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Dossier : 2015-1025(IT)I

ENTRE :

NATALE FERLAINO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu le 18 novembre 2015 à Montréal (Québec)

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Vincent Dionne

Avocate de l’intimée :

Me Valerie Messore

 

JUGEMENT

Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2010 et 2012 sont rejetés sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’avril 2016.

« Guy Smith »

Le juge Smith


Référence : 2016 CCI 105

Date : 20160428

Dossier : 2015-1025(IT)I

ENTRE :

NATALE FERLAINO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Smith

Aperçu

[1]             Les présents appels sont interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le ministre) pour les années d’imposition 2010 et 2012, en liaison avec le calcul d’avantages tirés d’un emploi qui ont été reçus par Natale Ferlaino (l’« appelant ») après avoir exercé des options d’achat d’actions de l’employé exprimées en dollars américains.

[2]             Il n’est pas contesté que l’appelant a exercé des options d’achat d’actions avec bénéfice et qu’il est réputé avoir reçu un avantage tiré d’un emploi pour les années d’imposition où l’exercice des options a eu lieu. Il est également convenu que l’appelant a droit à une déduction équivalant à la moitié de l’avantage reçu pour l’année d’imposition pertinente.

[3]             Même s’il est convenu que l’appelant avait l’obligation de déclarer l’avantage en dollars canadiens, la question en litige concerne plutôt le calcul de l’avantage.

[4]             L’appelant a calculé l’avantage par rapport au prix d’exercice des actions converti en dollars canadiens selon le taux d’échange en vigueur à la date d’attribution des options d’achat d’actions. Le ministre a révisé les cotisations de l’appelant au motif que ce dernier aurait dû convertir le prix d’exercice des actions en dollars canadiens à compter de la date d’exercice des options d’achat d’actions.

[5]             Pour les motifs exposés ci-dessous, l’appel devrait être rejeté; le ministre a converti correctement le prix d’exercice des actions selon le taux de change au comptant qui était en vigueur à la date d’exercice des options d’achat d’actions.

Contexte factuel

[6]             Les faits substantiels ne sont pas contestés. L’appelant a été cadre chez Pratt & Whitney Canada (PWC), une filiale en propriété exclusive de United Technologie Corporation (UTC), une société du Delaware inscrite à la Bourse de New York. À titre d’employé cadre, il a reçu des options d’achat d’actions lui permettant d’acheter des actions d’UTC (les « actions » ou les « titres »).

[7]             Au moment des faits, l’appelant était résident du Québec. Selon son témoignage, il a obtenu un baccalauréat en commerce de l’Université Concordia en 1974. Il a ensuite entamé une carrière dans le domaine des technologies, en travaillant entre autres chez Nortel, BCE et, finalement, PWC, où il veillait au respect des obligations fiscales et à la planification. Il a été directeur de la fiscalité chez PWC jusqu’à sa retraite en 2012.

[8]             Par l’entremise d’un programme incitatif visant à attirer, à retenir et à motiver les employés cadres d’UTC et de ses filiales, y compris les employés de PWC comme l’appelant, UTC offrait à ses employés clés des options d’achat d’actions.

[9]             Ce programme est décrit dans un document intitulé « 2005 Long Term Incentive Plan » (programme incitatif à long terme 2005 ou « programme » ci‑après), lequel est joint à un prospectus déposé auprès de la Commission des valeurs mobilières des États-Unis. Une copie du document a été déposée au dossier de cour.

[10]        En vertu du programme, les « options » offertes au participant lui confèrent le droit d’acheter des actions d’UTC à un prix fixé à l’avance. J’ai reformulé ci‑dessous les définitions de quelques termes pertinents utilisés dans le programme :

« Prix d’exercice » : prix fixé au moment de l’attribution des options d’achat d’actions. Ce prix doit être égal ou supérieur à la juste valeur marchande des actions d’UTC cotées à la Bourse de New York au jour de l’attribution;

« Durée » : les options d’achat d’actions sont valides pour une période maximale de 10 ans à partir de la date de l’attribution (et peut-être moins en cas de décès ou de cessation d’emploi du participant);

« Acquisition » : une option est acquise et peut être exercée au moment et selon les modalités et conditions établies dans la convention d’options d’achat d’actions.

« Méthode d’exercice » : une option acquise peut être exercée, en tout ou en partie, à tout moment avant sa date d’échéance à condition d’en aviser UTC et de payer le prix d’exercice. Cela peut être réalisé par :

i)   la livraison des actions d’UTC sur paiement du prix d’exercice, ou

ii)  une transaction assistée par courtier dans laquelle le courtier désigné s’engage à verser à UTC le produit de la vente au prix d’exercice en vigueur, en échange des actions émissibles au moment de l’exercice de l’option.

[11]        L’appelant confirme que les options d’achat d’actions visées en l’espèce ont été acquises après trois ans et qu’elles venaient à échéance 10 ans après leur date d’attribution, ce qui d’ailleurs n’est pas contesté. L’appelant pouvait utiliser une des deux méthodes précitées pour exercer ses options d’achat d’actions.

[12]        Le 1er décembre 2000, il a reçu une première lettre d’UTC confirmant l’attribution de 1 000 options au prix d’exercice de 35,25 $ US par action. Le 4 février 2002, il a reçu une deuxième lettre confirmant l’attribution de 500 options d’achat d’actions au prix d’exercice de 33,495 $ US par action.

[13]        Comme l’appelant l’a expliqué lors de son témoignage, l’un des avantages de recevoir des options d’achat d’action est que le prix d’exercice est fixé pour une période de dix ans à partir de la date d’attribution, et qu’il n’est en aucun temps nécessaire d’avancer des fonds. Cela s’apparentait, selon lui, à un prêt sans intérêt.

