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Dossier : 2012-2348(IT)G

ENTRE :

ROSETTA WYNTER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 2 mars 2016, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Duane R. Milot

Avocat de l’intimée :

Me Tony Cheung

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2009 est rejeté. Des dépens de 1 200 $, y compris les débours, sont adjugés à l’intimée.

      


Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 22e jour d’avril 2016.

« D. W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de décembre 2016.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2016 CCI 103

Date : 20160422

Dossier : 2012-2348(IT)G

ENTRE :

ROSETTA WYNTER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe

[1]             Aux termes du nouvel avis d’appel – daté du 4 novembre 2015 – le présent appel est formé contre l’imposition d’une pénalité pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi sur l’impôt sur le revenu (la « Loi ») relativement à l’année d’imposition 2009. Dans la déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2009 qu’elle a produite, l’appelante, Rosetta Wynter (« Mme Wynter ») a déclaré une perte de 447 148,31 $ comme [TRADUCTION] « perte à titre de mandataire » qui a été exposée en détail dans son État des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale comme suit :

Rentrées de revenus bruts d’entreprise ou de profession libérale en tant que mandataire

204 999,65 $

Marge brute

204 999,65 $

Dépenses d’entreprise – Montant versé au mandant par le mandataire

652 147,96 $

Perte nette

447 148,31 $

[2]             L’appelante a appliqué 114 201,31 $ de la perte déclarée à titre de mandataire contre son revenu pour l’année d’imposition 2009 et elle a demandé que le solde non utilisé de 332 947 $ soit reporté rétrospectivement et appliqué à ses années d’imposition 2006, 2007 et 2008 à raison de 91 497 $, de 101 779 $ et de 139 671 $ respectivement. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation initiale à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2009 – le 3 juin 2010 – faisant droit à la perte déclarée à titre de mandataire et rejetant la demande de report rétrospectif de pertes autres qu’en capital pour les années précédentes. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante – le 8 juillet 2011 – pour l’année d’imposition 2009 et a appliqué une pénalité pour faute lourde de 51 569,49 $.

[3]             Aux termes du paragraphe 244(9), l’affidavit de Sadruddin Suleman, agent des litiges employé par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a été déposé.

[4]             Les avocats des parties ont reconnu que les pièces suivantes pouvaient être présentées comme suit :

          Pièce A-1 – Cahier de preuve documentaire de l’appelante, onglets 1 à 12, inclusivement.

          Pièce R-1 – Cahier de preuve documentaire de l’intimée, onglets 1 à 14, inclusivement.

[5]             Mme Wynter a témoigné être ouvrière à la retraite ayant travaillé pour Chrysler Canada Inc. (« Chrysler »). Elle est née en Jamaïque et, en 2009, elle avait 65 ans. En 1967, elle a immigré de l’Angleterre, où elle a vécu pendant quatre ans, au Canada. Elle a obtenu la citoyenneté canadienne en 1977. En Jamaïque, elle a étudié jusqu’en sixième année, mais elle ne sait pas quel est le niveau équivalent au Canada. (Le paragraphe 4 de son nouvel avis d’appel indique que son niveau était l’équivalent de la 10e année au Canada.) Mme Wynter a déclaré qu’elle était une élève moyenne. Elle est mariée et a quatre enfants. En 2012, elle a fait des études dans un collège à Mississauga, en Ontario, et, en 2013, elle a obtenu une qualification de préposée aux services de soutien à la personne, ce que l’on appelle couramment une personne soignante. Elle n’a aucune formation en fiscalité, commerce ou comptabilité. En 1963, alors qu’elle vivait en Angleterre, elle travaillait dans une usine et après être arrivée au Canada, elle a travaillé comme empaqueteuse dans une installation de Planters Peanuts pendant environ un an. Elle est allée aux États-Unis d’Amérique pendant une courte période, mais elle est retournée au Canada et a obtenu un emploi chez Admiral, une entreprise d’appareils ménagers, où elle travaillait à une chaîne de montage pour fabriquer des réfrigérateurs. Lorsqu’Inglis a acheté cette entité, elle a de nouveau travaillé à une chaîne de montage pour fabriquer des machines à laver. Elle a ensuite occupé un emploi au sein d’American Motors à Brampton, en Ontario, où elle a travaillé de façon continue de 1986 à 1991, sauf pour une brève période de mise en disponibilité de trois semaines. Chrysler a acheté American Motors et l’appelante a travaillé pour son nouvel employeur jusqu’à sa retraite, en 2008. Sa dernière tâche consistait à inspecter les tableaux de bord, les essuie-glaces et d’autres instruments; elle avait pour désignation « spécialiste B ». Mme Wynter a déclaré qu’elle a souvent dû effectuer des doubles quarts et travailler pendant les jours fériés. Lorsque son employeur délivrait un feuillet T4, elle l’apportait à un spécialiste en préparation de déclarations de revenus pour produire sa déclaration et n’avait eu aucun problème avec l’ARC depuis sa première déclaration en 1967. Elle n’avait jamais préparé de déclaration de revenus seule et un spécialiste en déclarations de revenus de Brampton lui avait fourni ses services pendant plusieurs années. Avant cela, un collègue de travail chez Chrysler préparait ses déclarations. Mme Wynter a déclaré qu’elle n’a jamais possédé ou exploité d’entreprise. Son seul revenu avait été un revenu d’emploi, mais lorsqu’elle a déménagé de Mississauga à Brampton en 1999, elle a acheté une maison et loué un appartement au sous-sol et elle a déclaré le revenu net de cette source. Au fil des ans, elle a demandé les déductions de dons de bienfaisance, d’un régime enregistré d’épargne-retraite (« REER ») et d’autres montants admissibles comme des frais médicaux, des cotisations syndicales et des paiements semblables. En 2006, l’appelante a reçu un appel téléphonique de la part d’un homme qui s’est présenté comme étant Alrick Perkin (« M. Perkin »). Elle ne le connaissait pas et ne savait pas comment il avait obtenu son numéro de téléphone à son domicile. M. Perkin a demandé la permission de rendre visite à l’appelante chez elle, ce qu’elle a accepté. Il s’est rendu à son domicile et lui a parlé des avantages de faire des dons à DSC Lifestyle Services (« DSC »). À ce moment-là, Mme Wynter n’a posé aucune question à M. Perkin, mais il l’a invitée à assister à une réunion et l’a informée que DSC préparait aussi des déclarations de revenus. Mme Wynter a assisté à la réunion où une vidéo a été diffusée dans le cadre d’une présentation qui, d’après ce qu’elle a compris, se rapportait à un programme de dons de bienfaisance et comportait un jumelage équivalent aux dons pour augmenter le montant du don. M. Perkin travaillait avec Janet Perry (« Mme Perry ») au bureau de DSC situé au troisième étage d’un grand édifice au 5000, avenue Steeles, à Brampton. Mme Wynter s’est rappelé qu’il y avait dans le bureau des ordinateurs, des projecteurs et plusieurs bureaux dans l’aire de travail, mais elle a cru comprendre que le siège social de DSC était au 800, avenue Steeles, et c’est là qu’elle s’est rendue pour obtenir des conseils parce que l’ARC voulait qu’elle rembourse une somme d’environ 1 000 $ qu’elle avait reçue. Entre 2006 et le moment où DSC a cessé ses activités, Mme Wynter a assisté à une réunion chaque année à laquelle au moins 30 personnes de différentes nationalités et origines étaient présentes. Le consensus était que les programmes qui leur étaient offerts étaient « corrects » au sens où ils étaient normaux et légaux. En 2006, l’appelante a payé des frais de 6 000 $ pour se joindre à DSC, mais le mode de paiement était fondé, selon elle, sur un prêt de DSC qui serait remboursé lorsqu’elle recevrait son remboursement d’impôt. Mme Wynter a déclaré avoir posé des questions sur le fondement du remboursement et le personnel de DSC lui a dit qu’il s’expliquait par ses dons. Mme Wynter a déclaré qu’elle avait reçu les documents – pièce A-1, onglet 2 – de DSC, y compris un document intitulé [TRADUCTION] « Code d’éthique » et un autre qui avait pour en-tête : [TRADUCTION] « Les réalités financières de la vie ». Mme Wynter a déclaré qu’on lui avait demandé de remplir un formulaire de demande pour se joindre à DSC. Elle a emprunté la somme de 90 000 $ à la Banque TD et – se fiant aux conseils de M. Perkin et de Mme Perry – elle a investi l’argent dans un projet de mise en valeur foncière à Whitby, en Ontario. En 2008, Chrysler a mis en place un programme d’indemnités de départ pour les ouvriers plus âgés et l’appelante a reçu un paiement de la part de Chrysler d’environ 60 000 $, après impôts. Mme Wynter a déclaré avoir signé le verso du chèque de Chrysler et l’a remis à DSC.  Elle a également retiré environ 40 000 $ de son compte de REER auprès de la Chrysler Credit Union parce que Mme Perry lui avait promis un taux d’intérêt plus élevé que celui que lui versait la Credit Union. Mme Wynter a déclaré qu’elle croyait que DSC exploitait une institution financière. En 2015, elle a reçu 60 000 $, montant qu’elle a déposé dans un compte auprès de la Chrysler Credit Union. Mme Wynter a déclaré avoir engagé DSC pour préparer ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2006 et 2007, mais qu’elle ne savait pas qui était exactement le spécialiste en déclarations de revenus. On a demandé à Mme Wynter de consulter un document à l’onglet 3 de la pièce A-1, sur papier à en-tête de Furry World Rescue Mission (« Furry World »), située à Lynden, en Ontario. Ce document était prétendument un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu – en date du 29 décembre 2008 – d’un montant de 80 891,25 $ et les biens censément donnés par l’appelante y étaient présentés comme étant 39 220 actions de RCT Global Networks Inc. Le document indiquait que les actions avaient été évaluées par la Bourse de Francfort, en Allemagne. Le reçu était signé : Peter Black, directeur administratif, autorisé par l’organisation caritative. Mme Wynter a déclaré qu’elle ne savait pas à quoi l’argent avait servi, mais qu’elle avait pris l’habitude de faire des dons à diverses organisations tout au long de sa vie professionnelle et qu’elle n’avait pas eu de problèmes fiscaux en lien avec ces dons. Elle avait demandé aux personnes-ressources de DSC si ces dons étaient comme ses dons habituels à des organisations caritatives et on lui a assuré qu’ils entraient dans la même catégorie. Mme Wynter a déclaré que les gens avec qui elle s’entretenait à DSC portaient une tenue professionnelle et se comportaient de façon professionnelle et courtoise, et qu’il y avait des certificats accrochés aux murs, bien qu’elle ne savait pas ce qui y était mentionné ou par qui ils avaient été décernés. Lors d’une réunion à Toronto, Larry Watts était l’un des intervenants et il a parlé d’économies et de placements. Mme Wynter était présente, accompagnée de son mari, en plus de quelque 30 à 40 autres personnes. Elle a déclaré qu’aucune discussion n’avait porté sur la notion de « personnes physiques » ou de l’utilisation d’un mandataire ou d’une entité. DSC était chargée de la préparation de la déclaration de revenus de l’appelante pour l’année d’imposition 2009 et elle a par la suite reçu un remboursement de 30 311,62 $. À l’onglet 5 de la même pièce, l’appelante a reconnu sa déclaration générale T1 de 2009, qui avait été préparée soit par quelqu’un au sein de DSC, soit par un spécialiste en déclarations de revenus engagé par DSC (les numéros de page cités par la suite ont trait à cette déclaration de revenus, se trouvent dans le coin supérieur droit et ont été numérotés par l’avocat afin de faciliter la consultation). Mme Wynter a déclaré avoir fourni à Mme Perry – au bureau de DSC situé au 5000, avenue Steeles – ses feuillets T4, les renseignements au sujet de son revenu tiré de la location d’un appartement dans son domicile et les reçus de dons de bienfaisance. Une semaine plus tard, Mme Wynter a reçu un appel de Mme Perry l’informant que sa déclaration de revenus était prête et qu’elle pouvait venir la prendre. Mme Perry l’a rencontrée au bureau de la réception de DSC et lui a indiqué où signer; elle a suivi ses instructions. Mme Perry a mis la déclaration de revenus dans une enveloppe et a dit à Mme Wynter de l’envoyer par la poste à l’ARC. Mme Wynter a déclaré qu’avant de signer la déclaration de revenus, elle a consulté la première page, mais n’a pas remarqué l’inscription à la ligne 135 – de la deuxième page – où un montant négatif de revenu d’entreprise se chiffrant à 447 148,31 $ était inscrit, et elle n’a pas remarqué non plus d’autres chiffres comme le montant de 204 999,65 $, présenté comme un revenu d’entreprise. Le revenu de location tiré de l’appartement était inscrit à la ligne 126, pour un montant de 10 800 $ et – à la ligne 130 – le montant de 110 000 $ était inscrit comme autre revenu. Mme Wynter a déclaré qu’elle n’avait pas remarqué son feuillet T4 – à la page 19 – délivré par Chrysler ni les feuillets T4A aux pages suivantes délivrés par DaimlerChrysler Opr. et n’avait pas pris conscience des feuillets T5 et des reçus des dons de bienfaisance. À la page 51 de l’onglet 5, Mme Wynter a reconnu sa signature, mais a déclaré que le mot « par » ne s’y trouvait pas lorsqu’elle a signé sa déclaration le 23 avril 2010. La case à côté de sa signature qui devait être remplie par un spécialiste en déclarations de revenus était vide. Mme Wynter a déclaré qu’elle n’avait pas remarqué le montant du remboursement demandé – soit 30 311,62 $ – à la ligne 484. Mme Wynter a déclaré qu’elle ne connaissait pas le fondement de la demande de remboursement et qu’elle ne savait pas pourquoi le remboursement serait payable. Pour ce qui est des autres années d’imposition, Mme Wynter a déclaré avoir payé des honoraires de 100 $ à DSC pour préparer ses déclarations de 2006 à 2009, inclusivement, avoir reçu un remboursement pour chaque année d’imposition et avoir payé à DSC la somme de 6 000 $ tirée du remboursement de 2006, et la somme de 5 000 $ tirée d’un remboursement reçu l’année suivante. Elle n’a payé aucune partie de son dernier remboursement à DSC. On a demandé à l’appelante de se reporter à l’onglet 6 et à un document intitulé [TRADUCTION] « Demande de report rétrospectif de pertes ». Mme Wynter a reconnu avoir signé ce document, mais a précisé ne pas avoir ajouté le mot « par » devant sa signature. Dans sa déclaration de revenus de 2009 se trouvait l’État des résultats des activités d’une entreprise que Mme Wynter a déclaré ne pas avoir vu. Elle a déclaré qu’elle avait supposé – comme auparavant – que DSC était un cabinet de professionnels et que cette déclaration avait été correctement établie. L’ARC a envoyé à l’appelante une lettre – datée du 7 février 2011 – onglet 7 – l’informant que des renseignements supplémentaires devaient être fournis au sujet de la perte d’entreprise déclarée d’un montant de 447 148,31 $. Mme Wynter a déclaré qu’elle savait qu’elle n’avait pas exploité d’entreprise et qu’elle avait envoyé par télécopieur cette lettre à Christine, au bureau d’Ed Gilmore. Mme Wynter a déclaré qu’elle ne reconnaissait pas les documents figurant à l’onglet 8, soit une lettre adressée à L. Rudyk – vérificateur de l’ARC au bureau de Sudbury – et un T4A Sommaire. Mme Wynter a reçu une autre lettre de l’ARC – datée du 6 mai 2011 – à l’onglet 9 – l’informant que l’Agence envisageait d’imposer une pénalité pour faute lourde aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi, en plus de rejeter la perte d’entreprise déclarée pour l’année d’imposition 2009 et de rejeter la demande de report rétrospectif de pertes autres qu’en capital déclarées pour 2007 et 2008. Mme Wynter a déclaré qu’après avoir reçu un relevé de l’ARC – daté du 1er juin 2011 – qui indiquait qu’elle devait la somme de 150 173,17 $ – y compris une pénalité provinciale de 29 790,26 $ –, elle s’est présentée au bureau de DSC au 800, avenue Steeles. (L’avis de nouvelle cotisation qui indiquait ce montant se trouve à l’onglet 11 de la pièce R-1, cahier de preuve documentaire de l’intimée.) Mme Wynter a déclaré qu’elle avait parlé à Esma Bowman (« Mme Bowman ») qui lui a dit de ne pas s’inquiéter parce que le prochain relevé de l’ARC indiquerait qu’elle ne devait rien, car des experts en fiscalité de DSC se penchaient sur le problème et que Mme Wynter n’aurait rien à rembourser en fin de compte. Mme Bowman n’a pas demandé d’honoraires additionnels. Mme Wynter a déclaré qu’elle n’a pas envoyé la lettre du 1er juin 2011, figurant à onglet 10 de la pièce A-1, à L. Rudyk à l’ARC, bureau de Sudbury, mais qu’elle avait signé l’avis d’opposition – onglet 12 – daté du 5 octobre 2011 et qu’elle l’avait envoyé par la poste à l’ARC. Elle avait reçu le document de la part de Mme Perry ou d’une autre personne au sein de DSC et elle ne savait pas ce qui se passait, parce qu’elle pensait que le problème était lié à un don qu’elle pensait légitime, et elle ne comprenait pas comment elle avait pu [TRADUCTION] « se retrouver dans cette mauvaise situation ».

