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Dossier : 2013-4655(GST)G

ENTRE :

TRICOMCANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 26, 27, 28 et 29 janvier, les 11, 12, 13, 14 et 15 mai et les 17, 18 et 19 juin 2015, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan


Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Basile Angelopoulos

Me Virginie Paquet

Avocats de l'intimée :

Me Antoine Lamarre

Me Nicolas C. Ammerlaan

 

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise et visant les périodes d'avril 2012 à novembre 2012, inclusivement, est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Les dépens sont adjugés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de janvier 2016.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan


Référence : 2016 CCI 8

Date : 20160111

Dossier : 2013-4655(GST)G

ENTRE :

TRICOMCANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

I. Survol

[1]             Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise[1] (la « Loi ») par le ministre du Revenu du Québec (le « ministre »), agissant pour le compte du ministre du Revenu national, pour les périodes de déclaration allant d'avril 2012 à novembre 2012 inclusivement (la « période en cause »).

[2]             Dans ses déclarations pour la période en cause, l'appelante a déclaré la taxe sur les produits et services (la « TPS ») qu'elle a perçue de son unique client, la société Diverse Equities Inc. (« Diverse Equities »), lors de la vente de bijoux d'occasion en or et de lingots d'or ayant des impuretés (les « résidus d'or »). Le ministre a refusé à l'appelante les crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») de 994 730,97 $ qu'elle avait demandés en vertu de la Loi à l'égard de ses achats :

Période de déclaration

TPS perçue ($)

TPS versée ($)

TPS nette ($)

avril 2012

13 903,11

13 432,96

470,15

mai 2012

102 696,54

99 288,10

3 408,44

juin 2012

116 638,16

111 473,63

5 164,53

juillet 2012

149 906,33

143 609,13

6 297,20

août 2012

214 381,51

205 881,03

8 500,48

septembre 2012

194 767,88

185 023,61

9 744,27

octobre 2012

192 551,75

184 424,24

8 127,51

novembre 2012

53 529,52

51 598,27

1 931,25

 

1 038 374,80

994 730,97

43 643,83

[3]             Le ministre a refusé les CTI demandés par l'appelante au motif que celle‑ci ne faisait par le commerce de l'or, ou, à titre subsidiaire, qu'elle avait acheté l'or de fournisseurs autres que ceux indiqués sur les factures d'achat. Le ministre allègue que l'appelante a participé à un stratagème de fausse facturation sciemment ou en faisant preuve d'aveuglement volontaire. L'intimée affirme maintenant que ce stratagème constitue un trompe‑l'oeil.

[4]             À l'appui des cotisations, le ministre affirme également que les factures d'achat que l'appelante a déposées comme preuve matérielle ne satisfont pas aux exigences de l'alinéa 169(4)a) de la Loi et de l'article 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH)[2], puisqu'elles n'identifient pas les fournisseurs réels de l'appelante.

[5]             L'appelante affirme qu'elle a acheté et revendu les résidus d'or lors d'opérations commerciales véritables. Elle signale que ses dirigeants vérifiaient fréquemment l'inscription de ses fournisseurs présumés, qu'elle avait conservé des copies de leurs pièces d'identité avec photo et qu'elle avait photographié l'or acheté. Si les fournisseurs directs présumés de l'appelante n'étaient pas les propriétaires de l'or qu'elle avait acheté, elle ne pouvait le savoir.

II. Les hypothèses de fait du ministre

[6]             En établissant la cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes[3] :

c)         l'appelante est un inscrit aux fins de la Partie IX de la L.T.A. depuis le 23 avril 2012, soit à la prétendue date du début de l'exploitation de son entreprise;

d)         l'appelante exploite ou prétend exploiter une entreprise de négoce d'or, acquérant essentiellement des rebuts d'or (« scrap gold ») pour les revendre à un affineur en Alberta;

e)         pendant la période visée, la fréquence de production des déclarations de taxe nette de l'appelante est mensuelle et correspond aux mois civils;

f)         l'appelante a ou aurait acquis des fournitures taxables de biens et de services pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de l'exploitation de son entreprise, une activité commerciale, pendant la période visée pour lesquelles la TPS relative auxdites fournitures a été payée ou était payable par elle aux fournisseurs;

g)         l'appelante a comptabilisé un montant de 994 853,70 $ de TPS ainsi payée ou payable à titre de CTI dans ses livres et registres comptables et a demandé, et obtenu, dans le calcul de sa taxe nette qu'elle a déclarée à Revenu Québec pour la période visée, ledit montant de CTI;

h)         du montant total de CTI demandés, et obtenus, dans le calcul de sa taxe nette qu'elle a déclarée à Revenu Québec pour l'une ou l'autre des périodes mensuelles de déclaration de la période visée, soit un montant de 994 853,70 $, l'appelante a demandé un montant totalisant 994 730,97 $ à l'égard de prétendues fournitures de biens (rebuts d'or ou « scrap gold ») qu'elle aurait acquises pendant ladite période visée de quatre (4) prétendus fournisseurs distincts, soit :

6650261 Canada inc. (Bijouterie Tiara)

45 463,98 $

9103‑2045 Québec inc. (Liz Trading)

9 670,07 $

Bijouterie Palo inc. et

9261‑1201 Québec inc. [combinés]

939 596,92 $

TOTAL

994 730,97 $

i)          ce montant de CTI de 994 730,97 $ représente un montant de contrepartie de quelque 19 894 619,42 $ pour de telles fournitures que l'appelante aurait acquises pendant la période visée desdits quatre (4) prétendus fournisseurs, soit :

6650261 Canada inc. (Bijouterie Tiara)

909 279,62 $

9103‑2045 Québec inc. (Liz Trading)

193 401,30 $

Bijouterie Palo inc. et

9261‑1201 Québec inc. [combinés]

18 791 938,50 $

TOTAL

19 894 619,42 $ $

j)          l'appelante n'a pas fourni à Revenu Québec, lorsque requis de le faire, les renseignements suffisants, y compris les renseignements visés par règlement, pour établir le montant de 994 730,97 $ de CTI mentionné précédemment qu'elle a demandé, et obtenu, dans le calcul de sa taxe nette pour la période visée;

k)         plus précisément, l'appelante a fourni des pièces justificatives et documents pour établir ledit montant de CTI qui ne rencontraient pas les exigences de la L.T.A. et de la réglementation y relative;

l)          essentiellement, les pièces justificatives (factures) remises à Revenu Québec, au soutien des CTI demandés, relatives à des fournitures de rebuts d'or (« scrap gold ») que l'appelante aurait acquises, pendant la période visée, sont fausses en ce que l'appelante n'a pas acquis lesdites fournitures de rebuts d'or (« scrap gold ») qu'elle prétend avoir acquises ou a acquis lesdites fournitures de rebuts d'or (« scrap gold ») de tout autre fournisseur que ceux indiqués sur les pièces justificatives et que lesdites pièces justificatives constituent des factures « de complaisance »;

m)        le stratagème en cause a pour but pour l'appelante, par le biais de l'utilisation de factures dites « de complaisance », de pouvoir effectuer des demandes indues de CTI, en fonction des exigences de la L.T.A., dans le calcul de sa taxe nette pour la période visée;

n)         en l'espèce, l'appelante, la personne « accommodée », a fait appel aux services de tierces personnes exploitant ou non de véritables entreprises, peu importe, les personnes « accommodatrices », soit les quatre (4) prétendus fournisseurs en cause, ces tierces personnes émettant des factures à l'appelante pour des fournitures de rebuts d'or (« scrap gold ») qu'elles n'ont pas effectuées à l'appelante et que cette dernière n'a pas acquises de l'une ou l'autre d'entre elles;

o)         relativement à l'un ou l'autre desdits quatre (4) fournisseurs en cause, si ce ne sont pas tous les quatre (4), ils n'ont ni les connaissances, ni le personnel, ni les équipements pour effectuer les fournitures de rebuts d'or (« scrap gold ») qu'ils se seraient engagés à effectuer envers l'appelante;

p)         relativement à l'un ou l'autre desdits quatre (4) fournisseurs en cause, si ce ne sont pas tous les quatre (4), l'appelante n'est pas en mesure d'identifier adéquatement avec quel individu elle transigeait malgré la multitude de rencontres effectuées;

q)         relativement à l'un ou l'autre desdits quatre (4) fournisseurs en cause, si ce ne sont pas tous les quatre (4), selon les registres de la SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC, ils n'ont pas possédé ou loué à long terme de tiers des véhicules routiers pendant la période visée afin de leur permettre d'effectuer les prétendues fournitures de rebuts d'or (« scrap gold ») qu'ils se seraient engagés à effectuer envers l'appelante;

r)          immédiatement après son inscription aux fins de la Partie IX de la L.T.A., et ce malgré son manque d'expertise dans le secteur d'activités en cause, l'appelante a commencé l'exploitation de son entreprise avec une quantité impressionnante de fournitures de rebuts d'or (« scrap gold »), et ce, sans interruption et sans avoir effectué de publicité au tout début de l'exploitation de ladite entreprise et avec peu de publicité dans les journaux par la suite;

s)         relativement à l'un desdits quatre (4) fournisseurs en cause, soit 9103‑2045 Québec inc. (Liz Trading), il est délinquant envers Revenu Québec relativement à la Partie IX de la L.T.A. et à la L.T.V.Q., en ce qu'il n'a produit aucune déclaration de taxe nette;

t)          les chèques tirés par l'appelante ou les traites bancaires utilisés par l'appelante pour payer les prétendues fournitures qu'elle aurait acquises de l'un ou l'autre desdits prétendus quatre (4) fournisseurs en cause, si ce n'est pas tous les quatre (4), ont presque toujours été présentés à une entreprise d'encaissement de chèques par lesdits fournisseurs afin d'y être encaissés;

u)         la séquence chronologique des factures émises par l'un ou l'autre desdits prétendus quatre (4) fournisseurs en cause, si ce n'est pas tous les quatre (4), est incohérente;

v)         l'appelante a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue par la Partie IX de la L.T.A., fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de taxe nette en demandant, à titre de CTI, dans le calcul de sa taxe nette qu'elle a déclarée pendant la période visées un montant de 994 730,97 $ relativement aux prétendues fournitures acquises des prétendus quatre (4) fournisseurs en cause;

w) l'appelante est donc redevable à Revenu Québec du montant des rajustements apportés à sa taxe nette déclarée pour la période visée, plus les intérêts et les pénalités;

[Non souligné dans l'original.]

[7]             Un diagramme illustrant la façon dont l'appelante aurait acheté les résidus d'or est joint aux présents motifs à l'annexe A.

III. La thèse de l'intimée

[8]             L'intimée allègue que l'appelante a sciemment participé à un stratagème de fausse facturation qui permettait à des fournisseurs d'or clandestins de vendre de l'or au comptant. Afin d'encourager la participation au stratagème, les fournisseurs indirects présumés de l'appelante ne versaient pas de TPS ou de taxe de vente du Québec (« TVQ »). L'appelante a demandé des CTI importants afin d'avoir droit à des remboursements de taxe. En raison de ce stratagème de fausse facturation, on a demandé aux fiscs fédéral et provincial des remboursements de taxes que les fiscs n'avaient jamais perçues. Les participants au stratagème se partageaient les sommes ainsi reçues, ce qui permettait à l'appelante d'acheter de l'or au comptant de personnes qui souhaitaient le vendre sans qu'il soit possible de les identifier par la suite. L'appelante pouvait ainsi acheter l'or à un prix bien inférieur à sa valeur marchande.

[9]             L'intimée a souligné que les marges bénéficiaires brutes de Diverse Equities, de l'appelante et des autres participants du réseau étaient anormalement élevées, ainsi que l'illustre le tableau suivant :

Partie

Achat au comptant

Vente au comptant

Marge bénéficiaire

Diverse Equities (acheteuse et revendeuse)

93 %

98,5 % à 99,0 %

5,5 % à 6,0 %

Tricomcanada (l'appelante) (acheteuse et revendeuse)

90,5 %

93,0 %

2,5 % à 4,75 %[4]

Fournisseurs présumés de Tricom (acheteuse et revendeuse)

s.o.

90,5 %

Environ 2,5 %[5]

Chèque Express (intermédiaire bancaire)

 

 

2,25 % pour les services d'encaissement de chèques

[10]        Selon l'intimée, la marge bénéficiaire brute totale pour l'ensemble des participants était approximativement égale à la TPS et à la TVQ non versées, qui n'ont été remboursées qu'en partie pour les opérations dont il est question en l'espèce. Le taux combiné des taxes fédérale et provinciale au Québec en 2012 était de 14,975 %[6].

[11]        L'intimée fait valoir que les bénéfices excessifs de l'appelante, qui découlent de l'escompte considérable par rapport au prix du marché, constituent une partie camouflée de la taxe de vente non versée que l'appelante a tenté de recouvrer par ses demandes de remboursement de CTI. Selon l'intimée, grâce au stratagème de fausse facturation qu'avait organisé l'appelante, ses fournisseurs d'or réels ont pu vendre l'or à un prix identique à celui du marché. Les sommes que les fournisseurs directs ou indirects présumés de l'appelante auraient perçues à titre de TPS et de TVQ ont été détournées, et l'appelante le savait. Ces sommes ont ensuite été utilisées à d'autres fins. Puisque la taxe n'était pas versée, les fournisseurs directs et indirects présumés de l'appelante avaient des sommes avec lesquelles ils pouvaient payer les coûts des opérations, soustraire leur commission, et verser aux fournisseurs réels des prix semblables à ceux qu'ils auraient reçus lors d'une opération légitime. La TPS et la TVQ que l'appelante a versées ne constituent pas une dépense de celle‑ci, puisque l'appelante s'attendait à recevoir le remboursement intégral de la TPS et de la TVQ qu'elle aurait payées[7]. L'appelante prévoyait que ses bénéfices en vertu du stratagème seraient les remboursements prévus. Les fournisseurs réels de l'appelante tiraient un bénéfice de ce stratagème, puisqu'ils n'avaient pas à payer d'impôt sur le revenu sur leurs bénéfices tirés des ventes.

IV. La thèse de l'appelante

[12]        L'appelante souligne que ses actionnaires, Marc Bishara (« M. Bishara ») et Carl Bishara, sont des hommes d'affaires chevronnés dans l'exploitation de nouvelles occasions commerciales. L'entreprise de résidus d'or n'était que le projet commercial le plus récent des deux cousins. Leur participation dans le commerce de l'or a commencé à une époque où le prix de l'or augmentait rapidement sur les marchés mondiaux.