[14]        Avec le temps, la valeur des actions d’UTC a augmenté, et étant donné que la date d’échéance des deux ensembles d’options approchait, l’appelant a décidé d’immobiliser ses gains.

[15]        Puisqu’il préférait ne pas détenir les actions à des fins d’investissements, il a choisi d’exercer ses options d’achat d’actions en utilisant la deuxième méthode susmentionnée (qu’il décrit comme étant un exercice sans décaissement), tout en retenant les services d’un courtier en valeurs mobilières désigné du nom d’USB, qui a son siège social en Suisse et qui mène des activités aux États-Unis.

[16]        L’appelant avait accès à un compte en ligne d’où il pouvait donner ses directives de négociation. L’effet final de l’exercice sans décaissement est qu’un nombre suffisant d’actions autodétenues ont été émises par UTC, livrées au courtier désigné et immédiatement revendues conformément aux directives données par l’appelant.

[17]        Après la date de règlement de la commande, le courtier désigné émettait un chèque à l’attention d’UTC selon le « prix d’exercice » et il versait le solde du produit de la vente, moins les frais de transaction, à l’appelant.

[18]        Le 26 avril 2010, l’appelant a complété un exercice sans décaissement de 1 000 options d’achat d’actions, acquérant par le fait même des actions d’UTC au coût de 35,25 $ US par action et les revendant immédiatement au coût de 75,75 $ US par action.

[19]        Le 25 janvier 2012, il a complété un deuxième exercice sans décaissement de 500 options d’achat d’actions, acquérant par le fait même des actions d’UTC au coût de 33,495 $ US par action et disposant immédiatement de ces actions sur le marché ouvert au prix de 78,60 $ US par action.

[20]        Il a été démontré, lors du contre-interrogatoire de l’appelant, que ce dernier était incapable de produire une copie du chèque ou un reçu de la transaction d’UBS et tout autre élément de preuve démontrant le montant réellement reçu.

[21]        L’avocat de l’appelant a fait valoir que, étant donné que les faits substantiels n’étaient pas contestés, il n’était pas nécessaire de tenter d’obtenir et de fournir ces documents. J’accepte ces explications, mais je les commenterai davantage plus loin.

[22]        Lors de l’interrogatoire principal, l’appelant a expliqué ce qu’il comprenait de l’exercice sans décaissement; il est clair qu’il considérait l’attribution des options d’achat d’actions et le processus d’achat et de vente des actions comme deux transactions distinctes : 

[traduction]

Q :       Revenons au traitement fiscal que vous avez utilisé pour déclarer un avantage... un avantage fiscal obtenu en vertu du programme d’options d’achat d’actions :

R :       ... Eh bien, quand j’ai exercé mes actions, c’est-à-dire les options, tout reposait, selon moi, sur la façon de calculer l’avantage en matière d’emploi. Tout d’abord, l’avantage en matière d’emploi est exprimé en dollars canadiens, et je dois utiliser le taux de change applicable à la date d’exercice, car c’est à ce moment-là que j’ai exercé les options et que j’ai vendu les actions. Le terme employé est « exercice sans décaissement », ce qui signifie que je suis allé en ligne pour exercer mes options. Je n’ai pas émis de chèque au prix d’attribution, tout était conclu. La vente a eu lieu. Par la suite, UBS, mon courtier, a émis deux chèques : un à UTC pour le prix d’attribution et un autre à moi pour le montant net.

...

Q :       Et qu’en est-il des recettes fiscales?

R :       ... Pour calculer l’avantage en matière d’emploi, j’ai comparé le prix de vente des actions que j’ai exercées et vendues en dollars américains au taux de change en vigueur à la date où les actions ont été exercées et vendues, puis j’ai comparé ce résultat au coût d’acquisition de ces actions, c’est-à-dire les options, en utilisant le prix d’attribution et le taux de change en vigueur le jour où les options ont été attribuées.

Cela est fondamental, d’après moi. Il est important aussi de noter que le calcul de l’avantage se fait en dollars canadiens et qu’il faut le considérer de la façon suivante : il s’agit de deux événements distincts, de deux événements imposables et de deux transactions fiscales. Il ne s’agit pas d’un seul et unique événement, comme l’a soutenu le ministre dans sa nouvelle cotisation, mais de deux. La première transaction fait référence au montant que j’ai payé. Aux fins de l’impôt canadien, ce coût est en dollars canadiens et le seul taux pertinent est celui de l’an 2000, lorsque les options ont été attribuées. La deuxième transaction a eu lieu lorsque j’ai exercé les options et vendu les actions[1].

[23]        Selon la compréhension de l’appelant, à savoir que l’attribution des options d’achat d’actions était une transaction et que l’exercice des options et la vente des actions en était une autre, il a rempli sa déclaration de revenus de 2010 en déclarant les transactions suivantes :

 

Résultat en dollars américains

Déclaré pour 2010

Produit de la disposition

75 750,00 $ US

75 682,00 $ CAN*

Prix d’exercice

35 250,00 $ US

54 124,00 $ CAN**

Produit net de la vente

40 500,00 $ US

21 558,00 $ CAN

* au taux de change de 0,9991

** au taux de change de 1,53545

[24]        L’appelant a utilisé la même méthodologie pour remplir sa déclaration de revenus de 2012 et a déclaré son revenu d’emploi, qu’il a calculé comme suit :

 

Résultat en dollars américains

Déclaré pour 2012

Produit de la disposition

39 300,00 $ US

39 821,00 $ CAN*

Prix d’exercice

16 747,50 $ US

26 695,00 $ CAN**

Produit net de la vente

22 552,50 $ US

13 126,00 $ CAN

* au taux de change de 1,0132619

** au taux de change de 1,59401185

[25]        Dans les deux cas, il a calculé son prix de base par rapport au taux de change canadien/américain en vigueur à la date d’attribution des options d’achat, ainsi que ses produits de vente par rapport au taux de change canadien/américain en vigueur à la date d’exercice. Le ministre a établi les nouvelles cotisations de l’appelant pour les années d’imposition 2010 et 2012, au motif que ce dernier aurait dû déclarer le coût réel des titres acquis et convertis en dollars canadiens en utilisant le taux de change canadien/américain en vigueur le jour où il a exercé ses options d’achat d’actions.

