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Dossier : 2014-3000(IT)I

ENTRE :

JONATHAN J. HAYFRON-BENJAMIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu le 25 janvier 2016, à Halifax (Nouvelle-Écosse).

Devant : L’honorable juge Don R. Sommerfeldt


Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Godfred T. Chongatera

Avocat de l’intimée :

Me Gregory B. King

 

JUGEMENT

L’appel est accueilli et la cotisation datée du 3 décembre 2012 est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs de jugement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juin 2016.

« Don R. Sommerfeldt »

Juge Sommerfeldt

 



Référence : 2016 CCI 151

Date : 20160610

Dossier : 2014-3000(IT)I

ENTRE :

JONATHAN J. HAYFRON-BENJAMIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Juge Sommerfeldt

I. Introduction

[1]             Les présents motifs se rapportent à un appel interjeté par l’appelant à l’encontre d’une cotisation (la « cotisation ») que lui a imposée l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), au nom du ministre du Revenu national (le « ministre »), relativement à l’année d’imposition 2011. La cotisation, qui est incorporée dans l’avis de nouvelle cotisation datée du 3 décembre 2012, incluait dans le calcul du revenu d’emploi non déclaré de l’appelant la somme de 5 759 $ qui lui aurait été versée par D+H Limited Partnership (« D+H »). En outre, en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1], une pénalité a été imposée relativement au revenu d’emploi non déclaré.

[2]             Même si les plaidoyers ne l’ont pas démontré clairement, au fur et à mesure que l’audience a progressé, il est devenu évident que l’appelant alléguait qu’il avait été victime d’un vol d’identité. Comme on le verra ci-après, une allégation semblable avait été invoquée, puis réfutée, lors de précédentes procédures devant la Cour[2]. Même si l’appelant n’a pas offert de preuves convaincantes à l’audience du présent appel démontrant qu’il avait été victime d’un vol d’identité, selon les éléments de preuve qui ont été présentés, il est possible que le frère de l’appelant, Albert Hayfron-Benjamin, ait pu utiliser le nom et le numéro d’assurance sociale (« NAS ») de l’appelant pour obtenir un emploi. Cette possibilité sera examinée plus loin ci-dessous.

II. Contexte

A. Acte de procédure

[3]             L’avis d’appel exceptionnellement bref de l’appelant ne contient aucun détail sur les circonstances factuelles du contexte entourant la nouvelle cotisation et n’indique pas l’objet du litige ou la raison pour laquelle l’appel a été interjeté. Cependant, il semble que l’appelant ait joint à son avis d’appel une copie de l’avis de confirmation que lui a envoyé l’ARC le 2 décembre 2013. Les troisième et quatrième paragraphes de l’avis de confirmation se lisent comme suit :

[traduction]
Votre objection repose sur votre allégation voulant que vous n’ayez pas travaillé pour D & H Partnership [sic] en 2011 et que, par conséquent, la somme de 5 759 $ ajoutée à votre déclaration de revenus au titre d’un revenu d’emploi est incorrecte. Vous contestez également la pénalité de 576 $ imposée par le gouvernement fédéral pour omission et les intérêts de 77 $ sur les arriérés.

L’examen des faits et des documents soumis montre que, selon l’information reçue de D & H Partnership [sic], vous avez bel et bien travaillé pour cette entreprise du 6 juillet 2009 au 1er mars 2011. En conséquence, le revenu d’emploi inscrit sur le T4 émis par D & H Partnership [sic] doit être inclus dans le revenu d’emploi, selon l’article 5 de la Loi sur l’impôt sur le revenu.

[4]             Le feuillet T4 de 2011 (État de la rémunération payée) relativement au revenu non déclaré a été émis au nom de l’appelant par D+H. L’appelant n’a pas soumis le T4 original; il a plutôt soumis une reproduction (onglet 6 de la pièce R‑1), laquelle reflète l’information contenue sur le feuillet T4 original. Cette reproduction ne montre pas l’adresse complète de l’employé, mais seulement un code postal. Le code postal indiqué sur le feuillet T4 reproduit est J8X 1A7, ce qui correspond à une adresse à Gatineau, au Québec, ce dont nous parlerons plus tard.

B. Assignation à témoigner

[5]             Dans une lettre transmise à la Cour par télécopieur le 29 octobre 2014, l’appelant mentionne qu’il a tenté sans succès d’obtenir de l’information de D+H concernant son feuillet T4 pour 2011 et les dépôts bancaires relativement au revenu d’emploi indiqué sur ce feuillet T4. Il demandait à la Cour de signifier une assignation à comparaître à D+H. La Cour a remis à l’appelant une assignation à comparaître en lui indiquant qu’il lui incombait à lui, et non à la Cour, de signifier une assignation à comparaître.

[6]             Il semble que l’appelant ait éprouvé des difficultés à obtenir de D+H les documents dont il avait besoin[3]. En conséquence, le 24 septembre 2015, il a déposé un avis de requête afin d’obtenir une ordonnance enjoignant D+H de fournir ses dossiers d’emploi et l’information sur les dépôts directs. Le 8 octobre 2015, l’avocat de l’intimée a envoyé une lettre à la Cour indiquant à l’appelant que la manière appropriée d’obtenir les documents désirés de D+H était par voie d’assignation à comparaître. Le 9 octobre 2015, la Cour a émis une ordonnance en vue d’accueillir la requête et demandant à l’appelant de citer D+H à comparaître, afin qu’il puisse obtenir les documents souhaités. Par la suite, D+H a fourni les documents à l’appelant sous forme de fichier auto-décompactable, qui ne pouvait pas être ouvert. Conscient de la difficulté persistante de l’appelant et de son désir de s’assurer qu’un représentant de D+H serait présent au procès, lequel s’est déroulé à Halifax, l’avocat de l’intimée a cité à comparaître Anna Di Pardo, qui était gestionnaire de la paye au service des finances de D+H. Comme Mme Di Pardo habite et travaille à Toronto ou dans les environs, des mesures ont été prises pour obtenir son témoignage par vidéoconférence.