[6]             L’avocat de l’intimée a contre-interrogé l’appelante. Mme Wynter a déclaré qu’elle était en mesure de soustraire et de multiplier des nombres, mais qu’elle ne comprenait pas la notion de nombres négatifs de façon générale; par contre, elle connaissait la signification d’un montant négatif sur un relevé bancaire. Au sein de Chrysler, elle entrait des données dans un ordinateur après avoir inscrit des notes sur une feuille concernant les défectuosités à l’intérieur d’un véhicule qu’elle avait décelées lors de son inspection. Il se construisait environ 900 voitures par jour sur la chaîne de montage et elle était l’une des travailleuses chargées d’inspecter certaines composantes. Pendant une certaine période avant 2006, Sanjay Grouter (« M. Grouter »), préparait ses déclarations de revenus et ne demandait pas plus de 100 $, et parfois seulement 60 $. À l’occasion, elle a reçu des remboursements de près de 1 000 $. En 2006, M. Perkin l’a appelée chez elle pour parler d’un certain programme et l’a invitée à assister à une réunion. Mme Wynter est allée à la réunion où les documents à la pièce A-1 – onglet 2 – ont été remis pendant une présentation qui comprenait une vidéo et des conseils concernant l’établissement de déclarations de revenus. Au moment où elle quittait la réunion, M. Perkin lui a dit qu’il était spécialiste en déclarations de revenus, ce qu’elle n’a pas mis en doute. Il n’a pas promis de montant précis de remboursement, mais elle savait que DSC faisait la promotion d’une organisation caritative et elle a décidé d’utiliser les services de cette entité plutôt que de se tourner vers M. Grouter, parce qu’elle souhaitait participer à un nouveau programme de dons de bienfaisance. Mme Wynter a rencontré Mme Perry au bureau de DSC au printemps de 2007 et lui a remis ses feuillets T4 ainsi que d’autres feuillets et documents pertinents. Mme Perry l’a appelée une fois sa déclaration prête et Mme Wynter est allée au bureau et a payé des honoraires de 100 $, mais Mme Perry lui a fait comprendre qu’une autre somme resterait à payer au moment du versement de son remboursement d’impôt. Au sein de DSC, M. Perkin a soulevé le sujet du projet Furry World qui, d’après ce qu’elle avait cru comprendre, était une organisation caritative. Elle a fait un chèque de 5 000 $ à l’ordre de Global Learning Gift Initiative et l’a remis à Mme Perry ou à M. Perkin. Mme Wynter a réitéré qu’elle croyait que DSC lui avait prêté la somme de 6 000 $ pour se joindre à son programme et que ce montant – ainsi qu’un montant d’intérêt non divulgué – serait remboursé grâce au produit de son remboursement d’impôt. Lorsqu’elle a signé sa déclaration de revenus de 2006, Mme Wynter a déclaré qu’elle n’a pas [TRADUCTION] « tout examiné, mais a feuilleté la déclaration » et a signé aux divers endroits indiqués par Mme Perry. Elle ne savait pas quels documents étaient insérés ou annexés à la déclaration. Cependant, la procédure ne semblait pas différente de celle que suivait M. Grouter lorsqu’il avait préparé ses déclarations. Selon l’affidavit de M. Suleman – paragraphe 10 –, l’appelante a gagné 108 571 $ chez Chrysler et a perçu un revenu de location et un autre revenu pour un total de 110 468 $. Le 29 octobre 2009, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année 2006 afin de rejeter un don d’un montant de 35 003 $ (voir le paragraphe 8 de l’affidavit). Mme Wynter a reconnu qu’elle n’avait pas effectué un don de ce montant, mais qu’elle avait fait un chèque d’un montant de 5 000 $ et que M. Perkin lui avait dit que DSC verserait en quelque sorte un montant « correspondant ». L’avocat a renvoyé l’appelante à sa signature de la déclaration de revenus de 2009 – dernière page de l’onglet 5 – pièce A-1 – et – à titre d’exemple – a attiré son attention sur la déclaration figurant juste au-dessus de sa signature qui indique : « J’atteste que les renseignements fournis dans cette déclaration et dans tous les documents joints sont exacts, complets et révèlent la totalité de mes revenus ». Mme Wynter a déclaré qu’elle était convaincue que DSC avait préparé chacune de ses déclarations correctement dans ses bureaux, ou avait engagé une personne compétente pour le faire. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas remarqué le montant du remboursement demandé pour son année d’imposition 2006. Mme Perry avait mis la déclaration de revenus dans une enveloppe et l’avait remise à l’appelante, qui l’a envoyée le lendemain par la poste à l’ARC. Mme Wynter a reçu un remboursement de 10 000 $ relativement à son année d’imposition 2006. Il s’agissait du plus important remboursement qu’elle avait reçu à ce jour et elle ne savait pas pourquoi elle recevait ce montant. Elle a payé la somme de 6 000 $ à DSC, conformément à l’entente conclue plus tôt. Elle a décidé de recourir aux services de DSC pour établir sa déclaration de revenus de 2007 et elle s’est présentée au bureau où elle a fourni les documents habituels, mais on ne lui a pas demandé de payer d’honoraires à l’avance. La même procédure a été suivie pour la signature et l’envoi par la poste de la déclaration – personnellement – à l’ARC. Pour l’année d’imposition 2008, Mme Wynter a traité avec Mme Perry et la même méthode a été suivie pour la signature de la déclaration. Mme Wynter a remis un chèque à l’ordre de Furry World pour ce qui, selon elle, était un don « unique » et a obtenu un reçu – inclus dans sa déclaration de revenus – indiquant qu’elle avait fait un don d’actions d’une valeur évaluée à 80 891,25 $. Au milieu de l’année 2009, l’appelante a reçu un remboursement d’environ 15 000 $, mais le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2008 le 10 mars 2011 pour rejeter la somme de 2 728 $ en dons, et une autre nouvelle cotisation le 24 février 2012 rejetant les dons de 90 891 $ (voir le paragraphe 14 de l’affidavit de M. Suleman). Après avoir reçu son remboursement, Mme Wynter a payé 6 000 $ à DSC avec le produit de son remboursement. On a demandé à l’appelante de se reporter à une lettre non signée – pièce A-1 – onglet 4 – datée du 11 mars 2009 – provenant prétendument de Siddiqi & Company Inc. et dans laquelle deux copies de sa déclaration de revenus de 2008 se trouvaient. La lettre – au paragraphe 2 – conseillait à l’appelante [TRADUCTION] « d’examiner la déclaration de revenus fédérale attentivement pour s’assurer que tout est exact et complet. » Au paragraphe suivant, on lui disait qu’elle avait droit à un remboursement de 27 290,71 $. Plus loin, la lettre faisait état d’autres renseignements pertinents relatifs à cette déclaration. Mme Wynter a déclaré qu’elle ne pensait pas avoir reçu cette lettre, même si elle a été fournie dans sa liste des documents. Mme Wynter a déclaré que, lorsqu’elle a reçu une nouvelle cotisation pour son année d’imposition 2006 – le 29 octobre 2009 – visant à rejeter des dons à hauteur de 35 003 $, elle s’est présentée au bureau de DSC, au 5000, avenue Steeles, parce que le bureau du 800, avenue Steeles, avait été fermé pour l’hiver. Elle a parlé à Mme Bowman qui lui a dit que les professionnels dont les services avaient été retenus par DSC seraient en mesure de réduire le solde dû à zéro. Auparavant, Mme Wynter avait envoyé par télécopie au bureau de DSC la correspondance de l’ARC relativement à son année d’imposition 2006. Mme Wynter a reconnu qu’elle aurait dû consulter M. Grouter – son ancien spécialiste en déclarations de revenus –, mais à ce moment-là, elle [TRADUCTION] « n’a pas réfléchi ». Mme Wynter a engagé DSC pour préparer sa déclaration de revenus pour l’année 2009 et s’est rendue au bureau au début d’avril. Elle s’est entretenue avec Mme Perry, mais n’a pas demandé si DSC avait été en mesure de résoudre les problèmes avec l’ARC découlant de son année d’imposition 2006, comme en témoignait la nouvelle cotisation établie des mois plus tôt, en octobre 2009. Pour ce qui est de sa déclaration pour l’année d’imposition 2009, l’appelante a déclaré avoir reçu un appel téléphonique de Mme Perry l’informant que sa déclaration était prête à être signée. Mme Wynter s’est rendue au bureau et a suivi la même procédure, et elle n’a pas examiné la déclaration en détail, mais elle a vérifié si les renseignements personnels de la pièce A-1, onglet 5 – page 1 – étaient exacts. Elle n’a pas consulté les renseignements de la page 2 et n’a pas non plus examiné les pages 19 à 31, inclusivement, composées de divers feuillets et reçus concernant son revenu pour l’année en question. À la page 28 se trouve un reçu de l’Olympia Trust Company relatif au REER autogéré de l’appelante d’un montant de 59 447 $. Heureusement, cet argent avait été placé là par DSC à partir du produit de l’indemnité de départ de Chrysler que Mme Wynter avait investi en endossant le chèque. Mme Wynter a déclaré que DSC ne lui a jamais remboursé son investissement dans ce qui avait été appelé le Projet Foncier à Whitby, mais en 2015, elle a reçu un montant de la même source, qui était en grande partie lié à son apport initial de capital. Mme Wynter a déclaré qu’elle n’avait pas vu l’État des résultats des activités d’une entreprise dans sa déclaration – à la page 46 – et qu’elle ne sait pas pourquoi il s’y trouverait. Mme Wynter a déclaré ne pas avoir consulté les pages 47 ou 48 au moment de signer sa déclaration de 2009, mais avoir signé au bas de la page 49 pour attester que les renseignements s’y trouvant au sujet de son revenu et de ses pertes d’entreprise étaient exacts. Elle a déclaré ne pas avoir vu la page 50 ni le montant figurant en haut de la page – à la ligne 150 – indiquant la somme négative de 273 419,79 $ représentant son revenu. Mme Wynter a bien pris note du montant du remboursement demandé de 30 311,62 $, mais ne s’est pas informée auprès de Mme Perry quant aux raisons ou aux circonstances expliquant pourquoi elle avait droit à ce montant. Elle n’a pas réagi concernant l’absence de désignation de DSC ou de quelqu’un engagé par DSC comme spécialiste en déclarations de revenus. Mme Wynter a déclaré ne jamais avoir dit à DSC qu’elle avait exploité une entreprise. Elle n’a versé à DSC aucune partie du remboursement reçu initialement pour l’année 2009. Lorsqu’elle a reçu la lettre du 7 février 2011 de l’ARC – onglet 7 –, elle a communiqué avec Ed Gilmore étant donné qu’elle manquait d’assurance pour communiquer directement avec le vérificateur de l’ARC. Elle n’a ensuite plus eu affaire à DSC, étant donné que l’entreprise a fermé ses portes à un moment donné, probablement à la fin de l’année 2010. Tel que cela a été mentionné précédemment, Mme Wynter n’a pas envoyé la lettre – datée du 29 mars 2011 – à L. Rudyk, vérificateur de l’ARC, et n’a autorisé personne à l’envoyer. Lorsqu’elle a reçu une autre lettre de l’ARC – datée du 6 mai 2011 – onglet 9 – elle l’a envoyée à M. Gilmore. Mme Wynter a déclaré qu’elle n’avait pas vu la lettre de l’ARC – datée du 1er juin 2011 – onglet 10 – qui devait censément être envoyée en son nom et qu’elle n’a autorisé personne à le faire ni demandé à personne de le faire. L’appelante a reconnu sa signature sur l’avis d’opposition – onglet 12 – daté du 5 octobre 2011, qui avait été envoyé à son ordinateur en pièce jointe. Elle a lu une partie du document, l’a signé et l’a envoyé par la poste au chef des Appels, à Sudbury. Mme Wynter a déclaré qu’elle n’avait jamais su ou soupçonné que DSC participait à un stratagème d’évitement fiscal et avait cru que ses remboursements étaient attribuables au fait d’avoir contribué à un programme de dons de bienfaisance qui pouvait en toute légitimité augmenter le montant du don réel.