[26]        Le ministre a adopté la position selon laquelle le taux de change canadien/américain approprié en date du 26 avril 2010 était de 0,9984, générant ainsi un revenu d’emploi de 40 435 $; l’appelant a donc été cotisé de nouveau conformément à ce calcul.

[27]        Le ministre a également soutenu que le taux de change canadien/américain approprié en date du 25 janvier 2012 était de 0,9956, générant ainsi un revenu d’emploi de 22 451 $; l’appelant a donc été cotisé de nouveau conformément à ce calcul.

[28]        Dans ces deux cas, le ministre était d’avis que l’appelant avait droit à une déduction correspondant à la moitié (50 %) de l’avantage en matière d’emploi conformément à l’alinéa 110(1)d) de la Loi de l’impôt sur le revenu[2] (la LIR).

Position de l’appelant

[29]        L’appelant reconnaît que tout gain tiré de l’exercice d’options d’achat d’actions par un employé est réputé être un avantage en matière d’emploi. Il soutient cependant que l’avantage reçu à la date d’attribution des options est suspendu jusqu’au moment où les options sont exercées.

[30]        Il fait valoir que son gain d’emploi doit être calculé comme étant la différence entre : i) la valeur des titres au moment de l’exercice des options d’achat d’actions (ce qui fait référence à la valeur marchande des actions d’UTC à la Bourse de New York à la date de l’exercice) et ii) le montant payé ou à payer pour les titres (c’est-à-dire le prix d’exercice) tel qu’il est établi dans la convention d’options d’achat d’actions.

[31]        Il soutient que le montant défini dans cette convention est figé dans le temps et que le montant à établir aux fins de l’impôt doit utiliser le taux de change canadien/américain en vigueur à la date d’attribution.

[32]        L’appelant fonde son argument sur l’alinéa 110(1.5)a) de la LIR, lequel dispose que le prix d’exercice d’une option d’achat d’actions « est déterminé compte non tenu d’un changement de la valeur de la monnaie d’un pays étranger par rapport à la valeur du dollar canadien survenant après la conclusion de la convention ». Il fait valoir que la volonté du législateur est que tout changement survenant dans le taux de change canadien/américain après la date d’attribution doit être ignoré, ce qui est cohérent avec sa compréhension selon laquelle les avantages sont suspendus jusqu’à la date d’exercice.

[33]        L’appelant reconnaît qu’il a l’obligation de déclarer ses résultats fiscaux canadiens pour l’année d’imposition en dollars canadiens. Il considère également que sa position est soutenue par l’alinéa 261(2)b), lequel dispose que « toute somme prise en compte dans le calcul de ces résultats qui est exprimée dans une monnaie autre que le dollar canadien est converti en son équivalence en dollars canadiens selon le taux de change au comptant affiché le jour où elle a pris naissance ».

[34]        L’appelant soutient que le moment « où elle a pris naissance » est lorsque les options d’achat d’actions ont été attribuées et qu’il s’agit du moment approprié pour le calcul du prix de base des actions en convertissant le prix d’exercice exprimé en dollars américains en son équivalent en dollars canadiens selon le taux de change au comptant en vigueur à cette date.

[35]        L’appelant se réfère également à la version française de l’alinéa 261(2)b), notamment à l’expression « selon le taux de change au comptant affiché le jour où elle a pris naissance » pour mettre l’accent sur le fait que ses résultats fiscaux canadiens doivent être calculés au moment où les options d’achat d’actions ont été attribuées.

La position de l’intimée

[36]        L’intimée soutient que la date pertinente pour l’établissement du prix de base des actions correspond au moment où les options d’achat ont été exercées. Selon elle, ce sens se dégage à la simple lecture de l’alinéa 7(1)a) et la volonté du législateur est qu’un employé soit réputé n’avoir ni reçu un avantage ni bénéficié d’un avantage tant que les options d’achat d’actions n’ont pas été exercées.

[37]        Elle fait valoir que la référence à la devise canadienne et aux changements « survenant après la conclusion de la convention » de l’alinéa 110(1.5)a) a simplement pour objectif de s’assurer que les options d’achat d’actions hors-jeu (le prix d’exercice étant égal ou supérieur à la valeur marchande des actions sous‑jacentes) ne seront pas en jeu en raison des fluctuations des taux de change survenant après la date d’attribution (comme lorsque le dollar canadien s’échange au-dessus du dollar américain).

[38]        L’intimée ajoute que le revenu d’emploi, y compris les avantages en matière d’emploi tirés de l’exercice des options d’achat d’actions de l’employé, est imposé dans l’année de sa perception en fonction d’une comptabilité de caisse et non en fonction d’une comptabilité d’exercice.

[39]        Puisque l’expression « résultats fiscaux canadiens » est définie à l’alinéa 261(1)a) comme étant « son revenu, revenu imposable ou revenu imposable [...] pour l’année », l’appelant n’avait pas l’obligation de déclarer le revenu tiré d’options d’achat d’actions avant l’année d’imposition où elles ont été exercées.

