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Dossiers : 2010-3571(IT)G

2014-2450(IT)G

ENTRE :

MICHAEL DAVIES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête entendue le 5 février 2016, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Jack W. Millar

Me John G. Bassindale

Avocate de l’intimée :

Me Carol Calabrese

 

ORDONNANCE

APRÈS AVOIR ENTENDU et examiné les observations des avocats, et conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints,

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.       La requête de l’intimée est accueillie et celle de l’appelant est rejetée;

2.       L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2014 portant le numéro de dossier 2010-3471(IT)G est rejeté par la Cour en application du paragraphe 16.2(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt en date du 21 novembre 2013, conformément à un avis de désistement signé par les avocats des parties en juillet 2013 et déposé auprès de la Cour le 2 octobre 2013;

3.       L’appel portant le numéro de dossier 2014-2450(IT)G est rejeté au motif que les questions dont il fait l’objet ont été réglées en application du paragraphe 169(3) de la Loi et que tout appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation résultante datant du 13 septembre 2013 a fait l’objet d’une renonciation irrévocable, aux termes du paragraphe 169(2.2) de la Loi;

4.       Des dépens indemnitaires substantiels sont accordés à l’intimée, sous réserve du droit des deux parties de présenter des observations dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’avril 2016.

« R. S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d’avril 2017.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2016 CCI 104

Date : 20160427

Dossiers : 2010-3571(IT)G

2014-2450(IT)G

ENTRE :

MICHAEL DAVIES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Juge Bocock

I. Mesures demandées

a)     Appelant

[1]             La requête de l’appelant vise à obtenir des mesures fondées sur deux motifs. La première demande vise à faire annuler un avis de désistement ayant été signé par l’ancien avocat de l’appelant le 8 juillet 2013 et ayant été déposé par l’avocate de l’intimée le 2 octobre 2013; la deuxième demande vise à rétablir le premier appel connexe interjeté, numéro de dossier 2010-3571(IT)G (l’« appel initial »), au motif que le procès-verbal du règlement ayant été signé (le « procès-verbal du règlement ») n’est pas valide. Un deuxième appel, interjeté en 2014 et portant le numéro de dossier 2014-2450(IT)G (l’« appel complémentaire »), visait à tenter de remplacer le premier appel, qui a fait l’objet d’un désistement et d’un règlement que conteste l’appelant.

b)    Intimée

[2]             La requête de l’intimée vise à faire rejeter les appels au motif que le premier appel a fait l’objet d’un désistement en raison du procès-verbal du règlement ayant été signé et de la nouvelle cotisation conforme, et que l’appel complémentaire constitue un appel à l’encontre d’une cotisation ayant été autrement réglée par l’appelant et ayant été rejetée par la Cour.

II. Faits

[3]             L’appel initial faisait partie d’un groupe d’appels auxquels prenaient part de 25 à 30 contribuables environ. Jusqu’à la conclusion du règlement, tous les appelants étaient représentés par Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L., s.r.l. (le « cabinet d’avocats plaidant »). L’appel initial concernait les années d’imposition 2005, 2006 et 2007 de l’appelant et se rapportait à la déductibilité de certaines déductions pour amortissement à l’égard de l’achat d’une licence d’utilisation d’un logiciel. L’appelant avait travaillé comme avocat au sein du cabinet d’avocats plaidant jusqu’au milieu de l’année 2007, puis il avait quitté son emploi. Il avait séjourné à l’étranger jusqu’en 2010, puis était revenu au Canada et était entré au service d’un autre cabinet d’avocats.

[4]             Une nouvelle cotisation avait été établie pour l’appelant en 2009. La déduction pour amortissement qu’il avait demandée lui avait été refusée. Certains investisseurs et lui avaient retenu les services du cabinet d’avocats plaidant en vue d’interjeter appel devant la Cour.

[5]             Peu après le dépôt des appels, le cabinet d’avocats plaidant et le groupe d’appelants s’étaient réunis au cours d’une conférence téléphonique, à laquelle avait participé l’appelant. Les paramètres généraux du règlement y avaient été discutés, et l’autorisation de régler les appels en établissant la déduction pour amortissement à un taux de 20 à 40 % aurait été donnée. Le cabinet d’avocats plaidant avait pour mandat de chercher à régler le litige, de prendre les mesures habituelles à cette fin et de rendre des comptes périodiquement aux clients. Du début du mois de décembre 2010 au 23 septembre 2013, l’appelant n’avait eu aucune communication avec le cabinet d’avocats plaidant (la « période de silence »).