[13]        L'appelante affirme également qu'elle a agi avec un soin raisonnable et a pris toutes les précautions nécessaires pour s'assurer qu'elle exploitait son entreprise de façon prudente et diligente, en prenant des mesures qui allaient au‑delà de ce qu'exigeait la loi. M. Bishara a fait des vérifications préalables exhaustives; il a notamment eu plusieurs conversations avec Stan Wright, un grossiste en métaux précieux d'expérience. M. Bishara tenait également des dossiers volumineux sur chacun des fournisseurs présumés de l'appelante, comprenant des pièces d'identité avec photo, les actes constitutifs de la société, et la preuve du versement des taxes de vente. L'appelante affirme que, si les fournisseurs présumés n'étaient pas les fournisseurs réels des résidus d'or, elle ne pouvait d'aucune façon identifier les personnes dont ses fournisseurs étaient les mandataires. L'appelante soutient qu'il est injuste qu'elle soit tenue responsable des activités frauduleuses présumées des fournisseurs indirects présumés. Seul le ministre détient les pouvoirs nécessaires pour effectuer des vérifications et faire enquête sur des fraudes fiscales complexes.

[14]        L'appelante affirme également que les risques financiers considérables qu'elle prenait durant la période en cause sont incompatibles avec ce qui se produit habituellement lors d'opérations trompe‑l'oeil. Bien que les marges bénéficiaires brutes de l'appelante aient été de 2,5 % à 4,75 %, selon qu'elle payait en espèces ou par traite bancaire, son flux de trésorerie était négatif, puisqu'elle payait la TPS et la TVQ à un taux combiné de presque 15 %, ce qui n'était que partiellement compensé par les taxes qu'elle a perçues de Diverse Equities[8].

V. Les questions en litige

[15]        Dans ses observations écrites, l'intimée a exposé ainsi les questions en litige[9] :

a.       L'appelante a‑t‑elle acquis des résidus d'or?

b.       L'appelante exploitait‑elle une entreprise?

c.       L'appelante a‑t‑elle acquis les résidus d'or des fournisseurs indiqués sur les factures?

d.       L'appelante a‑t‑elle sciemment participé à un stratagème visant à tromper le ministre?

i.        Le fait que les documents satisfont aux exigences de forme l'emporte‑t‑il sur le fait que les opérations, quant au fond, constituaient un trompe‑l'oeil?

ii.       L'appelante a‑t‑elle participé sciemment à un stratagème?

iii.      L'appelante a‑t‑elle fait preuve d'aveuglement volontaire quant au fait qu'elle participait à un stratagème?

[16]        Je suis d'accord avec le résumé des questions en litige de l'intimée.

VI. Résumé de la preuve et conclusions quant à la crédibilité

A. Tricom

[17]        À l'audience, M. Bishara a témoigné pour le compte de la société. Carl Bishara, l'autre actionnaire de la société appelante, n'a pas témoigné.

[18]        Monsieur Bishara a indiqué que son cousin Carl Bishara et lui sont des entrepreneurs. Ils sont disposés à examiner de nouvelles occasions commerciales et, s'ils les croient intéressantes, à y consacrer rapidement du temps, des efforts et des fonds. En 2004, ils ont acheté trois pharmacies des successions de leurs pères, et ont depuis vendu l'une d'entre elles. Les cousins détiennent également une société de portefeuille pharmaceutique, par laquelle ils exploitent une entreprise de vente en gros de médicaments à des hôpitaux, à des cliniques et à des médecins, dans le monde entier.

[19]        En 2008, M. Bishara, Carl Bishara et un autre membre de leur famille ont acheté deux commerces de nettoyage à sec. M. Bishara a expliqué que son cousin Carl Bishara et lui ont consacré la plus grande partie de leur vie à des opérations immobilières.

[20]        Monsieur Bishara affirme qu'avant que l'appelante conclue sa première opération portant sur des résidus d'or le 24 avril 2012, il avait mené des recherches exhaustives sur le commerce de l'or. Il avait fait certaines recherches sur Internet, mais il a surtout tiré ses renseignements de discussions avec des personnes ayant de l'expérience dans le domaine. Une de ces personnes était Stan Wright, que M. Bishara a rencontré par l'entremise d'un ami commun. M. Wright est le président de Diverse Equities, dont il est également actionnaire. Diverse Equities est un vendeur important de métaux précieux qui exploite son entreprise en Alberta depuis 1992. M. Wright avait plus de 40 ans d'expérience dans le commerce des pièces de monnaie, des bijoux et des métaux précieux.

[21]        Monsieur Wright a confirmé le témoignage de M. Bishara sur cette question. Il a témoigné que M. Bishara l'avait appelé plusieurs fois pour lui poser des questions sur le commerce des résidus d'or. M. Bishara a témoigné qu'au début, la contrefaçon était l'une de ses principales préoccupations.

[22]        Monsieur Bishara affirme avoir également consulté Hercules Nikolopoulos. Son entreprise, la société 6650261 Canada Inc., qui faisait affaire sous la raison sociale « Bijouterie Tiara », sera par la suite le premier fournisseur présumé de l'appelante. M. Bishara a témoigné que c'est son bon ami Peter Mentzelos, le beau‑frère de M. Nikolopoulos, qui lui avait présenté celui‑ci vers le mois d'août 2011.

[23]        La preuve a indiqué que M. Nikolopoulos a commencé à faire le commerce de l'or au printemps 2011, par l'entremise de la Bijouterie Tiara. M. Bishara a témoigné avoir posé plusieurs questions sur le commerce de l'or à M. Nikolopoulos et avoir admiré ses pratiques commerciales prudentes. Lorsqu'on lui a posé des questions au sujet de ces pratiques, M. Bishara a expliqué que M. Nikolopoulos photographiait l'or qu'il achetait. M. Bishara a ensuite fait de même lorsqu'il concluait des opérations pour le compte de l'appelante.

[24]        Monsieur Bishara a affirmé qu'avant de choisir Diverse Equities comme acheteuse de l'or de l'appelante, il avait communiqué avec Québec fonte inc. (« Québec fonte »), un acheteur d'or en vrac et un fondeur d'or et d'autres métaux précieux à St‑Eustache, au Québec, pour obtenir des renseignements, notamment sur les prix, sur les exigences en matière de quantité et sur les modalités générales.

[25]        La preuve démontre que la Bijouterie Tiara avait vendu de l'or à Québec fonte avant que M. Nikolopoulos décide de faire affaire avec l'appelante. M. Bishara a affirmé qu'il avait décidé de ne pas faire affaire avec Québec fonte à cause des prix qu'elle offrait et de ses préoccupations au sujet de la sécurité et des déplacements. M. Nikolopoulos affirme avoir également cessé de faire affaire avec Québec fonte pour des raisons semblables. Cependant, selon la preuve, M. Nikolopoulos avait d'autres raisons de cesser de faire affaire avec Québec fonte. Lui, son entreprise, soit la Bijouterie Tiara, et Québec fonte faisaient l'objet, ou allaient bientôt faire l'objet, de vérifications par Revenu Québec à l'égard de leur commerce de l'or lorsque M. Bishara et M. Nikolopoulos ont discuté la première fois de la question de faire affaire ensemble.

[26]        La preuve indique que M. Nikolopoulos a appris le 13 octobre 2011 que la Bijouterie Tiara faisait l'objet d'une vérification[10]. J'en conclus que Québec fonte faisait déjà l'objet d'une vérification à ce moment‑là, puisque le rapport de vérification de la Bijouterie Tiara indique qu'on avait décidé de procéder à la vérification de l'entreprise de M. Nikolopoulos, qui fournissait de l'or à Québec fonte, parce qu'elle avait des liens avec plusieurs entreprises qui, croyait‑on, avaient participé à un stratagème de fausse facturation[11]. Le rapport de vérification indique également que Québec fonte faisait l'objet d'une vérification au moment du rapport[12]. Ces événements précèdent de plusieurs mois la première opération entre l'appelante et la Bijouterie Tiara.

[27]        L'appelante a été constituée en société le 19 mars 2012. Le 23 avril 2012, elle a été inscrite à la TPS et à la TVQ. Elle a commencé ses activités le lendemain.

[28]        Monsieur Bishara a témoigné avoir fait publier des publicités dans plusieurs journaux à partir du 11 mai 2012 pour trouver des fournisseurs de résidus d'or. Il a aussi fait de la publicité sur Internet. Après avoir d'abord dit au vérificateur que l'appelante avait trouvé tous ses fournisseurs présumés grâce à ces publicités, M. Bishara a donné une réponse différente à l'audience, après avoir entendu M. Nikolopoulos témoigner qu'il avait présenté M. Al‑Romhein à l'appelante. M. Al‑Romhein était l'unique actionnaire de 9261‑1201 Québec inc. (« 9261 Québec »), qui est ensuite devenue le fournisseur de résidus d'or présumé le plus important de l'appelante.

[29]        Monsieur Bishara a témoigné que les fournisseurs présumés de l'appelante devaient satisfaire à certaines exigences avant que l'appelante accepte de faire affaire avec eux. Il a dit à tous les fournisseurs éventuels, par exemple, qu'il devait recevoir une facture pour tous les achats. M. Bishara exigeait également que les fournisseurs présumés donnent une copie de l'acte constitutif de leur société, une preuve des versements de TPS et de TVQ et une copie d'une pièce d'identité avec photo. M. Bishara imprimait également les renseignements sur les fournisseurs présumés au site Web du registraire des entreprises du Québec (le « REQ ») et vérifiait fréquemment leurs numéros d'inscription à la TPS et à la TVQ avec les fiscs. M. Bishara a déclaré que, si le numéro d'inscription d'un fournisseur présumé était inactif, l'appelante ne faisait pas affaire avec lui.

[30]        Selon M. Bishara, l'appelante achetait les résidus d'or de la façon suivante. Un des fournisseurs présumés de l'appelante appelait M. Bishara ou lui envoyait un message indiquant la quantité d'or qu'il avait à vendre. Cette quantité était donnée en dollars et non au poids. M. Bishara a expliqué qu'avant d'accepter d'acheter l'or, il confirmait et réservait le prix du marché en se servant d'une application pour téléphone intelligent appelée « Gold Tracker ». Afin de protéger l'appelante des variations du prix de l'or, M. Bishara couvrait l'opération en confirmant le prix du marché avec Diverse Equities immédiatement après avoir fixé le prix avec le fournisseur présumé. M. Bishara a affirmé que Diverse Equities acceptait presque toujours le prix du marché qu'il lui donnait. Après que M. Bishara eut convenu d'un prix du marché avec Diverse Equities, le fournisseur présumé de l'appelante devait lui remettre l'or et l'appelante devait à son tour remettre l'or à Diverse Equities[13].

[31]        Selon M. Bishara, le fournisseur présumé se rendait au bureau de l'appelante avec la quantité convenue de résidus d'or plus tard cette journée‑là. Les fournisseurs présumés remettaient habituellement l'or, trié par carat, dans des sacs hermétiques « Zip lock », et le poids du contenu de chaque sac était indiqué sur celui‑ci. Lorsqu'il recevait l'or, M. Bishara vérifiait le contenu des sacs et en faisait des photocopies. L'appelante a déposé en preuve des photocopies de presque tous les sacs de résidus d'or qu'elle avait achetés durant la période en cause.

[32]        Le plus souvent, M. Bishara ou son cousin Carl Bishara signait la facture du fournisseur présumé et recevait l'or.

[33]        Monsieur Bishara mettait alors les résidus d'or dans une boîte que le service de messagerie FedEx venait prendre et livrait à Diverse Equities le jour ouvrable suivant. M. Bishara mettait également une copie de la facture de l'appelante dans la boîte et en envoyait une copie par courrier électronique à M. Wright afin que celui‑ci sache d'avance ce qu'il allait recevoir. Diverse Equities payait M. Bishara par virement télégraphique le jour où elle recevait l'or.

[34]        L'appelante tirait son bénéfice du fait qu'elle achetait les résidus d'or à un escompte considérable du prix du marché, prix dont elle se servait pour fixer le prix d'achat des résidus d'or selon leur pureté (10 carats, 14 carats, et ainsi de suite). Elle revendait l'or à Diverse Equities à un prix convenu selon le poids, qui était habituellement inférieur d'environ 7 % au prix du marché. M. Bishara a témoigné que l'appelante avait négocié avec chacun de ses fournisseurs présumés l'escompte qu'elle recevait[14].

[35]        L'explication de M. Bishara est incompatible avec la preuve. La preuve indique que l'appelante achetait toujours les résidus d'or au même escompte, peu importe le fournisseur[15]. Cela fait penser que c'étaient les fournisseurs présumés qui établissaient l'escompte et non l'appelante. L'appelante recevait un escompte supplémentaire des fournisseurs présumés selon le mode de paiement qu'elle utilisait. La preuve indique que l'appelante recevait un escompte de 0,75 % lorsqu'elle payait par traite bancaire ou de 2,25%[16] lorsqu'elle payait en espèces, en plus de l'escompte de base de 9,5 %.

[36]        Les fournisseurs présumés de l'appelante ont encaissé toutes les traites bancaires qu'elle leur remettait à la même succursale du service d'encaissement de chèques Chèque Express, à Laval (Québec). Chèque Express demandait des fournisseurs présumés de l'appelante des frais d'encaissement de 2,25 % du montant de la traite. Selon M. Bishara, c'est la raison pour laquelle les fournisseurs consentaient un escompte de 2,25 % à l'appelante lorsqu'elle payait l'or au comptant plutôt que par traite bancaire. L'appelante avait payé environ la moitié de ses achats d'or au comptant.

[37]        Monsieur Bishara a affirmé avoir négocié un escompte plus élevé pour les paiements au comptant après avoir appris que les fournisseurs présumés de l'appelante payaient des frais d'encaissement de 2,25 % à Chèque Express. Je note que le témoignage oral de M. Bishara semble contredire la preuve documentaire. Celle‑ci indique que l'appelante a d'abord payé au comptant les achats d'or de la Bijouterie Tiara. Tous les achats qui ont eu lieu du 24 avril, date de la première opération, jusqu'au 3 mai ont été payés au comptant. L'appelante a reçu un escompte pour paiement au comptant pour toutes ces ventes. Ce n'est que le 4 mai que l'appelante a payé la Bijouterie Tiara par traite bancaire la première fois. Ainsi, M. Bishara devait déjà savoir que la Bijouterie Tiara préférait les paiements en espèces.