[40]        En raison de ce qui précède, l’intimée soutient que le prix de base des actions doit être établi par rapport à l’année d’imposition pendant laquelle les options d’achat d’actions ont été réellement exercées, en utilisant le taux de change au comptant applicable à cette date.

La loi et l’analyse

A. Options d’achat d’actions de l’employé imposables comme avantage en matière d’emploi

[41]        Les articles 5 à 8 (partie I, sous-section A de la LIR) concernent le calcul du revenu tiré d’une charge ou d’un emploi. Alors que l’article 5 concerne « le traitement, le salaire et toute autre rémunération, y compris les gratifications », l’article 6 prévoit l’imposition d’une grande variété d’avantages.

[42]        Les options d’achat d’actions attribuées à des employés sont également traitées, quoique séparément à l’article 7, comme des avantages en matière d’emploi. L’article se lit comme suit :

 Émission de titres en faveur d’employés
7 (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), lorsqu’une personne admissible donnée est convenue d’émettre ou de vendre de ses titres, ou des titres d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, à l’un de ses employés ou à un employé d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, les règles suivantes s’appliquent :

a) l’employé qui a acquis des titres en vertu de la convention est réputé avoir reçu, en raison de son emploi et au cours de l’année d’imposition où il a acquis les titres, un avantage égal à l’excédent éventuel de la valeur des titres au moment où il les a acquis sur le total de la somme qu’il a payée ou doit payer à la personne admissible donnée pour ces titres et de la somme qu’il a payée pour acquérir le droit d’acquérir les titres;

...

 Dispositions spéciales

7 (3) Lorsqu’une personne admissible donnée est convenue d’émettre ou de vendre de ses titres, ou des titres d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, à un de ses employés ou à un employé d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, les présomptions suivantes s’appliquent :

a) l’employé est réputé ne pas avoir reçu d’avantage ni avoir bénéficié d’un avantage en vertu ou par l’effet de la convention, sauf indication contraire au présent article;

[Non souligné dans l’original.]

[43]        La règle générale veut que le revenu et les avantages tirés d’un emploi soient imposés en fonction d’une comptabilité de caisse et qu’ils doivent être déclarés à la fin de l’année d’imposition où ils ont été perçus.

[44]        Ce principe ressort clairement de la lecture de l’alinéa 7(1)a) qui commence par « l’employé qui a acquis des titres en vertu de la convention » et qui est suivi d’une formule de calcul de l’avantage. L’emploi de l’expression « qui a acquis » fait référence au moment où les titres sont reçus après l’exercice des options d’achat d’actions. Si les options ne sont pas exercées, il n’y a pas d’avantage.

[45]        En d’autres termes, l’article 7 reporte la reconnaissance d’un avantage résultant de l’attribution d’options d’achat d’actions jusqu’au moment où ces options seront quantifiables : voir Rogers (Succession) c. La Reine, 2014 CCI 348, aux paragraphes 28 et 29.

[46]        La lecture de l’alinéa 7(3)a) permet d’établir si un employé a reçu un avantage imposable à la date de l’attribution des options d’achat d’actions. Il prévoit que l’employé est réputé « ne pas avoir reçu d’avantage ni avoir bénéficié d’un avantage en vertu ou par l’effet de la convention ». Tout avantage économique qui aurait été perçu doit être ignoré aux fins de l’impôt.

[47]        Il ne faut pas croire pour autant que l’appelant n’a pas reçu d’avantage économique lorsque les options d’achat d’actions lui ont été attribuées. Il a d’ailleurs reconnu dans son témoignage que ces options d’achat d’actions lui donnaient le privilège de fixer le prix des actions d’UTC pour une période de dix ans au maximum, et ce, sans avoir à avancer des fonds. Il existait, bien entendu, un certain risque (et j’utilise le terme « risque » dans son sens large, car il n’était pas question de perte d’investissement) que les options d’achat d’actions ne soient pas acquises (par l’exemple, si l’appelant quittait son emploi avant de faire l’acquisition) ou encore que les options viennent à échéance en ne valant plus rien, étant donné que leur valeur marchande est tombée au-dessous du prix d’exercice avant que les options viennent à échéance.

[48]        Même s’il est clair que l’appelant a reçu un avantage économique lorsque les options d’achat d’actions lui ont été attribuées, il reste à établir s’il s’agit d’un avantage imposable. À cet égard, le législateur a décidé, pour des raisons de principe, que les options d’achat d’actions de l’employé ne sont imposables à titre d’avantage au moment où elles sont exercées. Comme le juge Hogan l’a mentionné dans la décision Rogers (Succession), précitée :

38. ... L’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de l’article 7 de la Loi m’amène à conclure que cette disposition est conçue pour offrir un régime complet d’imposition des avantages qui découlent d’une convention d’options d’achat d’actions. Le texte de l’alinéa 7(3)a) est clair et sans ambiguïté : il est réputé que l’employé n’a ni reçu un avantage, ni bénéficié d’un avantage en vertu ou par l’effet d’une convention d’options d’achat d’actions, sauf indication contraire dans cet article.

[49]        Je suis d’avis que l’article 7 constitue un code complet sur l’imposition des options d’achat d’actions de l’employé. Des conclusions semblables ont été tirées dans d’autres jugements : l’avantage conféré par cet article doit être calculé au moment où le contribuable obtient la propriété légale ou la propriété légale incidente des actions. Voir Steen v. Canada, [1987] 1 FC 139, au paragraphe 29, jugement confirmé par la Cour d’appel fédérale : Steen v. R., [1988] 1 C.T.C. 256, où le juge Hugessen déclare pour la Cour :

[traduction]

3. L’appelant affirme que « la valeur des actions au moment où il les a acquises » est le prix de l’option. Il a complètement tort. Il a acquis ces options seulement au moment où il a levé l’option et non lorsqu’elle lui a été attribuée. Il n’y a aucun fondement pour penser que leur valeur à ce moment était différente de celle d’autres actions en circulation de la même classe... Il s’agit du prix librement établi au marché des changes à la date d’acquisition...