[7]             Comme Mme Di Pardo témoignait par vidéoconférence à partir de Toronto, il a été décidé qu’elle serait le premier témoin appelé à la barre. En outre, comme c’est l’avocat de l’intimée qui avait envoyé l’assignation à comparaître à Mme Di Pardo, il a été décidé que l’interrogatoire de Mme Di Pardo serait effectué par cet avocat.

C. Détails sur l’emploi

[8]             Dans son témoignage, Mme Di Pardo a déclaré que D+H se spécialise dans l’impression de chèques et les technologies logicielles. En 2009, D+H a fait l’acquisition de Resolve Corporation (« Resolve »), une entreprise œuvrant dans un domaine semblable. Même s’il n’y a pas de preuves détaillées à ce chapitre, il semble qu’en 2009 ou après 2009, la société Resolve ait été intégrée à D+H. En 2009 et en 2010, Resolve avait émis les feuillets T4 de l’appelant, tandis qu’en 2011, c’est D+H qui l’avait fait. Selon le contexte, certaines des références à D+H dans les présents motifs doivent être lus comme étant également des références à Resolve.

[9]             Mme Di Pardo a déclaré qu’au moment de préparer son témoignage, elle avait passé en revue le dossier de paye de l’employé nommé Jonathan Hayfron‑Benjamin[4]. Lorsqu’elle a présenté son témoignage, elle avait en main une version imprimée de ce dossier. Mme Di Pardo a expliqué que, selon les documents contenus dans le dossier de paye, Jonathan Hayfron-Benjamin était entré au service de Resolve le 6 juillet 2009. Au cours de son témoignage, Mme Di Pardo a décrit et expliqué les documents relatifs à l’entrée en fonction contenus dans le dossier de paye de M. Hayfron-Benjamin. Ces documents incluent :

a)            une lettre d’emploi, datée du 30 juin 2009, qui a été imprimée sur le papier à en-tête de Resolve et qui est adressée à :

Jonathan Hayfron-Benjamin

##-# Henri-Gauthier, App. #[5]

Gatineau (Québec)

J8X 1A7

(Onglet 10 de la pièce R-1);

b)           les quatre premières des cinq pages du contrat de travail intervenu entre Resolve et Jonathan Hayfron-Benjamin (onglet 11 de la pièce R-1);

c)            une série de règles, datées du 6 juillet 2009, visant l’utilisation de téléphones cellulaires, la consommation de boissons, l’assiduité et la ponctualité, ainsi que le code vestimentaire (onglet 12 de la pièce R-1);

d)           une entente concernant la carte de sécurité, datée du 6 juillet 2009, (onglet 13 de la pièce R-1);

e)            une entente visant l’information confidentielle et les droits de propriété, datée du 6 juillet 2009 (onglet 14 de la pièce R-1);

f)             une entente de bonne conduite de l’employé, datée du 6 juillet 2009, (onglet 15 de la pièce R-1);

g)            une entente concernant la carte à bande magnétique, datée du 6 juillet 2009, (onglet 16 de la pièce R-1);

h)           une Déclaration des crédits d’impôt personnels fédéraux et provinciaux (onglets 17 et 18 de la pièce R-1);

i)              un formulaire de dépôt bancaire direct (le « formulaire de dépôt direct ») (onglet 19 de la pièce R-1).

(Dans les présents motifs, je référerai aux documents énumérés ci-dessus sous l’expression « documents d’emploi ».)

D. Signatures sur certains documents d’emploi

[10]        À l’exception du formulaire de dépôt direct, tous les documents d’emploi renvoient à un employé dont le nom est indiqué sous le patronyme « Jonathan Hayfron-Benjamin » et qui, sur certains de ces documents, y compris le formulaire de dépôt direct, porte le numéro de dossier d’employé ######[6]. De nombreux documents d’emploi portent la signature de l’employé; cependant, les signatures sur les divers documents ne sont pas exactement les mêmes. Même s’il semble que celles-ci puissent être de la main de la même personne, elles ne paraissent pas identiques. Dans les signatures de l’employé sur la lettre d’emploi (onglet 10 de la pièce R-1), sur la série de règles (onglet 12 de la pièce R-1), sur l’entente concernant la carte de sécurité (onglet 13 de la pièce R-1) et sur l’entente visant l’information confidentielle et les droits de propriété (onglet 14 de la pièce R-1), les lettres « JAHB » semblent en partie encerclées par une ligne de forme ovale, s’étendant généralement du « B » et s’élevant, au-dessus et autour de certaines ou de la totalité des quatre lettres. L’aspect curieux de cette version des signatures réside dans l’inclusion de la lettre « A » dans la signature, car cette lettre ne semble pas être l’une des initiales de l’appelant. Pour ce qui est des signatures sur l’entente de bonne conduite de l’employé (onglet 15 de la pièce R01) et de l’entente concernant la carte à bande magnétique (onglet 16 de la pièce R-1), les lettres « JHB » semblent encerclées par une ligne de forme ovale et, dans les deux cas, s’étendent du « B » et s’élèvent, au-dessus et autour de certaines ou de la totalité des trois lettres. Cependant, le « J » ne semble pas être le même. Comme aucun expert en écriture n’a été cité à comparaître, on peut se demander si les documents ont été signés ou non par la même personne et si la personne qui a signé ces documents est véritablement l’appelant.

[11]        Les Déclarations des crédits d’impôt personnels fédéraux et provinciaux (onglets 17 et 18 de la pièce R-1) ne sont pas signées. En fait, il n’est pas nécessaire de signer les formulaires prescrits pour ces deux déclarations. La signature sur le formulaire de dépôt direct est examinée ci-après.

