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Dossier : 2015-2353(IT)I

ENTRE :

FATNA NAZIH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 10 décembre 2015 à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge Guy R. Smith


Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Mélanie Sauriol

 

JUGEMENT

        L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2013 est rejeté, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2016.

« Guy Smith »

Juge Smith

 


Référence : 2016 CCI 70

Date : 20160322

Dossier : 2015-2353(IT)I

ENTRE :

FATNA NAZIH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Smith

[1]             Madame Nazih interjette appel d’une cotisation que le ministre du Revenu national (ci-après le « ministre ») a établie pour l’année d’imposition 2013. L’audience a été entendue suite à la procédure informelle le 10 décembre 2015.

[2]             En l’espèce, deux questions sont en litige, à savoir, l’appelante pouvait‑elle déduire des frais de déménagement nets déductibles de 17 884 $ et, deuxièmement pouvait-elle réclamer un crédit d’impôt pour des dons de bienfaisances de 2 240 $.

Frais de déménagement

[3]             Alors qu’elle résidait dans la ville de Longueuil, Québec, l’appelante a accepté une offre d’emploi dans la région de la capitale nationale. En mars 2013, elle a déménagé avec sa famille à Gatineau, Québec.

[4]             Il est entendu qu’il y a, en l’occurrence, « réinstallation admissible » au sens de l’article 248(1) de la Loi de l’impôt sur le Revenu (ci-après la « Loi ») puisque la distance entre l’ancienne résidence et le nouveau lieu de travail est clairement supérieure à 40 kilomètres.

[5]             En ce qui concerne la détermination des frais de déménagement admissibles, il y a lieu de revoir les textes législatifs pertinents :

62 (1) Frais de déménagement — Un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition les sommes qu'il a payées au titre des frais de déménagement engagés relativement à une réinstallation admissible dans la mesure où, à la fois :

a)   elles n'ont pas été payées en son nom relativement à sa charge ou à son emploi ou dans le cadre ou en raison de sa charge ou de son emploi;

b)   elles n'étaient pas déductibles par l'effet du présent article dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition précédente;

c)   leur total ne dépasse pas le montant applicable suivant :

(i) dans le cas visé au sous-alinéa a)(i) de la définition de «réinstallation admissible» au paragraphe 248(1), le total des sommes représentant chacune une somme incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année tiré de son emploi au nouveau lieu de travail ou de l'exploitation de l'entreprise au nouveau lieu de travail ou une somme incluse dans le calcul de son revenu pour l'année par l'effet du sous-alinéa 56(1)r)(v) relativement à son emploi au nouveau lieu de travail,

(ii) dans le cas visé au sous-alinéa a)(ii) de cette définition, le total des montants inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année par l'effet des alinéas  56(1)n) et o);

d)   les remboursements et allocations qu'il a reçus relativement à ces frais sont inclus dans le calcul de son revenu.

(2) Frais de déménagement d'étudiants — […];

(3) Frais de déménagement — Pour l'application du paragraphe (1), sont comprises dans les frais de déménagement toutes dépenses engagées au titre :

a)   des frais de déplacement (y compris les dépenses raisonnables pour repas et logement) engagés pour le déménagement du contribuable et des membres de sa maisonnée qui se transportent de l'ancienne résidence à la nouvelle résidence;

b)   des frais de transport et d'entreposage des meubles du contribuable qui doivent être transportés de son ancienne résidence à sa nouvelle résidence;

c)   des frais de repas et de logement, près de l'ancienne résidence ou de la nouvelle résidence, engagés par le  contribuable et les membres de sa maisonnée pendant une période maximale de 15 jours;

d)   des frais de résiliation du bail en vertu duquel il était le locataire de son ancienne résidence;

e)   des frais relatifs à la vente de son ancienne résidence;

f)    lorsque le contribuable ou son époux ou conjoint de fait vend l'ancienne résidence par suite du déménagement, des frais, pour le contribuable, à l'égard des services juridiques relatifs à l'achat de la nouvelle résidence et des impôts, frais, droits et taxes (sauf toute taxe sur les produits et services ou taxe à la valeur ajoutée) applicables au transfert ou à l'enregistrement du droit de propriété de cette résidence;

g)   des intérêts, impôts fonciers, primes d'assurance et coûts du chauffage et des services publics relativement à l'ancienne résidence, jusqu'à concurrence de 5 000 $ ou, s'il est moins élevé, du total des dépenses de cette nature engagées par le contribuable pour la période, à la fois :

(i) tout au long de laquelle l'ancienne résidence n'est ni ordinairement occupée par le contribuable ou par une autre personne qui y résidait habituellement avec lui immédiatement avant le déménagement, ni louée par le contribuable à une autre personne,

(ii) au cours de laquelle des efforts sérieux sont faits en vue de vendre l'ancienne résidence;

h)   du coût de la révision de documents juridiques pour tenir compte de l'adresse de la nouvelle résidence du contribuable, du remplacement des permis de conduire et des certificats d'immatriculation de véhicules non commerciaux (à l'exclusion du coût de l'assurance-véhicule) et des connexion[s] et déconnexion des services publics;

il est toutefois entendu que le terme ne vise pas les frais (autres que les frais visés à l'alinéa f)) engagés par le contribuable pour l'acquisition de sa nouvelle résidence.