[7]             L’avocat n’a pas procédé à un réinterrogatoire et a clos la preuve de l’appelante.

[8]             L’avocat de l’intimée n’a appelé aucun témoin à comparaître.

[9]             L’avocat de l’appelante a soutenu que sa cliente n’était pas très instruite et qu’elle ne saisissait pas bien les chiffres qui se trouvaient dans certaines parties de son témoignage indiquant le nombre de voitures – 900 – qu’elle avait inspectées en une journée, alors que ce nombre se rapportait à toute la production de la chaîne de montage. L’appelante était une grande travailleuse, elle avait 65 ans en 2010, lorsque la déclaration de revenus de 2009 a été produite. Il est probable qu’elle a été victime d’un stratagème de DSC lié au projet d’aménagement foncier à Whitby et qu’elle n’a pas pu facilement identifier la source de l’argent reçu par la suite en 2015. L’avocat a soutenu qu’il était évident que Mme Wynter n’a jamais déclaré à DSC qu’elle avait une entreprise et qu’elle faisait confiance à DSC étant donné qu’il semblait s’agir d’une entreprise légitime – ayant deux bureaux à Brampton – qui était exploitée par des professionnels spécialisés dans le domaine de l’impôt sur le revenu, en plus d’offrir d’autres programmes financiers à ses clients. L’avocat a mentionné les éléments de preuve non contredits de Mme Wynter selon lesquels elle n’avait pas vu l’État des résultats des activités d’une entreprise ni la demande de report rétrospectif de pertes et n’en avait pas été informée, de sorte qu’aucun signe avant-coureur ni « feu clair » n’a éveillé ses soupçons quant au fait qu’une perte d’entreprise avait été déclarée. Le fait d’être certaine de participer à un programme de dons légitime a été renforcé par le fait qu’elle a effectué un don de 5 100 $ le 10 janvier 2010 à une église à Kitchener, que le ministre a reconnu comme organisme de bienfaisance enregistré légitime qui avait délivré un reçu en bonne et due forme. L’avocat a soutenu que la Couronne ne s’était pas acquittée de son fardeau et que l’appel devrait être accueilli avec dépens. L’avocat a fait d’autres observations au sujet de l’état actuel du droit en ce qui a trait à la notion d’aveuglement volontaire que j’aborderai plus loin dans les présents motifs.

[10]  L’avocat de l’intimée a reconnu qu’il n’y avait aucun agissement intentionnel de la part de l’appelante, qu’elle n’avait pas envoyé les lettres – à l’onglet 8 et à l’onglet 10 – pièce A-1, et qu’elle n’avait autorisé personne à les envoyer à l’ARC, mais qu’elle avait signé l’avis d’opposition – daté du 5 octobre 2011 – qu’elle avait reçu en pièce jointe à un courriel que lui avait envoyé DSC et qu’elle l’a posté à l’attention du chef des Appels, à Sudbury. L’avocat a soutenu que les faits révélaient que l’appelante avait fait preuve d’aveuglement volontaire et qu’une analyse des éléments de preuve exigée par la jurisprudence moderne pertinente, relativement à l’imposition d’une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi, appuyait une conclusion selon laquelle l’imposition de la pénalité pour son année d’imposition 2009 était justifiée. L’avocat a soutenu que l’appel devrait être rejeté avec dépens.

[11]  Selon le paragraphe 163(3) de la Loi, le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

[12]  Deux éléments sont nécessaires pour justifier l’imposition de ces pénalités :

       1.     un faux énoncé dans une déclaration;

       2.     le fait d’avoir, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait le faux énoncé ou d’y avoir consenti ou acquiescé.

[13]        Dans l’arrêt Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, [2015] A.C.S. no 41 [Guindon], la Cour suprême du Canada a entendu un appel à l’encontre d’une décision de la Cour d’appel fédérale infirmant une décision de la Cour canadienne de l’impôt qui avait annulé l’imposition d’une pénalité aux termes de l’article 163.2 parce que la disposition était de nature pénale. L’appelant était un avocat qui ne possédait aucune expertise dans le domaine fiscal et qui avait participé à un programme de dons financés par emprunt. Un point en litige était de savoir si la Cour suprême pouvait examiner puis trancher une question constitutionnelle qui n’avait pas été soulevée dans le cadre des instances devant les juridictions inférieures en l’absence de l’avis devant normalement être donné aux parties intéressées. Aux fins du présent appel, les commentaires des juges Rothstein et Cromwell – qui ont rendu le jugement au nom de la majorité – du paragraphe 60 au paragraphe 62, inclusivement, sont les suivants :

[60] Dans son mémoire, le ministre soutient que la « conduite coupable » visée à l’art. 163.2 de la LIR [TRADUCTION] « n’est pas censée différer de la faute lourde et de la norme qui s’y rattache au par. 163(2) »  (par. 79). Dans Venne c. Canada (ministre du Revenu national — M.R.N.), [1984] A.C.F. no 314 (QL) (1re inst.), une affaire relative à la pénalité prévue au par. 163(2), la Cour fédérale explique qu’« une indifférence au respect de la Loi » ne s’entend pas que d’une simple inattention ou négligence; elle suppose « un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée » (p. 11). Cela s’apparente en somme à faire l’autruche (Sirois (L.C.) c. Canada, 1995 CarswellNat 1974 (WL Can.) (C.C.I.), par. 13; Keller c. Canada, 1995 CarswellNat 569 (WL Can.) (C.C.I.)). Dans Sidhu c. La Reine., 2004 CCI. 174, la Cour canadienne de l’impôt, pour expliquer sa décision dans Venne, développe les expressions « équivaut à une conduite intentionnelle » et « montre une indifférence quant à l’observation de la présente loi » :

Les actions « qui correspondent » à des actions réalisées intentionnellement sont celles pour lesquelles on peut présumer une intention, comme les actions qui démontrent « une indifférence au respect de la Loi ». [...]  Le fardeau de la preuve ne consiste pas à prouver au-delà du doute raisonnable l’intention coupable de se soustraire au paiement de l’impôt mais à prouver selon la prépondérance des probabilités une telle indifférence à l’égard de la diligence appropriée et raisonnable dans le contexte d’un système d’autocotisation qui contredit et insulte le sens commun. [par. 23 (CanLII)]

[61]      Par conséquent, bien que la portée de la définition de « conduite coupable » soit objet de débats (comme on l’a plaidé devant la Cour de l’impôt dans la présente affaire), la norme appliquée doit être au moins aussi stricte que pour la faute lourde au titre du par. 163(2) de la LIR. La pénalité infligée au tiers vise à sanctionner une conduite grave, non la négligence ordinaire ou la simple erreur du spécialiste en déclarations ou du planificateur.

