Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2016-139(IT)I

ENTRE :

JAY Z. KALRYZIAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 15 août 2016, à Hamilton (Ontario)

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Dominique Gallant

 

JUGEMENT MODIFIÉ

          Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel de l’appelant à l’égard des années d’imposition 2007 et 2008 est accueilli, sans frais, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national aux fins de nouvel examen et d’établissement d’une nouvelle cotisation pour les motifs suivants :

a.                 pour l’année d’imposition 2007, des dépenses d’emploi totalisant 1 045,05 $ seront admissibles;

b.                 pour l’année d’imposition 2008, des dépenses d’emploi totalisant 963,89 $ et des dépenses de location totalisant 1 426 $ seront admissibles;

c.                  pour les deux années d’imposition, les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu seront ajustées afin de tenir compte des dépenses admissibles énoncées aux points a) et b) ci-dessus.

          Le jugement modifié et les motifs modifiés du jugement remplacent le jugement et les motifs du jugement signés le 26 août 2016.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de septembre 2016.

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


Référence : 2016 CCI 186

Date : 20160927

Dossier : 2016-139(IT)I

ENTRE :

JAY Z. KALRYZIAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS MODIFIÉS DU JUGEMENT

Le juge Jorré

Introduction

[1]             Il s’agit d’un appel portant sur les dépenses de vendeurs et les pertes de location.

[2]             L’appelant interjette appel des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 2007 et 2008. Dans les nouvelles cotisations, toutes les dépenses d’emploi et tous les frais financiers de placement déclarés pour les deux années ont été rejetés. En 2008, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a également rejeté presque toutes les diverses dépenses de location déclarées, rejetant par le fait même les pertes de location déclarées par l’appelant. En outre, des pénalités pour faute lourde ont été imposées conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

[3]             Dans une large mesure, l’appel en l’espèce porte sur des conclusions de fait et il sera utile de commencer par une mise en contexte. Pendant la période en question, l’appelant vendait des appareils électroniques à Future Shop. Ses revenus provenaient principalement de commissions.

[4]             L’appelant a été formé par son frère à vendre des produits d’une manière qui s’avère très rentable sur le plan des commissions.

[5]             Un spécialiste en déclarations de revenus nommé Attilio Ciurcovich a été recommandé à l’appelant. Après avoir rencontré M. Ciurcovich et avoir discuté avec lui, l’appelant a décidé qu’il voulait faire appel à M. Ciurcovich qui demandait 500 $ par déclaration de revenus. Bien qu’onéreux, cela semblait avantageux à l’appelant parce que M. Ciurcovich encadrait ses clients et leur expliquait comment organiser leurs reçus afin de tirer parti des déductions admissibles. L’approche de M. Ciurcovich était proactive; comme l’appelant l’a expliqué, si une dépense aidait à vendre des produits, elle était déductible.

[6]             M. Ciurcovich avait également promis de s’occuper des problèmes avec l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »); il a écrit plusieurs fois à l’ARC au nom de l’appelant. M. Ciurcovich semblait être un spécialiste en déclarations de revenus très populaire et d’autres représentants des ventes du Future Shop où l’appelant travaillait avaient recours à ses services.

[7]             L’appelant a suivi les directives de M. Ciurcovich, lui a apporté ses reçus et a produit les déclarations préparées par M. Ciurcovich. Sur les deux déclarations de revenus de 2007 et de 2008, M. Ciurcovich n’a pas indiqué son nom ni son adresse dans la case réservée aux spécialistes en déclarations de revenus (ligne 490) à la page 4 de la déclaration.

[8]             Au cours de l’année d’imposition 2007, l’appelant a produit une déclaration de revenus dans laquelle il a indiqué un revenu d’emploi de 44 781 $ et déclaré 26 571 $ en dépenses d’emploi. Ces dépenses représentaient environ 59 % de son revenu d’emploi. Une somme de 1 858 $ a été déclarée à la ligne 221, frais financiers et frais d’intérêts.

[9]             Telle que produite, la déclaration de revenus de 2007 de l’appelant (pièce R‑1) n’indiquait aucun impôt fédéral ou de l’Ontario à payer. Par conséquent, l’appelant a demandé le remboursement de tout l’impôt sur le revenu déduit, de même que celui de certains crédits remboursables.

