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Dossier : 2016-1392(EI)

ENTRE :

RANDY STUCKLESS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu le 19 août 2016, à Gander (Terre-Neuve-et-Labrador)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Me David Besler

 

JUGEMENT

          L’appel de la décision rendue le 19 février 2016 par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de septembre 2016.

« V.A. Miller »

La juge V. A. Miller

 


Référence : 2016 CCI 191

Date : 20160902

Dossier : 2016-1392(EI)

ENTRE :

RANDY STUCKLESS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V. A. Miller

[1]             La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’appelant occupait un emploi assurable durant la période allant du 25 mai au 17 octobre 2015 (la « période ») lorsqu’il a fourni des services à Randy and Ryder Construction Ltd. (le « payeur »).

[2]             Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a déterminé que l’emploi de l’appelant n’était pas assurable parce qu’il entretenait avec le payeur un lien de dépendance aux termes des alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »).

[3]             Le seul témoin à l’audience était l’appelant. Il a déclaré qu’il n’avait pas reçu la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») qui avait été déposée auprès de la Cour le 8 juin 2016. L’avocat de l’intimé a informé la Cour que la réponse avait été envoyée à l’appelant sous pli recommandé le 8 juin 2016 et qu’elle n’avait pas été retournée à l’Agence du revenu du Canada. L’appelant a eu la possibilité de lire la réponse et on lui a demandé s’il souhaitait obtenir un ajournement de l’audience afin de pouvoir apporter tous les documents qu’il jugeait pertinents pour son appel. L’appelant n’a pas souhaité obtenir d’ajournement.

[4]             Dans son témoignage, l’appelant était d’accord avec la plupart des hypothèses sur lesquelles s’est fondé le ministre. Je résumerai ces hypothèses et le témoignage de l’appelant dans les paragraphes qui suivent.

[5]             L’appelant est maçon depuis environ 16 ans. Il a déclaré qu’il avait fait constituer le payeur en société parce qu’il n’arrivait pas à trouver de travail. Il croyait qu’après la constitution en société du payeur, il pourrait obtenir des prestations d’assurance-emploi en cas de pénurie de travail.

[6]             Le payeur a été constitué en société le 4 mai 2015. Il exerçait ses activités dans les domaines de la maçonnerie et du briquetage, ainsi que de l’aménagement paysager. Les actionnaires du payeur étaient les suivants :

a)     l’appelant, qui détenait 20 % des actions ordinaires;

b)    la conjointe de l’appelant, qui détenait 40 % des actions ordinaires;

c)     le père de l’appelant, qui détenait 40 % des actions ordinaires.

[7]             Au dire l’appelant, son père était un [traduction] « actionnaire dormant ». L’appelant a déclaré qu’il savait que son emploi ne serait pas assurable s’il détenait plus de 40 % des actions du payeur. Par conséquent, son père et sa conjointe ont chacun obtenu 40 % des actions. L’appelant croyait que s’il ne détenait que 20 % des actions, il aurait une [traduction] « meilleure chance » de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi si le travail venait à ralentir.

[8]             L’appelant était également administrateur et président du payeur. Ses fonctions comprenaient ce qui suit :

       i.            répondre au téléphone;

     ii.            fournir des idées d’aménagement et des devis aux clients éventuels;

  iii.            commander des matériaux;

  iv.            construire des allées piétonnières, des plates-bandes, des murs de soutènement et d’autres ouvrages de maçonnerie;

     v.            réaliser des projets d’aménagement paysager et manœuvrer l’équipement.

[9]             Le ministre a présumé que les fonctions de l’appelant comprenaient également l’embauche et la supervision de travailleurs occasionnels, ainsi que la facturation des clients du payeur. Toutefois, l’appelant a déclaré que sa conjointe se chargeait d’embaucher les travailleurs et qu’elle s’occupait de toute la facturation pour le payeur. Selon son témoignage, lui et sa conjointe participaient tous les deux aux activités du payeur. D’après l’appelant, sa conjointe visitait les chantiers, préparait des devis, gérait les chantiers et commandait des fournitures et des outils pour le payeur.