[50]        La décision Mathieu c. La Reine, 2014 CCI 207, (aux paragraphes 48 et 49), citée par l’appelant ainsi que la décision Van de Velde c. La Reine, 2007 CCI 533, (au paragraphe 11), citée par l’intimée, soutiennent toutes deux la proposition selon laquelle la date appropriée pour la quantification de l’avantage est la date de l’exercice.

[51]        Bien que les termes précis utilisés dans la convention d’options d’achat d’actions (particulièrement les termes « prix d’exercice », « acquisition », « échéance » et « méthode d’exercice ») soient indispensables d’un point de vue contractuel, il faut plutôt examiner la législation pour établir comment les avantages tirés de l’exercice des options d’achat d’actions doivent être calculés aux fins de l’impôt.

[52]        Selon moi, rien à l’article 7 ne laisse entendre que le prix de base des actions devrait être établi à la date d’attribution des options d’achat d’actions. Je pense au contraire que l’expression « la somme qu’il a payée ou doit payer [...] pour ces titres » de l’alinéa 7(1)a) fait référence au montant payé à UTC à la date d’exercice des options d’achat d’actions.

[53]        Cette conclusion est conforme à la notion selon laquelle le revenu d’emploi est imposé en fonction d’une comptabilité de caisse et non en fonction d’une comptabilité d’exercice. Si, aux fins de l’impôt, le prix de base des actions avait été fixé à la date d’attribution des options, il y aurait bel et bien eu un avantage à recevoir à partir de cette date.

[54]        Si l’appelant reconnaît que l’article 7 reporte la reconnaissance du gain d’emploi jusqu’à la date d’exercice, il soutient néanmoins qu’il y a eu un avantage et que celui-ci a été suspendu jusqu’à la date d’exercice.

[55]        Avant d’examiner l’argument selon lequel l’avantage aurait été « suspendu » à partir de la date d’attribution jusqu’à la date d’exercice, il importe de souligner un autre élément pour bien distinguer le traitement du revenu d’emploi du traitement du gain en capital. Lorsque des actions sont acquises par suite de l’exercice d’options d’achat d’actions et que ces actions sont conservées dans un objectif d’investissement, l’avantage réputé en matière d’emploi est utilisé pour déterminer le prix de base rajusté des actions de manière à calculer le gain en capital.

[56]        L’alinéa 53(1)j), qui figure dans la partie I, sous-section C de la LIR portant sur les gains en capital imposables et les pertes en capital déductibles, prévoit le rajustement du prix de base rajusté des actions acquises par suite de l’exercice des options d’achat d’actions de l’employé :

Rajustements du prix de base 53 (1) – Un contribuable doit, dans le calcul du prix de base rajusté, pour lui, d’un bien à un moment donné, ajouter au coût, pour lui, de ce bien les montants suivants qui s’y rapportent :

...

j) lorsque le bien est un titre, au sens du paragraphe 7(7), et que son acquisition par le contribuable a donné lieu à un avantage soit qui est réputé par l’article 7 avoir été reçu, au cours d’une année d’imposition commençant avant ce moment et se terminant après 1971, par le contribuable ou par une personne avec qui il avait un lien de dépendance, soit, si le titre a été acquis après le 27 février 2000, qui aurait été ainsi réputé si l’article 7 s’appliquait compte non tenu de ses paragraphes (1.1) et (8), le montant de cet avantage;

                                                                              [Non souligné dans l’original.]

[57]        Ainsi, si l’appelant avait décidé d’exercer son option d’achat d’actions et d’acquérir les actions d’UTC à des fins d’investissements, l’avantage réputé avoir été reçu en vertu de l’article 7 aurait été ajouté au prix d’exercice en vue du calcul du prix de base rajusté des actions. Si cela n’avait pas été le cas, l’avantage en matière d’emploi, ainsi que toute augmentation de la valeur des actions suivant la date d’exercice, pourrait être imposé de nouveau à titre de gain en capital.

[58]        L’appelant a renvoyé la Cour au « principe Gaynor », découlant de la décision Gaynor c. Canada (ministre du Revenu national)[3], qui portait sur une situation de disposition d’actions américaines, acquises par l’intermédiaire de comptes transigeant en dollars américains, générant ainsi un gain. Le contribuable avait converti ce gain en capital (la différence entre le prix de l’action et le produit de la disposition) en utilisant le taux de change moyen canadien/américain pour l’année d’imposition visant la disposition, puis il avait déclaré le gain en capital en dollars canadiens pour ce motif.

[59]        Le juge Sarchuk a conclu que le prix de base du titre américain devait être déterminé par rapport au taux de change au moment de l’acquisition et non au taux de change en vigueur à la date de disposition. Cette décision a été confirmée par la Cour fédérale d’appel dans l’arrêt Gaynor v. Canada (CAF)[4], où le juge Pratte a déclaré :

[traduction]

... le coût des titres pour l’appelant doit être exprimé en dollars canadiens selon le taux de change en vigueur au moment de leur acquisition, alors que la valeur du produit de la disposition de ces mêmes titres doit être exprimée en dollars canadiens selon le taux de change en vigueur au moment de la disposition.

[60]        L’appelant a fait valoir que le jugement rendu dans l’arrêt Gaynor est bien fondé et qu’il soutient sa position voulant qu’il ait droit à l’avantage à partir de la date d’attribution, mais que cet avantage est suspendu jusqu’à ce que l’option d’achat d’actions soit exercée.