E. Initiales sur le contrat de travail

[12]        Le contrat de travail (dont les quatre premières des cinq pages forment l’onglet 11 de la pièce R-1) constitue une curiosité. Il s’agit d’un contrat-type standard, dont la notation des pages dans le coin inférieur gauche de chaque page précise qu’il s’agit de la page 1 de 5, de la page 2 de 5, et ainsi de suite. La copie fournie par Mme Di Pardo contient uniquement les pages 1 à 4. Elle a expliqué que la page 5 (qui n’a pas été présentée) renferme les signatures des parties. Elle n’a pas pu expliquer pourquoi la page 5 n’a pas été soumise à la Cour. Dans le coin inférieur droit des pages 1 à 4, on trouve une petite ligne sur laquelle l’employé ou l’employée doit apposer ses initiales. Les initiales qui figurent sur les pages 2, 3 et 4 semblent être « JHB ». Toutefois, le style des initiales sur ces trois pages varie d’une page à l’autre. En fait, le « J » sur chacune de ces trois pages diffère nettement du « J » sur les deux autres pages. Les initiales dans le bas de la page 1 semblent comporter un « J » assez semblable (mais pas absolument identique) au « J » dans le bas de la page 3, suivi d’une espace, puis des initiales « AHB ». Comme il est mentionné ci-dessus, aucun expert en écriture n’a témoigné à ce procès; par conséquent, je ne peux tirer aucune conclusion de ces initiales. Néanmoins, il me semble curieux que les initiales sur les quatre pages semblent différer d’une page à l’autre. Toutefois, cette observation pourrait ne mener nulle part, car il est certainement admissible et il n’est pas rare qu’une personne appose ses initiales de plusieurs manières différentes.

F. Déclarations des crédits d’impôt personnels

[13]        Mme Di Pardo a identifié une déclaration de crédits d’impôt personnels pour 2009 (formulaire TD1) (onglet 17 de la pièce R-1) visant un employé nommé Jonathan Hayfron-Benjamin, résidant au ##-# Henri-Gauthier [sic] et dont le NAS indiqué est ###-###-###[7]. Elle a également identifié un document assez semblable, soit une Déclaration des crédits d’impôt personnels de l’Ontario pour 2009 (formulaire TD1ON) (onglet 18 de la pièce R-1). Ce document indique également XX ## 19## comme date de naissance[8]. En contre-interrogatoire, l’appelant a admis que le NAS indiqué sur les deux Déclarations des crédits d’impôt personnels était le sien.

G. Formulaire de dépôt direct

[14]        Mme Di Pardo a identifié un document (défini ci-dessus comme étant un « formulaire de dépôt direct ») (onglet 19 de la pièce R-1), intitulé « Pre‑Authorized Payment Service Notice of Change of Bank Account » (avis de changement de compte bancaire aux fins du service de paiement préautorisé), lequel a été émis pour autoriser le dépôt direct des revenus d’emploi de l’employé dont le numéro de dossier d’employé était ######[9], lequel, selon Mme Di Pardo, était le numéro de dossier d’employé attribué par D+H à Jonathan Hayfron‑Benjamin. Ces revenus d’emploi devaient être déposés à une succursale de la Banque Scotia située près de l’Université Carleton, à Ottawa, en Ontario. Le formulaire de dépôt direct autorisait le dépôt des paiements au compte numéro ############[10]. Sur le formulaire de dépôt direct, le nom du titulaire du compte est « M. A Hayfron-Benjamin », tandis que le nom du client est « Albert Hayfron-Benjamin »[11].

[15]        L’adresse du client de la banque (c.-à-d. Albert Hayfron-Benjamin), telle qu’elle est indiquée à la main sur le formulaire de dépôt direct, est le ##-# Henri‑Gauthier[12], laquelle est la même adresse que celle qui figure sur la lettre d’emploi et sur les deux Déclarations des crédits d’impôt personnels. Il est difficile de dire si le code postal écrit à la main est J8X 1A7 ou J8X 7A7. Néanmoins, il semble que les documents d’emploi indiquent la même adresse pour Jonathan Hayfron-Benjamin et pour Albert Hayfron-Benjamin.

[16]        Sur le formulaire de dépôt direct, l’espace sous l’adresse du client comprend une ligne de signature sous laquelle se trouve un astérisque devant le terme « signature ». Une note de bas de page référant à l’astérisque indique : « La présente autorisation doit être signée conformément au pouvoir de signature requis pour effectuer des opérations visant le compte bancaire. » Cette note indique que c’est le client de la banque qui doit signer le document. Une partie, et non la totalité, des éléments de la signature du client au bas du formulaire de dépôt direct ressemble légèrement (mais n’est pas identique) à la signature de l’employé sur l’entente de bonne conduite de l’employé (onglet 15 de la pièce R-1) et sur l’entente concernant la carte à bande magnétique (onglet 16 de la pièce R-1). Toutefois, il est difficile de déterminer si la première lettre de la signature sur le formulaire de dépôt direct est un « A », un « J » ou une autre lettre. En l’absence du témoignage d’un expert en écriture, je n’accorde pas de poids à la signature sur le formulaire de dépôt direct, sauf pour mentionner qu’il est difficile de déterminer qui a signé ce document.

[17]        En interrogatoire direct, Mme Di Pardo a déclaré que D+H n’obligeait pas les employés à faire déposer leurs chèques de paye directement dans un compte bancaire à leur nom. Elle a précisé, qu’au contraire, un employé pouvait faire déposer ses chèques de paye dans le compte bancaire de son choix. Cependant, rien n’indique dans le témoignage de Mme Di Pardo ou dans l’interrogatoire direct de Mme Di Pardo par l’avocat de l’intimée ou dans le contre-interrogatoire de l’appelant que Jonathan Hayfron-Benjamin avait donné des instructions pour que ses chèques de paye soient déposés dans le compte bancaire d’Albert Hayfron‑Benjamin.

H. Signatures sur les Demandes de redressement d’une T1

[18]        L’appelant a utilisé le service IMPÔTEL de l’ARC pour soumettre ses déclarations de revenus pour les années 2009, 2010 et 2011. Au cours de son témoignage, il a déclaré que, chaque année, il éprouvait des problèmes lorsqu’il soumettait ses déclarations de revenus, parce qu’il avait de multiples employeurs et que ce service ne lui permettait pas d’entrer de multiples feuillets T4. En conséquence, chaque année, après avoir soumis sa déclaration de revenus, il remplissait et soumettait une Demande de redressement d’une T1 (individuellement, une « demande de redressement »), dans laquelle il donnait les détails de ses revenus additionnels et les déductions connexes qui ne figuraient pas dans ses déclarations transmises par le service IMPÔTEL. Chaque demande de redressement était datée et signée par l’appelant. Les signatures sur les trois demandes de redressement (onglets 1, 3 et 5 de la pièce R-1) semblent être les initiales « JHB » entourées étroitement d’une ligne de forme ovale, qui n’est généralement pas aussi allongée que la ligne de forme ovale qui entoure les documents d’emploi mentionnés ci-dessus. De plus, les signatures sur les trois demandes de redressement comptent quelques lignes de plus de part et d’autre des trois initiales que les signatures sur les documents d’emploi. Comme aucune preuve d’écriture n’a été présentée à l’audience, je n’ai tiré aucune conclusion de mes observations sur les signatures figurant sur les demandes de redressement.