[38]        Monsieur Bishara a témoigné que l'appelante avait changé sa politique au sujet des paiements en espèces lorsque le gérant de la banque de l'appelante lui avait dit qu'il n'était pas à l'aise avec les retraits importants en espèces qu'elle faisait. Le gérant aurait dit à M. Bishara qu'il devrait choisir un moyen de paiement plus sûr. M. Bishara a dit que ce conseil a fait qu'il s'était demandé s'il était sage de faire des retraits importants en espèces sans mesures de sécurité adéquates. En conséquence, M. Bishara a ouvert un compte avec la société Brinks afin qu'elle se charge de la livraison sécuritaire des espèces.

[39]        Les factures d'achat de l'appelante indiquent des montants au titre de la TPS et de la TVQ; l'appelante dit qu'elle a payé la TPS et la TVQ pour tous les achats de ses fournisseurs présumés et elle a demandé des CTI pour la TPS et la TVQ versées. Le seul client de l'appelante, Diverse Equities, se trouvait à Calgary (Alberta). On a d'abord dit à M. Bishara que l'appelante n'avait pas à facturer la TVQ à Diverse Equities puisque l'or était exporté en Alberta, où Diverse Equities se trouvait. M. Bishara a affirmé qu'en juillet 2012, Revenu Québec lui a dit que l'appelante devrait facturer la TVQ à Diverse Equities, puisque celle‑ci prenait possession de l'or au Québec.

[40]        Après que M. Bishara eut informé M. Wright que l'appelante facturerait dorénavant la TVQ à Diverse Equities, M. Wright s'est rendu à Montréal pour discuter de l'incidence de la TVQ sur l'entreprise de Diverse Equities. C'était la première fois que les deux hommes se rencontraient en personne. M. Bishara a expliqué qu'au moment de cette rencontre, l'appelante n'avait toujours pas reçu le remboursement de la TVQ auquel elle s'attendait. En fin de compte, le fait de facturer la TVQ à Diverse Equities a été avantageux pour l'appelante, puisqu'il a amélioré ses flux de trésorerie. L'appelante pouvait compenser la TVQ qu'elle versait à ses fournisseurs présumés par la TVQ qu'elle recevait de Diverse Equities. Diverse Equities devait alors demander un remboursement de Revenu Québec, puisque les résidus d'or qu'elle achetait étaient exportés du Québec en Alberta. M. Wright a accepté cette nouvelle façon de faire.

[41]        L'appelante a alors facturé la TVQ à Diverse Equities pour toutes ses ventes jusqu'en octobre 2012, lorsque Revenu Québec a encore une fois changé d'avis. Nathalie Bouchard, qui effectuait la vérification de l'appelante, a dit à M. Bishara que l'appelante devrait cesser de percevoir la TVQ de Diverse Equities. On n'a pas expliqué pourquoi Revenu Québec avait changé d'avis, mais je soupçonne qu'en juillet 2012, Revenu Québec avait des raisons de croire que l'appelante participait au détournement des fonds qu'elle prétendait percevoir au titre de la TVQ. Je suppose que Revenu Québec préférait faire affaire avec un contribuable situé au Québec lorsqu'il tranchait une demande de remboursement de la TVQ. Revenu Québec a cependant refusé les demandes de remboursement de la TVQ de Diverse Equities. Peu après, l'appelante a de nouveau facturé uniquement la TPS à Diverse Equities.

[42]        Pendant leur rencontre à Montréal, MM. Bishara et Wright ont également discuté de ventes à crédit. Comme je l'ai déjà dit, en juillet 2012, l'appelante attendait un remboursement de Revenu Québec. Elle n'avait plus suffisamment de fonds pour continuer à exploiter son entreprise. Afin que leurs activités commerciales puissent continuer à avoir la même importance, M. Wright a accepté de consentir à l'appelante un crédit permanent d'au plus 600 000 $ en échange d'un billet garanti par un immeuble dont M. Bishara était copropriétaire.

[43]        Malgré ce crédit, les flux de trésorerie de l'appelante ont continué d'empirer, en grande partie parce que Revenu Québec refusait de traiter ses demandes de remboursement. L'appelante a suspendu ses activités en novembre 2012 en raison du manque de fonds.

[44]        Plusieurs semaines plus tard, vers la fin novembre 2012, M. Bishara a appris que Revenu Québec avait annulé le numéro d'inscription de l'appelante. Il a embauché un avocat afin que l'inscription soit rétablie. Le 5 avril 2013, la Cour supérieure du Québec a ordonné à Revenu Québec de rétablir le certificat d'inscription de l'appelante. La Cour fédérale a rendu une décision semblable le 15 avril 2013 à l'égard de l'inscription de l'appelante à la TPS. Les deux cours ont conclu qu'il existait une preuve prima facie que l'appelante exerçait une « activité commerciale » au sens de la Loi.

[45]        Selon la preuve, Mme Bouchard, vérificatrice de Revenu Québec, a commencé la vérification de l'appelante le 23 août 2012, après la réception par son gestionnaire, Serge St‑Laurent, d'un document interne de Revenu Québec rédigé par Véronique Roy. Selon ce document, on croyait que l'appelante recevait ou donnait ce qu'on appelle des « factures de complaisance » et on devait effectuer une vérification plus complète de ses activités. Mme Bouchard a témoigné que Mme Roy avait suggéré qu'on fasse une vérification parce que plusieurs fournisseurs présumés de l'appelante n'avaient pas produit de déclarations de revenus ou versé de taxe depuis plusieurs années, ou n'avaient pas d'états financiers, ou avaient perdu leur numéro d'inscription à la taxe de vente.

[46]        Le 28 août 2012, Mme Bouchard a fait une visite‑surprise aux bureaux de l'appelante pour effectuer la première rencontre de sa vérification. Elle était accompagnée de Karine Giroux, qui était responsable de la vérification de 9261 Québec, soit le fournisseur présumé le plus important de l'appelante. Mme Bouchard a témoigné qu'il est généralement préférable de faire une visite‑surprise dans le cas de vérifications d'entreprises faisant le commerce de l'or ou lorsqu'on croit qu'il y a des « factures de complaisance ». Le fisc peut ainsi découvrir des situations dans lesquelles les produits et les services n'existent que sur papier et n'ont pas réellement été fournis.

[47]        Le commis comptable de l'appelante a accueilli Mmes Bouchard et Giroux et les a conduites à un bureau administratif contigu à l'une des pharmacies de M. Bishara. M. Bishara est arrivé environ 15 minutes plus tard et leur a indiqué une salle dans laquelle elles pouvaient travailler. Mme Bouchard a demandé à M. Bishara de lui remettre les factures d'achat et de vente et les relevés bancaires pour la période du 23 avril au 31 juillet 2012 qu'elle et Mme Giroux avaient déjà examinés.

[48]        Pendant la visite‑surprise de Mme Bouchard, le représentant de 9261 Québec, M. Al‑Romhein, s'est présenté afin de vendre des résidus d'or. M. Bishara a présenté M. Al‑Romhein à Mme Bouchard et a expliqué à celui‑ci qu'elle était vérificatrice chez Revenu Québec. M. Bishara a témoigné que M. Al‑Romhein avait apporté des sacs d'or et une facture, comme il le faisait habituellement. M. Bishara a pesé l'or et a comparé ce poids au poids indiqué sur la facture. M. Bishara a payé M. Al‑Romhein, a mis l'or dans une boîte du service de messagerie FedEx et a mis cette boîte sur un comptoir en attendant que le messager de FedEx vienne la prendre. Mme Bouchard a observé la livraison de l'or et le paiement par l'appelante.

[49]        Le 18 septembre, Mme Bouchard a appelé M. Bishara afin de prévoir une rencontre de suivi. Celle‑ci a eu lieu une semaine plus tard, le 25 septembre 2012. L'objet de cette rencontre était notamment d'obtenir des renseignements sur les fournisseurs présumés de l'appelante. Mme Bouchard était encore une fois accompagnée de Mme Giroux. Mme Bouchard a demandé à M. Bishara comment il avait trouvé les quatre fournisseurs présumés de l'appelante. Elle affirme qu'il lui a dit qu'il les avait tous trouvés au moyen de publicités dans les journaux[17]. Mme Bouchard a témoigné qu'elle et Mme Giroux se sont demandé comment l'appelante avait pu trouver ses quatre fournisseurs présumés grâce à des publicités dans les journaux alors que ces publicités n'ont commencé à être publiées que le 11 mai 2012, soit plusieurs semaines après que l'appelante eut commencé à faire affaire avec la Bijouterie Tiara. À ce moment, bien que Mme Bouchard eût de bonnes raisons de croire que la Bijouterie Tiara n'était pas devenue fournisseur de l'appelante en raison des publicités, elle ne savait pas qu'en outre, c'était M. Nikolopoulos qui avait présenté M. Al‑Romhein à l'appelante. Les publicités n'auraient pu servir qu'à trouver tout au plus deux des fournisseurs présumés de l'appelante, contrairement à ce que M. Bishara avait affirmé, selon Mme Bouchard.

[50]        Pendant cette rencontre, Mme Bouchard a demandé à M. Bishara de lui permettre d'observer une autre opération de vente de résidus d'or si, par hasard, un fournisseur présumé se présentait pendant sa rencontre de vérification. M. Bishara a répondu qu'un fournisseur présumé venait tout juste de compléter une vente avec l'appelante et qu'il pouvait lui montrer l'enregistrement d'une caméra de sécurité qui avait filmé la personne qui agissait pour le compte du fournisseur présumé. Mme Bouchard a refusé cette offre. Elle a témoigné que le fait d'observer l'opération n'aurait pas modifié le résultat de sa vérification.

[51]        Pendant sa rencontre, Mme Bouchard a constaté que quatre sacs d'or se trouvaient dans un classeur. M. Bishara a l'informée qu'il s'agissait de sacs de résidus d'or qu'il avait oubliés. Il a dit que cela se produisait parfois, surtout si quelqu'un se présentait à l'improviste.

[52]        Durant une rencontre tenue le 4 février 2013 en présence de l'avocat de l'appelante, M. Bishara a dit à Mme Bouchard que les sacs d'or qui se trouvaient dans le classeur avaient été achetés de particuliers. Mme Bouchard a témoigné que c'était la première fois que M. Bishara avait affirmé que l'appelante achetait de l'or de particuliers. Lors des deux rencontres précédentes, M. Bishara lui aurait dit que l'appelante n'achetait pas d'or vendu par des particuliers. Mme Bouchard a ensuite pu établir un lien entre l'or qui se trouvait dans le classeur et un achat d'or par l'appelante de la Bijouterie Palo le 23 août 2012. L'appelante n'a pas contesté le témoignage de Mme Bouchard sur cette question.

[53]        Avant de faire sa vérification, Mme Bouchard avait discuté avec son équipe de vérification et avait demandé conseil à d'autres fonctionnaires de Revenu Québec. Les vérificateurs responsables des fournisseurs présumés de l'appelante sont tous arrivés à la même conclusion : les dirigeants des fournisseurs présumés de l'appelante n'avaient pas les ressources financières, l'expérience et le matériel nécessaires pour fournir de grandes quantités d'or à l'appelante.

[54]        Madame Bouchard a témoigné que ses préoccupations portaient surtout sur les fournisseurs présumés de l'appelante plutôt que sur ses clients. Elle a expliqué qu'elle ne pouvait être certaine si, en fin de compte, la Monnaie royale canadienne faisait fondre l'or que l'appelante vendait à Diverse Equities, mais qu'elle se souciait plutôt de savoir si les fournisseurs présumés de l'appelante étaient les fournisseurs réels des résidus d'or. Elle a conclu que ce n'était pas le cas.

B. Tricom et Diverse Equities

[55]        L'appelante a fait témoigner Giuseppe Santella, conducteur de camion chez FedEx. Il a témoigné qu'il recevait au départ des demandes de collecte à l'établissement de l'appelante une ou deux fois par semaine. Il a informé la Cour que les envois de l'appelante se trouvaient dans des boîtes de taille petite ou moyenne de FedEx pesant plusieurs kilogrammes chacune, et que l'appelante expédiait parfois plus d'une boîte par jour. Il a expliqué que les boîtes étaient toujours expédiées à une adresse à Calgary, en Alberta. Bien qu'il ne l'ait pas su au départ, M. Santella a témoigné que les boîtes qu'il venait chercher contenaient des bijoux d'occasion dans des sacs de plastique. J'accorde un poids considérable au témoignage de M. Santella et je reconnais que l'appelante expédiait effectivement des résidus d'or à Diverse Equities, comme elle l'affirme. J'ai conclu que M. Santella était un témoin fiable et digne de foi. Il est un témoin indépendant désintéressé de l'issue de l'appel.

[56]        Monsieur Wright a témoigné que Diverse Equities recevait fréquemment des boîtes que l'appelante lui envoyait par FedEx. Ce témoignage a été confirmé par Alexander Cook, employé de Diverse Equities, qui a également témoigné à l'audience. M. Wright a témoigné que lui‑même ou l'un de ses employés examinait les boîtes lors de leur réception. M. Wright a expliqué que les boîtes reçues de l'appelante contenaient des sacs de résidus d'or triés par carat. On pesait les sacs afin de vérifier le poids indiqué sur les sacs et sur la facture. On vérifiait ensuite s'il y avait de l'or factice par examen visuel et par des essais à l'acide. M. Wright ne modifiait le montant à payer à l'appelante que s'il y avait un écart important de poids ou s'il y avait de l'or factice. Selon M. Wright, cela se produisait rarement.

[57]        Après l'examen, on remettait l'or dans des sacs et on l'envoyait à Albern Coins en utilisant le numéro de facture de l'appelante comme numéro de suivi. On pouvait identifier chaque envoi d'or à Albern Coins en utilisant le numéro de facture de l'appelante correspondant.

