et exactitude, mais il a failli à ce devoir en ne faisant absolument aucun effort pour vérifier l’exactitude et l’intégralité des renseignements inscrits dans sa déclaration de revenus. Non seulement a-t-il été négligent, mais il a commis une faute lourde. Il est donc à juste titre assujetti aux pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[54]        Son appel est rejeté pour l’ensemble des motifs qui précèdent. L’intimée a droit à ses dépens.

Signé à Kingston (Ontario), ce 8e jour de mars 2016.

« Rommel G. Masse »

Le juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de septembre 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 54

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-1178(IT)G

 

INTITULÉ :

EDWARD GRAY c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 novembre 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable Rommel G. Masse, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 mars 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Jeffrey Radnoff

Charles Hayworth (stagiaire)

Avocat de l’intimée :

Me Christian Cheong

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Pour l’appelant :

Me Jeffrey Radnoff

 

Cabinet :

Dioguardi Tax Law

Mississauga (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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