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Dossier : 2015-4377(EI)

ENTRE :

RENÉ CLOUTIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

Appel entendu le 16 mars 2016, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Alain Gareau

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre de la décision du ministre du Revenu national en date du 30 juin 2015 quant à l’assurabilité de l’emploi de l’appelant auprès de Les Cartes Sportives de la Capitale Inc. au cours de la période du 25 mai 2014 au 26 octobre 2014 est accueilli et la décision est déférée au ministre pour une nouvelle décision sur la base que les heures assurables travaillées par l’appelant au cours de la période en litige sont de 808 heures et que la rémunération assurable est de 11 935 $, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’août 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2016 CCI 184

Date : 20160824

Dossier : 2015-4377(EI)

ENTRE :

RENÉ CLOUTIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             Monsieur René Cloutier en appelle devant cette Cour de la décision rendue par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en date du 30 juin 2015 quant à l’assurabilité de son emploi auprès de les Cartes Sportives de la Capitale Inc. (le « payeur ») au cours de la période du 25 mai 2014 au 26 octobre 2014 (la « période en litige »).

[2]             Par des lettres datées du 30 juin 2015, l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») a informé l’appelant et le payeur de la décision suivante :

(a)         durant la période en litige, l’appelant était un employé et son emploi avec le payeur était assurable en vertu de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996 (la « Loi »);

(b)        qu’en vertu du paragraphe 2(1) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations. DORS/97-33, la rémunération assurable de l’appelant était 8 607 $ pour la période en litige; et

(c)         qu’en vertu de l’article 9.1 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332, les heures assurables de l’appelant étaient 676 heures pour la période en litige.

[3]             Le statut d’emploi de l’appelant n’est pas contesté. L’appelant occupait un emploi exercé aux termes d’un contrat de travail au sens de l’article 2085 du Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») et son emploi auprès du payeur était assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi. Par contre, le montant de la rémunération assurable et le nombre d’heures assurables de l’appelant en vertu de son emploi auprès du payeur pendant la période en litige sont contestés.

[4]             Pour rendre sa décision, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants :

(a)        le payeur était une société exploitant son (sic) entreprise dans le domaine de l’achat et de la vente des (sic) articles de collection;

(b)        l’unique actionnaire du payeur était Sylvain Martineau;

(c)        le payeur opérait à l’année, mais ses activités étaient au ralenti pendant la période estivale, de juin à août;

(d)       le contrat d’emploi entre l’appelant et le payeur avait été conclu verbalement dans la province de Québec;

(e)        l’appelant avait été engagé par le payeur à titre d’employé;

(f)        l’appelant s’occupait de l’accueil des clients du payeur et organisait des événements afin de permettre aux employés du payeur de faire des achats des (sic) objets de collection;

(g)        l’appelant travaillait au bureau du payeur la majorité du temps;

(h)        l’appelant était payé sur une base de 12 $ de l’heure lorsqu’il travaillait au bureau du payeur;

(i)         l’appelant marquait ses heures de travail lorsqu’il était au bureau du payeur;

(j)         l’appelant travaillait parfois sur la route;

(k)        l’appelant était payé un montant fixe de 100 $ par jour lorsqu’il travaillait sur la route;

(l)         l’appelant était payé à chaque semaine par dépôt direct;

(m)       l’appelant recevait en argent comptant les montants qui lui étaient remboursés relativement à ses dépenses liées aux repas et au carburant lorsqu’il était sur la route;

(n)        l’appelant travaillait généralement du mercredi au dimanche, de 9h à 17h;

(o)        il y avait des semaines pendant la période en litige où l’appelant avait travaillé moins de 40 heures par semaine;

(p)        l’appelant n’avait jamais effectué des (sic) heures supplémentaires auprès du payeur pendant la période en litige;

(q)        l’appelant avait déposé une plainte auprès de la Commission des Normes du Travail pour de la rémunération non-payée concernant des heures supplémentaires;

(r)        l’appelant n’avait pas pu fournir des preuves pour démontrer qu’il avait travaillé des heures supplémentaires;

(s)        le payeur avait fourni un relevé d’emploi à l’appelant lors de son départ;

(t)        le relevé d’emploi indiquait 8 606,62 $ comme rémunération assurable pour la période en litige; et

(u)        le relevé d’emploi indiquait 675,49 heures assurables pour la période en litige.