I. Identification de l’employé

[19]        En contre-interrogatoire, Mme Di Pardo a déclaré qu’elle n’avait jamais rencontré Jonathan Hayfron-Benjamin et qu’elle n’avait jamais vu de photo d’une personne de ce nom qui était à l’emploi de D+H. En conséquence, elle ne pouvait pas confirmer que Jonathan Hayfron-Benjamin, qui est l’appelant dans la présente instance, est le Jonathan Hayfron-Benjamin qui était à l’emploi de D+H. Elle a également mentionné que la seule information à sa disposition relativement à cette affaire était ce qu’elle pouvait voir dans les dossiers de paye de D+H relativement à Jonathan Hayfron-Benjamin.

J. Heures et lieu de travail

[20]        Mme Di Pardo a été incapable de fournir des détails sur les heures précises pendant lesquelles M. Hayfron-Benjamin travaillait, et ce, même si elle avait mentionné qu’aux termes de son entente, il devait travailler 37,5 heures par semaine. Elle a expliqué que certains employés de D+H travaillent dans les locaux de D+H sous la surveillance de l’entreprise, tandis que d’autres travaillent à leur domicile. Elle a mentionné qu’elle ne croyait pas que M. Hayfron-Benjamin travaillait à son domicile. Mme Di Pardo a ajouté que des cartes de sécurité étaient remises aux employés, y compris à M. Hayfron-Benjamin, afin de leur permettre l’accès à l’édifice dans lequel se trouvaient les installations de D+H; ce facteur ne permet pas de dire que M. Hayfron-Benjamin travaillait dans les locaux de Resolve ou de D+H à Ottawa[13], et non pas à son domicile. L’entente concernant la carte à bande magnétique (onglet 16 de la pièce R-1) indique que Resolve avait, dans le cadre de ses procédures de paye automatisées, un système de gestion du temps et des présences, lequel servait à assurer le suivi des heures travaillées chaque semaine par les employés. L’entente concernant la carte à bande magnétique rappelait aux employés de glisser leur carte à bande magnétique chaque jour à leur arrivée et à leur départ, afin d’éviter les erreurs dans leur rémunération. Cette consigne confirme également la proposition voulant que M. Hayfron-Benjamin ait travaillé dans les locaux de Resolve ou de D+H à Ottawa et non à son domicile.

K. Résidence de l’appelant

[21]        Une fois le témoignage de Mme Di Pardo terminé, l’appelant a témoigné. Au cours de son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il habitait à Halifax depuis 2007 et qu’entre 2007 et la date de l’audience, il avait occupé divers emplois à plein temps et à temps partiel et qu’il avait également fréquenté un établissement d’enseignement postsecondaire à Halifax ou à Dartmouth. Il a déclaré qu’il n’avait jamais habité au ##-# Henri-Gauthier, à Gatineau au Québec[14] et qu’il n’avait pas habité à Ottawa depuis 2007, mais qu’il avait habité à divers endroits dans la région d’Ottawa (notamment à Orleans et à Hull) pendant un certain nombre d’années avant de déménager à Halifax, en 2007.

III. Analyse

A. Explication de l’appelant

[22]        L’appelant a affirmé qu’il n’a jamais travaillé pour Resolve ou pour D+H.

[23]        Il n’a pas pu expliquer précisément comment D+H avait émis un feuillet T4 à son nom en 2011; il a seulement laissé entendre qu’il était victime de vol d’identité. L’appelant a déclaré avoir perdu sa carte d’assurance sociale en 2003. Il en avait signalé la perte à Service Canada et à la GRC. Après enquête, Service Canada l’avait informé que l’on n’avait pas trouvé de preuve que son NAS était utilisé de manière frauduleuse. À ce que l’appelant sache, la GRC n’avait pas porté d’accusation contre qui que ce soit relativement à l’utilisation frauduleuse de son NAS.

[24]        J’éprouve certaines difficultés relativement à cette question, car l’appelant avait adopté la même position lors d’une procédure antérieure[15]; cependant, lors de cette procédure le juge Boyle avait conclu que l’appelant n’était pas un témoin crédible. En outre, même s’il semble que le NAS de l’appelant ait pu être utilisé par une autre personne dans le but d’obtenir un emploi, celui-ci n’a pas demandé à Service Canada d’entreprendre une enquête à ce sujet.

B. Signatures

[25]        Au cours de l’interrogatoire direct et du contre-interrogatoire de l’appelant, ni l’un ni l’autre des avocats ne lui ont demandé s’il pouvait identifier les documents d’emploi ou s’il avait signé l’un ou l’autre de ces documents. En réponse à l’une de mes questions, après son interrogatoire par les deux avocats, l’appelant a déclaré que la signature au bas de la deuxième page de la lettre d’emploi n’était pas sa signature. En y repensant, j’aurais dû parcourir avec l’appelant les autres documents d’emploi pour lui demander s’il les avait signés ou paraphés. Cependant, ne voulant pas intervenir excessivement dans l’interrogatoire de l’appelant[16], j’ai évité de le faire.

[26]        J’ai ensuite demandé à l’appelant de se reporter à la demande de redressement pour l’année 2009 (onglet 1 de la pièce R-1). L’appelant a confirmé qu’il avait soumis ce formulaire et que la signature dans le bas du formulaire était sa signature. Je ne l’ai pas interrogé au sujet des signatures sur les demandes de redressement pour 2010 et 2011.

