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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge en chef adjointe Lamarre

[1]  La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre de la décision du 21 décembre 2015 par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a conclu que l’emploi de l’appelante durant la période allant du 1er janvier 2014 au 21 avril 2015 était exclu de l’emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(2)i) du Régime de pensions du Canada (le RPC) et de l’article 24 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (le Règlement).

Dispositions applicables

[2]  Les dispositions applicables du RPC et du Règlement sont ainsi libellées :

RPC

COTISATIONS PAYABLES

Emplois ouvrant droit à pension

6 (1) Ouvrent droit à pension les emplois suivants :

a) l’emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté;

[...]

c) l’emploi assimilé à un emploi ouvrant droit à pension par un règlement pris en vertu de l’article 7.

Emplois exceptés

6 (2) Sont exceptés les emplois suivants :

[...]

i) l’emploi par Sa Majesté du chef d’une province, ou par un mandataire de celle‑ci;

[...]

k) tout emploi qui est excepté de l’emploi ouvrant droit à pension selon un règlement pris en vertu de l’article 7.

  Règlements sur les emplois assimilés à un emploi ouvrant droit à pension

  7 (1) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements en vue d’assimiler à un   emploi ouvrant droit à pension les emplois suivants :

  [...]

  e) conformément à un accord avec le gouvernement d’une province, l’emploi au Canada   par Sa Majesté du chef de la province, ou par un mandataire de celle-ci;

Règlement

Emploi par une province ou par un mandataire d’une province

24(1) L’emploi par Sa Majesté du chef d’une province précisée à l’annexe III, et l’emploi par un mandataire de Sa Majesté du chef de cette province, sauf l’emploi par un mandataire de la province qui est précisé à l’annexe IV et tout emploi par Sa Majesté du chef de la province, qui est précisé à ladite annexe, sont compris dans l’emploi ouvrant droit à pension.

ANNEXE III

(article 24)

1. Province d’Ontario

ANNEXE IV

(article 24)

1 Province d’Ontario

[...]

b) Emploi à titre de membres d’une agence, d’un conseil, d’une commission, d’un comité ou de tout autre organisme, doté ou non de la personnalité morale, nommés par Sa Majesté du chef de l’Ontario ou par un de ses mandataires, qui touchent une rétribution ou une autre rémunération à la journée, des avances, des honoraires ou des allocations, mais qui ne sont pas employés à plein temps de Sa Majesté du chef de l’Ontario ou d’un de ses mandataires.

Question générale

[3]  En résumé, l’emploi par Sa Majesté du chef d’une province ou par un mandataire de Sa Majesté du chef de cette province n’est pas un emploi ouvrant droit à pension, sauf si le gouverneur en conseil inclut cet emploi dans les emplois ouvrant droit à pension conformément à un accord avec le gouvernement d’une province. La province de l’Ontario a choisi d’inclure dans les emplois ouvrant droit à pension les emplois par Sa Majesté du chef de l’Ontario ou par un mandataire de Sa Majesté du chef de l’Ontario, à l’exception des emplois précisés à l’annexe IV.

[4]  La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’emploi de l’appelante est visé par l’exception figurant au point 1b) de l’annexe IV susmentionnée, de sorte que son emploi ne serait pas un emploi ouvrant droit à pension.

Contexte factuel

[5]  En juin 2007, le lieutenant‑gouverneur de l’Ontario a nommé par décret l’appelante au poste de [traduction] « vice-présidente à temps partiel » du Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (le TASPAAT). Depuis sa nomination initiale, l’appelante a été renommée au même poste, par décret, pour des mandats fixes de trois ans (pièce R‑1), et elle occupe toujours ce poste.

[6]  Le TASPAAT est un « organisme décisionnel du système de justice ontarien [1]  », une direction générale du ministère du Travail de l’Ontario (pièce A‑3, gouvernement de l’Ontario, Secrétariat des nominations, « Liste des organismes »).

[7]  Le TASPAAT est la dernière instance d’appel devant laquelle les travailleurs et les employeurs peuvent intenter des poursuites relatives à la sécurité professionnelle et à l’assurance contre les accidents du travail en Ontario (pièce A‑1, « Rapport du Tribunal – Traitement des cas »).

[8]  Selon l’appelante, lorsqu’elle a été nommée la première fois, les « vice‑présidents à temps partiel » étaient considérés comme des travailleurs autonomes. Elle a aussi été informée que son emploi lui donnait droit à la pension et qu’elle recevrait chaque année un T4A émis par le TASPAAT.