[10]        Au cours de l’année d’imposition 2008, l’appelant a produit une déclaration de revenus dans laquelle il a indiqué un revenu d’emploi de 45 623 $ et des dépenses d’emploi de 25 012 $. Ces dépenses représentaient un peu moins de 55 % du revenu d’emploi. Il a également demandé une déduction de 2 308 $ pour les frais financiers et frais d’intérêt de la ligne 224, et a déclaré une perte de location de 9 241,28 $. Cette perte de location correspondait à la moitié d’une perte de 18 482 $ pour l’ensemble des biens locatifs.

[11]        Encore une fois, comme on peut le voir à la page 4 de la déclaration de revenus de 2008, la dernière page de la pièce R-2, aucun impôt fédéral ou provincial à payer n’est indiqué. L’appelant a demandé un remboursement de tout l’impôt sur le revenu déduit. Il a également demandé certains crédits remboursables.

[12]        Lors de la cotisation initiale, les deux déclarations ont fait l’objet de cotisations telles qu’elles ont été produites.

Dépenses de vendeurs

Dépenses de 2007

[13]        Je vais maintenant examiner chaque série de questions en litige séparément. Je commencerai par les dépenses d’emploi et la question suivante : quelles dépenses ont été engagées à des fins d’emploi, et dans quelle mesure? J’aborderai ensuite les conditions restantes. Le ministre a présumé, entre autres, qu’aucune dépense d’emploi n’avait été engagée.

[14]        Dans le cas des déductions se rapportant à des dépenses d’employé, il convient de garder à l’esprit le paragraphe introductif du paragraphe 8(1) et du paragraphe 8(2) de la Loi. Ils énoncent ce qui suit :

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[…]  .

(2) Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi.

[Non souligné dans l’original.]

[15]        Pour les motifs exposés ci-dessous, j’ai beaucoup de difficulté à croire que l’appelant avait plus qu’un modeste montant de dépenses de vendeurs pouvant être déduites.

[16]        L’appelant a déposé des copies d’un grand nombre de reçus, de relevés de carte de crédit et d’autres documents à l’appui de ses dépenses de vendeurs déclarées. Ces dernières ont été organisées en diverses catégories, lesquelles ne correspondaient pas aux catégories figurant sur les relevés de dépenses préparés par M. Ciurcovich et joints aux déclarations de revenus.

[17]        En 2007, l’appelant a réclamé 26 571 $ en dépenses. Ces dépenses comprenaient un montant de 2 461 $ inscrit dans la catégorie [traduction] « Bottes et gants ». L’appelant ne savait pas pourquoi M. Ciurcovich avait appelé cette catégorie [traduction] « Bottes et gants ». Il a supposé qu’elle pouvait se rapporter aux vêtements. Cependant, ses reçus ne comportaient aucune dépense vestimentaire.

[18]        Quoi qu’il en soit, à la lumière du témoignage entendu, il ne peut y avoir de montant déductible pour des vêtements. L’employeur a fourni une chemise qui devait être portée, sinon, il ne devait se conformer qu’à un code vestimentaire précisant notamment la couleur des pantalons. Il n’y a tout simplement rien dans les éléments de preuve qui font valoir l’existence d’une exigence relative à un uniforme ou à un autre type de vêtement spécialisé payé par l’employé. Par conséquent, il ne pouvait y avoir de fondement pour une dépense vestimentaire déductible.

[19]        Le total des reçus et des autres documents inclus par l’appelant inclus dans la pièce A-1, résumé dans les pages de garde de la pièce, est d’environ 20 000 $, y compris tout ce qui est indiqué dans la pièce A-1. Cependant, cette somme comprend plus de 5 000 $ en achat de fonds communs de placement (onglet J), somme qui ne se rapporte clairement pas à l’emploi de l’appelant à titre de vendeur.

[20]        Les onglets H et I comprennent tous les frais d’automobile de l’appelant, notamment l’essence, les contraventions et le coût lié à l’achat d’une automobile d’occasion. Le coût de l’automobile achetée a simplement été passé en charges plutôt qu’être capitalisé.

[21]        Dans son témoignage, l’appelant mentionne qu’il avait une seule automobile qu’il utilisait à des fins personnelles et professionnelles. M. Ciurcovich et l’appelant n’ont fait aucun effort pour répartir les frais d’automobile entre l’utilisation personnelle et professionnelle.

