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Dossier : 2014-815(EI)

ENTRE :

ALAIN GOSSELIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

d’Alain Gosselin, 2015-358(EI),

le 1er avril 2016, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan


Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Gérald Tremblay

Avocate de l'intimé :

Me Nancy Azzi

 

JUGEMENT

        L’appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Toronto(Ontario) ce 21e jour de juin 2016.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 


Dossier : 2015-358(EI)

ENTRE :

ALAIN GOSSELIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

d’Alain Gosselin, 2014-815(EI),

le 1er avril 2016, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Gérald Tremblay

Avocate de l'intimé :

Me Nancy Azzi

 

JUGEMENT

        L’appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Toronto (Ontario) ce 21e jour de juin 2016.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 


Référence : 2016 CCI 158

Date : 20160621

Dossiers : 2014-815(EI)

2015-358(EI)

ENTRE :

ALAIN GOSSELIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

I. Introduction

[1]             Deux appels furent interjetés, sous le régime de l’assurance‑emploi, par monsieur Alain Gosselin (l’« appelant ») relativement à une décision du Ministre du Revenu national (l’« intimé ») concernant l’assurabilité de l’emploi de l’appelant.

[2]             Le 7 mars 2013, l’intimé a rendu une décision indiquant que l’appelant n’occupait pas un emploi assurable au sens de la Loi sur l’assurance-emploi[1] (la « LAE ») lorsqu’il était au service de Maçonnerie Magloire Gosselin inc. (le « payeur ») durant la période du 13 août 2012 au 21 décembre 2012. Le 4 décembre 2014, l’intimé est arrivé à la même conclusion dans une autre décision concernant la période du 4 mars 2013 au 19 décembre 2013.

II. Contexte factuel

[3]             Les parties se sont entendues sur plusieurs faits pour la période du 13 août 2012 au 21 décembre 2012, lesquels sont consignés dans l’entente partielle sur les faits déposée au greffe de la Cour, à savoir :

1.            Le 7 mars 2013, suite à une demande de décision relative à l’assurabilité d’un emploi provenant de Service Canada, un fonctionnaire autorisé de l’Agence du revenu Canada (« ARC ») a décidé que, durant la période du 13 août 2012 au 21 décembre 2012 (ci‑après « la période en litige »), l’appelant n’occupait pas un emploi assurable lorsqu’au service de Maçonnerie Magloire Gosselin inc. (ci‑après « le payeur »).

2.            Le 29 mai 2013, l’appelant fit appel de la décision du 7 mars 2013, et demanda à l’intimé de statuer sur la question de savoir s’il occupait un emploi assurable durant la période en litige, lorsqu’au service du payeur.

3.            Par lettre datée du 23 décembre 2013, l’intimé informa l’appelant de sa décision selon laquelle son emploi au service du payeur pendant la période en litige n’était pas un emploi assurable.

4.            L’appelant en appelle de cette décision.

5.                  L’appelant et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, compte tenu des faits suivants que l’intimé a tenu pour acquis, à savoir :

(a)        Le payeur est une société par actions constituée le 2 novembre 1990 en vertu de la Partie IA de la Loi sur les compagnies, L.R.Q., c. C-38.

(b)        Au cours de la période en litige, l’unique actionnaire du payeur était la société Les Investissements Transco inc.

(c)        L’unique actionnaire de la société Les Investissements Transco inc. est madame Lynn Dubois.

(d)       Madame Lynn Dubois est l’épouse de l’appelant.

6.                  Le payeur opère une entreprise de travaux de maçonnerie dans le domaine de la construction résidentielle, commerciale et industrielle.

7.                  Le conseil d’administration du payeur est constitué de cinq administrateurs : l’appelant, Sylvain Gosselin et Richard Gosselin, qui sont les frères de l’appelant, ainsi que Thierry Gosselin et Kevin Gosselin, qui sont les fils de l’appelant.

8.                  L’appelant travaille pour le payeur depuis 1990 en vertu d’un contrat de travail verbal conclu dans la province de Québec.

9.                  L’appelant travaille pour le payeur principalement à titre de maçon.

10.              L’appelant se charge également de l’achat de matériaux et d’aller chercher d’autres travailleurs pour les amener sur les chantiers.

11.              L’appelant possède une carte de compétence de la Commission de la construction du Québec (ci-après, la « CCQ ») à titre de compagnon maçon.

12.              L’appelant était le répondant pour le payeur auprès de la Régie du bâtiment du Québec pour l’administration, la gestion de la sécurité, la gestion des projets et des chantiers, ainsi que pour l’exécution des travaux de construction.