[9]  En 2010, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a déterminé que les personnes nommées à temps partiel au TASPAAT [traduction] « occupaient une fonction ou une charge et étaient employés par la province de l’Ontario ». Il a aussi été déterminé que leur « emploi n’était pas assurable en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi, mais qu’il donnait droit à pension au titre du Régime de pensions du Canada [2]  ».

[10]  La décision a initialement été portée en appel devant la Cour canadienne de l’impôt par le TASPAAT, mais l’appel a été retiré le 24 février 2015 [3] .

[11]  Le 5 décembre 2013, à la suite d’une demande venant de la province de l’Ontario, le Règlement a été modifié de manière à exclure de l’emploi ouvrant droit à pension certains emplois par la province de l’Ontario ou par un mandataire de celle-ci [4] .

[12]  Le 20 février 2015, à la suite d’une modification apportée au Règlement, et après avoir reçu du TASPAAT un T4 indiquant qu’elle était [traduction] « exclue » du Régime de pensions du Canada, l’appelante a demandé à l’ARC de rendre une décision quant à l’admissibilité à la pension de son emploi.

[13]  Le 21 juillet 2015, l’ARC a informé l’appelante que la décision suivante avait été rendue [5]  :

[traduction]

[...] l’appelante avait été engagée pour occuper une fonction ou une charge au tribunal; toutefois, son emploi était exclu de l’emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(2)i) du RPC et de l’article 24 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (C.R.C., ch. 385) (le « Règlement ») durant la période en cause (la « décision »).

[14]  Le 29 août 2015, l’appelante a déposé un appel auprès du chef des appels. La décision a été confirmée par le ministre le 21 décembre 2015, et il a été réaffirmé que l’emploi de l’appelante était [traduction] « exclu de l’emploi ouvrant droit à pension ».

[15]  Les parties reconnaissent que l’appelante est employée par le TASPAAT et occupe une « fonction ou [une] charge » au sens du paragraphe 2(1) du RPC.

[16]  Dans son témoignage, l’appelante a déclaré que, depuis 2013, elle travaillait à temps plein pour le TASPAAT (à la suite de sa décision d’assumer une telle charge de travail et avec l’approbation du TASPAAT) même si elle avait été nommée à titre de vice‑présidente à temps partiel. Elle a indiqué que son passage d’un horaire à temps partiel à un horaire à temps plein était [traduction] « plutôt informel » puisque « cela n’avait pas été officialisé d’une quelconque façon [6]  ». Elle a indiqué qu’elle était rémunérée à la journée ainsi qu’à l’heure pour certaines fonctions. En contre-interrogatoire, elle a reconnu que son taux horaire était en fait le taux journalier auquel elle avait droit, divisé par le nombre maximal d’heures qu’elle pouvait facturer (huit heures), ce qui donnait un taux horaire de 83 $.

[17]  En fait, selon les lignes directrices en matière de facturation pour un vice‑président à temps partiel déposées par l’appelante (pièce A‑2), la rémunération que lui verse le Tribunal est fondée sur une rémunération journalière équivalente à huit heures, et le paiement maximal quotidien est de 664 $, ce qui correspond également à sa rémunération à la journée selon la section « Détails sur l’organisme » du Secrétariat des nominations de l’Ontario concernant les personnes nommées au TASPAAT par le gouvernement de l’Ontario (pièce R‑2, page 2).

[18]  Depuis sa première nomination en 2007, l’appelante a cotisé annuellement au RPC. Des cotisations ont également été payées par le TASPAAT de 2007 à 2009. Toutefois, à partir de 2010, ces contributions ont été décrites comme étant [traduction] « en attente » (pièce A‑3, [traduction] « Cotisations au Régime de pensions du Canada depuis la nomination au TASPAAT [7]  ».)

Questions précises

[19]  La question consiste à savoir si l’appelante occupait un emploi ouvrant droit à pension au sein du TASPAAT durant la période allant du 1er janvier 2014 au 21 avril 2015, ou si l’emploi était exclu conformément au point 1b) de l’annexe IV du Règlement.

[20]  Plus précisément, les parties ont soulevé deux questions quant à l’applicabilité de l’exception : (1) l’appelante était-elle rémunérée « à la journée »? et (2) occupait-elle un emploi à temps plein au sein du TASPAAT?

[21]  Si je conclus que l’appelante était rémunérée à la journée et qu’elle n’occupait pas un emploi à temps plein au TASPAAT, je devrai donc conclure que son emploi au TASPAAT n’était pas un emploi ouvrant droit à pension, et l’appel sera rejeté.

[22]  Pour les motifs qui suivent, la Cour estime que le ministre a conclu à juste titre que l’emploi de l’appelante est exclu de l’emploi ouvrant droit à pension.