[22]        L’appelant n’a pas tenu de registre de son kilométrage et l’élément de preuve qu’il a fourni ne constitue pas un fondement sur lequel on pourrait estimer quels kilomètres ont été parcourus dans l’exercice de ses fonctions. Le seul élément de preuve qu’il a fourni à l’égard des frais d’automobile comporte deux aspects. D’abord, en plus de son travail à son magasin habituel, on lui demandait à l’occasion de travailler ailleurs, par exemple, à l’ouverture d’un nouveau magasin. Ensuite, il a affirmé qu’avant que le magasin n’ait un service de livraison, il livrait parfois de grandes télévisions aux clients après ses heures de travail. Il a témoigné que cela l’aidait à conclure des ventes parce qu’il pouvait dire [traduction] « si vous l’achetez aujourd’hui, je vous livrerai votre achat ce soir ».

[23]        Dans les documents de la pièce A-1, il y avait également tous ses frais de téléphone cellulaire (onglet E), de même que les frais se rapportant aux services d’Internet et de télévision par satellite de sa résidence (onglet F). En ce qui concerne le téléphone cellulaire, l’appelant en possédait un qu’il utilisait pour le travail de même qu’à des fins personnelles. En ce qui concerne l’Internet et la télévision par satellite résidentiels, il explique que ces produits étaient liés à son travail parce qu’ils l’aidaient à connaître les produits qu’il vendait.

[24]        Pour ce qui est du téléphone, les motifs qui me permettraient d’en venir à une conclusion relativement à un certain usage professionnel ne sont pas du tout clairs. Les éléments de preuve ne présentent aucune répartition évidente. Je pourrais ajouter que, puisque les magasins ont habituellement des téléphones filaires, la raison pour laquelle le téléphone du magasin n’aurait pas pu être le principal moyen de communication par téléphone de l’appelant dans le cadre de son travail n’est pas évidente selon moi.

[25]        En ce qui concerne les services d’Internet et de télévision par satellite de sa résidence considérés comme des dépenses de vendeurs parce que ces services l’aidaient à mieux comprendre les produits qu’il vendait, la déduction est exagérée. Les dépenses liées aux services résidentiels d’Internet et de télévision par satellite ou par câble sont des dépenses de consommation personnelles. Elles ne sont pas déductibles.

[26]        L’autre catégorie de dépenses principale faisant partie des documents de la pièce A-1 se nomme [traduction] « connaissance des produits » selon la qualification de l’appelant. Cette catégorie comptait environ 4 000 $ de dépenses pour l’achat de divers produits au magasin Future Shop. Selon l’appelant, les employés bénéficiaient de rabais pour les encourager à acheter les produits qu’ils vendaient afin de connaître les produits et de pouvoir mieux les vendre. Parmi ces achats, il y avait des haut-parleurs pour l’automobile et leur installation, une manette sans fil pour lecteur Blu-ray sur une console de jeux et un récepteur Harman Kardon. Encore une fois, il s’agit de dépenses personnelles qui ne sont pas déductibles.

[27]        Les déductions susmentionnées sont exagérées au point que je ne peux pas admettre que l’appelant a fourni un témoignage honnête. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de retenir son témoignage.

[28]        Il reste encore deux catégories dans la pièce A-1. Premièrement, un petit montant figure à l’onglet I pour les intérêts payés sur la carte Visa de l’appelant, de même que pour les frais annuels. Il n’y a rien dans les éléments de preuve qui explique le lien avec les dépenses de vendeurs. Deuxièmement, environ 400 $ de dépenses diverses figurent à l’onglet F, dont plus de la moitié du montant correspond à l’achat de cartes de visite et aux services d’un photographe pour les cartes. Les cartes sont utiles pour un vendeur. Il y a également un reçu de stationnement, vraisemblablement à un aéroport puisqu’il est indiqué « Park & Fly » sur le reçu, et un reçu du Motel 6 pour un voyage d’affaires. Bien que l’appelant ait déclaré qu’il travaillait parfois dans d’autres magasins, il n’a pas dit qu’il devait se rendre en avion aux autres magasins ni qu’il devait passer la nuit sur place.