[61]        Je suis loin d’être convaincu qu’il s’agit d’une application appropriée du principe Gaynor, pour la simple raison que, comme il est indiqué précédemment, bien que le prestataire des options d’achat d’actions de l’employé puisse avoir bénéficié d’un avantage économique à la date d’attribution, le législateur a décidé, pour des raisons de principe, que cet avantage doit être reporté jusqu’à ce qu’il devienne quantifiable, c’est-à-dire jusqu’au moment de l’exercice des options d’achat d’actions. Tout autre avantage doit être ignoré aux fins de l’impôt

[62]        L’appelant ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Il a déclaré à titre d’avantage son gain tiré de l’exercice de ses options d’achat d’actions et a réclamé la déduction de moitié prévue à l’alinéa 110(1)d); il ne peut ensuite y superposer le traitement de ses gains en capital en suivant son prix de base rajusté selon le taux de change à la date de l’attribution comme s’il avait acquis une immobilisation.

[63]        Je terminerais cette analyse en faisant observer qu’il ne faut pas confondre les options d’achat d’actions de l’employé avec les options d’achat d’actions cotées en bourse (imposables en vertu de l’article 39 et, plus précisément, en vertu de l’article 49). Bien qu’il s’agisse de deux instruments dérivés en ce sens que leur valeur est intrinsèquement liée à la valeur d’un titre coté en bourse, le deuxième type d’options d’achat d’actions est réellement acheté, et le prix de base rajusté est établi à la date de l’acquisition. La valeur de ce type d’options d’achat d’actions étant basée sur la valeur intrinsèque des options (si le prix d’exercice est inférieur à la valeur du marché) et sur la valeur temps (soit le temps restant avant leur échéance), l’alinéa 7(3)a) a pour effet final que les options d’achat d’actions de l’employé n’ont de valeur fiscale que lorsqu’elles sont exercées, conformément à la jurisprudence précitée.

[64]        Même si l’appelant avait payé une certaine somme à UTC en échange des options d’achat d’actions à la date de l’attribution, il n’aurait pas droit au traitement pour gain en capital; il aurait néanmoins le droit de déduire ce montant du calcul de ses avantages en vertu de l’alinéa 7(1)a).

B. L’alinéa 110(1)d) changerait-il quelque chose à cette situation?

[65]         Bien que les gains provenant de l’exercice d’options d’achat d’actions de l’employé soient imposés comme un avantage en vertu de l’article 7, l’alinéa 110(1)d) prévoit la possibilité de déduire la moitié de ce gain lorsque certaines conditions sont satisfaites. Cette disposition se lit comme suit :

Déductions 110 (1) – Pour le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, il peut être déduit celles des sommes suivantes qui sont appropriées :

Options d’employés d) la moitié de la valeur de l’avantage que le contribuable est réputé par le paragraphe 7(1) avoir reçu au cours de l’année relativement à un titre qu’une personne admissible donnée est convenue, après le 15 février 1984, d’émettre ou de vendre aux termes d’une convention, ou relativement au transfert ou à une autre forme de disposition des droits prévus par la convention, dans le cas où les conditions suivantes sont réunies :

(i) le titre a été acquis en vertu de la convention par le contribuable ou par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance dans les circonstances prévues à l’alinéa 7(1)c),

...

(ii) si les droits prévus par la convention n’ont pas été acquis par le contribuable par suite d’une disposition de droits à laquelle le paragraphe 7(1.4) s’applique, à la fois :

(A) le montant que le contribuable doit payer pour acquérir le titre aux termes de la convention est au moins égal à l’excédent du montant visé à la subdivision (I) sur le montant visé à la subdivision (II):

(I) la juste valeur marchande du titre au moment de la conclusion

de la convention,

(II) le montant éventuel que le contribuable a payé pour acquérir le droit d’acquérir le titre,

[Non souligné dans l’original.]

[66]        Bien qu’un avantage relié à une option d’achat d’action réalisé à la date d’exercice soit initialement imposé comme un avantage en matière d’emploi, l’effet final de cette disposition est que [traduction] « l’avantage relié à l’option d’achat d’actions est imposé comme un gain en capital en ce qui concerne son taux d’inclusion, mais n’est pas qualifié de gain en capital; il n’est donc pas admissible à l’exemption pour gain en capital et ne peut être annulé par une perte en capital[5]. »

[67]        Comme je l’ai mentionné précédemment, plusieurs conditions doivent être satisfaites pour bénéficier de cette disposition (l’employé ne doit avoir aucun lien de dépendance avec l’employeur, les actions doivent être prescrites, etc.). De plus, la valeur marchande du titre doit être égale ou supérieure au prix d’exercice établi dans la convention d’options d’achat d’actions au moment de l’attribution. Je constate que le langage législatif utilisé au sous-alinéa 110(1)d)(ii) s’harmonise avec la définition de « prix d’exercice » utilisée dans le programme mentionné plus haut.

[68]        Lorsque ces conditions sont satisfaites, ces actions sont « hors-jeu » (un terme s’appliquant également aux options cotées en bourse). Sauf cette condition particulière, il n’y a rien qui empêcherait un employeur d’attribuer des options d’achat d’action en jeu (aussi appelées options d’achat d’actions tout à fait dans le cours), conférant ainsi un avantage immédiat à l’employé.

[69]        Le jugement récent Fettes c. La Reine., 2015 CCI 198, illustre ce point. Il s’agit d’une situation où les options d’achat d’actions, qui avaient initialement un prix supérieur à la valeur marchande et qui étaient donc hors-jeu, ont vu leur prix baisser sous la valeur marchande et ont été exercées par le contribuable avant qu’il ne prenne sa retraite. Le juge Miller a conclu que le contribuable avait réalisé un avantage conformément au paragraphe 7(1) et qu’il n’avait de ce fait pas droit au traitement pour gain en capital prévu à l’alinéa 110(1)d).