C. Lien entre Jonathan et Albert

[27]        J’ai appris que Jonathan Hayfron-Benjamin et Albert Hayfron-Benjamin sont deux frères seulement vers la fin de l’audience. Il aurait été utile pour moi si les avocats avaient demandé à l’appelant, au cours de l’interrogatoire direct ou du contre-interrogatoire, s’il (c.-à-d. l’appelant) connaissait Albert Hayfron-Benjamin, qui est le client nommé sur le formulaire de dépôt direct[17]. Lorsque je l’ai interrogé à ce sujet, l’appelant a simplement déclaré qu’il connaissait Albert Hayfron‑Benjamin. Lorsque je lui ai demandé qui était Albert, l’appelant a simplement indiqué qu’il était un parent. J’ai dû poser deux autres questions avant qu’on me dise finalement qu’Albert est le frère de l’appelant. J’étais déçu que cette information soit divulguée seulement après plusieurs questions de ma part et qu’elle n’ait pas été fournie par l’appelant au cours de son interrogatoire principal. J’ai eu l’impression que l’on ne me disait pas tout.

[28]        Après avoir posé quelques questions à l’appelant, j’ai permis à l’avocat de l’appelant et à l’avocat de l’intimée d’interroger à nouveau l’appelant, à la condition que leurs questions se rapportent aux réponses que l’appelant avait données à mes questions. L’avocat de l’intimée a demandé à l’appelant si son frère, Albert, avait légalement le droit de travailler au Canada en 2011. J’ai trouvé les réponses de l’appelant plutôt évasives, bien que cela puisse s’expliquer simplement par le fait que l’appelant ignorait la réponse à la question, ce qu’il a déclaré par la suite. En réponse à la question de suivi posée par l’avocat de l’intimée, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas fourni son NAS à Albert pour lui permettre d’obtenir un emploi.

D. Aucune plaidoirie ni aucun témoignage de vive voix concernant le détournement de la rémunération

[29]        Au cours du témoignage de l’appelant, personne ne lui a demandé, ni lors de son interrogatoire direct, ni en contre-interrogatoire, s’il avait consenti à ce que sa rémunération payable par Resolve ou par D+H soit déposée dans un compte de la Banque Scotia, comme l’indique le formulaire de dépôt direct. Il aurait été utile pour moi si les avocats avaient posé cette question à l’appelant[18]. Toutefois, c’est peut-être sans importance, puisqu’au paragraphe 12 de la réplique, le sous‑procureur général du Canada, a déclaré, au nom de l’intimée, qu’il s’appuyait sur les paragraphes 5(1) et 163(1) de la LIR. Donc, le sous-procureur général du Canada ne s’appuie pas sur le paragraphe 56(2) de la LIR. En outre, comme l’indiquent les alinéas 10f), g) et h) de la réplique, le ministre a supposé les faits suivants :

f)         D+H versait à l’appelant un salaire toutes les deux semaines au moyen de dépôts directs.

g)         Au cours de l’année d’imposition 2011, l’appelant a touché un revenu d’emploi de 5 759 $ de D+H.

h)         Au moment de soumettre sa déclaration T1 et sa demande de redressement d’une T1 pour l’année d’imposition 2011, l’appelant a omis d’inclure le revenu d’emploi de 5 759 $ reçu de D+H.

Plus précisément, le ministre a supposé que l’appelant était rémunéré par D+H et qu’il avait reçu un revenu d’emploi de 5 759 $ de D+H. Le ministre n’a pas supposé que l’appelant avait demandé à D+H de verser ce revenu d’emploi à Albert Hayfron-Benjamin, ni que D+H avait versé le revenu d’emploi de 5 759 $ à Albert Hayfron-Benjamin avec l’accord de l’appelant. Par conséquent, je ne crois pas que l’intimée a jeté les bases de l’application du paragraphe 56(2) de la LIR.

De plus, le nom de l’appelant ne figure pas sur le formulaire de dépôt direct. Le seul lien possible entre le formulaire de dépôt direct et l’appelant est le numéro d’employé assigné par Resolve à la personne qui était employée sous le nom de Jonathan Hayfron-Benjamin. Comme il est mentionné ci-dessus, à première vue, le formulaire de dépôt direct semble exiger la signature du client de la banque (on suppose le titulaire du compte), et non la signature de l’employé. Par conséquent, rien n’indique que Jonathan Hayfron-Benjamin a signé le document. La signature sur ce formulaire pourrait fort bien être celle d’Albert Hayfron-Benjamin.

E. Crédibilité

[30]        J’hésite à m’appuyer sur le témoignage de l’appelant parce que, lors d’une comparution antérieure devant cette Cour, il n’a pas été considéré comme un témoin crédible[19] et parce que j’ai trouvé que certaines des réponses qu’il a données lors de l’audience devant moi étaient loin d’être directes, tandis que d’autres étaient évasives.

[31]        J’accorde davantage de confiance à la preuve documentaire qui a été fournie. Certains des documents, qui sont récapitulés ci-après, indiquent que l’appelant habitait dans la région de Halifax-Dartmouth depuis 2007 :

a)            Un document de deux pages, lequel se trouve sous l’onglet 6 de la pièce A-1, est constitué d’une série de sept petites cases rectangulaires, numérotées de la page 3 de 9 à la page 9 de 9 et est intitulé « Adresse postale d’identification individuelle »; toutes semblent faire partie d’un dossier historique informatisé des adresses postales de l’appelant et montrent que l’appelant a eu diverses adresses postales en Ontario entre le 15 avril 2004 et le 11 juin 2007, ainsi que plusieurs adresses postales à Halifax ou Dartmouth entre le 12 juin 2007 et le 23 octobre 2009, cette dernière date étant la plus récente sur le document. Le document sous l’onglet 6 de la pièce A-1 n’inclut pas les pages 1 et 2, lesquelles couvraient sans doute les périodes subséquentes au 23 octobre 2009. Ce document n’indique pas l’adresse postale de l’appelant en 2011, et encore moins son adresse domiciliaire en 2011, mais il confirme le témoignage de l’appelant voulant qu’il ait quitté Ottawa pour aller habiter à Halifax en 2007.