13.              L’appelant était également le représentant désigné du payeur auprès de la CCQ.

14.              L’appelant rendait ses services au payeur selon les horaires normaux de la construction, soit de 7h à 15h.

15.              L’appelant terminait parfois plus tôt que 15h.

16.              L’horaire de travail de l’appelant au cours de la période en litige était du lundi au vendredi, de 7h à 15h, soit 40 heures par semaine.

17.              Pour les semaines du 13 août 2012 au 1er décembre 2012, l’appelant a été rémunéré par le payeur sur la base de 30 heures de travail à un taux horaire de 25 dollars l’heure, soit un salaire hebdomadaire de 750$.

18.              Pour les semaines du 2 décembre 2012 au 21 décembre 2012, l’appelant a été rémunéré par le payeur sur la base de 40 heures de travail à un taux horaire de 25 dollars l’heure, soit un salaire hebdomadaire de 1 000 $.

19.              L’appelant a été mis à pied par le payeur le 21 décembre 2012, en raison de la fin de la saison, en même temps que les autres employés du payeur.

20.              Contrairement aux autres employés du payeur détenant des cartes de compétence de la CCQ, ce dernier ne touchait pas de paie de vacances, ni du payeur, ni de la CCQ durant les vacances de la construction.

21.              Contrairement aux autres employés du payeur détenant des cartes de compétence de la CCQ, l’appelant ne bénéficiait d’aucun congé de maladie, de jours fériés payés, ou d’autres avantages sociaux.

[4]             Il est à noter que les parties se sont entendues sur des faits substantiellement similaires pour la période du 4 mars 2013 au 19 décembre 2013.

[5]             Afin de rendre sa décision que l’emploi de l’appelant auprès du payeur n’était pas un emploi assurable, l’intimé a tenu pour acquis les faits décris aux paragraphes 7 et 9 de ses réponses aux avis d’appel de l’appelant.[2]

[6]             Lors de l’audience, des faits nouveaux ont été portés à la connaissance du ministre, notamment le fait que le payeur a souscrit une police d’assurance vie et a payé les primes de celle‑ci. Cette police comprenait une assurance invalidité et une assurance vie protégeant l’appelant, une assurance vie protégeant sa conjointe (madame Lyne Dubois) ainsi qu’un boni personnel d’épargne retraite.

III. Prétentions des parties

A. Thèse de l’appelant

[7]             Tout d’abord, l’appelant soutient que la Cour peut tenir compte des nouveaux éléments mis en preuve lors de l’audience et que c’est en considérant l’ensemble de la preuve qu’elle peut apprécier la raisonnabilité de la décision du ministre.

[8]             Par ailleurs, l’appelant allègue que sa rémunération et ses avantages sociaux sont les mêmes que ceux des autres employés qui sont régis par la Commission de la construction du Québec (la « CCQ »), étant donné que tout compte fait, son revenu net est pratiquement le même.

[9]             Dans ses prétentions écrites, l’appelant soutient que, dans les faits, il reçoit plus que les autres employés et qu’il est plus avantageux pour lui d'être exclu de la CCQ et de recevoir les avantages supplémentaires mentionnés précédemment, notamment l’assurance médicaments, l’assurance vie, l’assurance salaire et régime d’épargne‑retraite.

[10]        En fin de compte, l’appelant affirme que son emploi auprès du payeur était un emploi assurable au cours des périodes en question.

[11]        Par ailleurs, l’appelant soutient que la Cour ne peut pas tirer d’inférence négative du fait que madame Lynn Dubois, l’épouse de l’appelant, n’a pas témoigné puisque le témoignage de monsieur Gosselin à lui seul est suffisant.

[12]        À ce sujet, l’avocat de l’appelant affirme que le témoignage de monsieur Gosselin est crédible et que les différences entre son témoignage et celui de monsieur Potvin, l’agent de décision de l’ARC, ne sont peut‑être dues qu’à une mauvaise compréhension de la question ou de la réponse.

B. Thèse de l’intimé

[13]        Quant à lui, l’intimé convient que la Cour peut tenir compte des faits nouveaux, mais souligne toutefois que ces nouveaux faits ne changent rien à la raisonnabilité de la décision du ministre.

[14]        L’intimé soutient que l’emploi de l’appelant auprès du payeur n’était pas un emploi assurable au cours des périodes en question puisqu’il n’était pas raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, y compris les faits identifiés ci-haut, que l’appelant et le payeur auraient conclu un contrat de travail similaire s’ils n’avaient pas eu un lien de dépendance au sens des paragraphes 5(2) et 5(3) de la LAE.