[6]             Malgré l’absence de communication avec l’appelant pendant la période de silence, bien des choses s’étaient produites. Un résumé des communications, des négociations, des échanges et des réalisations ayant eu lieu entre le cabinet d’avocats plaidant et l’avocate de l’intimée est présenté ci-dessous :

Activités pendant la période de silence

Date

Nature de l’activité

Conséquence

25 janvier 2012

Le cabinet d’avocats plaidant écrit à l’intimée et propose une manière de résoudre tous les appels au sein du groupe.

L’avocate de l’intimée reçoit la proposition et l’examine.

18 janvier 2013

L’avocate de l’intimée envoie une lettre contenant une contre-proposition aux fins de la résolution de tous les appels du groupe.

Le cabinet d’avocats plaidant reçoit la contre-proposition.

30 avril 2013

L’avocate de l’intimée envoie une lettre dans laquelle il demande au cabinet d’avocats plaidant de confirmer qu’il a toujours le mandat de représenter en justice les appelants du groupe.

Le cabinet d’avocats plaidant reçoit la demande.

30 mai 2013

Le cabinet d’avocats plaidant envoie une lettre dans laquelle il confirme qu’il représente toujours les appelants et qu’il dispose des pleins pouvoirs à titre d’avocat des appelants, dont celui en l’espèce.

La lettre précise la méthode de résolution des appels adoptée avant la prise de mesures subséquentes pour régler le litige.

18 juin 2013

L’avocate de l’intimée envoie une ébauche du procès-verbal du règlement et des avis de désistement.

Le cabinet d’avocats plaidant reçoit les documents, puis procède au regroupement et à la signature.

8 juillet 2013

Le cabinet d’avocats plaidant signe le procès-verbal du règlement et les avis de désistement à titre d’avocat.

À la suite de la signature, les documents sont transmis à l’avocate de l’intimée.

31 juillet 2013

L’avocate de l’intimée signe à son tour le procès-verbal du règlement et les avis de désistement.

Aux termes du procès-verbal du règlement, la déduction pour amortissement est fixée à 10 % et les avis de désistement signés doivent être déposés après l’établissement des avis de nouvelle cotisation conformes par le ministre.

13 septembre 2013

Le ministre établit les avis de nouvelle cotisation et les envoie par courrier postal à chaque appelant, y compris celui en l’espèce.

Là s’achèvent les obligations du ministre, aux termes du procès-verbal du règlement.

[7]             La période de silence a pris fin le 23 septembre 2013, lorsque l’appelant a reçu de la part du cabinet d’avocats plaidant un courriel l’informant que l’appel initial avait été réglé. Par la suite, l’appelant et le cabinet d’avocats plaidant ont tenté de faire annuler le procès-verbal du règlement et d’empêcher le dépôt de l’avis de désistement. Un résumé des activités qui se sont déroulées pendant cette période (le « délai de résolution ») est présenté ci-dessous :

Activités pendant la période de résolution

Date

Nature de l’activité

23 septembre 2013

En réponse au courriel du cabinet d’avocats plaidant, l’appelant demande, au cours d’une conversation téléphonique, qu’on lui indique pourquoi, selon quel fondement et en vertu de quel pouvoir l’appel initial a été réglé et les nouvelles cotisations établies. L’appelant est informé du procès-verbal du règlement et de l’avis de désistement ayant été signés.

25 septembre 2013

À la suite de la conversation téléphonique susmentionnée, l’appelant envoie un courriel au cabinet d’avocats plaidant afin de faire part de son étonnement quant à l’absence de communication et de confirmer qu’il n’avait pas approuvé le règlement; il souhaite discuter des dispositions à prendre pour poursuivre l’appel initial rapidement afin d’éviter de porter préjudice à l’intimée.

25 septembre 2013

Le cabinet d’avocats plaidant appelle l’avocat de l’intimée et laisse un message au sujet d’une « question subséquente » au règlement.

26 septembre 2013

Le cabinet d’avocats plaidant et l’avocate de l’intimée ont une conversation téléphonique. Le cabinet d’avocats plaidant confirme la présumée absence d’approbation de l’appelant quant au procès-verbal du règlement, puis demande que la nouvelle cotisation initiale ayant été annulée, entraînant ainsi l’appel initial, soit établie de nouveau par le ministre. Le cabinet d’avocats plaidant confirme que les avis de nouvelle cotisation datés du 13 septembre 2013 sont en conformité avec le procès-verbal du règlement.