[58]        Monsieur Wright a témoigné que Diverse Equities réservait des prix au marché et envoyait les résidus d'or en unités de 50 onces. Par exemple, si l'appelante vendait 85 onces de résidus d'or à Diverse Equities un jour donné, celle‑ci fixerait un prix pour 100 onces d'or avec Albern Coins et attendrait que l'appelante lui envoie davantage d'or afin de compléter la commande. Ian Laing, le président d'Albern Coins et de sa société mère, Gatewest Coin Ltd. (« Gatewest »), a témoigné que Diverse Equities lui avait vendu des résidus d'or pendant toute l'année 2012, mais qu'il y avait eu une augmentation sensible de la quantité d'avril à octobre, soit la période pendant laquelle l'appelante exerçait ses activités.

[59]        Albern Coins envoyait ensuite les résidus d'or qu'elle recevait à la Monnaie royale canadienne pour qu'ils soient raffinés pour le compte de Gatewest. Albern Coins payait le prix d'achat à Diverse Equities avant de recevoir le rapport d'essai de la Monnaie. Une fois le raffinage terminé, Albert Coins envoyait le rapport à Diverse Equities, qui était responsable en cas d'insuffisance dans la quantité nette d'or pur.

[60]        Monsieur Laing a confirmé toute la preuve de M. Wright au sujet des circonstances de leurs relations commerciales à l'égard des résidus d'or fournis par l'appelante. J'ai conclu que MM. Laing et Wright étaient dignes de foi et fiables.

[61]        Madame Bouchard a reconnu au procès que rien ne permet de croire que les résidus d'or que l'appelante vendait à Diverse Equities lui étaient remis par la suite, ou qu'ils étaient remis à l'un des fournisseurs présumés. Cela exclut qu'il y ait eu une « fraude carrousel ». Dans le cas d'une « fraude carrousel », l'argent circule d'une façon établie d'avance dans la direction contraire à celle de biens symboliques. On demande ensuite au fisc de rembourser des taxes que les participants au stratagème n'ont pas versées. Je suis convaincu que cela ne s'est pas produit en l'espèce.

C. Les fournisseurs présumés de l'appelante

Les quantités de résidus d'or que les fournisseurs présumés auraient fournis à l'appelante sont les suivantes :

Fournisseur présumé

Nombre d'opérations

Période

Ventes à l'appelante

$

%

Bijouterie Tiara

17

du 24 avril au 15 mai

909 279

4,56

LZ Trading

4

du 15 au 18 mai

193 401

0,97

Bijouterie Palo

119

du 22 mai au 12 octobre

6 708 969

33,66

9261‑1201 Québec inc.

217

du 14 mai au 9 novembre

12 119 832

60,81

 

357

 

19 931 481

100,00

[62]        Monsieur Nikolopoulos était l'unique actionnaire, administrateur et dirigeant de la Bijouterie Tiara au cours de la période en cause. Il a témoigné qu'un ami qui connaissait l'actionnaire antérieur de la Bijouterie Tiara, Ropen Bijakjian, lui avait fait connaître le commerce de l'or au début de 2011. Cette année‑là, M. Bijakjian souhaitait vendre les actions de sa société. M. Nikolopoulos les a achetées 100 $ le 12 avril 2011.

[63]        Monsieur Nikolopoulos affirme qu'avant de conclure la convention d'achat d'actions avec M. Bijakjian, il s'était renseigné sur le commerce de l'or. Il a parlé à plusieurs autres bijoutiers d'un immeuble au centre‑ville de Montréal, à deux de ses cousins à New York et à un bon ami, qui étaient tous bijoutiers. Sur la foi des conseils qu'il a reçus de ces personnes, M. Nikolopoulos a conclu qu'on pouvait tirer un bénéfice de l'achat et de la vente d'or, à condition de fixer un prix de vente pour l'or qu'on achetait, afin de couvrir les risques découlant de la variation des prix du marché.

[64]        Monsieur Nikolopoulos prétend avoir rencontré six ou sept fournisseurs éventuels grâce à des publicités reçues à son bureau situé square Phillips, au centre‑ville de Montréal. Seuls trois de ces fournisseurs éventuels acceptaient de remettre une facture. M. Nikolopoulos a affirmé vouloir exploiter un commerce légitime et ainsi ne pas faire affaire avec quiconque n'acceptait pas de lui remettre de facture.

[65]        Il y a des incohérences et des contradictions importantes entre la déclaration de M. Nikolopoulos selon laquelle il voulait exploiter un commerce légitime et les rapports que la Bijouterie Tiara avait avec ses deux clients, soit d'abord Québec fonte et ensuite l'appelante. Les circonstances des opérations entre la Bijouterie Tiara et ses fournisseurs présumés jettent également un doute sur l'affirmation de M. Nikolopoulos selon laquelle il voulait que son entreprise respecte ses obligations en vertu de la Loi.

[66]        La vérification de la Bijouterie Tiara a révélé que celle‑ci faisait exclusivement affaire avec des particuliers qui n'avaient pas les ressources financières, l'expérience ou le profil nécessaires pour faire le commerce de quantités importantes d'or pendant une période prolongée. Ses trois fournisseurs présumés ont été, à tour de rôle, Natasha Roberge, Todd McGregor, et 9209‑3228 Québec inc., qui faisait affaire sous la raison sociale GK Avanti Jewelry (« GK Avanti »).

[67]        La vérification de la Bijouterie Tiara a révélé que Mme Roberge aurait été la première fournisseuse présumée de résidus d'or de la bijouterie. Avant de faire affaire avec la Bijouterie Tiara, elle était fournisseuse de Québec fonte. Dans ses déclarations de revenus pour 2007, 2008, 2009 et 2010, Mme Roberge a déclaré des revenus de 7 999 $, de 8 108 $, de 6 648 $ et de 8 030 $ respectivement. Tous ses revenus déclarés étaient versés par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale (le « MESS »), ainsi qu'on l'appelait à l'époque, à titre d'aide sociale. M. Tremblay, qui avait fait la vérification de la Bijouterie Tiara, a témoigné qu'il était évident que Mme Roberge était gravement malade lorsqu'il l'a rencontrée.

[68]        Monsieur Nikolopoulos affirme avoir rencontré Mme Roberge grâce à une publicité qu'elle avait laissée sous la porte de son bureau et qui indiquait qu'elle souhaitait fournir de l'or à la Bijouterie Tiara[18]. M. Nikolopoulos affirme avoir ensuite rencontré Mme Roberge et une personne qu'il croyait être son époux ou son compagnon au café situé au rez‑de‑chaussée de l'immeuble où se trouvait son bureau. Ils ont discuté de la façon qu'ils feraient affaire. M. Nikolopoulos a reconnu dans son témoignage qu'il s'agissait de la seule occasion où il avait rencontré Mme Roberge. La personne qu'il croyait être M. Roberge, et dont il avait oublié le nom, alors qu'il aurait fait des affaires valant presque 6 000 000 $ avec lui, est la personne qu'il rencontrait pour recevoir et payer l'or que Mme Roberge lui aurait vendu. Revenu Québec a annulé l'inscription de Mme Roberge aux taxes de vente le 28 novembre 2011. La Bijouterie Tiara a cessé de faire affaire avec elle vers cette date.

[69]        La Bijouterie Tiara a repris ses activités plusieurs semaines plus tard après avoir trouvé un deuxième fournisseur présumé, Todd McGregor. Tout comme Mme Roberge, M. McGregor avait été fournisseur de Québec fonte avant de faire affaire avec la Bijouterie Tiara. Le rapport de vérification de M. Tremblay indique que M. McGregor avait déclaré des revenus de 17 612 $ et de 29 700 $ en 2007 et en 2008 respectivement. Il n'avait pas encore produit ses déclarations de revenus personnelles pour 2009 et 2010 lorsque le rapport de vérification a été rédigé.

[70]        Au procès, M. Nikolopoulos a expliqué qu'il avait rencontré M. McGregor pour discuter de fournisseurs après que la Bijouterie Tiara eut cessé de faire affaire avec Mme Roberge. M. Nikolopoulos a témoigné que c'est pendant cette rencontre que M. McGregor avait accepté de fournir de l'or à la Bijouterie Tiara plutôt qu'à Québec fonte. Il n'a pu en expliquer la raison.

[71]        Les explications de M. Nikolopoulos au sujet de la fin des relations commerciales entre la Bijouterie Tiara et M. McGregor sont contradictoires. Au procès, M. Nikolopoulos a témoigné que la bijouterie avait cessé de faire affaire avec M. McGregor après qu'il eut omis de fournir la preuve du versement des taxes de vente au fisc, comme M. Nikolopoulos le lui avait demandé[19]. Cependant, pendant la vérification, M. Nikolopoulos avait déclaré que la fin des relations commerciales s'explique par le fait que M. Nikolopoulos avait découvert que les inscriptions de M. McGregor aux taxes de vente avaient été annulées ou étaient invalides[20]. Revenu Québec avait annulé les inscriptions de M. McGregor le 20 février 2012.

[72]        Le dernier fournisseur présumé de la Bijouterie Tiara était GK Avanti, qui était le seul fournisseur présumé de la Bijouterie Tiara au moment où celle‑ci fournissait des résidus d'or à l'appelante. Les factures que GK Avanti avait remises à la Bijouterie Tiara du 24 avril au 15 mai 2012 portaient généralement des numéros consécutifs, ce qui fait penser que GK Avanti n'avait pas d'autres clients[21].

[73]        La Bijouterie Tiara a commencé à faire affaire avec GK Avanti le 28 février 2012. M. Nikolopoulos a affirmé avoir traité avec un dénommé George, dont il ne se souvenait cependant pas du nom de famille. M. Nikolopoulos a expliqué avoir rencontré George au café situé dans l'immeuble où se trouvait la Bijouterie Tiara. Lorsque la Bijouterie Tiara a cessé de faire affaire avec M. McGregor, M. Nikolopoulos a appelé GK Avanti pour acheter de l'or. Leur relation commerciale s'est poursuivie jusqu'à la dernière opération de la Bijouterie Tiara, le 15 mai 2012.

[74]        À la suite de la vérification de Revenu Québec, l'inscription de la Bijouterie Tiara pour les taxes de vente a été révoquée le 12 juin 2012.

[75]        Monsieur Nikolopoulos a témoigné que la Bijouterie Tiara avait décidé de vendre de l'or à l'appelante plutôt qu'à Québec fonte pour des raisons de facilité : l'appelante acceptait de payer au comptant plutôt que par chèque, et le fait que l'appelante se situait à Montréal évitait à M. Nikolopoulos d'avoir à se déplacer jusqu'en banlieue, à St‑Eustache. Fait étrange, cependant, la preuve indique que la Bijouterie Tiara a fait affaire simultanément avec l'appelante et avec Québec fonte pendant au moins deux jours consécutifs[22].

[76]        Il y a eu d'autres incohérences pendant le témoignage de M. Nikolopoulos. Il a affirmé à la Cour, par exemple, qu'il faisait des essais à l'acide pour vérifier la qualité de l'or de ses fournisseurs présumés[23]. Toutefois, au cours de la vérification, il a affirmé à M. Tremblay qu'il ne le faisait jamais[24].

[77]        En outre, M. Nikolopoulos a dit durant la vérification avoir disposé d'un fonds de roulement quotidien d'environ 75 000 $, mais, à l'audience, il a dit qu'il s'agissait de 48 000 $, qu'il avait tirés de ses épargnes et de prêts de membres de sa famille. M. Nikolopoulos n'a pas présenté de preuve digne de foi expliquant la source de cet argent, et il est invraisemblable qu'il ait pu réunir de tels fonds, en raison de sa situation personnelle tout juste avant et pendant la période en cause. Selon la preuve, M. Nikolopoulos a fait faillite en 2007, s'est divorcé à la même époque, versait une pension alimentaire pour enfants et a emménagé chez ses parents, où il a vécu pendant quatre ans. Ces faits, ainsi que les revenus modestes qu'il a gagnés et déclarés avant 2012 — 43 794,07 $, 21 341,47 $ et 24 400 $ pour les années d'imposition 2009, 2010 et 2011 respectivement — m'amènent à croire que M. Nikolopoulos n'était pas entièrement franc lors de son témoignage au sujet des ressources financières qu'avait la Bijouterie Tiara pour exploiter son entreprise.

[78]        Comme je l'ai dit, la preuve indique que la Bijouterie Tiara avait acquis de l'or d'au moins deux fournisseurs présumés qui avaient auparavant vendu de l'or directement à Québec fonte. M. Nikolopoulos n'a pas donné de motif crédible pour expliquer pourquoi ces personnes ont accepté de vendre de l'or à la Bijouterie Tiara, qui le revendait à Québec fonte, plutôt que de le vendre à Québec fonte directement.

[79]        En raison de tout ce qui précède, je ne peux conclure que M. Nikolopoulos était un témoin digne de foi.

[80]        J'ai également été incapable de conclure que M. Al‑Romhein était un témoin fiable et digne de foi. Par exemple, la façon dont il a décrit sa première rencontre avec M. Bishara contredisait l'explication qu'il avait donnée à Revenu Québec lors de la vérification de 9261 Québec. À l'audience, M. Al‑Romhein a déclaré que M. Nikolopoulos lui avait présenté M. Bishara[25], alors que, pendant une rencontre avec Mme Giroux de Revenu Québec, il avait affirmé avoir rencontré M. Bishara grâce à une publicité que l'appelante avait publiée dans le journal[26].

[81]        Monsieur Al‑Romhein a témoigné qu'il n'avait pas les fonds de roulement nécessaires à l'exploitation des activités de 9261 Québec. Il a affirmé que le fournisseur présumé de 9261 Québec, M. Iera, lui donnait des résidus d'or d'une valeur considérable, excédant parfois 100 000 $, sans dépôt, et qu'il revenait payer M. Iera plus tard le même jour. J'ai de la difficulté à le croire.

[82]        Monsieur Al‑Romhein a également démontré qu'il acceptait de participer à des opérations au noir, ou de les faciliter, durant le dernier mois de l'exploitation de 9261 Québec, en convenant d'acheter des résidus d'or de son fournisseur présumé sans factures ou pièces justificatives. La société de M. Iera, Les produits et services Excelsi‑Or inc. (« Excelsi‑Or »), était l'unique fournisseur présumé de résidus d'or de 9261 Québec pendant la période en cause. Bien que l'inscription d'Excelsi‑Or à la TPS ait été annulée le 2 octobre 2012[27], 9261 Québec a continué d'acheter de l'or de M. Iera et de fournir des résidus d'or à l'appelante jusqu'au 9 novembre 2012. M. Iera a reconnu aux vérificateurs de Revenu Québec qu'il avait continué de vendre des résidus d'or après le 2 octobre 2012 même si les inscriptions d'Excelsi‑Or avaient été annulées. Selon la preuve, la dernière facture d'Excelsi‑Or à 9261 Québec datait du 5 octobre 2012[28], tout comme la dernière facture qu'Excelsi‑Or avait reçue de son fournisseur présumé, 9258‑0554 Québec inc. (« 9258 »).