[15]        À cet effet, l’intimé soutient que le salaire de l’appelant n’était pas assez élevé étant donné qu’il allait chercher les travailleurs et de l’équipement le matin avant de se rendre au chantier avec le camion de la compagnie, qu’il gérait les projets et la sécurité des chantiers et qu’il prenait des décisions importantes au nom de la compagnie.

[16]        Par ailleurs, l’intimé soutient que l’appelant n’est pas crédible puisque le témoignage que ce dernier a rendu lors de l’audience contredit la version qu’il a donnée à l’agent de décision.

[17]        L’intimé mentionne également que le fait que l’appelant ait un intérêt dans l’issue de l’instance est un élément à prendre en compte dans l’évaluation de sa crédibilité.

[18]        L’intimé soutient que la Cour doit tirer une inférence négative du fait que madame Lynn Dubois n’a pas été appelée à témoigner puisque c’est à l’appelant que revient le fardeau de présenter une preuve suffisante pour réfuter les présomptions du ministre.

IV. Observations sur la crédibilité des témoins

[19]        Lors de l’audience, l’agent de décision de l’ARC, monsieur Mario Potvin, a témoigné sur les entrevues qu’il a effectuées avec l’appelant et madame Lyne Dubois. Son rapport a d’ailleurs été déposé en preuve.[3]

[20]        Lors de l’entrevue menée par l’agent de décision l’appelant aurait, selon monsieur Potvin, mentionné les faits suivants[4] :

VERSION DU TRAVAILLEUR : […]

Il dit que dans son travail il fait le même travail que les autres mais en plus il agit comme surintendant. Il gère les employés sur le chantier et le chantier. […]

Pour son horaire il mentionne qu’il part de chez lui à 5:00 a.m. pour aller chercher le stock à l’entrepôt et que cela lui prend 15 minutes environ mais ensuite il doit se rendre sur le chantier à Montréal et cela peut prendre environ une heure 15 minutes. Il dit qu’il va en cour de route chercher certains travailleurs qui voyagent avec lui. […]

J’ai rappelé le travailleur M. Alain Gosselin […] pour savoir qui s’occupe des appels des clients lorsque la compagnie est fermée durant l’hiver.

Il mentionne que c’est lui qui va répondre aux demandes des clients et leurs faire des pris selon les pieds carrés de l’ouvrage à faire. Il dit aussi que s’il y a un problème à la compagnie c’est lui qui s’en occupe.

[21]        Selon monsieur Potvin, la payeuse, madame Lyne Dubois, a quant à elle mentionné les faits suivants lors de son entrevue avec l’agent[5] :

VERSION DU PAYEUR : […]

L’horaire de travail du travailleur débute le matin à 5:00 a.m. et il va chercher du stock à l’entrepôt pour la journée de travail à faire, ensuite il va travailler sur les chantiers et termine vers 15:00 p.m. […]

Selon Mme Lyne Dubois ce sont les trois frères qui prennent les décisions importantes.

[22]        Dans son témoignage à l’audience, l’appelant nous a donné une version des faits différente de celle exposée par monsieur Potvin quant au contenu de la conversation téléphonique. L’appelant à mentionné qu’il n’était pas surintendant, qu’il ne gérait pas le chantier, que c’est son fils aîné qui occupait ce poste et que c’est ce dernier qui apportait la remorque contenant l’équipement sur le chantier.

[23]        L’appelant a mentionné aussi qu’il partait de Lavaltrie à 5h00 le matin dans le but d’éviter les embouteillages, et qu’il passait au bureau, où il y prenait des outils nécessaires pour sa journée de travail et qu’en chemin il allait chercher des travailleurs avec qui il prenait le petit déjeuner. Il a mentionné que, pendant ces heures, il ne travaillait pas et que c’est pourquoi il n’était pas payé pour ce temps.

[24]        Ainsi, nous faisons présentement face à des versions des faits contradictoires.

[25]        Dans la décision Nichols c. Canada[6], ma collègue, la juge Miller, résume bien les éléments dont un juge peut tenir compte lorsqu’il apprécie la crédibilité d’un témoin :

En matière de crédibilité, je peux tenir compte des incohérences ou des faiblesses que comporte le témoignage des témoins, y compris les incohérences internes (si le témoignage change pendant que le témoin est à la barre ou s'il diverge du témoignage rendu à l'interrogatoire préalable), les déclarations antérieures contradictoires et les incohérences externes (soit lorsque le témoignage est incompatible avec des éléments de preuve indépendants que j'ai acceptés). Il m'est ensuite loisible d'apprécier l'attitude et le comportement du témoin. Troisièmement, je peux rechercher si le témoin a des raisons de rendre un faux témoignage ou d'induire la Cour en erreur. Enfin, je peux prendre en compte la teneur générale de la preuve. C'est-à-dire que j'ai toute latitude pour rechercher si l'examen du témoignage à la lumière du sens commun donne à penser que les faits exposés sont impossibles ou hautement improbables.