[6]             Il n’est pas controversé que l’appelante avait droit au remboursement des frais de déménagement de son nouvel employeur jusqu’à concurrence de 5 000 $ et qu’elle a bel et bien reçu ce montant. L’appelante soutient qu’elle n’était pas tenue de produire des factures détaillées pour l’obtenir, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un remboursement de ses frais de déménagement au sens de l’alinéa 62(1)a), de la Loi. Il est donc nécessaire d’en tenir compte pour le calcul des frais de déménagement nets déductibles.

[7]             Lors de l’audience, l’appelante a produit un tableau contenant les montants suivants (le tableau est reproduit sans les détails) :

 

Montants réclamés

Description

Frais de déplacement et de logement pour la recherche d’une maison

1 486,71 $

 

Frais de déplacement et de logement pour le déménagement – alinéas 62(3) a) et c)

2 513,40 $

 

Frais du déménageur - alinéa 62(3)b)

1 587,00 $

 

Vente de la résidence - alinéa 62(3)e)

804,77 $

748,00 $

Publicité

Frais juridiques

Achat de la nouvelle résidence - alinéa 62(3)f)

526,00 $

1 472,00 $

2 595,00 $

450,00 $

7 423,00 $

3 278,00 $

Aspirateur central

Frais juridiques

Taxe de mutation  Inspection

Assurance SCHL

Mise de fonds

Sous total

22 884,00 $

 

Remboursement - alinéa 62(1)a)

(5 000,00 $)

 

Total

17 884,00 $

 

 

[8]             Le Ministre a refusé des dépenses de 9 916 $ et a accordé des frais de déménagement nets déductibles de 7 968 $, tel qu’indiqué dans l’avis de confirmation du 20 mai 2015.

[9]             Selon la jurisprudence, bien que la liste des dépenses recensées au paragraphe 62(3) n’est pas exhaustive, les frais engagés relativement à une réinstallation admissible doivent se rapporter à un déménagement matériel et non à des dépenses accessoires; Seguin c. Canada, [1998] 2 C.T.C. 13 (CAF), (QL). Conséquemment, les dépenses relatives à un voyage de repérage destiné à trouver une nouvelle habitation ne sont pas admises; Olney v. R., 2014 CarswellNat 3383 (CCI), au paragraphe 29. J’en conclus que la réclamation de 1 486,71 $ n’est pas admissible au titre de frais de déménagement.

[10]        En ce qui concerne les frais de déplacement, y compris les dépenses raisonnables pour les repas et le logement, l’appelante avait le choix, selon la position administrative de l’Agence du revenu du Canada, d’en faire le calcul selon la méthode détaillée ou la méthode simplifiée. Étant donné qu’elle n’avait pas tous les reçus nécessaires pour soutenir sa réclamation, le ministre a effectué son calcul selon la méthode simplifiée pour 8 jours de déplacement pour 4 personnes (maximum de 51$ par jours par personne) plus les frais de logement (avec factures à l’appui)  et les frais de déplacement.  Selon ce calcul, je suis d’avis que le montant total réclamé doit être réduit de 2 513,40 $ à 2 264,00 $ (un ajustement de 249,40 $).

[11]        Tel qu’indiqué ci-haut, l’appelante n’avait pas droit aux dépenses accessoires. Le montant réclamé pour un nouvel aspirateur central (526,00 $) doit être rejeté de même que les frais de la Société d’hypothèque et de logement (7 423,00 $) encourus lors de la négociation d’une hypothèque pour la nouvelle résidence (ce qui d’ailleurs a été concédé par l’appelante lors de l’audience). Il en va de même pour les frais d’inspection de la nouvelle résidence (450,00 $) et le montant reflétant, selon l’appelante, la différence entre la mise de fonds de 5% et le montant payé comme pénalité pour purger l’hypothèque sur l’ancienne résidence (3 278 $). À mon avis, nul de ces montants n’est admissible au sens du paragraphe 62(3), de sorte que j’aurais réduit les frais de déplacements admissibles à 9 470,89 $ et, tenant compte du remboursement de 5 000 $, j’aurais réduit les frais de déménagement nets déductibles à 4 470,89 $.