[62] Nous pouvons conclure que l’objectif de la procédure en cause est de promouvoir l’honnêteté des spécialistes en déclarations et de les dissuader de commettre une faute lourde ou un acte encore plus grave, ce qui est essentiel dans le cadre d’un système d’autocotisation.

[14]        Dans la décision Torres c. Canada, 2013 CCI 380, 2014 DTC 1028 [décision Torres], le juge C. Miller a examiné la jurisprudence pertinente, y compris des arrêts récents de la Cour d’appel fédérale, et a fait référence à sa décision antérieure intitulée Bhatti c. La Reine, 2013 CCI 143, où il était également question de Fiscal Arbitrators. Dans la décision Torres, en se fondant sur cette jurisprudence et sur les éléments de preuve qui ont été produits dans les appels dont il était saisi, il a affirmé ce qui suit aux paragraphes 65 et 66 :

[65]      Vu cette jurisprudence et les éléments de preuve qui m’ont été produits dans les six appels dont je suis saisi, je dégage les principes suivants :

a)         La connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

b)        La notion d’aveuglement volontaire peut être appliquée aux pénalités pour faute lourde prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi, et il convient d’appliquer cette notion en l’espèce.

c)         Pour savoir s’il y a eu ou non aveuglement volontaire, il faut tenir compte du niveau d’instruction et d’expérience du contribuable.

d)        Pour conclure à un aveuglement volontaire, il doit y avoir eu nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité.

e)         Les facteurs laissant supposer la nécessité de s’informer avant la production d’une déclaration, ou faisant apparaître « des feux rouges clairs », expression que j’employais à l’occasion de l’affaire Bhatti, comprennent ce qui suit :

i)          l’importance de l’avantage ou de l’omission;

ii)         le caractère flagrant du faux énoncé et la facilité avec laquelle il peut être décelé;

iii)        l’absence, dans la déclaration elle-même, d’une attestation du spécialiste qui a établi la déclaration;

iv)        les demandes inusitées du spécialiste;

v)         le fait que le spécialiste était auparavant inconnu du contribuable;

vi)        les explications inintelligibles du spécialiste;

vii)       le point de savoir si d’autres personnes ont eu recours au spécialiste ou ont fait des mises en garde à l’encontre de ce dernier, ou le point de savoir si le contribuable lui-même hésite à s’en ouvrir à d’autres.

f)         Le dernier critère de l’aveuglement volontaire est le fait que le contribuable ne s’enquiert pas auprès du spécialiste pour comprendre la déclaration de revenus, ni ne s’enquiert aucunement auprès d’un tiers, ou auprès de l’ARC elle-même.

[66]      Les appelants ont-ils fait preuve d’aveuglement volontaire?

[15]        Le juge C. Miller a ensuite appliqué la preuve à chacune des personnes en utilisant les critères précités établis dans ses motifs et, aux paragraphes 70 à 72 inclusivement, il a fait le commentaire suivant :

[70]      Je n’ai aucun mal à conclure qu’il y avait suffisamment de signaux d’alarme pour que les appelants soient amenés à s’enquérir davantage auprès des spécialistes eux-mêmes, auprès de conseillers indépendants, voire auprès de l’ARC, avant de signer leurs déclarations. Aucun des appelants ne s’est ainsi renseigné avant de faire les faux énoncés. Me Barrett soutient qu’il n’y avait pas de signaux d’avertissement justifiant des investigations. Comme je l’ai expliqué, les éléments de preuve ne vont pas dans le sens de cette thèse. Me Barrett semble alors insinuer que les signaux d’alarme n’étaient pas évidents ou manifestes au point d’appeler des investigations. Encore une fois, je tire la conclusion contraire – les éléments de preuve ne vont tout simplement pas dans ce sens. Il affirme ensuite que, même s’il y avait des signaux d’alarme, les appelants avaient été emberlificotés par Fiscal Arbitrators au point de devenir aveugles à ces signaux, mais sans tomber pour autant dans l’aveuglement volontaire. Il n’y a pas eu faute volontaire ou intentionnelle qui soit punissable de pénalités aussi lourdes. Faute peut-être, dirait Me Barrett, mais non mépris flagrant de la loi au point que l’on puisse parler de faute lourde. Ils ont tout simplement été dupés.

[71]      La thèse des appelants sur ce point serait plus convainquante si les circonstances ne laissaient voir aussi fortement la nécessité de s’informer. Il est difficile de nier l’existence d’un aveuglement volontaire en opposant un moyen de défense d’absence d’intention délictueuse alors que l’idée d’aveuglement volontaire suppose une connaissance sans égard à l’intention (voir la jurisprudence Panini). Peut-être vaudrait-il mieux dire que des circonstances aussi claires que celles qui existent ici selon moi, dans lesquelles la nécessité de s’informer saute aux yeux, expliquent le mot « volontaire » dans l’expression « aveuglement volontaire ». L’aveuglement est évident. Les circonstances claires ont pour effet d’exclure le moyen de défense selon lequel « j’avais la conviction que ce que je faisais était légitime », quand bien même cette conviction résulterait-elle d’un abus de confiance.

[72]      Ainsi qu’il ressort d’un examen des éléments de preuve, de même que d’un examen des facteurs qui montrent une nécessité de s’informer, il y a d’importantes similitudes entre les six appels. Les circonstances entourant l’établissement, la révision, la signature et la production des déclarations ne sont pas dissemblables au point d’appeler des solutions différentes. Les différences de circonstances sont mineures. J’en exposerai quelques-unes.

M. Hyatali n’a peut-être pas lu la déclaration, s’empêchant ainsi de voir l’énorme perte d’entreprise qui lui aurait crevé les yeux. C’était là faire preuve de négligence : si l’on y ajoute les autres signaux d’alarme, tous ignorés par M. Hyatali, il y a plus qu’assez pour conclure qu’il a lui aussi fait preuve d’aveuglement volontaire.

Quant à Mme Mary Torres, non seulement aurait-elle dû soupçonner que quelque chose n’allait pas au moment de produire sa déclaration de 2007, mais encore elle savait parfaitement que quelque chose n’allait pas quand elle a produit sa déclaration de 2008, puisque l’ARC avait communiqué avec elle à propos de sa déclaration de 2007.

Alors que Mme Eva Torres disait que M. Watts était au service de la même organisation qu’elle depuis 18 mois, elle n’a pas soutenu qu’il existait entre eux d’étroits rapports de travail qui auraient pu dissiper un tant soit peu ses soupçons.

[16]        Aux paragraphes 77 à 79 inclusivement, il a conclu :

Conclusion

[77]      Il est difficile d’éprouver beaucoup de compassion pour les appelants bien que certains d’entre eux aient paru être des gens tout à fait sympathiques, tout simplement trompés par des gens sans scrupule. Néanmoins, sous cette prétendue tromperie, il y a chez chacun d’eux une volonté de se soustraire à ses obligations fiscales. Ils ne s’étaient pas adressés au groupe Fiscal Arbitrators pour qu’il se limite à établir leurs déclarations – ils s’étaient adressés à lui pour qu’il établisse leurs déclarations de manière qu’elles produisent d’importants remboursements; plus exactement, des remboursements qui feraient en sorte qu’ils n’auraient aucun impôt à payer pour l’année en cause, et, dans le cas de certains d’entre eux, pour des années antérieures également. Je me demande comment un particulier, quel que soit son niveau d’instruction, qui a travaillé au Canada, payé des impôts au Canada et profité des avantages de la vie au Canada, peut sans se questionner souscrire à un procédé par lequel il demande la déduction de pertes d’entreprise fictives lui permettant donc tout simplement de ne pas payer sa juste part, et même de ne payer aucune part, de ce qu’il faut pour assurer la marche du pays. Je ne suis pas insensible au sort des conjoints et des familles qui souffriront sans doute des importantes répercussions financières auxquelles donneront lieu, pour eux, ces pénalités par la faute des appelants : il est vrai que les pénalités imposées aux appelants sont lourdes. Je ne puis toutefois feindre de croire que la pénalité spécifique de 50 p. 100 qui est prévue par le paragraphe 163(2) de la Loi puisse être réduite. Seul le gouvernement est à même d’examiner la question.

[78]      Il m’est apparu évident que ces appelants ont payé un prix énorme, et pas seulement sur le plan économique, en conséquence de la conduite mensongère du groupe Fiscal Arbitrators. Je conclus toutefois que les pénalités sont clairement justifiées, encore que je sois préoccupé par les effets dévastateurs que leur ampleur aura sur les appelants. Je reconnais que ce n’est pas là l’un des facteurs énumérés dans l’article 147 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (Procédure générale), mais je ne pense pas que la liste des facteurs soit exhaustive. Ajoutons à cela le fait que peu d’affaires relevant de la procédure générale ont été instruites à propos de Fiscal Arbitrators, que je considère les affaires en question comme des causes types, même si les parties ne les ont pas présentées en tant que telles, et enfin qu’une thèse inédite a été avancée par l’avocat des appelants. J’exerce donc mon pouvoir de ne pas adjuger les dépens. Cela dit, cela ne signifie pas que je m’abstiendrai d’adjuger les dépens dans des affaires futures intéressant Fiscal Arbitrators.

[79]      Les appels sont rejetés.

[17]        Je prendrai en considération les facteurs dégagés par le juge C. Miller dans son analyse étant donné qu’ils concernent l’appelante dans le présent appel.

       Niveau d’instruction et expérience

[18]        Mme Wynter a terminé sa sixième année de scolarité en Jamaïque – comme elle l’a indiqué précédemment, ce qui correspond à la 10e année au Canada – et a travaillé comme ouvrière d’usine ou de chaîne de montage pendant la majeure partie de sa vie professionnelle jusqu’à son départ à la retraite de Chrysler en 2008. Son dernier poste était celui d’inspectrice de l’intérieur des véhicules sur la chaîne de montage et sa tâche consistait à prendre note des défectuosités et, plus tard, à saisir ces données dans un ordinateur. Elle a participé à des programmes de REER, fait des dons de bienfaisance, obtenu une hypothèque, aménagé un appartement locatif au sous-sol de la maison qu’elle a achetée à Brampton et a compris son obligation de déclarer le revenu de location net. Elle était bien informée de sa capacité de gains; elle a effectué des heures supplémentaires et travaillé pendant des jours fériés pour augmenter son revenu. Elle n’avait aucune formation en matière d’impôt sur le revenu et a retenu les services d’un spécialiste en déclarations de revenus ou a fait préparer sa déclaration par un collègue de travail chez Chrysler.

        Nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité

[19]        En 2006, l’appelante a reçu un appel téléphonique non sollicité de la part de M. Perkin, qu’elle ne connaissait pas. Il l’a convaincue d’assister à une réunion dont l’objet était de promouvoir un programme appelé dans les présents motifs « DSC ». Elle a reçu des documents, visionné une vidéo et écouté des intervenants expliquer le mécanisme de dons utilisé par DSC et les détails relatifs à d’autres services offerts aux clients. Au moment de quitter la réunion, M. Perkin a parlé à Mme Wynter de la possibilité de préparer ses déclarations de revenus, qui pendant plusieurs années avaient été préparées par M. Grouter. Mme Wynter a versé à DSC des droits d’adhésion de 6 000 $, mais a cru comprendre que cette somme était payée par un prêt que lui consentait DSC et qui serait remboursé – en plus d’un montant d’intérêt non précisé – en déduction de son remboursement d’impôt. Mme Wynter ne connaissait pas les détails du prétendu programme de dons de bienfaisance dont DSC faisait la promotion et s’est contentée d’une vague explication de la part de M. Perkin ou de l’un de ses associés qu’il s’agissait d’une forme de jumelage, visant à augmenter le montant du don initial aux fins d’une demande de déduction d’un don de bienfaisance d’une déclaration de revenus pour l’année d’imposition visée. Mme Wynter avait investi la somme de 90 000 $ – en suivant les conseils de M. Perkin et de Mme Perry – dans ce qu’elle pensait être un projet d’aménagement foncier à Whitby. Pour obtenir ces fonds, Mme Wynter a effectué un emprunt auprès de sa banque. M. Perkin et Mme Perry lui ont suggéré de retirer ses REER de la coopérative de crédit de Chrysler parce que DSC pouvait lui procurer un taux d’intérêt plus élevé, ce qu’elle a fait sans poser de questions. Mme Wynter a d’abord reçu un remboursement pour son année d’imposition 2006 et ce remboursement n’a pas été rejeté jusqu’à l’établissement d’une nouvelle cotisation datée du 29 octobre 2009. Elle n’a pas compris la raison de ce remboursement élevé, qui était beaucoup plus élevé que les remboursements qu’elle avait reçus depuis qu’elle avait commencé à produire ses déclarations de revenus plus de 30 ans auparavant. Elle pensait que c’était en raison des dons de bienfaisance faits par l’intermédiaire de DSC; elle avait l’habitude de faire des dons et n’avait jamais eu de problèmes avec l’ARC à cet égard. Mme Wynter s’était renseignée auprès de DSC pour savoir si son programme était de la même catégorie ou du même genre que d’autres dons qu’elle avait faits au fil des années, et on lui a affirmé qu’il était tout aussi valable. Un reçu de Furry World – daté du 29 décembre 2008 – indiquait que le montant admissible de son don était de 80 891,25 $, soit la valeur présumée de certaines actions de RCT Global Networks Inc., qui avaient été évaluées par la Bourse de Francfort. Mme Wynter savait qu’elle n’avait fait qu’un chèque de 5 000 $ à titre de don à Furry World. Elle ignorait à quoi servirait l’argent et ne pouvait pas confirmer ni infirmer au moment de la signature si ce reçu concernait sa déclaration pour l’année d’imposition 2008. Mme Wynter est retournée à DSC en avril 2010 pour faire préparer sa déclaration de 2009. À ce moment-là, elle avait déjà fait l’objet d’une nouvelle cotisation – depuis le 29 octobre 2009 – concernant son année d’imposition 2006 dans laquelle le ministre rejetait un don d’un montant de 35 003 $. L’explication donnée par Mme Wynter quant à la méthode suivie pour examiner et signer ses déclarations de revenus pour les années 2006 à 2009, inclusivement, était uniforme. Elle a signé là où Mme Perry lui a indiqué de le faire et n’a pas prêté attention aux chiffres se rapportant aux montants importants de revenu et de pertes d’entreprise qui ont donné lieu à un revenu d’entreprise négatif déduit de son revenu d’emploi et d’autres revenus. Elle a indiqué que, concernant sa déclaration de 2009, elle n’avait pas remarqué que le montant du remboursement demandé était de 30 311,62 $, soit au moins le double de ce qu’elle avait reçu deux ans auparavant. Dans son témoignage, Mme Wynter a déclaré qu’elle n’avait pas remarqué l’État des résultats des activités d’une entreprise, qui présentait prétendument des détails de son activité d’entreprise, mais qu’elle a signé le document ainsi que la demande de report rétrospectif de pertes, datés du 23 avril 2010, là où Mme Perry lui a demandé d’apposer sa signature. Après avoir signé sa déclaration de 2009, la déclaration a été placée dans une enveloppe et Mme Perry la lui a remise en lui donnant pour instructions de la poster à l’attention de l’ARC, ce que Mme Wynter a fait le lendemain. Mme Wynter a déclaré qu’elle n’avait pas examiné la déclaration, mais elle s’est rappelé plus tard, dans son témoignage, qu’elle avait remarqué le montant du remboursement – plus de 30 000 $ – sans demander à Mme Perry pourquoi le montant était si élevé.

[20]        J’examinerai les éléments de preuve, y compris les facteurs auxquels avait renvoyé le juge C. Miller au paragraphe 69 de son jugement dans la décision Torres.

        Le barème des honoraires

[21]        Pendant des années, Mme Wynter a fait préparer sa déclaration de revenus par des spécialistes en déclarations ou par un collègue de travail. Entre 1999 et 2005, elle n’a pas payé M. Grouter plus de 100 $ en honoraires. Elle n’a pas non plus versé de pourcentage d’un remboursement à M. Grouter ni à aucun autre spécialiste précédent. Cependant, elle a versé à DSC la somme de 6 000 $ grâce au produit de son remboursement d’impôt pour son année d’imposition 2006 qui correspondait – manifestement – à une adhésion à DSC. Elle a également versé à DSC la somme de 5 000 $ provenant d’un autre remboursement d’impôt. Pour préparer les déclarations de revenus pour les années 2006 à 2009, inclusivement, Mme Wynter a aussi versé à DSC des honoraires annuels de 100 $. Les deux paiements à DSC s’élevaient à au moins 11 000 $ sur un montant total d’environ 45 000 $ englobant les remboursements obtenus pour les années 2006 et 2008. Elle n’a versé aucun montant à DSC grâce aux produits de son remboursement de 2009, ce qui était probablement attribuable au manque de succès de DSC dans la résolution de ses problèmes avec l’ARC relativement à son année d’imposition 2006.

Anonymat du spécialiste en déclarations de revenus et non-reconnaissance de la préparation des déclarations

[22]        Mme Wynter s’est rendue aux bureaux de DSC aux deux adresses de l’avenue Steeles et a été impressionnée par l’apparence professionnelle des locaux et par le comportement du personnel. Elle a remarqué des certificats accrochés aux murs, mais ne savait pas ce qu’ils attestaient et ne connaissait pas l’identité des émetteurs de ces certificats. Dans la déclaration de revenus de 2009, la section réservée au spécialiste en déclarations de revenus située à côté de l’espace prévu pour la signature du contribuable était vide au moment où Mme Wynter a apposé sa signature. Mme Wynter a apparemment reçu une lettre de Siddiqi and Company – datée du 11 mars 2009 – accompagnée de deux copies de sa déclaration de revenus de 2008 et a retourné l’information qu’elle avait fournie pour la préparation. La lettre indiquait précisément que le remboursement demandé était de 27 290,71 $. Dans la lettre, on lui demandait de signer la déclaration et de la poster à l’attention de l’ARC à Sudbury. Mme Wynter ne pensait pas avoir déjà vu cette lettre, mais la déclaration est parvenue au bureau de Sudbury – comme l’indique l’affidavit de M. Suleman – et a été incluse dans l’échange de documents requis. Cependant, il n’y avait aucune indication dans la déclaration de l’appelante de 2009 qu’elle avait été préparée par DSC ou par une autre personne engagée par DSC.

        Faux énoncé flagrant – facilement décelable

[23]        Un examen raisonnable de ses déclarations pour 2006 et 2008 – même un examen sommaire – aurait révélé que le montant d’un don de bienfaisance déduit était beaucoup plus élevé que celui de sa véritable contribution. Un examen de sa déclaration de 2009 lui aurait permis de voir qu’elle déclarait un revenu d’entreprise de 204 999,65 $ et des dépenses d’entreprise de 447 148,31 $, donnant lieu à un revenu négatif de 273 419,79 $. Mme Wynter a reconnu ne pas avoir consulté la majorité des pages de sa déclaration après avoir vérifié ses renseignements personnels à la page 1. Elle a déclaré n’avoir vu ni l’État des résultats des activités d’une entreprise ni la Demande de report rétrospectif de pertes, mais avoir signé la page 2 de chacun de ces formulaires. Elle a remarqué le montant élevé du remboursement, mais elle n’a pas demandé à Mme Perry comment cela se pouvait compte tenu de son revenu d’emploi, de son revenu locatif et d’autres revenus. Mme Wynter savait qu’elle n’avait jamais exploité d’entreprise et elle n’avait pas dit à DSC de présenter une demande de pertes d’entreprise en son nom. Le montant du remboursement demandé aurait donné lieu à un remboursement de tous les impôts retenus à la source pour cette année-là. Le fait est que Mme Wynter tirait un avantage très important qui était non seulement extraordinaire mais exceptionnel pour cette contribuable qui a produit des déclarations depuis 1967 ou 1968. Mme Perry n’avait d’ailleurs fourni aucune explication au sujet du remboursement qui se fondait sur un programme précis ou particulier de DSC – programme de bienfaisance ou autre – applicable à cette année d’imposition. Au lieu de cela, Mme Wynter ne s’est absolument pas renseignée et elle n’avait aucune raison de croire que le remboursement pour cette année-là était lié à un don de bienfaisance de sa part, étant donné que les seuls dons étaient attestés par les reçus inclus dans sa déclaration et avaient été délivrés par des organismes de bienfaisance légitimes et étaient acceptés par l’ARC.

        Demandes inhabituelles de la part du spécialiste en déclarations de revenus

[24]        Mme Perry a indiqué à l’appelante où signer les déclarations dans les espaces prévus à cette fin et n’a pas divulgué l’identité des spécialistes qui avaient préparé les déclarations de 2006, 2007 et 2009. Plus tard, Mme Wynter a fait parvenir au vérificateur de l’ARC un avis d’opposition – daté du 5 octobre 2011 – qu’elle avait reçu en pièce jointe à un courriel que lui avait envoyé DSC. Elle l’a examiné rapidement et n’en a pas compris la teneur, mais elle savait qu’il se rapportait à son année d’imposition 2009 et aux problèmes recensés par l’ARC, qui faisaient l’objet de lettres demandant d’autres renseignements et des précisions pour appuyer la déduction d’une perte d’entreprise.

        Spécialiste en déclarations de revenus auparavant inconnu du contribuable

[25]        Pendant plusieurs années, M. Grouter avait préparé les déclarations de l’appelante. En 2006, elle a reçu un appel téléphonique de la part de M. Perkin qui l’a invitée à une réunion à laquelle elle a assisté et où on l’a convaincue de participer au programme de DSC. Elle a accepté aveuglément l’affirmation de M. Perkin selon laquelle il était qualifié pour préparer ses déclarations de revenus. Elle n’a pourtant pas communiqué directement avec lui à DSC par la suite relativement à ses déclarations et Mme Perry menait toutes les entrevues et lui indiquait où apposer sa signature sur chaque déclaration. Mme Wynter n’a pas demandé qui avait préparé la déclaration de 2009 et la seule fois où un spécialiste en déclarations de revenus était potentiellement identifiable – Siddiqi & Company Inc. en 2008 – elle a prétendu ne pas se souvenir d’avoir reçu cette lettre avec deux copies de sa déclaration. Elle ne connaissait pas – de toute façon – le nom ou la nature de cette entité et elle ne savait pas non plus où elle était située ni de quelle manière elle avait pu être liée à DSC, à Mme Perry ou à M. Perkin.

        Absence de demandes de renseignements à des professionnels ou à des représentants de l’ARC

[26]        Après avoir été contactée par l’ARC au sujet du rejet de sa déduction pour don de bienfaisance pour l’année 2006, Mme Wynter a reçu un nouvel avis de cotisation daté du 29 octobre 2009 – mais n’a pas communiqué avec le vérificateur de l’ARC qui lui avait précédemment transmis un courrier, et elle a envoyé le tout par télécopieur à DSC. Elle s’est rendue au bureau de DSC au 5000, avenue Steeles à Brampton et s’est entretenue avec Mme Bowman, qui lui a assuré qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter étant donné que les spécialistes engagés par DSC feraient en sorte que le prochain avis de l’ARC indiquerait un solde nul. Mme Wynter n’a pas demandé à Mme Bowman comment cela serait possible étant donné que l’ARC persistait à nier la légitimité du don de bienfaisance déclaré. Aucune autre explication n’a été offerte par Mme Bowman, si ce n’est que DSC réglerait le problème grâce à ses efforts et ses ressources. Mme Wynter n’a communiqué avec personne à l’ARC et n’a pas non plus consulté M. Grouter, avec qui elle avait eu antérieurement une relation d’affaires au cours de laquelle aucun problème avec l’ARC ne s’était posé.