Position des parties

(1) Position de l’appelante

[23]  L’appelante fait valoir que, pour la période en cause, elle occupait un « emploi ouvrant droit à pension » au TASPAAT au sens du paragraphe 24(1) du Règlement, car elle n’était pas visée par l’exception établie par l’annexe IV du Règlement puisqu’elle n’était pas seulement rémunérée à la journée et qu’elle travaillait à plein temps au TASPAAT.

[24]  L’appelante allègue que, afin d’établir les conditions de sa nomination au TASPAAT, la Cour devrait regarder au-delà du libellé du décret (pièce R‑1) et accorder de l’importance à la nature de son emploi.

Pas employés à plein temps

[25]  Pour soutenir son argument, elle a invoqué les décisions Town Properties Ltd. c. La Reine, 2004 CCI 375, et Woessner c. R., [1999] 4 C.T.C. 2337, dans lesquelles la question en litige était de savoir si certaines personnes étaient employées à plein temps auprès de l’employeur aux fins de la déduction accordée aux petites entreprises en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[26]  À l’audience, l’appelante a mentionné que le ministre avait reconnu qu’elle avait en fait travaillé à plein temps au TASPAAT durant la période en cause. Par conséquent, elle a déclaré que, à la lumière de sa situation, rien ne justifiait que la Cour tire une conclusion contraire à ce que le ministère avait reconnu en déterminant qu’elle n’occupait pas un emploi à plein temps au sens du Règlement.

[27]  L’appelante a reconnu qu’elle pouvait refuser le travail qui lui était assigné par le TASPAAT. Elle a aussi admis que, si elle le faisait, il n’y aurait aucune conséquence, sauf peut-être en ce qui concerne une nouvelle nomination, puisque la recommandation de nouvelle nomination est fondée sur le rendement. Toutefois, elle a mentionné que, une fois qu’elle avait accepté une tâche, elle ne pouvait pas la refuser par la suite.

[28]  Par conséquent, en réponse à l’affirmation de l’avocat du ministre selon laquelle elle travaillait volontairement à plein temps, l’appelante a déclaré que, si c’était effectivement son choix d’assumer une telle charge de travail, il n’aurait pas pu s’agir d’une décision unilatérale, puisque c’est le TASPAAT qui l’affectait à des audiences chaque mois et qui approuvait son horaire.

[29]  L’appelante a aussi affirmé que sa décision de travailler à plein temps avait été prise dans un contexte où le TASPAAT encourageait ses « vice‑présidents à temps partiel » à travailler à temps plein afin de s’occuper de la croissance exponentielle de cas actifs (pièce A‑1, « Rapport du tribunal – Traitement des cas [8]  »).

[30]  L’appelante a aussi cité le passage suivant provenant du « Résumé de l’étude d’impact de la réglementation » émis à propos de la modification de l’annexe IV du Règlement et publié dans la Gazette du Canada, partie II (pièce A‑3) [9]  :

Justification

La ministre du Revenu national a conclu, au nom du gouvernement du Canada, un accord avec le gouvernement de l’Ontario, selon lequel elle a accepté de recommander à ses collègues du Cabinet une modification de l’annexe IV du Règlement sur le RPC afin d’exclure l’emploi de près de 4 000 particuliers qui ont été nommés par la Couronne à des postes à temps partiel de l’emploi ouvrant droit à pension. Étant donné que l’Ontario et ses mandataires ont toujours considéré que ces personnes occupaient un emploi exclu de l’emploi ouvrant droit à pension, la modification proposée refléterait la situation existante.

[Non souligné dans l’original.]

[31]  L’appelante est d’avis que l’intention du législateur n’était pas d’exclure les « vice‑présidents à temps partiel » du TASPAAT, puisque leur emploi a été considéré comme ouvrant droit à pension par le passé.

[32]  L’appelante a fait valoir que, afin d’éviter toute injustice ou tout effet punitif, la portée de l’exception ne doit pas être élargie de manière à empêcher les employés travaillant à temps plein de cotiser au RPC.

[33]  En se fondant sur le « Résumé de l’étude d’impact de la réglementation », précité, l’appelante a soutenu que la modification apportée par le législateur à l’annexe IV du Règlement visait à avoir un effet neutre et à refléter la situation existante; elle n’avait pas pour but d’exclure les contribuables qui cotisaient au RPC.