[83]        Monsieur Al‑Romhein n'a lui non plus pu présenter de preuve documentaire des achats de 9261 Québec; il dit s'être débarrassé de tous les livres et registres de la société[29]. À la suite de la vérification de 9261 Québec, Revenu Québec a annulé ses inscriptions aux taxes de vente vers le 15 mars 2013.

[84]        Le troisième fournisseur allégué de l'appelante, 9103‑2045 Québec inc., qui faisait affaire sous la raison sociale LZ Trading, appartenait en propriété exclusive à Leon Zoboyan pendant la période en cause. LZ Trading est le seul fournisseur présumé qui n'a pas fait l'objet d'une vérification par Revenu Québec. En 2008 et en 2009, M. Zoboyan a déclaré avoir reçu 6 625 $ et 6 771 $ respectivement du MESS. Il n'a pas déclaré de revenu en 2010 et en 2011. En outre, M. Zoboyan a fait faillite en 1991. Sa situation financière est semblable à celle des particuliers responsables des autres fournisseurs présumés de l'appelante. Tout comme 9261 Québec et la Bijouterie Palo, LZ Trading aurait acheté des résidus d'or de la société de M. Iera, et ses inscriptions ont été révoquées par Revenu Québec.

[85]        La Bijouterie Palo appartenait en propriété exclusive à Zaven Lapachian pendant la période en cause. La preuve démontre que la Bijouterie Palo a exploité une bijouterie de 2005 jusqu'à ce qu'une maladie oblige M. Lapachian à suspendre ses activités en 2007. La société est restée inactive jusqu'à ce qu'elle commence à faire affaire avec l'appelante en mai 2012. À la suite de la vérification de Revenu Québec, les inscriptions de la Bijouterie Palo ont été annulées le 22 octobre 2012.

[86]        Monsieur Bishara a témoigné qu'il était entré en contact avec la Bijouterie Palo lorsque M. Lapachian avait répondu à la publicité de l'appelante dans le journal.

[87]        Monsieur Bishara affirme n'avoir jamais rencontré M. Lapachian. Ils ne communiquaient que par téléphone. M. Bishara a témoigné que Maral Kajapachian, l'ancienne épouse de M. Lapachian, ou Loukenson Philogène, ou les deux, livraient l'or à l'établissement de l'appelante pour le compte de la Bijouterie Palo.

[88]        À l'audience, M. Lapachian, Mme Kajapachian et M. Philogène ont tous nié avoir vendu des résidus d'or à l'appelante pour le compte de la Bijouterie Palo, ou y avoir participé de quelque façon que ce soit. Toutefois, des éléments de preuve dignes de foi de personnes indépendantes donnent à penser que tous trois participaient activement aux activités quotidiennes de la Bijouterie Palo pendant la période en cause.

[89]        Despina Drizos était la gestionnaire de la succursale de Chèque Express où la Bijouterie Palo encaissait les chèques et les traites bancaires qu'elle recevait de l'appelante. Mme Drizos a produit à l'audience des documents portant sur tous les fournisseurs présumés de l'appelante, y compris la Bijouterie Palo.

[90]        La preuve démontre que M. Lapachian a ouvert le compte de la Bijouterie Palo chez Chèque Express le 22 mai 2012[30], soit la date de la première opération de la Bijouterie Palo avec l'appelante. Chèque Express avait également une copie du permis de conduire de M. Lapachian et de sa carte d'assurance santé, ainsi que divers documents portant sur la société. À l'audience, M. Lapachian a d'abord affirmé qu'il ne s'était jamais rendu à une entreprise d'encaissement de chèques, mais il a ensuite reconnu que sa signature apparaissait effectivement sur un document que Chèque Express avait en sa possession. Il a également affirmé n'avoir jamais fait affaire avec l'appelante, mais il a reconnu avoir vu la publicité de l'appelante.

[91]        Le dossier de Chèque Express comprenait également une procuration autorisant la fille de M. Lapachian, Palik Lapachian, à encaisser des chèques pour le compte de la société. Palik Lapachian et son père avaient tous deux signé la procuration. Une photocopie du permis de conduire de Mme Lapachian apparaît également sur la procuration. À l'audience, Palik Lapachian a nié à plusieurs reprises avoir participé aux activités de la Bijouterie Palo et s'être présentée à un commerce d'encaissement de chèques à quelque moment que ce soit. La preuve de Mme Drizos donne fortement à penser le contraire.

[92]        Madame Drizos a témoigné que seuls M. Lapachian et Mme Lapachian avaient le droit de faire des opérations pour le compte de la Bijouterie Palo. La preuve démontre qu'on avait préparé une seconde procuration pour le compte de la Bijouterie Palo et qu'elle aurait autorisé M. Philogène à encaisser des chèques pour le compte de la société[31]. Mme Drizos a expliqué que M. Lapachian lui avait demandé de préparer cette procuration pour M. Philogène, mais qu'on ne l'avait pas signée[32].

[93]        Madame Drizos a expliqué que pour qu'une société ouvre un compte chez Chèque Express, l'actionnaire majoritaire devait se présenter en personne et présenter deux pièces d'identité avec photo[33]. En outre, la société ne pouvait encaisser de chèque ou de traite bancaire si la photographie de la personne qui encaissait le chèque ou la traite ne se trouvait pas au dossier[34].

[94]        La preuve documentaire indique que la Bijouterie Palo a encaissé des chèques ou des traites bancaires valant au total 3 888 243,03 $[35] chez Chèque Express du 22 mai au 11 octobre 2012[36]. Tous les chèques ou traites bancaires, sauf un, ont été émis par l'appelante.

[95]        Madame Kajapachian et M. Philogène participaient aussi activement à l'exploitation de la Bijouterie Palo. Le gestionnaire des pharmacies de M. Bishara, Paul‑Émile Castonguay, a témoigné qu'il recevait parfois de l'or des fournisseurs présumés de l'appelante lorsque M. Bishara ou Carl Bishara ne pouvaient les recevoir. M. Castonguay a confirmé avoir rencontré Mme Kajapachian et M. Philogène plus d'une fois[37], et il a semblé reconnaître la photographie du permis de conduire de M. Philogène.

[96]        La preuve indique également que M. Bishara et Mme Kajapachian se sont envoyé des messages texte à divers moments pour confirmer le prix de l'or au marché[38]. Le nom de Mme Kajapachian apparaît comme personne contact pour la Bijouterie Palo dans le téléphone portable de M. Bishara. Le nom de M. Philogène y apparaît également[39].

[97]        Les représentants de la Bijouterie Palo — M. Lapachian, Mme Lapachian, Mme Kajapachian et M. Philogène — n'étaient pas des témoins dignes de foi. On a démontré à l'audience qu'au moins deux des représentants de la Bijouterie Palo — M. Lapachian et Mme Kajapachian — recevaient de l'aide sociale durant la période en cause. Le fait de reconnaître qu'ils avaient des revenus non déclarés nuirait sûrement à leurs chances de recevoir de l'aide financière de l'État à l'avenir et pourrait mener à une enquête administrative au sujet des paiements passés. Je présume que c'est la raison pour laquelle ils ont tous nié avoir eu des contacts avec l'appelante.

[98]        Maurizio Iera a fourni des résidus d'or à trois des quatre fournisseurs présumés de l'appelante — 9261 Québec, LZ Trading et la Bijouterie Palo — au moyen de deux entreprises. Il a d'abord vendu de l'or au moyen d'une entreprise à propriétaire unique en utilisant la raison sociale Les fontes Montréal du 14 mai au 31 mai 2012. Il a ensuite vendu de l'or par l'entremise d'Excelsi‑Or, société dont il était l'unique actionnaire, du 1er juin au 5 octobre 2012. Comme je l'ai déjà dit, Revenu Québec a annulé l'inscription d'Excelsi‑Or à la TVQ le 1er octobre 2012. Son inscription à la TPS a été annulée le lendemain. M. Iera a néanmoins continué de vendre de l'or à 9261 Québec et à la Bijouterie Palo après ces dates. Le rapport de vérification de M. Tremblay indique que le 11 octobre 2012, M. Iera a informé Revenu Québec qu'il continuait d'exploiter son entreprise même si les inscriptions d'Excelsi‑Or avaient été annulées[40].

[99]        Monsieur Iera a témoigné qu'il achetait tous ses résidus d'or d'une entreprise connue sous le nom de Bijouterie Villeray. Il a affirmé avoir rencontré le propriétaire de la Bijouterie Villeray par l'intermédiaire d'une connaissance du secondaire.

[100]   Monsieur Iera a témoigné que son travail consistait essentiellement à transporter de l'or de la Bijouterie Villeray à ses clients présumés. Il a affirmé que la Bijouterie Villeray lui donnait des résidus d'or dans des sacs de plastique, sur lesquels étaient indiqués le nombre de carats et le poids de chaque sac.

[101]   Monsieur Iera a également affirmé que son fournisseur présumé fixait le prix d'achat de l'or. Cependant, il ne payait son fournisseur présumé qu'après avoir reçu un paiement en espèces de ses clients. Il a affirmé qu'il rencontrait une connaissance du propriétaire de la Bijouterie Villeray à un endroit convenu et lui remettait l'argent dans un sac. Cette connaissance ne vérifiait apparemment pas l'argent reçu avant de quitter.

[102]   Monsieur Iera a affirmé que ses clients le payaient en espèces lorsqu'ils recevaient l'or. Cela contredit cependant le témoignage de M. Al‑Romhein, qui a affirmé ne payer son fournisseur présumé, soit M. Iera, qu'après avoir reçu le paiement de l'appelante.

[103]   Monsieur Iera a affirmé recevoir une commission de 0,25 % pour chaque vente. Tout comme les fournisseurs présumés de l'appelante, M. Iera avait des moyens limités. Il a déclaré un revenu d'emploi de 4 613,66 $, de 19 212,05 $ et de 24 649,06 $ en 2009, 2010 et 2011 respectivement. De plus, le rapport de vérification de M. Tremblay indique que le revenu de M. Iera en 2012 provenait entièrement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (« CSST »). M. Iera a affirmé n'avoir eu aucune expérience antérieure dans le commerce de l'or. J'ai conclu que M. Iera n'était pas un témoin fiable ou digne de foi.

VII. Analyse

L'appelante acquérait‑elle les résidus d'or dans le cadre d'une « activité commerciale »?

[104]   La preuve démontre que l'appelante a réellement acheté les résidus d'or pour lesquels elle demande les CTI en cause. La totalité de l'or a ensuite été revendue à Diverse Equities. L'or est alors passé de Diverse Equities à Gatewest, puis à la Monnaie, qui l'a raffiné en lingots d'or qui ont été revendus au public.

[105]   Tout d'abord, une preuve documentaire abondante démontre que l'or est passé de l'appelante à son client, Diverse Equities, de Diverse Equities à Albern Coins et Gatewest, et de Gatewest à la Monnaie. Des témoins indépendants, à savoir M. Santella (le conducteur de FedEx qui est allé prendre l'or à l'établissement de l'appelante) et M. Castonguay (le gestionnaire des pharmacies de M. Bishara), ont confirmé que l'appelante achetait et revendait les résidus d'or.

[106]   Durant son témoignage, Mme Bouchard a reconnu qu'aucun élément de preuve n'indique que les résidus d'or qu'achetait Diverse Equities étaient ensuite remis à l'appelante, ou, d'ailleurs, à ses fournisseurs directs ou indirects présumés.

[107]   Pendant le contre‑interrogatoire[41], Mme Bouchard a confirmé que pendant sa visite‑surprise de vérification, elle avait vu M. Al‑Romhein, le propriétaire de 9261 Québec, livrer des résidus d'or à M. Bishara et être payé. Les représentants de l'appelante ne savaient pas que Mme Bouchard allait venir à l'improviste. Ainsi, je suis convaincu que 9261 Québec a réellement livré des résidus d'or à l'appelante et qu'elle a réellement été payée.

[108]   Monsieur Castonguay, gestionnaire des deux pharmacies Uniprix de M. Bishara et de Carl Bishara, a témoigné avoir reçu au moins trois fois, pour le compte de l'appelante, des résidus d'or qu'avaient livrés MM. Al‑Romhein et Nikolopoulos à la pharmacie Uniprix située avenue du Parc en l'absence de M. Bishara et de Carl Bishara. M. Castonguay passait la plupart de son temps à cette pharmacie. Il a également confirmé que MM. Al‑Romhein et Nikolopoulos se rendaient à cet endroit pour livrer des résidus d'or à M. Bishara et à Carl Bishara.

[109]   Monsieur Castonguay avait à l'occasion d'autres tâches, par exemple vérifier si les renseignements sur les factures concordaient avec ce qui était écrit sur les sacs Zip lock qui contenaient les résidus d'or reçus des fournisseurs présumés de l'appelante. Il a témoigné qu'il avait également payé les fournisseurs présumés pour le compte de l'appelante au moins trois fois.

[110]   J'ai conclu que M. Castonguay était un témoin fiable et digne de foi. On n'a pas mis en doute son témoignage pendant le contre‑interrogatoire. Rien n'indique qu'il ait un intérêt pécuniaire dans les opérations en cause en l'espèce.

[111]   J'ai également conclu que Mme Drizos était un témoin fiable et digne de foi. Elle dirigeait la succursale d'encaissement de chèques de Chèque Express à Laval où des représentants de tous les fournisseurs présumés de l'appelante encaissaient les traites bancaires qu'ils recevaient de l'appelante.

[112]   Selon la politique de Chèque Express en vigueur à l'époque, une société devait d'abord ouvrir un compte à la succursale avant d'encaisser une traite bancaire. À cette fin, une nouvelle société cliente devait présenter ses articles constitutifs et des procurations permettant à une personne ou à plusieurs personnes d'encaisser des traites bancaires pour son compte. Ces mandataires devaient être présents lors de l'ouverture du compte. Ils devaient également produire une pièce d'identité avec photo.