[5]             À l’ouverture de l’audience, l’appelant a déposé, de consentement avec le procureur de l’intimé, une réplique à la réponse à l’avis d’appel dans laquelle il allègue que l’intimé n’a pas tenu compte des faits suivants :

(a)        le payeur était une société exploitant son (sic) entreprise dans le domaine de l’achat et de la vente d’or et d’argent et des (sic) articles de collection à travers le Canada ainsi que sur le WEB;

(d)       le contrat d’emploi entre l’appelant et le payeur avait été conclu verbalement et par écrit par la suite dans la Province de Québec;

(f)        l’appelant s’occupait de l’accueil des clients du payeur et organisait des événements afin de permettre aux employés du payeurs (sic) de faire des achat (sic) d’or, d’argent et d’objets de collection;

(g)        l’appelant travaillait au bureau du payeur et pour un minimum de 45 jours sur la route à travers le Canada en 2014;

(i)         l’appelant marquait ses journée (sic) lorsqu’il était sur la route et poinçonnait ses heures de travail lorsqu’il était au bureau du payeur;

(j)         l’appelant a travaillé un minimum de 45 jours sur la route durant la période en litige et le temps de déplacement exigé par le payeur est considéré comme du temps consacré au travail et donne droit aussi à un salaire; selon les Normes du travail au Québec;

(k)        l’appelant était payé un montant fixe de 125 $ par jour lorsqu’il travaillait sur la route;

(l)         l’appelant était payé à chaque semaine par dépôt directe (sic) et en argent comptant par le payeur pour les semaines qui dépassaient son (sic) 40 heures;

(m)       l’appelant recevait en argent comptant les montants qui lui étaient remboursés relativement à ses dépenses liées aux repas, au carburant, ainsi que pour les heures où l’appelant avait travaillé plus de 40 heures semaine lorsqu’il était sur la route;

(n)        l’appelant travaillait généralement de 8 heures 30 à 17 heures au bureau du payeur; et lorsqu’il était sur la route; du mardi 19 heures au dimanche 20 heures;

(n)        l’appelant a effectué un minimum de 275 heures supplémentaires auprès du payeur pendant la période en litige;

(q)        l’appelant avait déposé des plaintes auprès de la Commission des Normes du Travail : une pour pratique interdite et une autre pécuniaire, concernant de la rémunération impayée ainsi que des heures supplémentaires payées en argent comptant et à temps simple;

(r)        l’appelant a fourni toutes les preuves pour démontré (sic) que le lien d’emploi avait été rompu le 26 octobre 2014 et que son droit à la réintégration existait en vertu de l’article 123 de la Loi sur les normes du travail, le payeur a payé l’appelant pour ses heures en suspends (sic) le 8 mai 2015 et le 20 août 2015;

(s)        le payeur n’a pas fourni un relevé d’emploi à l’appelant lors de son départ, à la demande de l’appelant Service Canada lui a fait parvenir une copie électronique le 3 février 2015;

(t)        le relevé d’emploi indiquait 660 heures assurables pour la période du 25 mai 2011 au 26 octobre 2014; alors que l’avant dernier (sic) le relevé d’emploi du payeur indiquait 808.50 heures assurables pour la période du 19 septembre 2013 au 22 janvier 2014;

[6]             Seul monsieur Cloutier a témoigné à l’audience. Ce dernier soutient qu’il a reçu du payeur 3 329 $ en argent comptant pour des heures supplémentaires effectuées au cours de la période en litige, lesquelles ont été payées en temps simple. Pour l’année 2014 au complet, l’appelant soutient avoir reçu en espèces du payeur 3 809 $ lequel montant a été ajouté à son revenu pour l’année d’imposition 2014 et cotisé par l’ARC par une nouvelle cotisation en date du 21 septembre 2015. Selon l’appelant, sa rémunération assurable brute pour l’année 2014 était de 11 935,82 $.

[7]             Lors de son embauche par le payeur, le 19 août 2013, l’appelant n’avait pas de contrat de travail écrit. Un contrat d’emploi est intervenu entre le payeur et monsieur Cloutier le 12 janvier 2015 suite à une entente de règlement hors cours conclue par les parties suite au dépôt devant la Commission des normes du travail d’une plainte pour pratique interdite et d’une plainte pécuniaire. En vertu de l’entente de règlement hors cour, le payeur s’est engagé à réintégrer le salarié selon les modalités suivantes :

                    en date du 20 janvier 2015;

                    au même poste;

                    selon les conditions antérieures;

                    selon les conditions suivantes :

contrat de travail signé le 2015-01-12 par les parties;

                    avec tous les privilèges et avantages dont bénéficiait le salarié au moment du congédiement.

[8]             Le contrat d’emploi intervenu le 12 janvier 2015 prévoyait notamment que l’appelant devait agir à titre d’acheteur, que son emploi était pour une période indéterminée débutant le 13 janvier 2015, que l’employé avait droit à ce qu’une rémunération de 125 $ par jour et que les frais de déplacements et de représentations autorisés par l’employeur étaient remboursables sur présentation de pièces justificatives.

[9]             Dans le cadre du contrat d’emploi du 12 janvier 2015, l’appelant n’a travaillé pour le payeur que la semaine du 13 au 18 janvier 2015 et il a reçu un chèque de 780 $ pour ses 65 heures de travail.