        Confiance de l’appelante à l’égard du spécialiste en déclarations de revenus et de ses complices

[27]        Aucun élément de preuve n’établit qui a préparé les déclarations de revenus pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2009, mais cela a été établi par l’intermédiaire de DSC et Mme Perry était la seule personne chargée de traiter avec Mme Wynter et de lui indiquer où et comment signer. Aucun élément de preuve ne permet de conclure que Siddiqi & Company Inc. existait, étant donné qu’aucune adresse n’a été fournie dans la lettre envoyée à Mme Wynter et qu’aucun nom ni aucune signature n’y figuraient. Mme Wynter a accepté aveuglément les conseils de M. Perkin, de Mme Perry et de Mme Bowman et n’a pas essayé de comprendre un tant soit peu ce qui était déclaré à l’ARC en son nom. Elle a maintenu qu’elle supposait que DSC était un groupe de professionnels et d’experts dans le domaine de la préparation de déclarations de revenus. Elle n’a pas demandé de précisions ni de preuve de cette prétendue expertise et a continué de se fier aux conseils donnés en envoyant cet avis d’opposition absurde en octobre 2011 qu’elle n’avait pas lu au complet et dont elle ne comprenait pas la teneur. La prétendue explication fournie dans cet avis d’opposition est incompréhensible et Mme Wynter aurait dû lire la partie qui affirmait qu’elle était une [TRADUCTION] « entité fictive ». Je ne peux que supposer qu’elle aurait été surprise, étant donné qu’elle a été une employée dévouée et fidèle de plusieurs employeurs pendant 40 ans et qu’elle était une citoyenne canadienne travailleuse. Cependant, l’absence de contenu rationnel ne l’a pas empêchée de poster l’avis d’opposition au chef des Appels. Encore une fois, sa confiance envers DSC n’a pas fléchi, même après que le bureau de DSC à Brampton ait fermé ses portes et même après qu’elle ait reçu l’avis d’opposition non sollicité en pièce jointe à un courriel qui, a-t-elle supposé, avait été envoyé par DSC ou par quelqu’un à qui DSC en avait fait la demande. Il est évident que Mme Wynter ne cherchait pas à s’assurer qu’elle respectait la loi en déclarant son revenu pour l’année d’imposition 2009. Précédemment, elle n’avait pas tenu compte des lettres de l’ARC relativement à son année d’imposition 2006, sauf pour obtenir des conseils auprès de DSC, et elle aurait dû être consternée par le fait que la personne que DSC avait engagé n’avait pas préparé sa déclaration correctement, qu’elle avait fait l’objet d’une nouvelle cotisation et qu’elle devait un montant élevé au gouvernement du Canada. La Cour n’est pas tenue de tirer une conclusion fondée sur le comportement après le fait voulant que cette attitude existait au moment de la signature de la déclaration en question, mais il constitue un facteur raisonnable à prendre en compte dans le contexte de l’analyse requise de toute la preuve. En l’espèce, cette conclusion peut être tirée et c’est ce que je fais, étant donné que Mme Wynter était déterminée à ne pas effectuer de recherches approfondies dont les résultats l’auraient empêchée de recevoir un remboursement, comme l’avait promis M. Perkin et d’autres à DSC.

[28]        Dans l’arrêt Strachan c. Canada, 2015 CAF 60, 2015 DTC 5044 – une décision de la Cour d’appel fédérale [en appel de la décision Torres] – la juge Dawson a prononcé oralement le jugement de la Cour et le jugement intégral se lit comme suit :

Version française du jugement de la Cour rendu par

1.         LA JUGE DAWSON (oralement) : – Aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.), le contribuable qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé dans une déclaration est passible d’une pénalité.

2.         Pour les motifs répertoriés sous la référence 2013 CCI 380, un juge de la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel formé par l’appelante contre la pénalité pour faute lourde imposée relativement à l’année d’imposition 2007. D’après les faits ayant mené à l’imposition de la pénalité, à l’initiative d’un spécialiste en déclarations de revenus sans scrupules, l’appelante avait demandé la déduction d’une perte d’entreprise fictive d’un montant suffisant pour entraîner le remboursement complet de l’impôt payé sur son revenu d’emploi.

3.         Son avocat fait valoir plusieurs erreurs de la part du juge, mais l’appelante n’a pas établi qu’il y avait lieu de modifier le jugement de la Cour de l’impôt. Notre conclusion est fondée sur les motifs qui suivent.

4.         Premièrement, comme l’a admis l’avocat de l’appelante dans sa plaidoirie, le juge n’a pas commis d’erreur en ce qui a trait au critère juridique applicable. La faute lourde peut être établie dans le cas où le contribuable fait preuve d’ignorance volontaire au sujet des faits pertinents lorsqu’il ressent le besoin de se renseigner, mais refuse de le faire parce qu’il ne veut pas connaître la vérité (Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2004 CAF 20, 327 N.R. 186, au paragraphe 6; Panini c. Canada, 2006 CAF 224, [2006] A.C.F. no 955, aux paragraphes 41 à 43).

5.         Contrairement aux observations présentées par l’avocat de l’appelante, les motifs du juge démontrent qu’il a tenu compte des antécédents et de la situation de l’appelante.

6.         Deuxièmement, l’appelante n’a pas établi que le juge avait appliqué incorrectement le critère juridique applicable. Aucune erreur manifeste et dominante n’a été démontrée relativement à la conclusion mixte de fait et de droit selon laquelle, compte tenu des nombreux signaux d’« alarme », l’appelante devait s’enquérir davantage auprès du spécialiste en déclarations de revenus, d’un conseiller indépendant ou encore de l’Agence du revenu du Canada, avant de signer sa déclaration de revenus. Aucune erreur manifeste et dominante n’a été non plus démontrée relativement à la conclusion du juge portant que les circonstances avaient pour effet d’exclure le moyen de défense selon lequel, compte tenu des énoncés fautifs faits par le spécialiste en déclarations de revenus, l’appelante pensait que ce qu’elle faisait était légitime.

7.         En conséquence, l’appel sera rejeté avec dépens.

LA JUGE DAWSON

[29]        À cette étape, reprenant les paroles prononcées par l’empereur Napoléon Bonaparte pendant la bataille de Waterloo, nous dirons que « l’affaire se corse ». La thèse de l’avocat de l’appelante est que la décision du juge C. Miller a été approuvée par la Cour d’appel fédérale, y compris les références dans ses observations, au paragraphe 63 de la décision Torres, comme suit :

63. La Cour d’appel fédérale a examiné plus en détail à l’occasion de l’affaire Panini c. Canada [2006 CAF 224] la notion d’« aveuglement volontaire », en citant également les observations du juge Létourneau dans l’arrêt Villeneuve c. Canada [2004 CAF 20], mais en s’appuyant ensuite sur une jurisprudence pénale, R. c. Hinchey :

42. Dans l’arrêt R. c. Hinchey, [1996] 3 R.C.S. 1128, le juge Cory examinait la notion d’« aveuglement volontaire » dans le contexte du droit criminel. Aux paragraphes 112 à 115 de cet arrêt, il écrivait ce qui suit :

[...]

En d’autres termes, il existe un soupçon, que le défendeur a délibérément omis de transformer en connaissance certaine. On exprime fréquemment cette situation en disant d’une personne qu’elle « s’est fermé les yeux » à l’égard du fait, ou qu’elle a fait preuve d’« ignorance volontaire ».

[...]

114.     Dans Sansregret, précité, notre Cour a conclu que les circonstances ne se limitaient pas à celles qui touchaient de près à l’infraction visée, mais qu’elles pouvaient recevoir une définition plus large de façon à comprendre des événements passés. Le juge McIntyre a distingué l’ignorance volontaire de l’insouciance et a cité et approuvé un passage tiré de l’ouvrage de Glanville Williams en ce qui concerne son application (aux pp. 584 à 586) :

L’ignorance volontaire diffère de l’insouciance parce que, alors que l’insouciance comporte la connaissance d’un danger ou d’un risque et la persistance dans une conduite qui engendre le risque que le résultat prohibé se produise, l’ignorance volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Elle préfère rester dans l’ignorance.

[...]

43.       Le juge Cory faisait ses observations dans le contexte d’une affaire relevant du droit criminel, mais elles demeurent, selon moi, parfaitement adaptées aux circonstances de la présente affaire. Par conséquent, le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable.

[30]        L’avocat de l’appelante a fait référence à la partie restante de cette citation et au paragraphe suivant, qui est rédigé comme suit :

114.     […]

[...] La culpabilité dans le cas d’insouciance se justifie par la prise de conscience du risque et par le fait d’agir malgré celui-ci, alors que dans le cas de l’ignorance volontaire elle se justifie par la faute que commet l’accusé en omettant délibérément de se renseigner lorsqu’il sait qu’il y a des motifs de le faire.

[...]

(TRADUCTION) La règle selon laquelle l’ignorance volontaire équivaut à la connaissance est essentielle et se rencontre partout dans le droit criminel. En même temps, c’est une règle instable parce que les juges sont susceptibles d’en oublier la portée très limitée. Une cour peut valablement conclure à l’ignorance volontaire seulement lorsqu’on peut presque dire que le défendeur connaissait réellement le fait. Il le soupçonnait; il se rendait compte de sa probabilité; mais il s’est abstenu d’en obtenir confirmation définitive parce qu’il voulait, le cas échéant, être capable de nier qu’il savait. Cela, et cela seulement, constitue de l’ignorance volontaire. Il faut en effet qu’il y ait conclusion que le défendeur a voulu tromper l’administration de la justice. Toute définition plus générale aurait pour effet d’empêcher la distinction entre la doctrine de l’ignorance volontaire et la doctrine civile de la négligence de se renseigner.

115. Bien que cela puisse sembler être une conception plutôt étroite de l’ignorance volontaire, elle peut et doit certainement être appliquée lorsque cela est approprié. Comme le professeur Don Stuart le fait remarquer dans son ouvrage Canadian Criminal Law, op. cit., il n’y a aucune raison d’absoudre ceux qui se gardent dans un état d’ignorance volontaire, car l’ignorance volontaire d’un risque vraisemblable les rend suffisamment coupables. À la p. 212, il écrit :

[TRADUCTION] La saga de l’arrêt Sansregret ne permet pas d’être optimiste au sujet de la doctrine de l’ignorance volontaire. Toutefois, si nous avons la prudence de conserver le critère subjectif, l’extension à l’ignorance volontaire semble être un élargissement raisonnable du filet. Nous ne devrions pas absoudre les personnes qui restent délibérément dans l’ignorance. Cela pourrait s’appliquer aussi au concept de prévision ou de connaissance des conséquences. La personne qui reste délibérément dans l’ignorance au sujet d’un risque vraisemblable est suffisamment coupable.

Je suis d’accord avec ces observations. On peut par conséquent établir la mens rea requise quant à l’infraction en faisant la démonstration que l’accusé avait l’intention requise, ou a été insouciant ou a fait preuve d’ignorance volontaire.

[Non souligné dans l’original.]

[31]        L’avocat de l’appelante a soutenu que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sansregret c. La Reine, [1985] 1 RCS 570 [arrêt Sansregret], exige que les éléments de preuve nécessaires pour permettre à la cour de conclure à l’ignorance volontaire doivent être tels qu’« on peut presque dire que le défendeur connaissait réellement le fait » et qu’il faut qu’il y ait conclusion « que le défendeur a voulu tromper l’administration de la justice ». À son avis, la mise en garde sans équivoque relativement à l’application de ce principe était exposée dans la dernière phrase du paragraphe où le juge McIntyre a déclaré :

22.       […]

[...] Toute définition plus générale aurait pour effet d’empêcher la distinction entre la doctrine de l’ignorance volontaire et la doctrine civile de la négligence de se renseigner.