b)           Une lettre datée du 27 mai 2013 (sous l’onglet 1 de la pièce A-1) de Melanie Neville, chargée des ressources humaines au sein d’Aditya Birla Minacs (« Minacs ») à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, indique que l’appelant y occupait alors un emploi à plein temps et qu’il était à l’emploi de cette entreprise depuis le 4 août 2009. La lettre indique également l’adresse de l’appelant, laquelle est identique à la plus récente adresse mentionnée sur le document Adresse postale d’identification individuelle sous l’onglet 6 de la pièce A-1. Mme Neville n’a pas comparu à l’audience pour confirmer le contenu de sa lettre. J’admets que le contenu de sa lettre constitue une preuve par ouï-dire; cependant, comme la présente audience fait suite à une procédure informelle, la Cour n’est pas liée par les règles juridiques et techniques de la preuve lors de la tenue d’une audience[20]. En outre, le fait que l’adresse qui figure dans la lettre que Mme Neville a envoyée à l’appelant est identique à la plus récente adresse sur le document Adresse postale d’identification individuelle offre un élément de corroboration et de fiabilité.

c)            Une lettre datée du 25 juillet 2012 (onglet 2 de la pièce A-1) de Debra Shea, adjointe administrative au Institute of Technology Campus of Nova Scotia Community College, confirme que l’appelant a obtenu un diplôme de cet établissement d’enseignement le 18 juillet 2012. Cette lettre est également une preuve par ouï-dire; cependant, dans le contexte du paragraphe 18.15(3) de la LCCI, les commentaires ci‑dessus relativement à la lettre de Mme Neville s’appliquent également ici.

d)           Les reproductions par l’ARC (onglet 2 de la pièce R-1) des feuillets T4 de 2009 (État de la rémunération payée) émis à l’appelant par Teletech Canada Inc. (« Teletech »), Convergys New Brunswick, Inc. (« Convergys ») et Minacs et le feuillet T4A pour 2009 (État du revenu de pension, de retraite, de rente ou d’autres sources) émis à l’appelant par la Compagnie d’Assurance Standard Life du Canada indiquent tous que le code postal de l’appelant est B3K 2Z5, ce qui est le code postal correspondant à son adresse à Halifax. La reproduction par l’ARC du feuillet T4 pour 2009 émis au nom de Jonathan Hayfron-Benjamin par Resolve indique J8X 1A7 comme code postal, ce qui est le code postal de l’adresse à Gatineau qui figure sur la lettre d’emploi et sur les deux Déclarations des crédits d’impôt personnels, et qui peut être le code postal de l’adresse d’Albert Hayfron-Benjamin qui est indiquée sur le formulaire de dépôt direct. Curieusement, les reproductions par l’ARC du feuillet T4 et du feuillet T4A pour 2009 émis au nom de Jonathan Hayfron-Benjamin par J2 Global Canada Inc. (« J2 ») indiquent le code postal J8X 1A8, lequel est semblable, mais non identique, au code postal de l’adresse à Gatineau qui est mentionnée ci‑dessus. Les feuillets T4 émis par TeleTech, Convergys et Minacs indiquent que la province d’emploi est la Nouvelle-Écosse, tandis que les feuillets T4 émis par Resolve et J2 montrent que la province d’emploi est l’Ontario.

e)            Les reproductions par l’ARC (onglet 4 de la pièce R-1) des feuillets T4 pour 2010 qui ont été remis à l’appelant par Convergys et Minacs indiquent que le code postal de l’appelant est B3K 2Z5, ce qui correspond au code postal de son adresse à Halifax. Les reproductions par l’ARC des feuillets T4 pour 2010 envoyés à l’appelant par le gouvernement du Canada indiquent B3K 5X5 comme code postal, ce qui est un code postal non identifié pour une adresse à Halifax ou dans les environs. Les feuillets T4 émis par Convergys et Minacs indiquent que la province d’emploi est la Nouvelle-Écosse. Pour 2010, le gouvernent du Canada a émis deux feuillets T4 au nom de l’appelant; l’un indique la Nouvelle-Écosse comme province d’emploi, tandis que l’autre indique l’Ontario comme province d’emploi; néanmoins, les deux feuillets T4 indiquent que le code postal est B3K 5X5, ce qui, comme il est mentionné ci-dessus, semble correspondre à une adresse à Halifax ou dans les environs[21]. En outre, Resolve a émis un feuillet T4 pour 2010 au nom de Jonathan Hayfron-Benjamin. Sur la reproduction par l’ARC de ce feuillet T4, le code postal est J8X 1A7, ce qui semble correspondre à l’adresse d’Albert Hayfron-Benjamin à Gatineau. Le feuillet T4 de Resolve indique que la province d’emploi est l’Ontario.

f)             La reproduction par l’ARC du feuillet T4 (onglet 6 de la pièce R-1) émis au nom de Jonathan Hayfron-Benjamin par D+H pour 2011 indique que la province d’emploi est l’Ontario et que le code postal de l’employé est J8X 1A7, ce qui semble correspondre à l’adresse d’Albert Hayfron-Benjamin à Gatineau, au Québec.

g)            La reproduction par l’ARC du formulaire Income Tax Return Information-Regular (renseignements relatifs à la déclaration de revenus) de l’appelant pour 2010 (onglet 8 de la pièce A-1) indique que l’adresse de l’appelant est le 2515, rue Brunswick, app. 5, Halifax (Nouvelle-Écosse)  B3K 2Z5. Une cotisation pour cette déclaration a été établie le 2 mai 2011, ce qui donne à penser que la déclaration de revenus avait été soumise entre le 1er janvier 2011 et le 1er mai 2011.

En faisant référence aux documents mentionnés ci-dessus, je souhaite démontrer que, sauf les feuillets T4 émis par Resolve, D+H et J2, ainsi que l’un des deux feuillets T4 émis par le gouvernement du Canada pour 2010, les documents mentionnés ci-dessus indiquent que l’appelant avait une adresse à Halifax, ou dans la région, entre le 12 juin 2007 et le 2 mai 2011, et un lieu d’emploi en Nouvelle‑Écosse approximativement au cours de la même période. Ce fait est important parce que Mme Di Pardo a déclaré que, selon la lettre d’emploi de Jonathan Hayfron-Benjamin, celui-ci ne travaillait pas à son domicile. Il s’ensuit que la personne employée sous ce nom travaillait à l’établissement de D+H à Ottawa et non à son domicile.