[Mes soulignements.]

[26]        Tel que noté par le procureur de l’intimé, l’appelant s’est contredit lors de son témoignage. D’une part, au début de son témoignage, il a prétendu qu’il agissait simplement comme maçon sur les chantiers et, plus tard, il a indiqué que son rôle était plus important, qu’il répondait aux questions de ses collègues et qu’il n’arrivait pas à se débarrasser de ses habitudes de surintendant.

[27]        L’appelant a également tenté de minimiser l’importance de son rôle auprès de la société payeuse en niant, au début de son témoignage, qu’il faisait des soumissions ou qu’il répondait aux questions des clients de l’entreprise. Toutefois, plus tard au cours de son témoignage, il a reconnu qu’à l’occasion il répondait aux appels des clients, et ce, même pendant les périodes où il avait été mis à pied et où il recevait des prestations d’assurance‑emploi.

[28]        Il y a d’autres faits qui me portent à douter de la crédibilité de l’appelant. Lors de l’audience, il a révélé à l’intimé, pour la première fois, qu’il était assuré en vertu d’une police d’assurance vie lui procurant un avantage important. Je soupçonne qu’il a choisi de dévoiler cet avantage à ce moment pour contrer l’allégation de l’intimé que sa rémunération était trop basse par rapport à qu’exigerait une personne n’ayant pas de lien de dépendance avec la société payeuse.

[29]        La preuve révèle que cette assurance n’a pas été déclarée dans les registres de paye du payeur ni dans la demande d’assurance-emploi de l’appelant. Comme l’a noté le procureur de l’intimé, le formulaire de demande de prestation d’assurance-emploi demande à l’appelant de déclarer tous « bonis et primes, indemnités en vertu d’un régime collectif d’assurance salaire, indemnités de retraite et autres ».

[30]        Je souligne également que madame Dubois, l’épouse de l’appelant et, selon lui, la personne responsable de l’administration de la société payeuse, n’a pas été appelée comme témoin afin de confirmer la version des faits de l’appelant. Dans la décision Payne[7], la juge Campbell observe qu’une inférence négative peut être tirée si la partie ayant pu fournir une preuve pertinente ne l’a pas fait :

Bien qu'un témoignage crédible puisse être suffisant dans certaines circonstances, et en l'absence de documents pertinents, pour démolir les hypothèses de fait, il a été aussi établi par la jurisprudence qu'on devrait tirer une conclusion négative à l'égard de la partie qui était en position de fournir à la Cour des éléments de preuve pertinents, mais qui, pour quelque raison que ce soit, ne les a pas fournis.

[Mon soulignement.]

[31]        Dans les circonstances, j’infère que madame Dubois n’a pas été appelée par l’appelant pour corroborer sa version des faits parce qu’il craignait que le témoignage de son épouse contredirait le sien.

[32]        Pour tous ces motifs, je conclus que le témoignage de l’appelant n’est ni fiable, ni crédible.

[33]        À l’inverse, monsieur Potvin fut un témoin crédible et fiable. Il n’avait aucun intérêt dans l’issue de cette cause. Il a témoigné en indiquant qu’il rédigeait ses notes tous les jours après avoir mené ses entrevues. Pour ces raisons, j’accepte son témoignage quant au rôle important que l’appelant jouait auprès de la société payeuse.

V. Questions en litige

[34]        Il y a deux questions en litige, c’est-à-dire :

1)                Est-ce que la Cour peut tenir compte de faits nouveaux révélés lors de l’audience?

2)                Si oui, est-ce que la décision du ministre est raisonnable à la lumière de tous les faits et circonstances pertinents?

VI. Droit applicable et analyse

[35]        En vertu de l’alinéa 5(2)i) de la LAE, un emploi n’est pas assurable si l’employeur et l’employé ont un lien de dépendance. Toutefois, l’alinéa 5(3)b) de la LAE dispose que cet employé ayant un lien de dépendance pourra être considéré comme occupant un emploi assurable si le ministre est convaincu qu’il est raisonnable de conclure que les parties auraient, compte tenu des circonstances, conclu un contrat de travail à peu près semblable. L’alinéa 5(3)b) de la LAE se lit comme suit :

(3) Personnes liées -- Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

b)   l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

[Mes soulignements.]