[29]        Parmi toutes ces dépenses, il pourrait y avoir un petit montant se rapportant à l’emploi de l’appelant, mais de manière générale, je suis incapable de déterminer à combien s’élève ce montant.

Dépenses de 2008

[30]        Je n’ai pas l’intention d’examiner en détail les déductions de 2008 relatives aux dépenses de vendeurs. De manière générale, la situation est très semblable à 2007 et la plupart des dépenses ne sont pas valides.

[31]        Je vais simplement mentionner quelques points. En 2008, dans l’état des dépenses déposé avec la déclaration, il y a non seulement une somme de 2 884 $ déclarée dans la catégorie [traduction] « Bottes et gants », mais il y a également une somme de 1 805 $ déclarée dans la catégorie [traduction] « Uniformes », ce qui représente une somme totale de près de 4 700 $ déclarée pour des dépenses non existantes qui ne sont pas nécessaires en vertu du contrat d’emploi (voir le paragraphe 18, précité).

[32]        Il y a également 84 reçus de Starbucks totalisant 642 $. L’appelant a affirmé qu’il avait acheté des boissons pour les clients et pour les employés qui travaillaient à l’entrée du magasin au service à la clientèle. Selon l’appelant, cela l’aidait à établir un lien avec les clients. Dans le cas des employés du service à la clientèle, le fait d’apporter du café favorisait les bonnes relations et aidait l’appelant à ne pas perdre de clients lorsqu’ils revenaient parce qu’ils avaient un problème. Les employés à l’entrée du magasin appelaient l’appelant, ce qui lui permettait d’essayer de ne pas perdre de clients et, par le fait même, de protéger sa commission qu’il perdait si un article était retourné. À cette époque, une des employées à l’entrée du magasin était également la petite amie de l’appelant.

[33]        En plus des difficultés que pose le témoignage de l’appelant, j’ai un motif supplémentaire à l’égard de cette dépense en particulier. La plupart des reçus sont illisibles, mais parmi ceux qui sont lisibles, il semble y avoir surtout des achats de thés de divers types et très peu d’achats de café. Cela est invraisemblable si les boissons étaient à l’intention de divers clients qui venaient au magasin pour acheter des appareils électroniques.

[34]        Je ne puis retenir que ces dépenses à Starbucks constituaient des dépenses de vendeurs.

Conditions de travail et formulaires T2200

[35]        Le sous-alinéa 8(1)f)(i) de la Loi indique que, entre autres conditions, les dépenses d’un vendeur sont déductibles seulement dans la mesure où l’employé est tenu, en vertu de son contrat d’emploi, d’acquitter ses dépenses. Le paragraphe 8(10) de la Loi prévoit également qu’un employé qui déduit des dépenses dans de telles circonstances ne peut demander une déduction que :

[...]  s’il joint à sa déclaration de revenu pour l’année un formulaire prescrit, signé par son employeur, qui atteste que les conditions énoncées à la disposition applicable ont été remplies quant au contribuable au cours de l’année.

[36]        Il s’agit du formulaire T2200. Dans sa réponse, le ministre a présumé que les formulaires T2200 présentés par l’employeur indiquaient que les dépenses engagées par l’appelant étaient remboursées par l’employeur pour les deux années en cause.

[37]        Dans ses allégations relatives aux pénalités pour faute lourde, le ministre fait valoir que les formulaires T2200 présentés par l’appelant avec ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2007 et 2008 étaient différents de ceux fournis par l’employeur. Bien entendu, le ministre doit prouver cette allégation particulière se rapportant à la pénalité pour faute lourde.

[38]        Les éléments de preuve à l’égard des formulaires T2200 portaient à confusion. Plusieurs formulaires ont été produits, mais leur contenu diffère.

[39]        Je ne comprends pas sur quoi s’est appuyé le ministre pour présumer que des dépenses d’emploi de l’appelant lui étaient remboursées.

[40]        La première page du formulaire T2200 produit avec la déclaration de revenus, le formulaire T2200 figurant à l’onglet B de la pièce A-1 et le formulaire T2200 produit à titre de pièce R-10 indiquent tous que selon le contrat de travail, l’employé doit payer les frais engagés dans l’exécution des tâches qui lui étaient confiées (question 1), l’employé n’a reçu aucune allocation pour frais d’automobile (question 4) et l’employé n’a pas reçu de remboursement pour les frais qu’il a payés (question 5).