[113]   Selon Mme Drizos, la Bijouterie Palo, la Bijouterie Tiara, LZ Trading et 9261 Québec ont toutes respecté ces exigences. Toujours selon Mme Drizos, M. Lapachian et sa fille, Mme Lapachian, pouvaient encaisser des traites bancaires pour le compte de la Bijouterie Palo. Seul M. Al‑Romhein pouvait signer pour le compte de 9261 Québec. Seul M. Nikolopoulos pouvait signer pour le compte de la Bijouterie Tiara. Seul M. Zoboyan pouvait encaisser des traites bancaires pour le compte de LZ Trading.

[114]   Madame Drizos a témoigné avoir vu MM. Lapachian, Al‑Romhein et Nikolopoulos agir pour le compte de leurs sociétés respectives. Son témoignage confirme l'affirmation de l'appelante selon laquelle ces personnes recevaient des paiements pour le compte de leurs sociétés respectives et avaient pris des mesures pour encaisser les traites bancaires qu'elles recevaient de l'appelante.

[115]   Il arrive souvent, lorsqu'on obtient des avantages fiscaux à l'aide de fausses factures, que celui qui a remis la facture « de complaisance » rembourse le paiement à la personne « complue » après avoir déduit une commission pour ses services. Rien n'indique que cela se soit produit dans le cas des opérations en cause. En fait, la preuve indique plutôt le contraire.

[116]   Revenu Québec avait un accès complet aux dossiers bancaires de l'appelante, qui dévoilaient l'origine et l'utilisation des fonds de l'appelante. Ces dossiers confirment que l'appelante recevait des virements télégraphiques de Diverses Equities pour les résidus d'or que l'appelante lui vendait. En outre, l'appelante utilisait ses fonds en banque soit pour payer les traites bancaires tirées sur sa banque, soit pour faire des virements à la Brinks pour qu'elle livre les fonds à l'établissement de l'appelante situé avenue du Parc. L'appelante faisait des paiements en espèces directement aux représentants de ses fournisseurs présumés. Les dossiers de la Brinks indiquent que celle‑ci a remis environ 11 000 000 $ en espèces à l'appelante durant la période en cause. Il va sans dire que, si les participants au stratagème avaient remis de l'argent à l'appelante, celle‑ci n'aurait pas eu besoin de livraisons importantes d'espèces de la Brinks.

[117]   Sur la foi de la preuve de l'appelante, je conclus que celle‑ci achetait et revendait des résidus d'or selon les quantités et les sommes indiquées sur ses déclarations de TPS, le tout dans le cadre d'une « activité commerciale » selon l'alinéa a) de la définition de ce terme au paragraphe 123(1) de la Loi.

[118]   La question qui reste à examiner est celle de savoir à quel titre les fournisseurs présumés de l'appelante agissaient lorsqu'ils fournissaient les résidus d'or à l'appelante et étaient payés par celle‑ci. Agissaient‑ils pour leur propre compte, ou comme mandataires pour des mandants secrets ou, comme l'intimée le laisse entendre, l'appelante et ses fournisseurs présumés participaient‑ils activement à un stratagème visant à permettre à l'appelante d'acheter au comptant de l'or de fournisseurs clandestins[42]?

VIII. Le trompe‑l'oeil

[119]   La thèse de l'intimée a beaucoup changé par rapport à celle d'abord exposée dans ses actes de procédure. Dans ses observations écrites, l'intimée fait maintenant valoir, à l'appui de la cotisation du ministre, les faits suivants qui indiqueraient l'existence d'un trompe‑l'oeil :

[TRADUCTION]

1.         Tricomcanada agit comme maillon d'une chaîne qui constitue ce qu'on appelle communément la « fraude du commerçant disparu ». Dans un tel cas, le fournisseur initial « disparaît » et ne verse pas au fisc la TPS qu'il a perçue et qui compense habituellement les CTI subséquents sans qu'il y ait de perte[43] pour le fisc. La TPS qui n'est pas versée au fisc est détournée aux fournisseurs en aval d'une façon ou d'une autre.

[...]

475.     Toutes les opérations constituent un trompe‑l'oeil parce que :

a.         Tous les fournisseurs directs de l'appelante étaient des prête‑noms et constituaient des maillons de la chaîne afin de dissimuler l'origine réelle de l'or symbolique[44]. On leur a promis des paiements fréquents s'ils respectaient les exigences élémentaires pour que Tricom semble légitime.

b.         L'objet des opérations apparentes était que l'or symbolique soit acquis de telle sorte que chaque fournisseur ait le droit de demander des CTI et reçoive une part de la taxe détournée.

[Non souligné dans l'original.]

[120]   L'appelante se plaint que les actes de procédure de l'intimée n'exposaient pas cette thèse. Je reconnais que l'intimée n'a pas expressément dit que le stratagème de fausse facturation était un trompe‑l'oeil, mais j'accepte également les observations orales de l'avocat de l'intimée selon lesquelles les « factures de complaisance » servent souvent de trompe‑l'oeil afin d'obtenir des remboursements de TPS frauduleux.

[121]   Je comprends néanmoins les préoccupations de l'avocat de l'appelante, selon qui le fait que les actes de procédure de l'intimée n'étaient pas clairs faisait qu'il pouvait difficilement connaître la thèse que sa cliente devait réfuter, d'autant plus que les hypothèses de fait de l'intimée énonçaient une alternative : soit l'appelante n'a pas acheté l'or et ne l'a pas revendu, soit elle ne l'a pas acheté de ses fournisseurs présumés. Les lacunes de la réponse de l'intimée auraient pu justifier une requête en demande de précisions ou une requête en radiation.

[122]   Les parties semblent être d'accord sur ce qu'est un « trompe‑l'oeil ». Elles m'ont renvoyé à la définition faisant autorité énoncée dans la décision Snook v. London & West Riding Investments, Ltd.[45], dans laquelle lord Diplock a affirmé que le terme anglais « sham » (trompe‑l'oeil) :

[TRADUCTION]

[...] signifie des actes faits ou des documents signés par les parties au « trompe‑l'oeil » dans l'intention de faire croire à des tiers ou à la Cour qu'ils créent entre les parties des obligations et des droits juridiques différents des obligations et des droits juridiques réels (s'il en est) que les parties ont l'intention de créer. Il y a toutefois, je crois, une chose qui est claire selon les principes juridiques, la moralité et la jurisprudence [...] : pour qu'un acte ou un document constitue un « trompe‑l'oeil », avec les conséquences juridiques qui peuvent en découler, toutes les parties au « trompe‑l'oeil » doivent avoir pour intention commune que les actes ou les documents en question ne soient pas censés créer les obligations et les droits juridiques qu'ils semblent créer. Aucune des intentions non exprimées d'une partie qui participe au « trompe‑l'oeil » n'a d'incidence sur les droits d'une partie qu'elle a trompée[46].

[123]   Les tribunaux canadiens ont adopté en 1972[47] la définition énoncée dans la décision Snook, et la Cour suprême du Canada l'a confirmée à nouveau dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine[48]. Dans l'arrêt Stubart, le juge Estey a défini ainsi le terme « trompe‑l'oeil » : « une opération assortie d'un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l'opération, ou un faux‑semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu'elle sert à masquer »[49]. Suivant ces principes, il y aura un trompe‑l'oeil lorsque les parties tentent de tromper le fisc en présentant comme authentiques des opérations ou des ententes tout en sachant que les opérations cachées réelles sont autres.

[124]   Dans deux décisions récentes, la Cour d'appel fédérale a discuté de la déception ou du dol dans le cas d'un trompe‑l'oeil. Dans la décision Antle c. La Reine[50], le juge Noël a dit, dans une remarque incidence : « L'intention ou l'état d'esprit requis n'équivaut pas à une intention coupable et ne saurait aller jusqu'à constituer ce qui, en common law, est le délit de dol [...]. Il suffit que les parties à une opération la présentent comme différente de la réalité qu'elles connaissent[51]. » Dans l'arrêt 2529‑1915 Québec inc. c. La Reine[52], le juge Noël a affirmé ce qui suit au sujet d'un trompe‑l'oeil ou d'une « frime » :

[59]      L'existence d'une frime en droit canadien exige donc en vue des définitions qui précèdent un élément de déception qui se manifeste règle générale par une fausse représentation par les parties de la transaction réelle intervenue entre elles. Dans ces circonstances, les tribunaux retiendront la transaction réelle et mettront de côté celle qui fut représentée comme étant la vraie.

[125]   Les vérificateurs responsables de l'examen des opérations en cause ont reçu la directive de terminer la vérification rapidement. Je suppose que la raison en est que les représentants du ministre s'inquiétaient du manque à gagner fiscal important qu'ils avaient découvert. Selon la preuve, Albern Coins a reçu le remboursement intégral de la TPS qu'elle avait payée pour ses achats. L'or raffiné qu'elle vendait constituait une fourniture exonérée. On ne peut établir de lien entre l'appelante et un montant de TPS versé à l'égard de l'or.

[126]   L'avocat de l'appelante a fait valoir que si l'un des fournisseurs indirects présumés de l'appelante avait commis une fraude fiscale, alors le ministre, et non l'appelante, avait les pouvoirs nécessaires pour identifier les coupables[53]. Cela peut être vrai, mais cela n'a aucune incidence sur la justesse de la cotisation du ministre. Le fisc doit jouir d'une certaine souplesse pour pouvoir garantir les revenus publics. Si la taxe n'est pas versée de la façon prévue par la loi, les représentants du ministre doivent souvent agir rapidement pour s'assurer qu'elle le soit. Ils sont redevables de tout comportement irresponsable. Bien qu'il n'appartienne pas à la Cour de trancher la question, je ne crois pas que le fisc aurait réussi à déterminer l'origine de l'or en cause s'il avait poursuivi son enquête.

[127]   Monsieur Wright a donné un aperçu de l'origine des résidus d'or que l'appelante vendait à Diverse Equities. Sa connaissance du commerce des métaux précieux au Canada était impressionnante.

[128]   Selon M. Wright, c'est à Montréal que l'on trouve le plus grand nombre de joailliers qui font des bijoux hors série. Il est bien connu que plusieurs bijoutiers se trouvent dans les immeubles autour du square Phillips, à Montréal, où le bureau de M. Nikolopoulos se trouvait par hasard. Voici l'explication qu'a donnée M. Nikolopoulos quant à la façon dont ses voisins de bureau exploitaient leurs commerces d'or :

[TRADUCTION]

Q.        Comment fait‑on pour commercer à faire ce commerce? Comment avez‑vous découvert ou appris ou commencé ce commerce?

R.        D'abord avec un de mes amis, il est venu — un de ses amis vendait une entreprise. Ils fabriquaient des bijoux de fantaisie, comme des boucles d'oreilles, des bagues, des bracelets de fantaisie, des choses de ce genre, et les vendaient aux marchés aux puces. Et il m'a demandé si je souhaitais l'essayer avec lui, et j'ai dit pourquoi pas, ça semble intéressant, ça vaut mieux que d'être plongeur ou quelque chose du genre, à cuire toute la journée et à sentir la saucisse lorsqu'on rentre chez soi. Donc j'ai décidé de l'essayer.

Et lorsque je me suis rendu la première fois — je suis rentré dans l'immeuble situé square Phillips, et la première chose que j'ai remarquée, immédiatement, c'est que dès qu'on entre dans le couloir, on ne voit que « nous achetons de l'or », « nous vendons de l'or ». Chaque bureau de l'immeuble, chaque porte, on achetait et on vendait de l'or.

Et comme je l'ai dit, c'était à ce moment que l'or atteignait son sommet; même lorsqu'on se rendait chez Insta‑chèques, tout le monde achetait et vendait de l'or, tout le monde. Alors j'ai — je me suis renseigné, et j'ai découvert comment tout le monde le faisait, et c'est ainsi que j'ai décidé de m'y lancer.

Q.        Comment tout le monde le faisait‑il? D'ailleurs, qui était tout le monde?

R.        Eh bien, comme je l'ai dit, même quand on se rend chez Western Union pour encaisser un chèque, ils achètent de l'or. Tous les bijoutiers, « nous achetons de l'or au prix fort ». Partout — dans cet immeuble du square Phillips où je suis allé, on le voyait à presque tous les bureaux, mais il y a une astuce. Personne ne voulait qu'il y ait de reçu. Tout le monde disait, si tu veux faire affaire avec moi, oublie le reçu. C'est —

[Non souligné dans l'original.]

[129]   Selon M. Wright, les bijoutiers ont souvent des stocks importants d'or dans leurs bureaux. Ils achètent souvent des bijoux d'anciens clients qui leur achètent ensuite de nouveaux bijoux. Les bijoutiers ayant accumulé une quantité importante d'or profiteront probablement d'un marché favorable pour vendre leurs stocks et ainsi voir à leur retraite. J'en déduis que le coût de l'or que les bijoutiers ont accumulé pendant plusieurs années, avant la hausse importante de la valeur de l'or, aurait été faible. Cela peut avoir encouragé les bijoutiers à vendre leur or au comptant de façon qu'il soit impossible de les identifier par la suite. C'est la thèse que l'intimée fait valoir.

[130]   Selon la preuve, l'appelante a acheté les résidus d'or à un prix correspondant en moyenne à 90,5 % du prix de l'or au marché au moment de chaque achat. Elle a versé à ses fournisseurs présumés ce montant, ainsi que la TPS et la TVQ, dont la valeur totale était de 14,975 % du prix d'achat. En tout, elle a versé environ 104 % du prix de l'or au marché à ses fournisseurs présumés, de telle sorte que ceux‑ci pouvaient remettre aux propriétaires véritables de l'or le prix de vente qu'ils auraient pu recevoir s'ils avaient vendu l'or légitimement. L'intimée a insisté sur ce point dans ses observations orales et écrites. Dans sa réplique écrite, l'avocat de l'appelante soutient que l'observation de l'intimée est incorrecte parce que, par exemple, la Bijouterie Tiara avait dû verser la TPS et la TVQ à son fournisseur présumé lorsqu'elle avait acheté l'or. Si l'on suppose que c'était le cas, la Bijouterie Tiara aurait compensé les taxes qu'elle a payées par la TPS et la TVQ qu'elle aurait perçues de l'appelante.