[70]        Lorsque, comme en l’espèce, les options d’achat d’actions de l’employé sont exprimées en une devise autre que canadienne, le paragraphe 110(1.5) prescrit que :

Calcul des montants liés aux options d’achat de titres
(1.5) Les règles suivantes s’appliquent dans le cadre de l’alinéa (1)d):

a) le montant qu’un contribuable doit payer pour acquérir un titre aux termes d’une convention mentionnée au paragraphe 7(1) est déterminé compte non tenu d’un changement de la valeur de la monnaie d’un pays étranger par rapport à la valeur du dollar canadien survenant après la conclusion de la convention;

[71]        Vu l’utilisation de l’expression « dans le cadre de l’alinéa (1)d) », il est clair que l’objectif de cette disposition est d’éliminer les situations où un avantage a été perçu par un employé en raison de fluctuations des devises survenues après l’attribution des options d’achat d’actions, même si le prix d’exercice est égal ou inférieur à la valeur marchande du titre à la date de l’attribution.

[72]        Ainsi, je suis d’accord avec l’intimée que la déduction de la moitié de l’avantage rendue possible en vertu de l’alinéa 110(1)d) est seulement possible lorsque le prix d’exercice de l’option d’achat d’actions est fixé à un prix supérieur à la juste valeur marchande des actions au moment de l’attribution et que l’objectif de l’alinéa 110(1.5)a) est de s’assurer que les options d’actions qui sont hors-jeu lors de leur attribution s’avèrent par la suite comme étant en jeu, sans faute de la part du contribuable, en raison de la fluctuation des devises survenant après la date d’attribution.

[73]        De plus, puisque j’ai déjà conclu que l’article 7 constitue un code complet pour l’imposition des avantages en matière d’emploi qui découlent de l’exercice des options d’achat d’options, rien ne me lie à l’interprétation de l’appelant selon laquelle l’alinéa 110(1.5)a) fait référence de quelque façon que ce soit à l’expression « la somme qu’il a payée ou doit payer... pour ces titres » de l’alinéa 7(1)a) et laisse entendre que le prix d’exercice devrait être converti en dollars canadiens en utilisant le taux de change en vigueur à la date d’attribution.

[74]        L’appelant a fait valoir que le législateur a comblé un vide juridique dans l’article 7, ce vide touchant les situations où les titres sont exprimés en devise autre que canadienne. Or, il n’y a rien dans le langage législatif de l’alinéa 110(1)d) qui laisse supposer que cette situation doit être prise en considération pour une autre raison que celle de décider si le contribuable a droit à la déduction de la moitié de l’avantage.

[75]        L’appelant a cité la décision Canadian Occidental U.S. Petroleum Corporation c. La Reine[6], mais il ne s’agit pas à mon avis d’une décision particulièrement pertinente en l’espèce, car elle porte sur la nature non contraignante des interprétations ministérielles ou techniques dans une situation où le ministre avait effectivement ajouté certains mots à une disposition législative. En l’espèce, le ministre a simplement calculé l’avantage de l’appelant en se basant sur le langage clair et courant de l’alinéa 7(1)a). Aucun mot n’y a été ajouté et il n’y avait aucun besoin de le faire.

C.               Obligation de déclarer les résultats fiscaux canadiens

[76]        Le paragraphe 261(2) de la LIR prescrit que toute somme exprimée dans une autre devise doit être convertie en dollars canadiens aux fins de l’impôt canadien. Cette disposition se lit comme suit :

Monnaie canadienne — exigences 261(2) – Les règles ci-après s’appliquent au calcul des résultats fiscaux canadiens d’un contribuable pour une année d’imposition :

a) sous réserve du présent article, à l’exception du présent paragraphe, la monnaie à utiliser est le dollar canadien;

b) sous réserve du présent article, à l’exception du présent paragraphe, du paragraphe 79(7) et des alinéas 80(2)k) et 142.7(8)b), toute somme prise en compte dans le calcul de ces résultats qui est exprimée dans une monnaie autre que le dollar canadien est convertie en son équivalence en dollars canadiens selon le taux de change au comptant affiché le jour où elle a pris naissance.

[Non souligné dans l’original.]

[77]        Puisque l’appelant me renvoyait également à la version anglaise de cet article, je la reproduirai ici :

261(2) Canadian currency requirement — In determining the Canadian tax results of a taxpayer for a particular taxation year,

(a) subject to this section, other than this subsection, Canadian currency is to be used; and

(b) subject to this section, other than this subsection, subsection 79(7) and paragraphs 80(2)(k) and 142.7(8)(b), if a particular amount that is relevant in computing those Canadian tax results is expressed in a currency other than Canadian currency, the particular amount is to be converted to an amount expressed in Canadian currency using the relevant spot rate for the day on which the particular amount arose.

[Non souligné dans l’original.]