[41]        La pièce R-1, soit la déclaration de revenus de 2007, ne comportait que la première page du formulaire. Je ne sais pas si c’est parce que la deuxième page n’a pas été produite avec la déclaration de revenus ou parce qu’elle a été involontairement omise lorsque la déclaration a été reproduite pour le procès. Les pièces R-10 et A-1 de l’onglet B ont été signées à une journée d’intervalle par différentes personnes.

[42]        Sur la deuxième page des pièces R-10 et A-1 de l’onglet B, l’employeur affirme que l’employé doit payer les fournitures utilisées au travail et le téléphone cellulaire. À la question visant à savoir si l’appelant devait rester au 12 heures consécutives à l’extérieur de la municipalité où il travaillait habituellement, il est indiqué « non » dans l’un des formulaires, et [traduction] « oui, deux ou trois fois par mois » dans l’autre formulaire.

[43]        Pour ajouter à la confusion, le formulaire T2200 pour l’année 2007 indique ce qui suit à la question 4. Après avoir indiqué que l’employé n’avait pas reçu d’allocation pour frais d’automobile, dans la même case, à la deuxième puce suivant la phrase « Si oui, indiquez : », il est indiqué qu’un taux de 0,44 $ par kilomètre avait été utilisé et que le montant reçu était de 422,40 $, faisant ainsi valoir qu’une allocation pour frais d’automobile avait bien été reçue.

[44]        Pour l’année 2008, la situation à l’égard du formulaire T2200 porte également à confusion. Aucun formulaire T2200 n’est joint à la copie de la déclaration de revenus de 2008 déposée en preuve (pièce R-2). La pièce R-12, soit un formulaire T2200 signé le 16 février 2009, semble être un double de la pièce sous l’onglet BB de la pièce A-2, à l’exception de la question 8, pour laquelle la réponse indiquée sur la pièce R-12 est différente. La pièce R-11 est également un formulaire T2200 pour l’année 2008, mais il a été signé le 27 septembre 2010 par la même personne qui a signé le formulaire T2200 sous l’onglet BB de la pièce A‑2. Encore une fois, il y a des variantes entre la version du 16 février 2009 et celle du 27 septembre 2010 du formulaire T2200.

[45]        À la première page de tous les formulaires T2200 produits à l’égard de l’année 2008, il est indiqué que l’employé n’a pas reçu d’allocation pour frais d’automobile, mais dans la même case, un taux de paiement au kilomètre est indiqué et on n’indique aucun montant reçu. À la question 5, il est indiqué que l’employé a reçu un remboursement pour les frais qu’il a payés pour gagner un revenu d’emploi, mais il est ensuite indiqué à la question 6 que l’employé a dû payer ses propres frais de [traduction] « téléphone cellulaire et d’automobile ».

[46]        À la deuxième page du premier formulaire T2200 (onglet BB de la pièce A‑2 et pièce R-12), il est indiqué que l’employé est obligé, selon son contrat d’emploi, de payer les fournitures qu’il utilise dans l’accomplissement des fonctions de son emploi et son téléphone cellulaire. Dans le second formulaire T2200 de l’année 2008, pièce R-1, il est indiqué à la question 9 que l’employé n’est pas obligé en vertu de son contrat d’emploi de payer les fournitures qu’il utilise dans l’accomplissement des fonctions de son emploi et ni de payer son téléphone cellulaire. Toutefois, à la question 6, il est indiqué que l’employé doit payer pour l’usage de son téléphone cellulaire.

[47]        Une chose ressort clairement de tous ces documents portant à confusion. La simple hypothèse du ministre, soit qu’au cours des deux années, l’employeur a remboursé toutes les dépenses d’emploi engagées par l’employé, est clairement non fondée. Il s’agissait de la seule hypothèse formulée par le ministre à l’égard des conditions contractuelles d’emploi concernant les dépenses engagées dans le cadre de l’emploi. Le ministre a également formulé l’hypothèse selon laquelle l’appelant n’avait pas engagé ces dépenses et que, s’il les avait engagées, c’était à titre personnel.