[12]        Bien que je tire cette conclusion, le Ministre a déjà accordé des frais de déménagement nets déductibles de 7 968 $ tel que confirmé dans l’avis de confirmation du 20 mai 2015 et notre Cour n’est pas compétente pour augmenter l’impôt payable.  Ce principe a d’ailleurs été reconnu à l’occasion de l’affaire Valdis c. La Reine, [2001] 1 C.T.C. 2827, ou le juge Hamlyn a alors observé au paragraphe 21 :

21   Dans l'affaire Millette c. La Reine[1], Mme la juge Lamarre Proulx a réaffirmé que notre cour ne peut entendre un appel dans lequel il est proposé d'accroître l'obligation fiscale d'un appelant. Elle disait au paragraphe 72 :

Il est accepté par la jurisprudence que cette Cour ne puisse pas augmenter le montant de la cotisation du Ministre parce que cela équivaudrait à un appel de la cotisation par le Ministre, ce que le Ministre ne peut pas faire. Le Ministre ne peut pas en appeler de sa propre cotisation; Harris v. M.N.R., 64 D.T.C. 5332, 5337; Shiewitz v. M.N.R., 79 D.T.C. 340, 342 et Abed v. The Queen, 82 D.T.C. 6099, 6103.

[13]        A la lumière de ce qui précède, je confirme que l’appelante a droit à des frais de déménagements nets déductibles de 7 968 $ pour l’année d’imposition en question.

Dons de bienfaisance

[14]        L’appelante a réclamé un crédit d’impôt non remboursable pour des dons de bienfaisance d’un montant total de 2 240,00 $ se détaillant comme suit :

 

Appelante

Ministre

The Mosque of Aylmer

370 $

370 $

École de langue Arabe

930 $

0 $

Divers

940 $

0 $

Total

2 240 $

370 $

 

[15]        Il va de soi que le contribuable peut, à sa guise, faire un don à quiconque et pour un montant indéterminé. Il n’y a pas de limite. D’ailleurs, l’appelante était d’avis qu’elle avait payé les montants réclamés, qu’elle avait produit des preuves et que, pour elle, il s’agissait de dons de bienfaisance. Je rejette cette thèse puisqu’elle sollicite un crédit d’impôt.  Il faut donc rechercher si le don est conforme à la Loi.

[16]        Pour que l’on puisse réclamer un crédit d’impôt non remboursable pour une année d’imposition, le don doit être versé à un « organisme de bienfaisance enregistré » ou autre donataire visé par le paragraphe 118.1(1) de la Loi.

[17]        Ensuite, il doit y avoir une attestation conforme à la Loi. Le paragraphe 118.1(2) dispose :

(2) Attestation du don — Pour que le montant admissible d’un don soit inclus dans le total des dons de bienfaisance, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles, le versement du don doit être attesté par la présentation au ministre des documents suivants :

a)   un reçu contenant les renseignements prescrits;

[18]        Les renseignements prescrits figurent au Règlement de l’impôt sur le revenu (« Règlement ») partie XXXV, 3500 et 3501. S’il n’y a pas de reçu, le don ne répond pas aux exigences du paragraphe 118.1(1), et si le reçu ne respecte pas les exigences de forme énoncées au paragraphe 3501(1) du Règlement, la demande de crédit pour un don de bienfaisance est irrémédiablement invalide : Castro c. La Reine, 2015 CAF 225.

[19]        En l’espèce, seul le reçu de 370 $ répond aux exigences du paragraphe 118.1(1) de la Loi et du Règlement 3501. 

[20]        Je me dois d’ajouter que l’appelante a produit cinq reçus totalisant 1 510 $ (il n’y avait pas de reçu pour 360 $) pour des montants versés à une association et à une école de langue. Puisque le nom de ses enfants figure sur les reçus, j’en conclus que ces entités ont offert des services quelconques, notamment des cours de langue. Il va de soi qu’un simple reçu donné en échange d’une somme d’argent payée pour des produits ou des services quelconques, ne peut satisfaire à la définition du don. Puisque l’Appelante a tiré un avantage de la somme payée, par l’entremise de ses deux enfants, il ne peut y avoir dons de bienfaisance au sens de la Loi.

[21]        Par ces motifs, je rejette l’appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2016.

 

« Guy Smith »

Juge Smith


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 70

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-2353(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

FATNA NAZIH c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 décembre 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 22 mars 2016

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Mélanie Sauriol

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Millette c. R., 99 D.T.C. 527 (Fr.) (T.C.C.)

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