[32]        J’ai trouvé le témoignage de Mme Di Pardo clair, crédible et fiable. Sa déclaration selon laquelle D+H versait la rémunération en question dans le compte bancaire d’Albert Hayfron-Benjamin, puisque c’est le compte mentionné sur le formulaire de dépôt direct, est particulièrement importante aux fins du présent appel.

F. Résolution

[33]        Selon les éléments de preuve offerts par Mme Di Pardo et ceux contenus dans le formulaire de dépôt direct, il est clair que la rémunération payée par D+H en 2011 a été déposée dans un compte bancaire dont Albert Hayfron-Benjamin et non l’appelant était le titulaire. En outre, il n’existe aucune allégation, aucun plaidoyer ou aucune preuve concluante que Jonathan Hayfron-Benjamin a demandé à D+H de verser la rémunération qu’il avait de toute évidence gagnée à Albert Hayfron‑Benjamin[22].

[34]        Lorsque j’ai passé en revue les signatures dans le bas de chaque document d’emploi, il m’a semblé, en dépit de mon manque d’expérience dans le domaine de la graphologie, que les signatures ne sont pas toutes pareilles. De plus, en comparant les signatures sur les documents d’emploi à celles qui apparaissent sur les demandes de redressement, là encore il m’a semblé, en dépit de mon manque d’expérience en tant qu’expert, que certaines signatures sur les documents d’emploi comportent des similitudes, mais elles ne sont pas identiques à celles que l’on trouve sur les demandes de redressement. Cela me porte à croire qu’il se peut qu’une personne qui utilisait frauduleusement le NAS de l’appelant ait contrefait sa signature sur les documents d’emploi. À ce chapitre, le témoignage d’un expert en écriture aurait été utile pour moi. En l’absence d’un tel témoignage et compte tenu du fait qu’il ne m’appartient pas de conclure à une fraude en l’absence de preuves suffisantes, je ne fonde pas ma décision sur les divergences apparentes dans les signatures.

[35]        Ayant pris en considération les témoignages de vive voix, particulièrement celui de Mme Di Pardo, et ayant passé en revue les éléments de preuve documentaire, particulièrement le formulaire de dépôt direct, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant n’a pas reçu une rémunération de 5 759,66 $ de la part de D+H en 2011. Comme le concept de « l’employé qui reçoit doit être imposé » est un principe fondamental de l’imposition du revenu d’emploi[23] et qu’il n’existe aucune allégation, aucun plaidoyer, aucune supposition ou aucune preuve concluante[24] que l’appelant ait demandé à D+H de verser sa rémunération à Albert Hayfron-Benjamin ou que l’appelant ait donné son accord pour qu’il en soit ainsi[25], j’ai conclu que la rémunération de 5 759,66 $ ne doit pas être incluse dans le calcul du revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2011[26].

[36]        En examinant le feuillet T4 (onglet 6 de la pièce R-1) émis par D+H au nom de Jonathan Hayfron-Benjamin pour 2011, je remarque que D+H a prélevé sur la rémunération l’impôt sur le revenu de 619,66 $, les cotisations de l’employé au Régime de pensions du Canada de 245,11 $ et les cotisations de l’employé à l’assurance-emploi de 102,39 $. Par conséquent, en dépit de la conclusion que j’ai tirée, je suis convaincu que l’impôt sur le revenu et les autres retenues à la source ont été prélevés sur la rémunération en question et ont possiblement été versés à l’ARC au nom du receveur général du Canada[27].

[37]        En vertu du paragraphe 163(3) de la LIR, le fardeau d’établir les faits justifiant l’imposition d’une pénalité de 576 $ en vertu du paragraphe 163(1) de la LIR incombe au ministre. Comme j’ai conclu que l’appelant n’a pas reçu la rémunération de 5 759,66 $ versée par D+H en 2011, il s’ensuit qu’il n’a pas omis de l’inclure dans sa déclaration de revenus pour 2011. En conséquence, le ministre doit établir les faits requis pour justifier l’imposition d’une pénalité.

IV. Conclusion

[38]        Pour les motifs énoncés ci-dessus, l’appel est accueilli et la nouvelle cotisation est déférée au ministre pour un nouvel examen et une nouvelle cotisation au motif que la rémunération de 5 759,66 $ versée par D+H pour la période s’étendant du 1er janvier 2011 au 1er mars 2011 ne doit pas être incluse dans le calcul du revenu de l’appelant et la pénalité de 576 $, imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la LIR doit être annulée.

[39]        Comme j’ai trouvé que certaines des réponses de l’appelant étaient loin d’être directes, tandis que d’autres étaient évasives, je ne suis pas enclin à adjuger des dépens en l’instance.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juin 2016.

« Don R. Sommerfeldt »

Juge Sommerfeldt

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 151

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-3000(IT)I

INTITULÉ :

JONATHAN J. HAYFRON-BENJAMIN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 janvier 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Don R. Sommerfeldt

DATE DU JUGEMENT :

Le 10 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Godfred T. Chongatera

Avocat de l’intimée :

Me Gregory B. King

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Godfred T. Chongatera

 

Cabinet :

MK Justice

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]               Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, en sa version modifiée (la « LIR »).

[2]               Jonathan J. Hayfron-Benjamin c. La Reine, 2013 CCI 222, conf. par, 2015 CAF 196.

[3]               La nature de cette difficulté n’a pas été précisée. Elle pourrait être attribuée à une communication ambiguë. Rien n’indique que D+H se montrait difficile ou faisait preuve d’obstruction.

[4]               Au fil de la lecture de ces motifs, il devient apparent qu’il n’y a pas qu’un seul M. Hayfron-Benjamin. Par conséquent, j’ai employé l’expression « l’appelant » dans le contexte des références propres à la personne faisant l’objet du présent appel. J’ai généralement employé le patronyme « Jonathan Hayfron-Benjamin » ou l’expression « M. Hayfron-Benjamin » dans le contexte des références propres à la personne qui était à l’emploi de Resolve ou de D+H.

[5]               Les chiffres dans l’adresse ont été caviardés.

 

[6]               Le numéro de dossier de l’employé a été caviardé.