[32]        L’avocat a soutenu que l’effet de la décision Torres et de son approbation ultérieure par la Cour d’appel fédérale a été de diluer la norme de preuve nécessaire pour justifier l’imposition d’une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi. Même si les arrêts Sansregret et Hinchey relevaient du droit criminel et tenaient compte de la conclusion de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Guindon, ce critère clair concernant l’ignorance volontaire [également appelée « aveuglement volontaire »] n’a pas été par ailleurs répudié ni modifié et c’est ce que prescrit toujours le droit. En l’espèce, l’évaluation de la preuve par l’avocat – et comme l’a reconnu l’avocat de l’intimée – est qu’elle n’a pas établi que Mme Wynter avait décidé de tromper l’administration de la justice ou avait participé sciemment à un stratagème visant à se soustraire à l’impôt. À son avis, la conséquence fâcheuse pour Mme Wynter est que l’adhésion à la décision Torres en première instance et en appel en faisant abstraction de la norme établie par la Cour suprême du Canada dilue le critère à un point tel qu’il tend à assimiler l’insouciance, la sottise et l’extrême naïveté à l’aveuglement volontaire.

[33]        Il est probable que cette question sera débattue dans un proche avenir devant la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada. Cependant, je suis lié par la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Strachan et l’abondante jurisprudence établie par la Cour canadienne de l’impôt tant avant qu’après cet arrêt.

[34]        Dans ma décision dans l’affaire Brathwaite c. Canada, 2016 CCI 29, [2016] ACI no 22 (QL), au paragraphe 56, j’ai fait les observations suivantes :

[56]      Au cours des derniers mois, j’ai entendu plus d’une douzaine d’affaires mettant en cause le groupe Fiscal Arbitrators ou des entités semblables ainsi que des appels de contribuables qui ont utilisé des stratagèmes et des techniques qui leur avaient été recommandés par des amis, des membres de la famille, de purs étrangers ou des prétendus spécialistes qui annonçaient sur Internet des méthodes pour échapper à l’impôt. Dans certains cas, les appelants ne se contentaient pas de l’imposition des pénalités pour faute lourde, mais ils étaient convaincus qu’ils avaient le droit de déduire les pertes d’entreprise déclarées aux termes de diverses théories ridicules soit colportées par des fraudeurs, soit découvertes sur certains sites sur Internet voués à des façons de se soustraire à l’impôt sur le revenu en fonction d’interprétations risibles de lois applicables uniquement aux personnes physiques, aux hommes libres, aux citoyens d’un quelconque commonwealth souverain ou à des fidèles du droit maure. Je connais bien la jurisprudence applicable, y compris les récentes décisions de l’honorable R.G. Masse, juge suppléant, dans la décision Chartrand c. Canada, 2015 CCI 298, [2015] A.C.I. no 231 (QL), et Spurvey c. Canada, 2015 CCI 300, [2015] A.C.I. no 232 (QL). Dans ces décisions, le juge Masse a examiné la jurisprudence relative à la responsabilité d’un contribuable et aux éléments constitutifs qu’il faut prouver pour justifier l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 163(2). Les paragraphes 47 à 57 de la décision Spurvey se lisent comme suit :

La confiance aveugle des appelants au préparateur de déclarations

[47]      Les appelants ont simplement déclaré qu’ils avaient confiance en Alex.

[48]      Dans certains cas, un contribuable peut jeter le blâme sur les professionnels négligents ou malhonnêtes auxquels il faisait confiance; voir par exemple la décision Lavoie c. La Reine, 2015 CCI 228, portant sur une affaire dans laquelle les contribuables se sont fiés à un avocat qu’ils connaissaient depuis plus de 30 ans et qui était un ami de confiance. Cependant, il existe de nombreuses affaires dans lesquelles les contribuables n’ont pu échapper aux pénalités pour faute lourde pour avoir fait confiance aveuglément en leurs préparateurs de déclarations et ne pas avoir pris des mesures minimales pour vérifier l’exactitude des renseignements inscrits dans leur déclaration de revenus.

[49]      Dans la décision Gingras c. Canada, [2000] A.C.I. no 541 (QL), le juge Tardif a écrit :

19  Le fait d’avoir recours à un expert ou à quelqu’un qui se présente comme tel, n’excuse en rien la responsabilité de ceux qui attestent, par leur signature, la véracité de leur déclaration.

[...]

30  L’imputabilité des faux renseignements fournis dans une déclaration de revenus incombe au signataire de la dite déclaration et non au mandataire qui l’a complété, peu importe ses compétences ou qualifications.

[50]      Dans la décision DeCosta, précitée, le juge en chef Bowman a déclaré :

12 […] Même si son comptable doit assumer une certaine part de responsabilité, je ne crois pas que l’on peut dire que l’appelant peut signer nonchalamment sa déclaration et passer outre à l’omission d’un montant qui représente presque le double du montant qu’il a déclaré. Une attitude aussi cavalière va au-delà du simple manque d’attention.

[51]      Dans la décision Laplante c. La Reine, 2008 CCI 335, le juge Bédard a écrit :

15 De toute façon, je suis d’avis que la négligence de l’appelant (soit le fait de ne pas examiner du tout ses déclarations de revenus avant de les signer) était assez grave pour justifier l’épithète « lourde » qui est quelque peu péjoratif. L’attitude de l’appelant était si cavalière en l’espèce qu’elle traduisait une indifférence totale au respect de la Loi. L’appelant n’a-t-il pas admis que, s’il avait examiné ses déclarations de revenus avant de les signer, il aurait nécessairement décelé les nombreux faux énoncés qui y apparaissaient, énoncés qui auraient été faits par monsieur Cloutier? L’appelant ne peut pas se dégager ici de sa responsabilité en pointant du doigt son comptable. En tentant de se soustraire ainsi à toute responsabilité à l’égard de ses déclarations de revenus, l’appelant se trouve à rejeter négligemment du revers de la main les responsabilités, les devoirs ou les obligations que lui impose la Loi. En l’espèce, la Loi imposait au minimum à l’appelant l’obligation de jeter un coup d’œil sur ses déclarations de revenus avant de les signer, d’autant plus qu’en l’espèce il a admis que cet examen rapide lui aurait permis de déceler les faux énoncés que son comptable avait faits.

[Souligné dans l’original.]

[52]      Dans la décision Brochu c. La Reine, 2011 CCI 75, des pénalités pour faute lourde qui avaient été imposées ont été maintenues dans une affaire où la contribuable a simplement fait confiance aux documents préparés par son comptable et pensé que tout était correct. Elle a témoigné qu’elle avait feuilleté brièvement la déclaration mais qu’elle ne comprenait pas les termes « revenus d’entreprise » et « crédit », sans toutefois poser des questions à son comptable ou à toute autre personne afin de s’assurer que son revenu et ses dépenses étaient correctement déclarés. Le juge de la Cour, le juge Favreau, était d’avis que le fait que la contribuable n’avait pas songé à la nécessité de s’informer représentait une négligence qui constituait une faute lourde.

[53]      Dans la décision Bhatti, précitée, le juge C. Miller a signalé ce qui suit :

30 […] Il est tout simplement insuffisant d’affirmer ne pas avoir vérifié ses déclarations. Confier aveuglément ses obligations à quelqu’un d’autre sans même une vérification minimale de l’exactitude de la déclaration va au-delà de l’imprudence. Donc, même si elle n’a pas sciemment omis de déclarer le revenu, elle a certainement adopté l’attitude cavalière du laisser-aller. […]

[54]      Dans la décision Janovsky, précitée, la juge V.A. Miller a déclaré :

22 L’appelant dit avoir passé en revue sa déclaration avant de la signer et ne pas avoir posé de questions. Il a déclaré qu’il faisait confiance aux FA car il s’agissait d’experts en fiscalité. Cette déclaration est, selon moi, peu vraisemblable. Il a assisté à une seule réunion avec les FA en 2009. Il n’avait jamais entendu parler de ces derniers auparavant et, pourtant, entre la réunion qu’il a eue avec eux et la production de sa déclaration en juin 2010, il n’a jamais posé de questions sur les FA. Il n’a mis en doute ni leurs titres de compétence ni leurs prétentions. Dans son désir de toucher un remboursement élevé, l’appelant n’a pas essayé de se renseigner sur eux.

23 Compte tenu du niveau d’instruction de l’appelant et de l’ampleur du faux énoncé qu’il a fait dans sa déclaration de 2009, je suis d’avis que l’appelant savait que les montants indiqués dans sa déclaration étaient faux.

[55]      La décision Atutornu c. La Reine, 2014 CCI 174 est un autre exemple récent dans lequel les contribuables ont simplement fait aveuglément confiance à leur préparateur de déclarations sans lire ou examiner leur déclaration et sans faire le moindre effort pour vérifier l’exactitude des renseignements fournis.

Conclusion

[56]      Il n’y a aucun doute que les demandes de redressement d’une T1 pour 2008, les déclarations de revenus de 2009 et les demandes de report rétrospectif d’une perte des appelants contenaient de faux énoncés — les appelants n’exploitaient pas d’entreprise et ils n’avaient aucune perte d’entreprise. Je ne peux que conclure que les appelants ont fait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard de l’aspect spécieux de ces énoncés. Les nombreux signaux d’alarme ont simplement tous été ignorés. J’estime non seulement que la Couronne s’est acquittée de son fardeau de la preuve, mais également que les appelants ont fait les faux énoncés dans leurs déclarations dans des circonstances équivalant à faute lourde. Par conséquent, ils sont à juste titre assujettis aux pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[57]      Les appelants sont des personnes dont les revenus sont modestes, et les pénalités sont très sévères. Les appelants connaîtront certainement des difficultés à la suite de ces pénalités. Cependant, je ne peux offrir aucun allègement à l’égard de la sévérité des sanctions. La seule question sur laquelle je peux me prononcer est de savoir si les pénalités sont fondées ou non.

[35]        J’adopte ces renvois et observations aux fins du présent appel. Cependant, j’ajouterais qu’à ce stade, j’ai entendu plus de vingt de ces affaires mettant en cause non seulement Fiscal Arbitrators, mais aussi DSC et d’autres imitateurs.

[36]        J’ai examiné les éléments de preuve et j’ai entrepris l’analyse qu’exigent la décision Torres du juge C. Miller et, en appel, l’arrêt Strachan c. Canada de la Cour d’appel fédérale. L’appelante est une bonne personne, travailleuse, généreuse, intelligente, elle aide beaucoup les autres, mais – malheureusement – elle est naïve et fait beaucoup trop confiance. Avant de signer sa déclaration de revenus de 2009, elle savait mieux que quiconque qu’elle ne devait pas recourir aux services de DSC et qu’il y avait un problème grave dans la façon dont cette entité faisait affaire, y compris la préparation de ses déclarations de revenus. L’absence quasi totale d’examen et de contrôle rigoureux de cette déclaration était telle qu’à elle seule, elle pouvait constituer de l’aveuglement volontaire. Un examen de sa conduite au début de sa relation avec DSC et de sa confiance constante en cette entité, même après l’établissement de la nouvelle cotisation concernant sa demande pour dons de bienfaisance de 2006, est une preuve de plus de son comportement illogique et de l’absence de la pensée rationnelle qu’elle a reconnue – à un moment donné – pendant son témoignage. Contrairement à d’autres affaires que moi et d’autres juges de la Cour canadienne de l’impôt avons entendues, le spécialiste en déclarations de revenus – une fois la déclaration signée – ne l’a pas envoyée par la poste à l’ARC et n’y a pas non plus inséré des documents contenant de faux énoncés à l’insu de la contribuable. Mme Wynter a pris la déclaration de 2009 et aurait pu consulter son ancien spécialiste en déclarations ou une autre personne qui possédait une connaissance rudimentaire de la préparation de déclarations de revenus; elle aurait aussi pu prendre quelques instants pour en examiner le contenu chez elle. Prendre connaissance des chiffres figurant à la page 2 pendant quelques minutes lui aurait permis de constater l’énorme perte qui avait été déclarée et qui était attribuable à une entreprise qu’elle n’avait jamais exploitée. Cela aurait pu l’inciter à examiner davantage le reste de sa déclaration, y compris les documents tels que l’État des résultats des activités d’une entreprise et la Demande de report rétrospectif de pertes. Malheureusement, Mme Wynter a choisi de ne pas faire cette démarche raisonnable pour vérifier l’exactitude des renseignements qu’elle faisait parvenir à l’ARC et a fait preuve d’aveuglement volontaire et – par conséquent – dans le contexte de tous les éléments de preuve présentés, elle a commis une négligence grave au sens de la disposition pertinente.