[131]   J'examinerai maintenant la preuve qui, selon l'intimée, étaye l'affirmation qu'il y a eu un trompe‑l'oeil.

[132]   Puisque l'intimée ne peut identifier les fournisseurs véritables de l'appelante, elle demande à la Cour de tirer des conclusions des circonstances entourant les opérations de l'appelante avec ses fournisseurs présumés. L'intimée insiste en particulier sur le fait que MM. Bishara et Al‑Romhein ont tous deux tenté de cacher comment ils en sont venus à faire affaire. L'intimée demande également à la Cour de regarder attentivement la preuve au sujet des particuliers qui représentaient les fournisseurs présumés de l'appelante, au sujet des circonstances entourant les opérations entre ces particuliers et l'appelante, et au sujet des opérations entre ces fournisseurs et leurs propres fournisseurs présumés.

[133]   La preuve indique que M. Nikolopoulos vendait de l'or à Québec fonte avant de décider de faire affaire avec l'appelante. La Bijouterie Tiara faisait surtout affaire avec Québec fonte. La preuve indique aussi que Québec fonte payait la Bijouterie Tiara au moyen de chèques qui étaient encaissés à la succursale d'encaissement de chèques dont M. Nikolopoulos se servait lorsqu'il faisait affaire avec l'appelante. En outre, la Bijouterie Tiara payait ses fournisseurs présumés uniquement en espèces.

[134]   Le témoignage de M. Nikolopoulos a laissé bien des questions sans réponses. Lorsqu'on lui a demandé comment la Bijouterie Tiara pouvait financer ses activités, il a dit qu'il a pu lui donner un fonds de roulement de 48 000 $. De ce montant, 20 000 $ proviendraient des économies de M. Nikolopoulos, et il aurait emprunté le reste de proches parents. M. Nikolopoulos a également témoigné qu'il était divorcé et qu'il habitait chez ses parents, à qui il ne versait pas de loyer. Il versait une pension alimentaire pour ses enfants. Il a affirmé avoir tiré très peu de bénéfices de son commerce d'or. Sa voiture était en mauvais état. Il a également reconnu avoir fait faillite en 2007. La Bijouterie Tiara a fait faillite peu après l'établissement d'une cotisation de TPS et de TVQ à son sujet pour son commerce de l'or.

[135]   Je ne crois pas que M. Nikolopoulos ait eu les sommes qu'il affirme avoir eues pour financer les activités de la Bijouterie Tiara. Aucune preuve documentaire n'a confirmé son témoignage. Aucun membre de sa famille n'a témoigné avoir prêté de l'argent à M. Nikolopoulos. Cela étant, M. Nikolopoulos n'a pas pu acquérir des quantités importantes de résidus d'or, ainsi qu'il l'affirme, par l'entremise de la Bijouterie Tiara, de ses présumés fournisseurs.

[136]   La preuve indique que le premier fournisseur présumé de la Bijouterie Tiara, Mme Roberge, recevait de l'aide sociale. Elle était malade. La preuve démontre qu'elle n'avait pas les ressources financières, les compétences ou le matériel nécessaires pour faire le commerce de l'or. M. Nikolopoulos a reconnu ne l'avoir rencontrée qu'une seule fois. Il aurait fait affaire avec une personne qu'il croyait être son mari. J'ai énormément de difficulté à croire que Mme Roberge était réellement le fournisseur d'or de M. Nikolopoulos.

[137]   Monsieur Nikolopoulos a laissé entendre qu'il avait cessé de faire affaire avec Québec fonte à cause de la distance qui les séparait : cela aurait été la raison pour laquelle il avait décidé de faire affaire avec l'appelante. Les circonstances dans lesquelles M. Nikolopoulos et M. Bishara en sont venus à faire affaire laissent voir un tout autre motif. La preuve démontre que Québec fonte et la Bijouterie Tiara faisaient l'objet d'une vérification au même moment[54]. Je crois que M. Nikolopoulos avait de bonnes raisons de croire que Québec fonte serait bientôt incapable de continuer d'acheter l'or de la Bijouterie Tiara. Les vérifications de Québec fonte et de la Bijouterie Tiara ont commencé à la même époque où MM. Nikolopoulos et Bishara se sont rencontrés pour discuter de la façon dont ils pourraient faire affaire. Il est notable que la Bijouterie Tiara ait commencé à vendre de l'or à l'appelante vers la fin de sa vérification en matière de TPS et de TVQ, qui avait commencé six mois et demi plus tôt.

[138]   L'intimée a déposé en preuve les relevés du téléphone portable de M. Bishara pour la période en cause, ainsi que ceux de quelques‑uns des particuliers qui représentaient certains des fournisseurs présumés de l'appelante.

[139]   Les relevés du téléphone portable de M. Bishara pour 2011 et 2012 démontrent qu'il n'a appelé les représentants de 9261 Québec, de la Bijouterie Palo et de LZ Trading qu'une seule fois[55]. Lorsque son avocat lui a posé une question à ce sujet en réinterrogatoire, M. Bishara a expliqué qu'il n'avait pas de raison d'appeler les fournisseurs présumés de l'appelante[56] : c'était plutôt eux qui communiquaient avec lui par téléphone ou par message texte[57], et non le contraire. Cependant, M. Bishara n'a pas expliqué pourquoi il avait eu l'occasion d'appeler M. Nikolopoulos 64 fois en 2012, bien qu'il n'y ait eu que 17 opérations entre la Bijouterie Tiara et l'appelante.

[140]   De plus, les relevés téléphoniques de M. Bishara démontrent que l'appelante a fait la majorité des appels à M. Nikolopoulos après la dernière opération entre l'appelante et la Bijouterie Tiara, le 15 mai 2012. M. Bishara a fait 40 des 64 appels à des intervalles réguliers du 12 juin au 10 décembre 2012[58]. À tout le moins, cela donne à penser qu'il y avait une relation continue d'une certaine nature. Fait surprenant, lorsque l'avocat de M. Bishara l'a réinterrogé au sujet de ce nouvel élément de preuve, il ne lui a pas demandé pourquoi il avait continué de parler à M. Nikolopoulos pendant la période en cause.

[141]   Le témoignage de M. Bishara lors du réinterrogatoire est également incompatible avec son témoignage antérieur quant à la façon dont il communiquait avec les fournisseurs présumés de l'appelante. Lorsque l'avocat de l'intimée l'a contre‑interrogé après son interrogatoire principal, il a dit qu'il appelait la Bijouterie Palo, ou lui envoyait un message, une ou deux fois par jour, pour vérifier le cours de l'or[59]. M. Bishara a témoigné qu'il se servait d'un seul numéro de téléphone pour appeler la Bijouterie Palo, et que c'était Mme Kajapachian qui lui avait donné ce numéro[60]. Les relevés téléphoniques de M. Bishara démontrent qu'il n'a jamais appelé le numéro que Mme Kajapachian lui avait donné pendant la période en cause.

[142]   Enfin, les relevés des téléphones portables des représentants des fournisseurs présumés de l'appelante n'étayent tout simplement pas l'affirmation de M. Bishara selon laquelle ceux‑ci l'appelaient pour lui vendre des résidus d'or. Les relevés de tous les représentants présumés de la Bijouterie Palo, y compris Mme Kajapachian, démontrent qu'ils n'ont pas appelé le téléphone portable de M. Bishara. Les relevés téléphoniques de M. Al‑Romhein démontrent qu'il n'a appelé M. Bishara qu'une seule fois, le 28 août 2012. On n'a pas déposé en preuve les relevés téléphoniques de MM. Zoboyan et Nikolopoulos.

[143]   S'il était vrai que la Bijouterie Palo et 9261 Québec communiquaient par téléphone ainsi que par message texte, il y aurait sûrement eu plus d'un appel de M. Al‑Romhein au téléphone portable de M. Bishara, puisque la Bijouterie Palo et 9261 Québec ont conclu ensemble 336 opérations avec l'appelante. Par contre, la Bijouterie Tiara n'a participé qu'à 17 opérations. Cependant, M. Bishara a parlé à M. Nikolopoulos au moins 64 fois. Il n'est pas plausible que les fournisseurs présumés de l'appelante aient appelé M. Bishara au numéro de téléphone général de la pharmacie, puisqu'ils avaient son numéro de téléphone portable personnel, ce qui était plus pratique. M. Bishara a laissé entendre que c'est ainsi qu'ils auraient pu communiquer avec lui. Je suppose que, s'ils avaient appelé le numéro général, ils auraient rejoint un répondeur automatique et auraient dû réagir à de nombreux messages avant qu'une personne réponde. Rien n'indique que M. Bishara ait eu une ligne téléphonique directe à la pharmacie.

[144]   Comme je l'ai déjà dit, lorsque Mme Bouchard lui a demandé comment l'appelante avait trouvé ses clients, M. Bishara a répondu que l'appelante avait trouvé tous ses fournisseurs présumés grâce à des publicités ou au bouche à oreille. Lorsqu'on l'a contre‑interrogé au sujet d'un affidavit déposé à l'appui d'une requête présentée à la Cour supérieure du Québec afin que le numéro de TVQ de l'appelante soit rétabli, M. Bishara a dit qu'il avait trouvé tous ses fournisseurs présumés grâce à des publicités dans les journaux, sauf la Bijouterie Tiara[61]. À l'audience, après que M. Nikolopoulos eut affirmé lui avoir présenté M. Al‑Romhein, M. Bishara a reconnu que c'était ainsi qu'ils s'étaient rencontrés. M. Nikolopoulos a dit à la Cour qu'il avait rencontré M. Al‑Romhein au café de narguilé de ce dernier à Laval. Il s'y rendait souvent. M. Bishara a aussi reconnu être client de ce café. Il a reconnu qu'il y jouait aux cartes au cours des années précédant ses opérations commerciales avec M. Al‑Romhein. En fait, la preuve indique que MM. Nikolopoulos, Iera et Bishara étaient tous d'anciens clients de ce café. L'appelante voudrait faire croire à la Cour que, par pur hasard, quatre personnes qui fréquentaient le même café en sont venues à faire affaire ensemble.

[145]   Monsieur Al‑Romhein a également induit en erreur la vérificatrice de 9261 Québec au sujet de la façon dont il en est venu à faire affaire avec M. Bishara. Il avait affirmé avoir répondu à la publicité de l'appelante offrant d'acheter des résidus d'or de grossistes. M. Al‑Romhein a affirmé que c'est ce qui les avait menés à faire affaire ensemble. À l'audience, cependant, M. Al‑Romhein a changé sa version des faits et a dit à la Cour que M. Nikolopoulos lui avait présenté M. Bishara[62].

[146]   En examinant la preuve dans son ensemble, je conclus que MM. Bishara et Al‑Romhein ont tenté de cacher le fait qu'ils s'étaient rencontrés pour discuter d'affaires la première fois lors d'une rencontre qu'avait organisée M. Nikolopoulos. Cela me mène à penser qu'ils avaient quelque chose à cacher.

[147]   Je constate d'ailleurs que 9261 Québec est rapidement devenue le fournisseur présumé le plus important de l'appelante peu après la disparition de la Bijouterie Tiara. La Bijouterie Palo et LZ Trading se sont ajoutées peu après. Cela ne semble pas être une coïncidence, contrairement à ce que l'appelante voudrait faire croire à la Cour.

[148]   Madame Drizos a témoigné qu'elle voyait souvent MM. Al‑Romhein et Nikolopoulos se parler à la succursale de Chèque Express où elle travaillait, à Laval. L'appelante a préféré ne pas faire témoigner MM. Al‑Romhein ou Nikolopoulos à nouveau après avoir entendu le témoignage de Mme Drizos. Je déduis de cet élément de preuve, et du fait que MM. Nikolopoulos et Bishara ont continué de se parler pendant toute la période en cause, que M. Nikolopoulos a joué un rôle clé pour aider l'appelante à trouver des sources de résidus d'or.

[149]   De même, je n'ajoute pas foi au témoignage de M. Al‑Romhein au sujet de la façon dont 9261 Québec serait devenue le fournisseur présumé le plus important de l'appelante. Le rapport de vérification de Mme Bouchard donne des renseignements sur les déclarations de revenus de M. Al‑Romhein pour les années d'imposition 2008, 2009, 2010 et 2011. Son épouse et lui avaient des revenus très faibles[63]. M. Al‑Romhein a reconnu ne pas avoir pu financer les activités de 9261 Québec. Néanmoins, du 14 mai au 9 novembre 2012, 9261 Québec a acheté et revendu de l'or d'une valeur de 100 000 $ en moyenne chaque jour où elle a effectué une opération.

[150]   Je n'accorde non plus aucun poids à l'affirmation de M. Iera voulant qu'il ait réellement fourni à 9261 Québec et à la Bijouterie Palo l'or qu'elles revendaient à l'appelante.

[151]   Monsieur Iera a livré le témoignage suivant au sujet de l'origine de l'or qu'il aurait vendu à 9261 Québec et à la Bijouterie Palo :

[TRADUCTION]

M. Iera :          C'était le commerce de l'or.

Me Lamarre :   Que faisiez‑vous dans le commerce de l'or?

M. Iera :          En fait, j'achetais.

Me Lamarre :   D'accord. De qui?

M. Iera :          Eh bien, c'est cela. C'est Bijoutier Villeray. C'est par l'entremise d'un ami que j'ai connu ce gars, pas —

Me Lamarre :   Villeray?

M. Iera :          C'est ce qu'ils ont dit.

Me Lamarre :   Pour qu'il n'y ait pas d'erreur, quel est le nom?

M. Iera :          Oui. Je crois.

Me Lamarre :   Et comment s'appelle‑t‑il? Vous avez dit — si vous le dites encore?

M. Iera :          Cela pourrait être Villeray. Vraiment, je ne m'en souviens pas, Monsieur.

[152]   Monsieur Iera a également témoigné que la personne livrait l'or et qu'elle revenait ensuite recevoir le paiement, après que M. Iera ou sa société eurent reçu le paiement de la Bijouterie Palo et de 9261 Québec[64]. Je ne peux concevoir qu'un fournisseur d'or légitime accepte un tel risque de crédit. Je soupçonne que le propriétaire de l'or et le vendeur réel de l'appelante restait dans les coulisses jusqu'à ce que l'opération avec l'appelante soit conclue. Je ne peux concevoir que M. Iera puisse oublier le nom de la personne qui lui aurait donné de l'or d'une valeur de plus de 20 000 000 $ lors d'au moins 122 opérations.