[48]        Les éléments de preuve portant à confusion ne me permettent pas de savoir si certaines versions du formulaire T2200 devraient être considérées comme faisant autorité par rapport aux autres. Il est clairement indiqué sur les formulaires T2200 que l’employé devait engager certaines dépenses qui ne lui seraient pas remboursées. Il est également clair que ces dépenses comprenaient le coût de fournitures et l’usage d’un téléphone cellulaire.

[49]        En 2008, les formulaires T2200 indiquent tous que l’appelant devait payer ses propres frais d’automobile (question 6). En 2007, les formulaires T2200 sont quelque peu contradictoires relativement à cette question, mais rien ne me permet de penser que la situation en 2007 et en 2008 était différente. Puisque la seule hypothèse concernant la question de savoir si l’appelant a dû payer ses propres dépenses a été réfutée et en raison des éléments de preuve présentés par l’appelant, je conclus qu’il devait payer ses frais d’automobile ainsi que les fournitures utilisées et son téléphone cellulaire.

[50]        L’appelant a affirmé qu’il avait engagé les diverses autres dépenses déclarées pour stimuler les ventes, mais il était moins catégorique quand il a été question de ses conditions d’emploi. Plus particulièrement, je ne crois pas que ses éléments de preuve, dans leur ensemble, indiquent qu’il devait acheter certains produits ou avoir des services de télévision par satellite ou d’Internet chez lui pour acquérir des connaissances sur les produits. Cela a peut-être été encouragé par l’employeur, mais il ne s’agissait pas d’une exigence contractuelle. Quoi qu’il en soit, tel qu’il a été indiqué précédemment quant à l’achat des produits et des dépenses pour des services résidentiels de télévision par satellite et d’Internet, ces dépenses sont essentiellement des dépenses personnelles et elles ne sont pas déductibles.

[51]        En ce qui concerne les livraisons de télévisions qui auraient pu être effectuées, en plus de n’avoir aucune idée de la proportion de l’utilisation d’une automobile que cela pourrait représenter, il était clair qu’il ne s’agissait pas d’une exigence contractuelle étant donné que l’appelant a affirmé qu’il effectuait les livraisons de sa propre initiative.

[52]        J’admets que les cartes de visite constituent une dépense d’emploi admissible. J’admets également que l’appelant a dû payer son propre téléphone cellulaire et des frais d’automobile pour des déplacements liés à son emploi, exigés en vertu du contrat. Comme il est indiqué précédemment, ces sommes sont déductibles seulement dans la mesure où elles « se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant ».

[53]        Les frais d’automobile exigés en vertu du contrat sont donc limités à ceux engagés pour se rendre au travail dans un magasin différent de celui où se présentait habituellement l’appelant quand cela était demandé par l’employeur. Le seul élément de preuve relatif à la somme que nous avons à l’égard de ces frais est que sur certains formulaires T2200, il est indiqué que ces demandes ont pu survenir de deux à trois fois par mois. Il est clair qu’il n’y a qu’une très petite partie des frais totaux d’automobile de l’appelant pour l’année qui se rapportent à son emploi.

[54]        Dans le cas du téléphone cellulaire, nous disposons d’encore moins de renseignements sur l’aspect professionnel de cette dépense.

Conclusion concernant les dépenses de vendeurs

[55]        En 2007, le total des frais d’automobile déclarés, y compris l’essence, était d’un peu moins de 7 135 $. Ce total comprenait une somme de 3 600 $ pour l’achat d’une automobile usagée, somme qui devrait être capitalisée et non passée en charges. Les frais de téléphone cellulaire pour l’année 2007 étaient d’environ 1 601 $. Dans les circonstances, étant donné qu’il est clair qu’une certaine utilisation est liée à l’emploi, une somme de 900 $ sera admissible pour ces deux types de frais.

[56]        La somme des dépenses relatives aux cartes de visite et à la photographie prise pour la carte est évidente. Elle totalise 245,05 $ et elle est déductible en 2007.

[57]        En 2008, il y a encore une dépense relative aux cartes de visite d’un total de 63,89 $ qui est une dépense valide. Encore une fois, pour ce qui est des dépenses liées au téléphone cellulaire et aux frais d’automobile, peu d’éléments de preuve permettent de répartir les dépenses admissibles relatives au téléphone cellulaire et les dépenses personnelles admissibles. Une fois de plus, je reconnais qu’une somme modeste est admissible, donc une somme de 900 $ sera admissible pour ces deux types de dépenses.