[37]        La Couronne s’est acquittée de son fardeau. Je conclus que la pénalité imposée aux termes du paragraphe 163(3) est justifiée.

[38]        Au cours de l’instruction de ces affaires, j’ai été stupéfait par l’incapacité permanente de l’ARC à déceler ces fraudes évidentes. Le revenu de l’appelante en 2008 était de 147 764 $, dont une rémunération sur le feuillet T4 de 107 920 $. Elle a déclaré un don de 80 891 $ à Furry World, ce qui correspondait prétendument à la valeur de 39 220 actions de RCT Global Networks Inc., évaluées par la Bourse de Francfort. Cette entité existe bien, mais elle n’est apparemment pas située à l’adresse indiquée sur le reçu. La juxtaposition du revenu déclaré et du don d’actions valant prétendument plus de 90 000 $ ne semble-t-elle pas un peu curieuse et ne mérite-t-elle pas un examen supplémentaire? Le ministre n’a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2008 de l’appelante que le 24 février 2012, date à laquelle le don a été rejeté.

[39]        Pour ce qui est de la déclaration de revenus de 2009 de l’appelante, cette dernière avait été employée pendant 40 ans et avait produit des déclarations de revenus à ce titre, en plus de quelques petits montants concernant un revenu de location et un revenu provenant d’autres sources. En 2009, sa déclaration renfermait des renseignements indiquant qu’elle était devenue une sorte d’entrepreneure capable de générer un revenu d’entreprise de 204 999,65 $ et qu’une fois des dépenses de 652 147,96 $ prises en compte, la déclaration se soldait par une perte de 447 148,31 $ dont la somme de 114 201,31 $ a été déduite de son revenu de 2009. La demande subséquente de report rétrospectif de pertes, les chiffres et d’autres renseignements contenus dans l’État des résultats des activités d’une entreprise auraient montré que quelque chose n’allait pas. La déclaration de 2009 de l’appelante a été produite avant la fin du mois d’avril 2010, et il a pourtant fallu à l’ARC jusqu’au 7 février 2011 pour lui envoyer la lettre standard comprenant un questionnaire sur l’entreprise et lui demandant de fournir d’autres documents, y compris des reçus, pour justifier la perte déclarée. Une lettre – datée du 29 mars 2011 – portant la mention [TRADUCTION] « Sous toutes réserves » a été envoyée en son nom, mais à son insu, et elle contenait un feuillet T4A Sommaire qui indiquait un autre revenu de 652 147 $. L’ARC a envoyé une autre lettre à l’appelante – datée du 6 mai 2011 – dans laquelle elle indiquait qu’elle était sur le point de rejeter la demande de report rétrospectif de pertes autres qu’en capital pour 2007 et 2008, et qu’une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) était envisagée si elle n’obtenait aucune réponse dans les 30 jours. Le 1er juin 2011, une prétendue réponse absurde a été envoyée par quelqu’un – encore une fois une personne non autorisée par l’appelante – et le 7 juillet 2011, après avoir examiné sa « réponse » à sa lettre du 6 mai, l’ARC a informé l’appelante qu’elle maintenait sa [TRADUCTION] « position quant au rejet de […] la perte d’entreprise nette de 447 148,31 $ dans la déclaration de revenus de 2009 ». Une nouvelle cotisation a été établie pour cette année-là le lendemain. Un avis d’opposition – daté du 10 octobre 2011 – a été signé par Mme Wynter et envoyé au chef des Appels, à Sudbury. Ce document était purement absurde, incompréhensible et stupide. Ce type d’écrit sans valeur – sûrement vu des centaines de fois par les vérificateurs de l’ARC – a été créé par un fraudeur ayant recours à un stratagème anti-impôts et a été utilisé par d’autres escrocs perpétrant le même stratagème ou un stratagème semblable. Les personnes se livrant à une telle tromperie sont des gens malhonnêtes, trompeurs, malveillants et peu recommandables que l’on qualifie à Terre-Neuve-et-Labrador de sleveen  [filous].

[40]        Le problème de ces longs retards avant de communiquer avec les contribuables et l’absence d’un système valable d’avertissement précoce à l’ARC est que cela facilite le travail des escrocs qui ont assuré à leurs clients qu’ils se penchaient sur le problème et que leurs experts seront tellement efficaces contre l’ARC qu’il n’y a aucune inquiétude à avoir. L’absence d’un suivi rapide et l’envoi d’une lettre type de rappel des mois plus tard constituent en effet une occasion en or pour les fraudeurs de dire « je vous ai dit que nous réglerions votre problème avec l’ARC ». Ensuite, lorsque l’ARC établit une cotisation et que le service de la perception prend le relais, les fraudeurs sont introuvables ou – dans certains cas – ont été arrêtés et condamnés et, rarement – je suppose – emprisonnés pendant une longue période.

[41]        Je suis persuadé qu’il y a des centaines – voire des milliers – de jeunes canadiens de 9 à 19 ans doués en informatique qui pourraient mettre au point des logiciels capables de reconnaître les « signaux d’alarme » et les « feux clairs » auxquels renvoie abondamment la jurisprudence pertinente, quoique dans un autre contexte. Un appel téléphonique à Mme Wynter  de la part d’un membre du personnel de l’ARC – qui aurait été alerté par un programme informatique efficace ayant décelé une anomalie flagrante dans sa déclaration – déclenchant peut-être même un témoin lumineux sur un bureau ou sur un mur dans le bureau des vérificateurs – aurait pu se dérouler comme suit : [TRADUCTION] « Mme Wynter, je suis M. ou Mme Untel de l’ARC. Nous nous demandons pourquoi vous avez déclaré une perte d’entreprise de 447 148,31 $ dans votre déclaration de 2009. Ne travaillez-vous plus chez Chrysler? Quelle entreprise exploitez-vous et comment avez-vous perdu autant d’argent? » Je suis certain que la réponse de Mme Wynter – après s’être remise de sa surprise – aurait pu à ce moment-là résoudre le problème rapidement. Elle aurait indiqué qui étaient ses conseillers à DSC et expliqué la nature de sa relation avec cette entité depuis 2006. De plus, cela aurait évité le paiement d’un remboursement élevé fondé sur de faux renseignements. Des milliers et probablement des dizaines de milliers de remboursements ont été postés ou déposés directement dans le compte de contribuables sans que leur déclaration ait fait l’objet d’un examen. Un régime d’autocotisation n’impose pas l’acceptation initiale automatique par l’ARC de chaque déclaration de revenus et de dépenses absurde et fausse. La vérification d’un pourcentage aléatoire de déclarations des mois ou des années plus tard prend énormément de temps, d’énergie et d’argent – y compris les honoraires des avocats que le gouvernement fédéral met à la disposition de l’ARC – pour récupérer ces paiements et établir de nouvelles cotisations, dont la plupart imposent des pénalités, puis d’engager les procédures contentieuses inévitables à la suite de ces nouvelles cotisations, lorsque des appels sont interjetés. C’est une chose de fermer la porte de l’écurie une fois que le cheval a été volé. Laisser la porte ouverte non seulement pour que les mêmes voleurs ou d’autres du même acabit s’emparent d’autres chevaux, mais aussi pour faciliter l’arrivée de quadrupèdes du genre Equus aux portes de requérants putatifs en fonction uniquement de la présence d’une marque contrefaite non décelée en raison de l’absence d’un examen même superficiel constitue, à mon avis, un comportement d’entreprise irrationnel.

[42]        Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il augmentera les budgets de l’ARC de centaines de millions de dollars afin de mettre en place de nouvelles politiques et d’engager peut-être des centaines de fonctionnaires supplémentaires pour administrer des programmes conçus pour examiner minutieusement les transactions effectuées à l’étranger par les gens riches et les gens très riches qui ont les moyens de retenir les services d’experts pour explorer les avantages de paradis fiscaux situés dans des pays, dans des principautés, dans des archipels, sur des îles, sur des pointes ou dans d’autres domaines qui – même sur un globe d’une taille décente – ne sont souvent pas plus grands que des mouchetures. Cependant, les fraudeurs nationaux omniprésents exigent plus d’attention de la part de l’ARC parce qu’ils sont comme la taupe de plastique du Jeu de la taupe dans lequel il y a une grande console à cinq trous sur le dessus et où le joueur est armé d’un marteau. Lorsque le jeu commence, les taupes commencent à sortir de leur trou de façon aléatoire et le but du jeu est de les obliger à y retourner en les frappant directement sur la tête à l’aide du marteau. Plus il y a de coups sur la tête, plus les points s’accumulent; plus on se débarrasse de toutes les taupes rapidement, plus le score final est élevé et plus rapidement le jeu prend fin (source : Wikipédia).

[43]        La prolifération de stratagèmes et de fraudes de divers types a augmenté de façon marquée ces dernières années, et pour que les escrocs en tirent un profit, les personnes aux revenus plus élevés à qui on a retenu à la source des sommes importantes d’impôt sur le revenu constituent le groupe ciblé. Il est difficile de croire que des personnes intelligentes par ailleurs, occupant des postes à responsabilité – et ayant des responsabilités dans la vie en général – puissent se faire avoir par ces escrocs, mais un effet de groupe saisit les réunions de recrutement et la non-réflexion collective qui en découle se transforme en consensus et ces notions extravagantes sont acceptées aveuglément. Une fois sur cette voie, il semble que l’on soit peu enclin, voire pas du tout, à se retirer d’un programme présenté plus tôt par les escrocs, à demander de l’aide d’une source indépendante ou encore à chercher de soi-même une issue de secours. Au lieu de cela, les gens suivent leurs gourous malhonnêtes jusqu’au bout, jusqu’à ce que ceux-ci disparaissent, moment auquel la souffrance commence vraiment. Les difficultés financières et le stress pour les victimes de ces stratagèmes frauduleux sont cruels et peuvent causer des torts extrêmes et même détruire des carrières, des vies, des mariages et des familles. La nature humaine étant ce qu’elle est, il y aura toujours des escrocs et une abondance de victimes potentielles prêtes et disposées à obtenir la chance rêvée de toucher le gros lot, mais il faut que l’ARC mette en place de meilleures techniques de détection pour réduire la fréquence de ces tragédies, et ce, le plus rapidement possible. Ces nouvelles techniques sont peut-être en train d’être introduites. Je l’espère.

[44]        Pour ce qui est de l’appel de Mme Wynter relativement à son année d’imposition 2009, je n’ai pas d’autre choix, en me fondant sur les éléments de preuve et la jurisprudence pertinente, que de rejeter son appel et il est par conséquent rejeté.

[45]        L’intimée a droit aux dépens. Cependant, après avoir tenu compte de toutes les circonstances propres à un examen des dispositions de l’article 147 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) et plus particulièrement de l’alinéa 147(5)b), je fixe par les présentes ces dépens à 1 200 $, y compris les débours.

       Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 22e jour d’avril 2016.

« D. W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de décembre 2016.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 103

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-2348(IT)G

INTITULÉ :

ROSETTA WYNTER c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 mars 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

DATE DU JUGEMENT :

Le 22 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Duane R. Milot

Avocat de l’intimée :

Me Tony Cheung

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Duane R. Milot

 

Cabinet :

Milot Law

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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