[10]        La conjointe de l’appelant était présente à l’audience de l’appel, mais elle n’a pas témoigné. Si elle avait été appelée à témoigner, l’avocat de l’intimé aurait pu procéder à un contre-interrogatoire au sujet des services exacts qu’elle fournissait pour le compte du payeur. Comme elle n’a pas été appelée à témoigner, j’ai déduit que son témoignage n’aurait pas aidé l’appelant.

[11]        Le payeur a déclaré que l’appelant était le seul employé durant la période visée. Le payeur a fait un total de 19 chèques de paie hebdomadaires à l’appelant.

[12]        Le ministre a également supposé ce qui suit :

[traduction]
t)          durant la période, l’appelant a utilisé la carte de débit du payeur pour effectuer des transactions en espèces d’une valeur de plus de 11 600 $ au guichet automatique bancaire;

u)         durant la période, l’appelant a utilisé la carte de débit du payeur pour effectuer d’autres transactions personnelles d’une valeur de plus de 6 500 $.

[13]        L’appelant a confirmé ces suppositions, mais il a déclaré qu’il avait remboursé le payeur.

Lois

[14]        Les dispositions législatives pertinentes de la Loi sont les suivantes :

5(2) N’est pas un emploi assurable :

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

5(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

[15]        Dans l’arrêt Birkland c. Ministre du Revenu national, 2005 CCI 291, le juge Bowie a examiné les diverses décisions de la Cour d’appel fédérale qui portaient sur le rôle de la Cour dans un appel aux termes des dispositions susmentionnées. Il a déclaré ce qui suit :

Il est suffisant, à cette étape-ci, de décrire simplement ce qu’est, à mon avis, l’état actuel du droit. Je me fonde principalement à cet égard sur le paragraphe 4 de l’arrêt Légaré (reproduit ci-dessus) et sur l’extrait suivant du jugement rendu par le juge en chef Richard, auquel ont souscrit les juges Létourneau et Noël, dans l’affaire Denis c. Canada :

5          Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt dans un appel d’une détermination du ministre sur les dispositions d’exclusion contenues aux paragraphes 5(2) et (3) de la Loi est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et les témoins appelés pour la première fois à s’expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable. Toutefois, le juge ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus (voir Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2000 A.C.F. no 310, 10 mars 2000).

Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également.

À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable.

Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).

Analyse

[16]        Le payeur était contrôlé par le père et la conjointe de l’appelant. Conformément au paragraphe 251(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’appelant et le payeur sont liés. Ils sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance aux termes de l’alinéa 251(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[17]        La question en litige consiste à déterminer, selon la preuve présentée à la Cour, si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, conclure que le payeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. À mon avis, la réponse à cette question est non.

[18]        Je ne crois pas que la conjointe de l’appelante exécutait réellement toutes les tâches mentionnées par l’appelant. Je crois que sa seule tâche auprès du payeur consistait à tenir les registres comptables. La conjointe de l’appelant n’avait aucune formation en lien avec les activités du payeur, elle n’a déclaré aucun revenu provenant du payeur et, durant la période, elle travaillait pour un autre payeur.

[19]        Le témoignage de l’appelant était intéressé. Il n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que les hypothèses du ministre étaient erronées.

[20]        À mon avis, l’appelant prenait toutes les décisions pour le compte du payeur. Il prenait les décisions quant au moment où il travaillait, à son propre taux de rémunération, aux devis établis par le payeur, aux contrats que le payeur acceptait, à ses jours et heures de travail et aux travailleurs occasionnels embauchés et mis à pied par le payeur. L’appelant déterminait l’orientation des activités du payeur. Je crois que l’appelant a fait constituer le payeur en société afin de donner l’impression qu’il était employé par un tiers indépendant.

[21]        Rien ne me permet de conclure que la décision du ministre aurait été différente s’il avait eu connaissance de la preuve qui m’a été présentée. L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de septembre 2016.

« V.A. Miller »

La juge V. A. Miller

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 191

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-1392(EI)

INTITULÉ :

RANDY STUCKLESS c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Gander (Newfoundland)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 août 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 2 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Me David Besler

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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