26 septembre 2013

Dans un courriel envoyé au cours de la même journée, le cabinet d’avocats plaidant indique que la nouvelle cotisation établie conformément au procès-verbal du règlement est erronée; il propose l’annulation de la nouvelle cotisation et demande que l’avis de désistement ne soit pas déposé.

2 octobre 2013

i)       L’avocate de l’intimée dépose l’avis de désistement.

 ii)     Dans une lettre (reçue au cours de la même journée), l’avocate de l’intimée informe le cabinet d’avocats plaidant qu’il était impossible d’annuler les nouvelles cotisations établies pour l’appelant, et que les avis de désistement seraient déposés compte tenu de la signature du règlement.

9 octobre 2013

L’appelant envoie directement à l’avocate de l’intimée une télécopie dans laquelle il indique que le cabinet d’avocats plaidant ne disposait d’aucun pouvoir relativement à l’exécution du procès-verbal du règlement et des avis de désistement, et qu’il répudie les deux documents.

[8]             À la suite de l’avis de désistement déposé le 2 octobre 2013 et de l’avis formulé par la Cour, l’appel a été abandonné et l’appelant a interjeté l’appel complémentaire.

III. Motifs de l’appelant justifiant les mesures demandées

[9]             L’avocat responsable de la requête de l’appelant fait part des motifs généraux suivants pour justifier l’annulation de l’avis de désistement et du procès-verbal du règlement ainsi que le rétablissement de l’appel initial ou le maintien de l’appel complémentaire.

1.     Les avis de désistement déposés par l’intimée le 2 octobre 2013 constituaient une fraude envers la Cour, aux termes du paragraphe 172(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »). Avant le dépôt, l’avocate de l’intimée avait été avisée de l’erreur que contenait le procès-verbal du règlement et du fait qu’il était donc invalide. On lui avait demandé de ne pas déposer les avis de désistement, et elle aurait dû demander des directives à la Cour avant de procéder au dépôt. Par conséquent, les avis de désistement devraient être annulés.

2.     L’avocat responsable de la requête de l’appelant affirme qu’à la suite de l’annulation des avis de désistement, la Cour devra examiner le procès-verbal du règlement. Cet examen devrait lui permettre d’établir qu’il est injuste d’imposer un procès-verbal invalide à l’appelant, puisque l’appel initial n’a pas été autrement entendu sur le fond ni n’a été résolu selon des conditions acceptables pour l’appelant.

IV. Annulation de l’avis de désistement

[10]        La Cour dispose du pouvoir nécessaire pour annuler un avis de désistement lorsque ce dernier, ou le jugement qu’il représente, a été obtenu, amorcé ou entraîné par suite d’une fraude quelconque envers la Cour[1]. Un avis de désistement est décisif et met fin à un litige en l’absence de fraude ou d’un pouvoir prévu par la loi autorisant la Cour à le suspendre[2]. Au cours de l’argumentation, la Cour a mis en garde l’avocat responsable de la requête de l’appelant contre toute allégation de fraude, tout en le renseignant sur les conséquences financières en cas de fraude non avérée.

[11]        L’appelant persiste à croire qu’il y a eu fraude, puisqu’au moment où l’avocate de l’intimée avait déposé l’avis de désistement, elle savait que le cabinet d’avocats plaidant ne disposait pas du pouvoir nécessaire pour signer le procès-verbal du règlement et l’avis de désistement. En outre, une demande explicite avait été présentée afin que l’avis de désistement déjà signé ne soit pas déposé, et ce, avant le dépôt. Ainsi, cela équivaut à obtenir un désistement en commettant une fraude ou en fournissant de faux renseignements[3], aux termes du paragraphe 172(2) des Règles[4].

[12]        En ce qui concerne l’avis de désistement, l’observation selon laquelle  l’appelant convenait de rejeter l’appel était fausse. De plus, l’avocat responsable de la requête de l’appelant soutient que l’avocate de l’intimée avait fait preuve de mépris à l’égard de la vérité, tout en fermant les yeux sur l’évidence et sur le fait déjà indéniable à ce moment que l’appelant s’opposait au règlement. Non seulement cette façon d’agir équivalait à un mépris de la véritable situation, mais elle allait également à l’encontre des règles de déontologie auxquelles l’avocate de l’intimée devait se conformer[5].