[153]   En fin de compte, après avoir raconté une histoire invraisemblable, M. Iera a dit [TRADUCTION] : « J'étais comme une marionnette au bout des ficelles, en fait. » Il a reconnu avoir été sans emploi lorsqu'il a commencé à faire le commerce de l'or pour son propre compte. Il dit avoir reçu une commission peu élevée de 0,25 % pour son rôle peu important dans les opérations.

[154]   La preuve indique que M. Al‑Romhein a fait faillite en juillet 2014, après l'établissement de nouvelles cotisations pour la TPS et la TVQ que devait 9261 Québec pour les opérations en cause en l'espèce et pour l'impôt sur le revenu dont il était redevable pour des fonds qu'il aurait reçus de 9261 Québec. Il a décidé de ne pas s'opposer aux cotisations du ministre. Il a également reconnu s'être débarrassé de tous les documents financiers et comptables de 9261 Québec, ainsi que de toutes les pièces justificatives. Tel n'est pas le comportement d'une personne qui n'a rien à se reprocher.

[155]   En tenant compte de la preuve de MM. Al‑Romhein et Iera dans leur ensemble, je déduis que 9261 Québec n'a pas acheté des résidus d'or qu'elle aurait revendus à l'appelante. La seule conclusion raisonnable que je peux tirer de la preuve est que 9261 Québec, M. Iera, et la société de ce dernier, Excelsi‑Or, ont été insérés dans le réseau des fournisseurs pour cacher l'identité des fournisseurs réels de l'appelante. S'ils ont livré de l'or et en ont reçu le paiement, ils l'ont fait pour le compte d'une autre personne. L'appelante savait bien tout ceci.

[156]   Il faut également commenter brièvement le rôle présumé de la Bijouterie Palo en tant que fournisseur. Bien que MM. Lapachian et Philogène et Mme Kajapachian affirment le contraire, je conclus qu'ils ont participé aux opérations entre la Bijouterie Palo et l'appelante. Bien qu'on puisse déduire de la preuve qu'ils ont effectivement livré des résidus d'or à l'appelante, on ne peut conclure, comme l'affirme l'appelante, que la Bijouterie Palo livrait l'or pour son propre compte.

[157]   Madame Kajapachian et M. Lapachian recevaient de l'aide sociale avant de participer à ce qui, selon la preuve, est un stratagème de fausse facturation. Je déduis qu'ils ont refusé de reconnaître leur rôle dans le stratagème parce qu'ils savaient qu'en raison de leurs actions pour la Bijouterie Palo, ils pourraient devoir rembourser l'aide sociale qu'ils ont reçue. Ils n'ont pas déclaré les bénéfices qu'ils ont reçus pour leur rôle dans le stratagème de fausse facturation.

[158]   Aucun des témoins n'a expliqué de façon crédible le fait que la Bijouterie Palo et 9261 Québec obtenaient leur or du même fournisseur présumé. Aucun des témoins n'a pu expliquer de façon crédible comment la Bijouterie Palo et 9261 Québec en sont venues à vendre de l'or le même jour au même prix. Aucun des témoins n'a expliqué pourquoi l'escompte négocié avec l'appelante était toujours le même.

[159]   Les dossiers de Chèque Express que l'intimée a déposés en preuve démontrent que 9261 Québec et la Bijouterie Palo encaissaient souvent des traites bancaires le même jour. Parfois, MM. Lapachian et Al‑Romhein encaissaient des traites bancaires à quelques minutes d'intervalle. Aucun des témoins n'a pu expliquer pourquoi ils avaient choisi d'aller à la même succursale d'encaissement de chèques.

[160]   Madame Drizos a témoigné avoir vu M. Al‑Romhein et le signataire autorisé de la Bijouterie Palo, M. Lapachian, se parler dans le terrain de stationnement lorsqu'ils devaient parfois attendre leur paiement[65]. On n'a pas expliqué de façon crédible pourquoi ils étaient présents au même moment.

[161]   L'appelante voudrait me faire croire que des personnes ayant des moyens très modestes pouvaient, d'une façon quelconque, acquérir de l'or d'une valeur de millions de dollars pendant une période très courte pour le revendre ensuite à l'appelante. L'appelante voudrait me faire croire que c'est par hasard que ses fournisseurs présumés lui vendaient de l'or aux mêmes conditions, en utilisant toujours des pratiques commerciales semblables. L'appelante voudrait aussi me faire croire que c'est par hasard qu'elle avait pu soudainement trouver un autre fournisseur d'or présumé lorsqu'une vérification fiscale avait bouleversé l'entreprise du fournisseur présumé précédent. Tout cela est parfaitement incroyable.

[162]   L'appelante se plaint que la thèse de l'intimée repose surtout sur une preuve indirecte. Puisqu'il en est ainsi, la seule conclusion raisonnable que je puisse tirer de la preuve est que l'appelante, avec l'aide de personnes agissant pour le compte de ses fournisseurs présumés, a mis en place un stratagème complexe pour cacher l'identité de ses fournisseurs réels.

[163]   Dans ses observations écrites en réplique, l'appelante reproche à l'intimée de ne pas avoir fait témoigner d'autres personnes qui auraient pu éclaircir cette affaire. L'appelante semble oublier que, dans un litige fiscal, le fardeau de la preuve repose d'abord sur elle. Il est bien établi que le ministre peut s'appuyer sur des hypothèses de fait lorsqu'il établit une cotisation. En l'espèce, le ministre a tenu pour acquis que les factures d'achat de l'appelante étaient trompeuses parce qu'elles n'identifiaient pas les fournisseurs réels de l'appelante. Après avoir entendu la preuve, la Cour estime évident que le ministre a émis cette hypothèse parce que les vérificateurs responsables des opérations en cause avaient conclu que les fournisseurs présumés de l'appelante ne pouvaient faire le commerce de quantités importantes d'or. L'appelante avait le fardeau de faire la preuve, prima facie, que les hypothèses du ministre étaient incorrectes. À mon avis, l'appelante ne s'est pas acquittée de ce fardeau. Si d'autres personnes eussent pu éclaircir les circonstances de l'entreprise de commerce de l'or de l'appelante, c'était l'appelante, et non l'intimée, qui aurait dû les faire témoigner pour établir que les faits étaient ceux que l'appelante allègue.

[164]   Vu l'ensemble de la preuve, je conclus que les factures d'achat sur lesquelles l'appelante se fonde pour demander des CTI sont effectivement fausses. L'appelante s'est servie de ces factures afin de cacher l'identité de ses fournisseurs réels, en toute connaissance de cause. Ces fournisseurs réels resteront sans doute inconnus en raison de la complexité du stratagème de fausse facturation mis en place pour cacher leur identité.

[165]   L'appel est ainsi rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de janvier 2016.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan


ANNEXE A


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 8

NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-4655(GST)G

INTITULÉ :

TRICOMCANADA INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 26, 27, 28 et 29 janvier, les 11, 12, 13, 14 et 15 mai et les 17, 18 et 19 juin 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Robert J. Hogan

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 janvier 2016

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Me Basile Angelopoulos

Me Virginie Paquet

Avocats de l'intimée :

Me Antoine Lamarre

Me Nicolas C. Ammerlaan

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Noms :

Me Basile Angelopoulos

Me Virginie Paquet

Cabinet :

Angelopoulos et Kiriazis, S.E.N.C.

Laval (Québec)

 

Pour l'intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] L.R.C. 1985, ch. E‑15.

[2] DORS/91‑45.

[3] Bien que la réponse à l'avis d'appel du ministre soit rédigée en français, les parties ont convenu que le jugement devrait être rendu en anglais.

[4] Tricom recevait 0,75 % de plus lorsqu'elle payait ses fournisseurs présumés par traite bancaire, et 2,25 % lorsqu'elle les payait en espèces. L'appelante a déclaré que ses revenus bruts étaient de 20 683 182 $ et que le coût d'achat des marchandises vendues était de 20 197 602 $, en supposant qu'elle reçoive intégralement des crédits pour la TPS et la TVQ qu'elle avait payées. Sa marge bénéficiaire brute pour l'ensemble de ses ventes (au comptant ou non) est de 3,19 %. Ses états financiers indiquaient un bénéfice d'exploitation ou un bénéfice net de 3,09 %, ce qui tient compte des frais administratifs et financiers que l'appelante a supportés pour tirer son bénéfice.

[5] Montant estimé des coûts en se fondant sur la preuve à l'égard de la Bijouterie Tiara.

[6] Soit la TPS de 5 % et la TVQ de 9,5 % sur le prix avec TPS.

[7] L'appelante a reçu un crédit intégral pour la TPS présumée qu'elle aurait payée, puisqu'elle a compensé la TPS payée par la TPS qu'elle a perçue de Diverse Equities. Revenu Québec a refusé la demande de remboursement de l'appelante pour les motifs exposés ci‑après.

[8] L'appelante a perçu la TPS de Diverse Equities pendant toute la période en cause, mais n'a perçu la TVQ que du 13 juillet au 31 octobre 2012.

[9] Observations écrites, page 14, paragraphe 48.

[10] Pièce I‑35, page 3, article 5.7.

[11] Ibid., page 4, article 5.8.

[12] Ibid., page 8, article G.2.7.

[13] Fait curieux, à l'exception de M. Nikolopoulos, avec qui M. Bishara parlait souvent par téléphone portable, les relevés des téléphones portables de M. Bishara et des personnes qui auraient agi pour le compte des autres fournisseurs présumés de l'appelante n'indiquent pas qu'ils aient communiqué par téléphone portable.

[14] Transcription du 29 janvier 2015, pages 72 et 167.

[15] Le prix dépendait du prix du marché. L'appelante versait à ses fournisseurs présumés 90,5 % du prix du marché pour la quantité d'or pur dans les résidus d'or qu'ils lui auraient fournis.

[16] La Bijouterie Tiara était la seule exception. Le rabais pour paiement en espèces était de 1,25 % dans le cas de la Bijouterie Tiara.

[17] Cependant, selon le questionnaire de vérification initial de Mme Giroux, l'appelante a trouvé ses fournisseurs présumés à la fois grâce à des publicités dans les journaux et au bouche à oreille (pièce A‑27).

[18] Transcription du 28 janvier 2015, page 36; pièce I35, page 20.

[19] Transcription du 27 janvier 2015, page 115; transcription du 28 janvier 2015, page 23.

[20] Pièce I‑35, page 21.

[21] Pièce I‑36.

[22] Pièce I‑24.

[23] Transcription du 27 janvier 2015, pages 123 et 159.

[24] Pièce I‑35, page 18.

[25] Transcription du 28 janvier 2015, pages 65 à 67.

[26] Pièce I‑27, page 10.

[27] Pièce I‑35; pièce I‑7, onglet 17, page 2. L'inscription d'Excelsi‑Or à la TVQ avait été révoquée le jour précédent, le 1er octobre 2012.

[28] Pièce I‑14.

[29] Transcription du 28 janvier 2015, page 86.

[30] Pièce I‑15.

[31] Pièce I‑20.

[32] Transcription du 13 mai 2015, page 168.

[33] Ibid., pages 163 à 165.

[34] Ibid., pages 166 et 167.

[35] Pièce I‑7, onglet 21, page 3.

[36] Pièce I‑24.

[37] Transcription du 28 janvier 2015, page 174.

[38] Pièce A‑19.

[39] Ibid.

[40] Pièce I‑30, page 4.

[41] Transcription du 18 juin 2015, page 55.

[42]          La thèse de l'appelante est que ses fournisseurs présumés étaient propriétaires de l'or qu'ils lui livraient. L'appelante n'a pas fait valoir que les fournisseurs présumés étaient des intermédiaires ou qu'ils agissaient pour des mandants secrets et elle n'a pas présenté de preuve visant à l'établir.

[43] Je crois que l'intimée voulait dire « avec une perte » plutôt que [TRADUCTION] « sans qu'il y ait de perte ».

[44] Comme je l'ai déjà indiqué, la preuve démontre que l'appelante a acheté et revendu des quantités importantes de résidus d'or. L'or était ensuite fondu à la Monnaie, et Gatewest le vendait ensuite au public.

[45] [1967] 1 All E.R. 518.

[46] Snook, à la page 528.

[47] Ministre du Revenu national c. Cameron, [1974] R.C.S. 1062.

[48] [1984] 1 R.C.S. 536.

[49] Stubart, aux pages 545 et 546.

[50] 2010 CAF 280.

[51] Antle, au paragraphe 20.

[52] 2008 CAF 398.

[53] Dans le cas d'opérations trompe‑l'oeil, le fisc est souvent incapable d'identifier les personnes qui ont reçu des paiements en espèces.

[54] Pièce I‑35, page 8, article 6.2.7.

[55] M. Bishara a appelé M. Al‑Romhein le 9 octobre 2012.

[56] Transcription du 18 juin 2015 (sous scellés), page 8.

[57] Transcription du 29 janvier 2015, pages 71 et 72.

[58] Pièce I‑46.

[59] Transcription du 15 mai 2015, page 75.

[60] Transcription du 11 mai 2015, page 105; transcription du 15 mai 2015, page 108.

[61] Pièce I‑7, onglet 8, pages 34 à 36, 48, 61 et 67.

[62] Transcription du 28 janvier 2015, aux pages 65 à 67.

[63] Dans ses déclarations de revenus pour 2008, 2009, 2010 et 2011, M. Al‑Romhein a déclaré des revenus de 6 141 $, de 12 240 $, de 17 998 $ et de 20 300 $ respectivement. M. Iera, le fournisseur présumé de 9261 Québec, qui livrait chaque jour des résidus d'or d'une valeur de milliers de dollars à M. Al‑Romhein, a également déclaré des revenus très modestes. Pour les années d'imposition 2009, 2010 et 2011, M. Iera a déclaré des revenus de 4 613,66 $, de 19 212,05 $ et de 24 649,06 $ respectivement.

[64] M. Iera affirme avoir vendu l'or personnellement au début, puis par l'entremise d'une société dénommée Excelsi‑Or.

[65] Cela se produisait lorsque Chèque Express n'avait pas suffisamment d'espèces pour encaisser les traites bancaires.

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