[58]        Par conséquent, pour les années d’imposition 2007 et 2008, des montants totaux de 1 045,05 $ et de 963,89 $, respectivement, seront admissibles à titre de dépenses d’emploi.

Pertes de location en 2008

[59]        L’appelant et sa petite amie de l’époque ont acheté une résidence en 2008. L’appelant détenait 50 % de la maison. Ils prévoyaient vivre dans une partie de la maison et louer l’autre partie.

[60]        Ils ont dû faire beaucoup de travaux avant de pouvoir louer la maison et ils ont eu leur premier locataire en décembre 2008 seulement. Selon les photographies fournies sous l’onglet UU de la pièce A-2, je conviens qu’il y avait beaucoup de travaux à faire.

[61]        Le ministre a présumé que la partie locative de la maison correspondait à 44 % de l’espace de la résidence. Aucun élément de preuve ne contredit cette répartition.

[62]        L’appelant a déclaré un revenu de location de 375 $ pour 2008 et des dépenses totalisant 18 857 $, soit une perte de 18 482 $. La plupart de ces dépenses se rapportaient à la rénovation de la maison. L’appelant a déclaré sa moitié de la perte de location dans sa déclaration de revenus de 2008, soit 9 241 $. Le ministre a rejeté presque toutes les dépenses déclarées et n’a retenu qu’une somme de 320 $.

[63]        Dans les dépenses déclarées et les dépenses prouvées par l’appelant à l’audience, il n’y avait aucune distinction entre les dépenses engagées pour la partie personnelle et celles engagées pour la partie locative de la résidence. Quel que soit le montant des dépenses engagées pour l’ensemble de la propriété, en l’absence d’un lien entre une dépense et la partie locative de la résidence, un maximum de 44 % des dépenses peut être déclaré. Les deux sommes totalisant 110 $ pour l’annonce de location pour étudiants constituent la seule exception. La somme de 110 $ est entièrement déductible.

[64]        Parmi les dépenses déclarées se rapportant au revenu de location dans la déclaration de revenus, il y a une somme de 1 982 $ en coûts se rapportant aux télécommunications. Il y a également environ 2 500 $ en frais de véhicule à moteur déclarés se rapportant au revenu de location.

[65]        Je note que pour 2008, en ce qui a trait aux dépenses d’emploi de l’appelant, ce dernier a déclaré plus de 7 400 $ en frais d’automobile et plus de 4 700 $ en frais de déplacement. Ces frais ajoutés aux 2 500 $ déclarés se rapportant à la location, cela donne un total de près de 9 900 $ en frais de véhicule à moteur déclarés par l’appelant en dépenses d’emploi ou en dépenses de location. Je note également que l’appelant a produit des reçus seulement pour 2008 et pour une somme considérablement inférieure aux 9 900 $ déclarés en frais de véhicule à moteur.

[66]        Encore une fois, l’appelant n’a pas tenu de registre et, quels que fussent les frais réels de véhicule à moteur, il n’existe aucun fondement factuel permettant de déterminer quelle partie pourrait se rapporter aux dépenses de location. Il en va de même pour les coûts se rapportant aux télécommunications. Je ne crois pas qu’il existe une somme importante dans ces deux catégories qui se rapporte aux dépenses de location.

[67]        Bien que M. Ciurcovich ait montré à l’appelant comment organiser ses reçus, à l’audience, l’appelant a produit des reçus d’une valeur d’environ 5 165 $ se rapportant aux dépenses de location, sans tenir compte des frais d’automobile et des coûts se rapportant aux communications (voir l’onglet LL de la pièce A-2). Or, près de 14 000 $ de dépenses ont été déclarés, sans tenir compte des frais d’automobile et des frais de téléphone cellulaire.

[68]        Des 5 165 $, le reçu le plus élevé est un paiement de 1 866 $ versé à un cabinet d’avocats. Les frais juridiques doivent être répartis entre le coût du terrain et le coût de l’immeuble, et ajoutés au coût d’immobilisations. La déduction pour amortissement peut être déclarée au titre du coût de la résidence, mais seulement en ce qui concerne l’usage locatif de la propriété et seulement si la déduction ne crée pas de perte.