[10]        Comme la réintégration de l’appelant auprès du payeur n’était pas possible, les parties ont conclu le 19 mai 2015 une entente sous l’égide de la Commission des relations de travail par laquelle l’appelant a renoncé à son droit à la réintégration moyennant le versement par le payeur d’une somme de 2 000 $. En considération du respect par les parties de leurs obligations respectives, les parties se sont données mutuellement quittance finale et complète à l’égard de tout droit ou recours découlant de l’emploi, du lien d’emploi et de la fin de celui‑ci en date du 26 octobre 2014, y compris les plaintes à la Commission des normes du travail logées par l’appelant.

[11]        Selon le témoignage de l’appelant, le payeur n’a pas compilé les heures supplémentaires en heures assurables aux fins de l’assurance-emploi. Les heures supplémentaires ont été réalisées lorsqu’il était en voyage pour le compte du payeur. Lorsqu’en déplacement, l’appelant avait droit à une rémunération de 125 $ par jour pour une semaine de 40 heures. Les heures supplémentaires au‑délà des 40 heures par semaine, étaient payées à temps simple en argent comptant à toutes les semaines. Le payeur versait la rémunération due à l’appelant pour les 40 heures par semaine par des dépôts directs dans son compte de banque.

[12]        Selon les compilations de l’appelant, il a travaillé 45 jours sur la route pendant la période en litige dont 14 jours consécutifs en juin 2014 à l’Ile du Prince-Edouard et au Nouveau-Brunswick. Il a travaillé à plusieurs endroits au Québec et il s’est même rendu à Toronto. Lors de ces déplacements, il était toujours accompagné d’un autre employé du payeur. Lorsqu’en déplacement, l’appelant remplissait des cartes de temps indiquant les heures travaillées à chaque jour à temps régulier et à temps supplémentaire et les endroits où il a travaillé.

[13]        Le ministre n’a pas accepté les réclamations de l’appelant parce que les informations qu’il a fournies n’ont pas été corroborées par le payeur, ni par ses accompagnateurs. La Commission des normes du travail qui a été saisie des deux plaintes de l’appelant n’a pas reconnu que l’appelant avait réalisé pendant la période en litige des heures supplémentaires payées comptant.

[14]        L’appelant n’a soumis aucun compte de dépenses relativement à ses déplacements. Ces comptes de dépenses auraient pu clairement démontrer les déplacements d’une ville à l’autre avec des données plus précises quant aux dates et la distance parcourue à chaque jour. Par contre, l’appelant a mis en preuve certaines publicités faites par le payeur lesquelles annoncent la venue d’experts du payeur dans une région en indiquant les dates, les lieux et les adresses où ils seront présents de même que les heures où les personnes intéressées pourront les rencontrer (habituellement de 9 :00 a.m. à 5 :00 p.m.) Ces événements se tenaient même les samedis et les dimanches.

[15]        L’intimé estime qu’il est possible que l’appelant ait été payé à un taux fixe de 125 $ par jour versé par dépôt direct et au comptant pour ce qui est des heures supplémentaires mais considère que la méthode de calcul utilisée par l’appelant est imprécise de sorte qu’il est difficile de déterminer la rémunération exacte gagnée par l’appelant pendant la période en litige. La détermination des heures assurables est, quant à elle, encore plus difficile parce que le payeur n’a pas fourni les informations ayant trait au nombre d’heures effectivement travaillées par l’appelant.

[16]        Pour l’intimé le nombre d’heures d’emploi assurable doit être déterminé selon le paragraphe 10(5) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations DORS 97-33 qui se lit comme suit :

10(5) En l’absence de preuve des heures travaillées en temps supplémentaire ou en surplus de l’horaire régulier, le nombre maximum d’heures d’emploi assurable qu’une personne est réputée avoir travaillées, d’après le calcul prévu au paragraphe (4) est de 7 heures par jour sans dépasser 35 heures par semaine.

[17]        Malgré l’application du paragraphe 10(5), le ministre a accepté 40 heures par semaine selon les données du payeur.

[18]        Quoi qu’il en soit, je crois qu’il y a lieu d’accueillir l’appel de l’appelant. Ce dernier m’a convaincu qu’il avait, pendant la période en litige, travaillé des heures supplémentaires qui ont été payées en argent comptant. Son témoignage était crédible et la preuve documentaire soumise, quoique déficiente et imprécise à certains égards, était tout de même suffisante pour démontrer le nombre d’heures travaillées en temps supplémentaires.

[19]        L’appelant a été constant dans sa version des faits. Il a logé des plaintes à la Commission des normes du travail et il a déclaré dans sa déclaration de revenu pour l’année 2014 les sommes reçues du payeur en argent comptant.

[20]        Pour toutes ces raisons, l’appel est accueilli et la décision est déférée au ministre pour une nouvelle décision sur la base que les heures assurables travaillées par l’appelant au cours de la période en litige sont de 808 heures et que la rémunération assurable est de 11 935 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’août 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 184

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-4377(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

RENÉ CLOUTIER ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 16 mars 2016

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 24 août 2016

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Alain Gareau

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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