[78]        Le paragraphe 261(1) de la LIR fournit également les définitions suivantes :

Définitions
261 (1) – Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« résultats fiscaux canadiens » En ce qui concerne un contribuable pour une année d’imposition :

a) son revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada pour l’année;

b) son impôt, ou toute autre somme, à payer pour l’année en vertu de la présente loi, à l’exception d’une somme à payer au nom d’une autre personne en application du paragraphe 153(1) ou de l’article 215;

c) l’impôt, ou toute autre somme, qui lui est remboursable pour l’année en vertu de la présente loi, à l’exception d’une somme remboursable au nom d’une autre personne au titre de sommes à payer au nom de celle-ci en application du paragraphe 153(1) ou de l’article 215;

d) toute somme qui est prise en compte dans le calcul des sommes visées aux alinéas a) à c). (Canadian tax results)

« taux de change au comptant » En ce qui concerne la conversion d’une somme exprimée dans une monnaie donnée en son équivalence dans une autre monnaie, le taux de change au comptant, affiché un jour donné, correspond à l’un ou l’autre des taux suivants :

a) si la monnaie donnée ou l’autre monnaie est le dollar canadien, le taux affiché par la Banque du Canada à midi le jour donné (ou, si ce taux n’est pas affiché le jour donné, le jour antérieur le plus proche où il l’est) auquel une unité de la monnaie donnée est changée contre une unité de l’autre monnaie ou, pour l’application des alinéas (2)b) et (5)c), tout autre taux de change que le ministre estime acceptable;

[Non souligné dans l’original.]

[79]        Le paragraphe 261(2) réfère à l’obligation du contribuable de déclarer ses « résultats fiscaux canadiens » en monnaie canadienne pour une année d’imposition, mais l’alinéa 261(2)b) dispose que le taux de change à utiliser est celui affiché au jour où la somme imposable a pris naissance.

[80]        Il reste à déterminer quand cette somme particulière a pris naissance. L’appelant soutient qu’il faut examiner le passé pour déterminer l’origine ou la source de cette somme. Il conclut que cette origine est à la date d’attribution des options d’achat d’actions.

[81]        L’appelant se base sur la décision Agnico-Eagle Mines Limited c. La Reine, 2014 CCI 324, de la juge Woods. Dans cette affaire, Agnico avait émis des débentures convertibles ayant une valeur nominale de 1 000 $ US, convertibles en un montant préétabli d’actions ordinaires cotées à la Bourse de New York.

[82]        Les débentures ont été émises le 15 février 2002 puis converties en actions ordinaires en 2005. La principale question était de savoir si Agnico avait réalisé des gains de change par suite de la conversion des débentures en actions ordinaires.

[83]        La juge Wood a examiné les exigences du paragraphe 261(2) et le besoin de traduire les sommes en dollars canadiens « selon le taux de change au comptant affiché le jour où elle a pris naissance ». Aux paragraphes 61 et 62 de sa décision, elle a conclu que la date à retenir était celle à laquelle les débentures convertibles avaient été émises en 2002 (alors que le taux de change au comptant était de 1,588 dollars canadiens), du fait qu’elle reflétait la contrepartie réelle reçue.

[84]        L’appelant souligne que c’est le taux de change canadien/américain en vigueur au moment de l’émission des débentures qui a été appliqué dans Agnico, et ce, même si la conversion des débentures en actions ordinaires a eu lieu à une autre date (en 2005). Il laisse entendre que cette pratique soutient sa position selon laquelle la période appropriée pour l’établissement du prix de base des options d’achat d’actions est celle de leur date d’attribution.

[85]        Je suis d’avis que cette décision n’aide en rien l’appelant puisque Agnico avait perçu, en février 2002, 1 000 $ US par débenture, alors qu’en l’espèce, l’appelant a reçu les options d’achat d’actions en vertu d’un programme incitatif, sans avoir à débourser une somme en contrepartie.

[86]        Il est certain qu’il y aura des situations où les sommes décrites à l’alinéa 261(2)b) auront pris naissance à un moment dans le temps qui sera antérieur à l’année d’imposition pendant laquelle le contribuable doit décider de ses « résultats fiscaux canadiens ». Toutefois, cela n’est pas différent du principe établi dans Gaynor, précité, selon lequel le prix de base rajusté d’une immobilisation doit être suivi en dollars canadiens à partir de la date de son acquisition.

[87]        Je conclus que « le jour où [la somme] a pris naissance » selon l’alinéa 261(2)b) est celui où l’appelant a exercé ses options d’achat d’actions, c’est-à-dire la date à laquelle il a acquis les actions d’UTC et en a disposé simultanément. Puisque le produit de l’exercice sans décaissement lui a permis de conclure les deux transactions la même journée, cela détermine le taux de change au comptant applicable.

Conclusion

[88]        J’ai indiqué précédemment que je ferais certains commentaires sur l’absence de documentation concernant le produit net de la disposition reçue par l’appelant à la suite de l’exercice des options d’achat d’actions.

[89]        Même si je suis tenté de conclure que l’appelant a tout simplement été « pri[s] dans l’enchevêtrement compliqué de la loi fiscale » (Fettes, précité au paragraphe 23), je dois admettre que j’ai du mal à accepter le fait que le produit net de la vente qu’il a reçu par suite de l’exercice sans décaissement diffère du montant déclaré pour les années d’imposition en question. Cette différence aurait dû sauter aux yeux de l’appelant et constituer un signal d’alarme.

[90]        Je terminerai en remerciant les avocats pour leurs représentations compétentes.

[91]        Les appels sont rejetés, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’avril 2016.

« Guy Smith »

Le juge Smith


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 105

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-1025(IT)I

INTITULÉ :

NATALE FERLAINO c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 novembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 28 avril 2016

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Vincent Dionne

Avocate de l’intimée :

Me Valerie Messore

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Vincent Dionne

 

Cabinet :

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]               Notes sténographiques aux pages 17 à 21.

[2]               L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[3]               [1987] 1 CTC 2359 (CCI).

[4]               [1991] 1 C.T.C. 470.

[5]               Peter Hogg, Joanne Magee et Jinyon Li, Principles of Canadian Income Tax Law, 8th ed., Toronto, Carswell, 2013, à la page 148.

[6]               [2001] 2 C.T.C. 2113 (CCI).

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