[13]        Pour les motifs suivants, la Cour conclut que les faits ne permettent pas d’étayer les allégations de fraude présentées devant la Cour, ni celles de mépris à l’égard de la vérité ou de fausse déclaration en toute connaissance de cause.

[14]        La chronologie des événements, les actes et les faits connexes susmentionnés ne satisfont pas aux critères nécessaires pour que la Cour exerce sa compétence discrétionnaire afin d’annuler l’avis de désistement.

[15]        La date des avis de désistement était précise, le dernier avis étant daté du 31 juillet 2013. Les avis de désistement ne devaient pas être déposés, en application du procès-verbal du règlement, avant que certaines conditions subséquentes soient respectées. L’intimée s’était fondée sur la force d’un avis de désistement entiercé. L’intimée avait établi des avis de nouvelle cotisation en se fondant sur le procès-verbal du règlement et sur l’avis de désistement entiercé. L’avocate de l’intimée a confirmé que les avis de nouvelle cotisation avaient été établis en conformité avec le procès-verbal du règlement. À ce moment-là, toutes les conditions subséquentes avaient été respectées et le règlement avait été entièrement exécuté. Aucune partie ni aucun particulier n’étaient au courant de l’absence de pouvoir ou de la possibilité de fraude. La délivrance et le dépôt des avis de désistement permettaient de mettre fin à un litige en suspens qui était rendu sans objet à ce moment-là[6].

[16]        Une analyse plus vaste des événements est également utile. Premièrement, en ce qui concerne les avis de désistement, le ministre avait réglé tous les appels en se fondant sur le procès-verbal du règlement et les avis de désistement. Il ne se serait jamais fondé de façon nuisible sur le procès-verbal du règlement en l’absence des avis de désistement. S’il avait agi ainsi, cela aurait entraîné les circonstances exactes devant lesquels nous nous trouvons en l’espèce, soit le désaveu d’un règlement collectif par un contribuable qui soutient que son avocat ne disposait d’aucun pouvoir. Si cette information avait été obtenue et transmise avant l’établissement des avis de nouvelle cotisation à l’égard de tous les appelants du groupe, le ministre aurait pu interrompre le processus sans porter préjudice à la thèse ou aux droits juridiques de l’intimée. Or, ce ne sont pas les faits qui ont été présentés devant la Cour. En outre, une fois que les nouvelles cotisations avaient été établies pour le groupe conformément au règlement, la résolution avait été achevée et les conditions subséquentes avaient été respectées, puis les avis de désistement entiercés antidatés devaient être déposés.

[17]        L’avocate de l’intimée avait fait preuve de logique juridique et de bon sens. Son analyse juridique et sa conclusion n’avaient pas ignoré ni dénaturé la tentative d’annulation par l’appelant ou le cabinet d’avocats plaidant à la suite de l’établissement des nouvelles cotisations. Au contraire, l’analyse juridique avait simplement porté sur la tentative d’annulation, et avait permis de déterminer que celle-ci n’avait pas d’autres conséquences juridiques, compte tenu du moment où elle avait eu lieu au cours du processus de règlement à échelons fixes.

[18]        En outre, même si la Cour déterminait que la logique juridique de l’avocate de l’intimée était erronée, une telle erreur ne constituerait pas une fraude. Au moment de son dépôt, l’avis de désistement était exact non seulement dans l’esprit de l’avocate de l’intimée, mais également dans celui du cabinet d’avocats plaidant, qui est le seul et l’unique cabinet d’avocats à avoir été retenu pour protéger les droits de l’appelant. Avant la signature, l’avocate de l’intimée avait demandé au cabinet d’avocats plaidant de confirmer son pouvoir et sa qualité de représentant, puis il avait préparé les documents. Après avoir reçu les documents relatifs au règlement signé et avoir validé les garanties données, l’avocate de l’intimée avait, en se fondant sur la réputation, les affirmations et le comportement habituel du cabinet d’avocats plaidant, chargé sa propre cliente de signer le règlement définitif en établissant des avis de nouvelle cotisation concluants et conformes.