[69]        L’appelant a également affirmé qu’il avait installé un nouveau plancher, mais il n’avait pas les reçus. Quoi qu’il en soit, le nouveau plancher serait probablement considéré comme une dépense en immobilisations plutôt que comme une dépense courante.

[70]        Il y avait également un reçu de 924 $ relatifs à des travaux d’isolation, qui, selon le témoignage de l’appelant, représentaient une amélioration. Par conséquent, cette somme devrait être capitalisée et non traitée comme une dépense courante.

[71]        Après avoir déduit les 1 866 $ payés au cabinet d’avocats et les 924 $ en travaux d’isolation, il reste 2 375 $ en dépenses courantes déductibles. La partie locative de cette dépense correspond à 44 % x 2 265 $, soit 996 $ plus la somme de 110 $ se rapportant à l’annonce de location, pour un total de 1 106 $. Il faut ajouter à cette somme les 320 $ accordés précédemment par le ministre, pour un total de 1 426 $ en dépenses se rapportant au bien locatif.

Somme déclarée au titre des frais financiers

[72]        Concernant les années d’imposition 2007 et 2008, le ministre a rejeté les sommes de 1 858 $ et de 2 308 $, respectivement. Ces sommes sont décrites à l’annexe 4 des deux déclarations de revenus comme se rapportant aux [traduction] « frais d’administration et de coffre-fort ».

[73]        À l’audience, l’appelant a allégué qu’il n’avait aucune idée de ce à quoi se rapportaient ces frais et a renoncé à la déduction. Il n’est plus nécessaire de traiter ces déductions.

Pénalités pour faute lourde

[74]        Enfin, il reste la question des pénalités pour faute lourde imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Il y a deux éléments essentiels à respecter avant de pouvoir appliquer cette pénalité. D’abord, il faut établir l’existence d’un faux énoncé dans la déclaration de revenus. Il ne fait aucun doute qu’il y a plusieurs faux énoncés dans les deux déclarations de revenus.

[75]        Il faut ensuite déterminer si l’appelant « [...] sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé [...] ou y participe, y consent ou y acquiesce [...]. » Il est bien établi que la faute lourde comprend l’aveuglement volontaire (voir la décision Panini c. Canada, 2006 CAF 224).

[76]        En signant sa déclaration de revenus, l’appelant a certifié que les renseignements donnés étaient exacts, complets et révélaient la totalité de ses revenus. Même si on ne s’attend pas à ce que les contribuables soient spécialistes en fiscalité, ils doivent faire un effort raisonnable pour assurer l’exactitude de leur déclaration de revenus.

[77]        En l’espèce, de nombreux signaux auraient dû soulever des questions dans l’esprit de l’appelant : par exemple, la déclaration d’une somme importante dans la catégorie [traduction] « Bottes et gants », alors que l’appelant n’avait aucun reçu de bottes et de gants; la déclaration de la totalité de ses frais de véhicule à moteur pour un usage professionnel; la déclaration de la totalité de ses dépenses de téléphone cellulaire, d’Internet et de télévision par satellite; l’omission de répartir une partie de ses dépenses se rapportant à la maison qu’il a achetée à une utilisation personnelle par opposition à la partie servant à produire un revenu de location.

[78]        La seule raison possible pour expliquer le défaut de poser des questions est l’aveuglement volontaire de la part de l’appelant. La pénalité est donc imposée à juste titre.

Conclusion

[79]        En conséquence, l’appel sera accueilli, mais seulement pour que le ministre apporte les modifications suivantes :

a.                 pour l’année d’imposition 2007, des dépenses d’emploi totalisant 1 045,05 $ seront admissibles;

b.                 pour l’année d’imposition 2008, des dépenses d’emploi totalisant 963,89 $ et des dépenses de location totalisant 1 426 $ seront admissibles;

c.                  pour les deux années d’imposition, les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi seront rajustées et tiendront compte des dépenses admissibles.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de septembre 2016.

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 186

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-139(IT)I

INTITULÉ :

JAY Z. KALRYZIAN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 août 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Gaston Jorré

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 août 2016

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ ET MOTIFS MODIFIÉS DU JUGEMENT :

Le 27 septembre 2016

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Dominique Gallant

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Canada)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.