[36]        Il est bien établi que la Cour ne peut pas simplement substituer sa décision à celle de l’intimé. Le juge en chef Richard, dans l’arrêt Denis c. Canada (Ministre du Revenu national)[8], décrit le rôle du juge comme suit :

[5] Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt dans un appel d’une détermination du ministre sur les dispositions d’exclusion contenues aux paragraphes 5(2) et 5(3) de la Loi est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et les témoins appelés pour la première fois à s’expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable. Toutefois, le juge ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus (voir Pérusse c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2000] A.F.C. no 310, 10 mars 2000).

[Mon soulignement.]

[37]        Dans l’arrêt Denis, il fut déterminé que le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins afin de se demander si la décision du ministre est toujours raisonnable. Pour ce faire, le juge doit prendre en compte tous les faits exposés dans le dossier, et ce, même s’ils n’ont pas tous été présentés à l’agent de décision de l’ARC.

[38]        Dans la décision Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.)[9], le juge Bowie analyse l’arrêt Denis comme suit :

Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l'impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l'appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l'appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d'emploi prévalant dans l'industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l'appelant et l'employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l'opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l'ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l'employeur et une personne avec laquelle il n'avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c'est là le degré de retenue judiciaire accordé à l'avis du ministre du fait de l'emploi, par le législateur, de l'expression « [...] si le ministre du Revenu national est convaincu [...] » à l'alinéa 5(3)b).

[Mes soulignements.]

[Références omises.]

[39]        Je souscris aux propos du juge Bowie. Ainsi, c’est à la lumière de tous les éléments de preuve produits au procès que le juge doit ensuite prendre sa décision quant à la raisonnabilité de la décision du ministre.

[40]        Je suis d’avis, pour les motifs qui suivent, que la décision du ministre est raisonnable même en tenant compte des faits nouveaux.

[41]        Premièrement, la preuve démontre que l’appelant occupait une fonction beaucoup plus importante auprès de la société payeuse que celle de simple maçon. Toutefois, il a accepté un salaire à un taux horaire inférieur à celui des autres employés de la société payeuse.

[42]        Je doute fortement qu’un employé n’ayant pas de lien de dépendance aurait renoncé au paiement de ses vacances en échange de prestations d’assurance‑emploi, surtout lorsque l’on tient compte du fait que les bénéfices que lui aurait procurés la police d’assurance auraient une incidence sur les prestations d’assurance‑emploi auxquelles il aurait droit.

[43]        Je crois plutôt que l’appelant a préféré recevoir des prestations d’assurance‑emploi plutôt qu’un salaire plus élevé puisque cela était avantageux pour la société payeuse dont son épouse était seule et unique actionnaire. De là, les bénéfices de la société payeuse seraient plus élevés qu’il en serait autrement si elle versait à l’appelant une paye de vacances comme elle l’a fait pour les autres employés.

[44]        Cet arrangement s’est traduit par une augmentation du revenu familial. Un tiers n’aurait pas accepté pareil arrangement.

[45]        D’autre part, je doute que la société payeuse soit prête à souscrire à une assurance vie (comprenant un boni de retraite) dans la même mesure au profit de tout ses employés et des conjoints de ces derniers, surtout lorsque l’on tient compte du fait que l’appelant profitait de cet avantage même pendant ses périodes de chômage.

[46]        Finalement, un employé n’ayant pas de lien de dépendance avec la société payeuse n’aurait pas accepté de continuer de travailler pour elle après avoir été mis à pied comme ce fut le cas en ce qui concerne l’appelant.

[47]        Pour tous ces motifs, je rejette l’appel de l’appelant.

Signé à Toronto (Ontario) ce 21e jour de juin 2016.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 158

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2014-815(EI), 2015-358(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

ALAIN GOSSELIN c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 1er avril 2016

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Robert J. Hogan

DATE DU JUGEMENT :

le 21 juin 2016

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Gérald Tremblay

Avocate de l'intimé :

Me Nancy Azzi

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Me Gérald Tremblay

Cabinet :

Duval Tremblay

Repentigny, Québec

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23.

[2] Voir le paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel datée du 12 mai 2014 et le paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel datée du 7 avril 2015.

[3] Voir le document intitulé « Renseignements sur le cas » pièce I-3.

[4] Extraits du rapport de l’agent, pièce I-3, p. 4, 7.

[5] Extraits du rapport de l’agent, pièce I-3, p.6.

[6] Nichols c. Canada, 2009 CCI 334.

[7] Payne c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2014 CCI 178, para. 27.

[8] Denis c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 26, para. 5.

[9] Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2005 CCI 291, para. 4.

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