[34]  À l’appui de sa position, l’appelante a fait valoir, en renvoyant au contexte plus général, que l’objectif du RPC et du Règlement est de permettre à la population d’avoir accès à un programme social, assujetti seulement à quelques exceptions limitées. Ainsi, compte tenu de sa situation, il n’y aurait aucune raison légitime d’élargir la portée de l’exception qui figure à l’annexe IV du Règlement et de la priver des avantages dont elle devrait pouvoir se prévaloir.

[35]  En outre, l’appelante a invoqué l’argument selon lequel le critère « qui ne sont pas employés à plein temps » au point 1b) de l’annexe IV du Règlement n’inclut pas expressément les contribuables qui, même s’ils travaillent réellement à plein temps, ont néanmoins été nommés à un poste à temps partiel.

[36]  Par conséquent, compte tenu de l’interprétation énoncée plus haut et du fait qu’elle a cotisé au RPC depuis sa première nomination en 2007, l’appelante a allégué que l’exception en question n’est pas censée s’appliquer à sa situation, puisque cela aurait un effet punitif, particulièrement pour la période en cause, qui fait l’objet d’un examen rétrospectif.

Rémunération à la journée

[37]  En ce qui concerne la rémunération à la journée, l’appelante a mentionné que l’expression « à la journée » n’est pas définie dans la législation applicable.

[38]  Selon elle, un taux horaire n’est pas un taux journalier.

[39]  À cet égard, elle s’est appuyée sur la directive émise par le Conseil de gestion du gouvernement (le CGG) (pièce A‑2, [traduction] « Directive sur les personnes nommées par le gouvernement [10]  »), qui définit l’expression « rémunération à la journée » de la manière suivante [11]  :

[traduction]

La rémunération des personnes nommées à un poste à temps partiel doit se faire à la journée. La rémunération à la journée doit être interprétée comme le montant payable pour les périodes de travail dépassant trois heures; lorsque la période de travail est de moins de trois heures, la moitié de la rémunération établie pour une journée doit être payée.

[40]  Dans son témoignage, l’appelante a souligné que la rémunération à la journée est principalement appliquée pour les audiences.

[41]  Pour ce qui est des autres éléments facturés par l’appelante (comme la préparation, les heures supplémentaires consacrées à la rédaction de décisions, les décisions provisoires, le temps de déplacement et la formation), elle était payée en fonction d’un taux horaire (pièce A‑2, [traduction] « Sommaire de la facturation à la journée » et [traduction] « Lignes directrices administratives : rémunération d’un vice-président à temps partiel [12]  » du TASPAAT).

[42]  Pour cette raison, l’appelante a fait valoir que sa rémunération ne constitue pas une « rémunération à la journée » comme le définit la directive du CGG, puisqu’un salaire journalier ne lui est pas automatiquement payé pour toute période de travail excédant trois heures.

[43]  C’est sur ce fondement que l’appelante a établi une distinction entre sa situation et celle décrite dans les lignes directrices établies par le CGG.

[44]  L’appelante a également soutenu que, dans la mesure où j’estime qu’une interprétation plus vaste devrait être donnée à l’expression « rémunération à la journée » lorsqu’il convient de déterminer s’il a été satisfait au critère de rémunération à la journée, il faudrait que la rémunération ait été fondée uniquement ou principalement sur un taux journalier. Toutefois, elle a déclaré que ce n’était pas son cas, puisqu’elle est payée principalement en fonction d’un taux horaire pour son travail au TASPAAT et que le critère n’est donc pas respecté.

(2) Position du ministre

[45]  Le ministre est d’avis que l’appel devrait être rejeté puisque l’emploi de l’appelante était exclu de l’emploi ouvrant droit à pension au motif qu’il était excepté au sens du paragraphe 24(1) et de l’annexe IV du Règlement.

[46]  Le ministre fait valoir que l’appelante a été nommée à titre de vice‑présidente à temps partiel devant être rémunérée sur une base journalière (journée civile) conformément au décret (pièce R‑1).

Rémunération à la journée

[47]  En ce qui concerne le critère de rémunération à la journée, l’avocat du ministre a mentionné que le point 1b) de l’annexe IV du Règlement ne mentionne pas la rémunération fondée sur un salaire annuel (qui est la façon dont les vice‑présidents à temps plein au TASPAAT sont rémunérés).

[48]  L’appelante, à titre de vice-présidente à temps partiel, ne recevait pas un salaire annuel. Elle était payée sur une base journalière (pièce R‑2). Le ministre a insisté sur le fait que la partie de la rémunération de l’appelante que le Tribunal considérait comme une rémunération horaire était en fait une portion du salaire journalier accordé pour le poste de « vice-président à temps partiel ». Ainsi, peu importe la façon dont le TASPAAT ou son logiciel de facturation qualifiait la rémunération de l’appelante, cette dernière était en fait payée entièrement sur une base journalière. Seules certaines de ses tâches étaient rémunérées en fonction d’un taux horaire.