[19]        En agissant ainsi, elle avait fait preuve d’indulgence, d’un esprit de compromis ainsi que de considération à l’égard du règlement ratifié qui était alors authentique. Le désaveu formulé après les faits et en dehors des délais prescrits par un seul appelant uniquement en raison d’une omission du cabinet d’avocats plaidant, de même que l’avis subséquent envoyé à cet effet, également en retard, à l’avocate de l’intimée, ne sont pas suffisants pour révoquer, annuler ou éviter le règlement déjà établi se reflétant dans le procès-verbal du règlement et dans les avis de désistements, et ayant été entièrement exécuté au moyen des avis de nouvelle cotisation.

V. Le procès-verbal est non exécutoire

[20]        Bien que la Cour n’ait pas accepté l’argument de l’appelant selon lequel l’avis de désistement constituait une fraude à l’égard de la Cour, elle examinera néanmoins les arguments au sujet de la possibilité d’invalider ou d’annuler le procès-verbal.

[21]        L’avocat responsable de la requête de l’appelant fait valoir qu’un examen du procès-verbal révèle que l’appelant n’a conféré au cabinet d’avocats plaidant aucun pouvoir de régler l’appel et de signer le procès-verbal. Par conséquent, la Cour ne devrait pas se permettre de consentir à un compromis auquel les parties ne seraient elles-mêmes jamais parvenues[7].

[22]        D’un point de vue factuel et juridique, la Cour ne peut pas respecter cet argument. Personne ne savait que le cabinet d’avocats plaidant ne disposait pas du pouvoir nécessaire (lui-même, par sa propre omission, a admis qu’il l’ignorait), jusqu’à ce que le procès-verbal soit signé et, surtout, que les avis de nouvelle cotisation en découlant soient établis à l’égard des quelque 25 à 30 appelants. La Cour utilise le pluriel intentionnellement, puisque le ministre a établi la cotisation de tous les appelants du groupe sur la même base. La confirmation que le cabinet d’avocats plaidant avait envoyée à l’avocate de l’intimée à l’égard de son mandat et de sa qualité pour agir vient étayer et renforcer cette confiance. Il convient de réitérer que ce n’est qu’après la réception de cette confirmation que les documents provisoires relatifs au règlement avaient été préparés, examinés, signés par le cabinet d’avocats plaidant, puis envoyés à l’avocate de l’intimée. Cette dernière avait signé le procès-verbal et avait chargé sa cliente d’agir conformément à celui-ci. La cliente avait simplement suivi cette directive. L’avocate de l’intimée n’avait été informée de l’absence de pouvoir, qui, selon ce qu’avait d’abord signalé le cabinet d’avocats, ne constituait qu’une « allégation » formulée par l’appelant, qu’après que l’ensemble des mesures eurent été prises et que tous eurent convenu de supprimer les restrictions quant au dépôt des avis de désistement. Entre-temps, l’intimée ou son avocate n’était au courant d’aucune restriction quant au pouvoir[8] (en fait, les pleins pouvoirs ont été confirmés), et de nouvelles cotisations conformes résultantes avaient été établies, annulant ainsi les anciennes nouvelles cotisations et les droits d’appel connexes[9].

[23]        Sur le plan juridique, de tels faits ne justifient pas l’annulation d’un processus de règlement fiable et accepté. Les avocats font souvent référence au paragraphe 169(3)[10] de la Loi de façon systématique et en toute fiabilité pour résoudre des litiges devant la Cour. Cette disposition s’applique en raison des particularités susmentionnées. Un règlement proposé conclu par l’intermédiaire d’avocats en application de cette disposition, ne serait-ce que quelques minutes avant le début de l’instance, permet d’éviter que des questions résolues fassent l’objet d’un procès, en vertu des Règles de la Cour canadienne de l’impôt. Le processus permet aux parties de fixer les modalités entre elles, d’établir, de recevoir et de confirmer les avis de nouvelle cotisation, de renoncer à tout droit d’appel, de même que de régler un appel ou un groupe d’appels de manière définitive. Compte tenu des faits en l’espèce, si la Cour devait entreprendre un examen postérieur à l’égard de la nature du pouvoir lié à la relation entre un procureur et son client, cela détruirait ce processus fiable, respecté et largement utilisé. Rien n’indique que, lorsqu’elle a conclu le procès-verbal, l’avocate de l’intimée avait la moindre idée de l’absence de pouvoir, et ce, jusqu’à ce que l’ensemble des documents, des actions et des conditions subséquentes aient été exécutés et conclus, par ailleurs tout à fait conformément aux modalités du procès-verbal et des documents connexes.