[7]               Les chiffres dans l’adresse et le NAS ont été caviardés. Les chiffres caviardés dans l’adresse ci-dessus sont les mêmes que ceux qui sont indiqués dans la note de bas de page 5 ci-dessus.

[8]               La date de naissance a été caviardée.

[9]               Le numéro de dossier d’employé a été caviardé. Le numéro caviardé sur le formulaire de dépôt direct est le même que celui qui est indiqué dans la note de bas de page 6 ci-dessus.

[10]             Le numéro du compte bancaire a été caviardé.

[11]             Dans une lettre datée du 1er novembre 2013 de Steve Groves, directeur de la succursale de la Banque Scotia située au 1709, rue Hollis, à Halifax, qui était adressée à l’appelant, et qui est déposée comme pièce A-2, M. Groves déclare que le numéro de compte bancaire ############ (qui a été caviardé et qui est le même que le numéro de compte mentionné dans la note de bas de page 10 ci-dessus) n’est pas au nom de l’appelant. À l’audience, l’avocat de l’intimée a mentionné que la lettre de M. Groves constitue un élément de preuve par ouï-dire. Comme le présent appel a été entendu aux termes d’une procédure informelle, j’ai accepté que la lettre soit admise comme élément de preuve; cependant, je n’y ai pas accordé beaucoup de poids, sauf pour souligner qu’elle correspond au formulaire de dépôt direct, lequel indique qu’Albert Hayfron-Benjamin est le titulaire du compte bancaire en question.

[12]             Les chiffres dans l’adresse ont été caviardés. Les chiffres caviardés dans l’adresse sont les mêmes que ceux qui sont indiqués dans les notes de bas de page 5 et 7 ci-dessus.

[13]             Le document sous l’onglet 7 de la pièce A-1 est un courriel envoyé à l’appelant par Mme Di Pardo, lequel semble avoir été envoyé en décembre 2015, qui précise que le lieu de travail est le 145, chemin Robertson, à Ottawa.

[14]             Les chiffres dans l’adresse ont été caviardés. Les chiffres caviardés dans l’adresse sont les mêmes que ceux qui sont indiqués dans les notes de bas de page 5, 7 et 12 ci-dessus.

[15]             Hayfron-Benjamin, précité, note 2.

[16]             Voir la mise en garde et la directive données par la Cour d’appel fédérale dans Heron Bay Investments Ltd. c. La Reine, 2010 CAF 203, aux paragraphes 41 et 58.

[17]             En faisant cette déclaration, j’émets simplement un commentaire sur ce qui aurait pu m’être utile au moment de trancher la présente affaire. Je ne suggère pas que cela aurait nécessairement été utile pour l’appelant ou pour l’intimée. Je reconnais que l’avocat de l’appelant et l’avocat de l’intimée avaient peut-être des raisons stratégiques (ce que je respecte) pour ne pas poser une telle question à l’appelant. Mes commentaires ne doivent pas être considérés de quelque manière que ce soit comme une critique sur la manière dont les avocats ont mené leurs interrogatoires respectifs de l’appelant.

[18]             Là encore, en émettant ce commentaire, je ne critique ni l’avocat de l’appelant, ni l’avocat de l’intimée. J’indique simplement que cette information m’aurait aidé à prendre ma décision. Je reconnais toutefois que les avocats aient pu avoir des raisons stratégiques pour ne pas poser une telle question à l’appelant.

[19]             Je reconnais que la conclusion du juge Boyle selon laquelle, lors de l’audience de 2013, l’appelant n’était pas crédible ne signifie pas nécessairement que l’appelant à l’audience de 2016 ne sera pas crédible.

[20]             Paragraphe 18.15(3) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, en sa version modifiée (la « LCCI »).

[21]             Le gouvernement du Canada a émis deux feuillets T4 à l’appelant; l’un (indiquant un revenu d’emploi de 9 882 $) montre que la province d’emploi est la Nouvelle-Écosse, tandis l’autre (indiquant un revenu d’emploi de 4 062,60 $) montre que la province d’emploi est l’Ontario. Aucune explication n’a été fournie à l’audience sur les raisons pour lesquelles le gouvernement du Canada a émis deux feuillets T4 pour 2010; cependant, je n’attendais pas d’explication, puisque le présent appel porte sur l’année d’imposition 2011 et non 2010.

[22]             Comme l’appelant a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’avait jamais travaillé pour Resolve ou pour D+H, il est évident qu’il affirmera que Resolve ou D+H ne lui ont jamais versé de rémunération.

[23]             Voir le paragraphe 5(1) de la LIR et Phillips c. La Reine, [1994] 2 CCI 2416, 95 DTC 194 (CCI), au paragraphe 18.

[24]             Si l’appelant avait signé le formulaire de dépôt direct, le paragraphe 56(2) de la LIR pourrait peut-être s’appliquer. Toutefois, le nom de l’appelant ne figure pas sur le formulaire de dépôt direct (même si un numéro d’employé correspondant au numéro assigné par Resolve à un employé nommé Jonathan Hayfron-Benjamin y figure). En outre, comme il est mentionné ci-dessus, la présentation du formulaire de dépôt direct porte à croire qu’il a été signé par le titulaire du compte bancaire (également connu comme étant le client), plutôt que par l’employé.

[25]             Bref, rien ne permet d’appliquer le paragraphe 56(2) de la LIR.

[26]             Je reconnais que ma conclusion en faveur de l’appelant, en ce qui concerne l’année d’imposition 2011, peut sembler aller à l’encontre de la conclusion qu’a tirée le juge Boyle pour les années d’imposition 2009 et 2010. Ma conclusion ne devrait pas être considérée de quelque manière que ce soit comme une critique ou une contradiction de la décision qu’a tirée le juge Boyle. Au contraire, ma conclusion constitue simplement une reconnaissance des témoignages de vive voix et de la preuve documentaire présentés par Mme Di Pardo à l’audience devant moi. Je crois comprendre que de tels éléments de preuve n’ont pas été présentés lors de l’audience devant le juge Boyle.

[27]             Si une personne a frauduleusement utilisé le NAS de l’appelant pour obtenir un emploi à D+H, l’ARC peut toujours établir une cotisation pour cette personne; voir le sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la LIR.

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