[24]        Le fait de mener un tel examen et d’annuler le procès-verbal dans les présentes circonstances factuelles équivaudrait à ignorer l’évidence ainsi que la responsabilité résultante et les omissions du cabinet d’avocats plaidant : aucune communication avec un client pendant trois ans; aucune communication récente au cours des 54 jours suivant la signature du procès-verbal; retard d’un jour pour communiquer avec l’avocate de l’intimée (et seulement par message vocal); aucun avis transmis directement à la Cour par le cabinet d’avocats plaidant. Ces omissions ont clairement nui à la relation entre le procureur et le client, mais ce constat a tout simplement été fait trop tard pour permettre à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’invalider le procès-verbal et le règlement de ce litige résolu[11]. Le fait de lever si tardivement le voile au sujet du mandat entre le procureur et le client fait également abstraction : i) du préjudice non indemnisable que subirait l’intimée (que l’appelant a lui-même relevé au début de l’interrogatoire), qui a réglé tous les autres appels du groupe; ii) du doute qui pourrait être soulevé chez les futurs plaideurs quant à la fiabilité du paragraphe 169(3) de la Loi et des articles connexes des Règles de la Cour canadienne de l’impôt; iii) des autres recours autrement plus limités et immédiats auxquels pourrait avoir recours l’appelant pour compenser les omissions du cabinet d’avocats plaidant.

[25]        Pour ces motifs, la requête de l’appelant est rejetée. L’appel initial a été rejeté en octobre 2013, et l’appel subséquent portant le numéro de dossier 2014-2450(IT)G est rejeté au motif que les questions de fond dont il fait l’objet ont été réglées en application du paragraphe 169(3) de la Loi et que tout droit d’interjeter appel à l’encontre de la nouvelle cotisation résultante datant du 13 septembre 2013 a fait l’objet d’une renonciation irrévocable, aux termes du paragraphe 169(2.2) de la Loi.

[26]        Compte tenu des allégations de fraude non prouvées ayant été formulées par l’appelant à l’endroit de l’avocate de l’intimée, des dépens indemnitaires substantiels doivent être accordés à l’intimée, sous réserve du droit des deux parties de présenter des observations dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance.


Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’avril 2016.

« R. S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d’avril 2017.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 104

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2010-3571(IT)G

2014-2450(IT)G

INTITULÉ :

MICHAEL DAVIES ET LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 février 2016

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 27 avril 2016

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me Jack W. Millar

Me John G. Bassindale

Avocate de l’intimée :

Me Carol Calabrese

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Jack W. Millar

Me John G. Bassindale

 

Cabinet :

Millar Kreklewetz LLP

24, rue Duncan, 3e étage

Toronto (Ontario)

M5V 2B8

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Arrêt Canada c. Scarola, 2003 CAF 157, paragraphe 21.

[2] Arrêt Scarola, paragraphes 24 et 25.

[3] Arrêt Nicholls c. Sa Majesté la Reine, 2011 CCI 279, paragraphes 16, 17 et 18.

[4] Le paragraphe 172(2) des Règles est libellé comme suit : « Une partie peut demander, par voie de requête dans l’instance, selon le cas : a) l’annulation ou la modification d’un jugement en raison d’une fraude ou de faits survenus ou découverts après qu’il a été rendu [...] ».

[5] Nova Scotia Barrister’s Society, Code of Professional Conduct, alinéas 5.1-2e), 5.1-2f) et 5.1-2g).

[6] Arrêt Nicholls, paragraphe 16, citant l’arrêt Robson (Trustee of) v Robson, 2010 ONSC 4391, paragraphes 23 et 24.

[7] Arrêt Sheperd v. Robinson [1919], 1 KB 474, page 480.

8 Arrêt Scherer v. Paletta [1966] 2 O.R., paragraphe 10; arrêt Souriani c. Canada, 2001 CAF 185, paragraphe 4.

[9] Arrêt Transcanada Pipelines Ltd. c. Canada, 2001 CAF 314, paragraphe 12.

[10] Paragraphe 169(3) de la Loi : « Règlement d’un appel après consentement. Malgré l’article 152, en vue de régler un appel interjeté en application d’une disposition de la présente loi, le ministre peut établir à tout moment, avec le consentement écrit du contribuable, une nouvelle cotisation concernant l’impôt, les intérêts, les pénalités ou d’autres montants payables par le contribuable en vertu de la présente loi ».

[11] Arrêt SoftSim Technologies Inc. c. La Reine, 2012 CCI 181, paragraphes 83 et 84.

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