[49]  Enfin, l’avocat du ministre a souligné que rien dans le libellé du point 1b) de l’annexe IV du Règlement n’indique que, pour que le critère soit respecté, l’appelante devait être rémunérée entièrement sur une base journalière.

Pas employés à plein temps

[50]  En ce qui concerne le critère « qui ne sont pas employés à plein temps », le ministre était d’avis qu’il convient d’appliquer une approche moderne d’interprétation législative pour déterminer quelle était l’intention du législateur, c’est-à-dire que la disposition applicable devrait être analysée au moyen d’une approche textuelle, contextuelle et téléologique [13] .

[51]  Le ministre a fait valoir que le nombre d’heures travaillées par l’appelante n’a aucune importance pour la résolution de la présente question au titre du point 1b) de l’annexe IV du Règlement.

[52]  À l’appui de sa thèse, l’avocat du ministre a appliqué une approche textuelle, en soutenant que le point 1b) devait être interprété dans son ensemble. Il est d’avis que l’expression « qui ne sont pas employés à plein temps » devrait être lue conjointement avec l’expression « emploi à titre de membres [...] nommés » qui figure au début de la disposition.

[53]  Par conséquent, le ministre a fait valoir que, pour déterminer si l’appelante occupait un emploi à plein temps au TASPAAT, la Cour devait tenir compte des conditions de sa nomination plutôt que du nombre d’heures travaillées.

[54]  En faisant référence à l’approche contextuelle, l’avocat du ministre a souligné que, selon le RPC et le Règlement, il appartient au gouvernement en conseil et au gouvernement de l’Ontario de décider quel type d’emploi devrait être exclu de « l’emploi ouvrant droit à pension ».

[55]  En ce qui a trait à l’approche téléologique, l’avocat du ministre a également cité le « Résumé de l’étude d’impact de la réglementation » susmentionné, en ce qui a trait à la modification de l’annexe IV du Règlement (pièce A‑3) pour soutenir sa thèse selon laquelle la modification demandée par le gouvernement de l’Ontario visait à exclure de l’emploi ouvrant droit à pension les emplois des personnes nommées à temps partiel, en raison du statut de leur poste.

[56]  Pour soutenir cette approche, l’avocat du ministre a également invoqué l’article 12 de la Loi d’interprétation [14] , qui est ainsi libellé :

Principe et interprétation

12 Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

[57]  Enfin, l’avocat du ministre souligne la difficulté qui pourrait découler de l’application du point 1b) de l’annexe IV du Règlement si la méthode d’analyse choisie devait tenir compte du nombre d’heures travaillées par une personne nommée à temps partiel puisque, en l’espèce, les heures sont extrêmement variables vu que les changements d’horaire de travail sont faits de façon « informelle », selon le souhait des personnes nommées ou de leur employeur.

(3) Contre-preuve de l’appelante

[58]  Dans son contre-argument, l’appelante a répondu à l’argument du ministre concernant l’expression « qui ne sont pas employés à plein temps » en affirmant que l’expression « emploi à titre de membres [...] nommés » (en anglais « employment by appointment ») ne réfère qu’à un aspect de l’emploi et ne devrait pas teinter l’interprétation de l’ensemble de la disposition.

[59]  Conformément à son interprétation, l’appelante a mentionné que l’expression « emploi à titre de membres [...] nommés » devrait plutôt être interprétée comme un critère distinct devant être respecté pour que le point 1b) de l’annexe IV du Règlement s’applique, qui se distingue du critère d’emploi à plein temps.

[60]  En dernier lieu, l’appelante a invoqué l’argument selon lequel, si le législateur a employé des expressions différentes, c’est parce qu’elles n’étaient pas censées avoir la même signification. Par conséquent, une distinction doit être établie entre les termes « nomination » et « emploi ».

Analyse

Notion d’« emploi »

[61]  Les parties n’ont pas contesté que l’appelante était employée par le TASPAAT. Néanmoins, aux fins du présent appel, il convient d’examiner les principes directeurs qui s’appliquent.

[62]  Le terme « emploi » est défini au paragraphe 2(1) du RPC comme suit :

emploi L’état d’employé prévu par un contrat de louage de services ou d’apprentissage, exprès ou tacite, y compris la période d’occupation d’une fonction.

[63]  L’expression « occupation d’une fonction » se rapporte directement à la question en litige dans le présent appel. Par conséquent, afin de déterminer si l’appelante exerçait un emploi au TASPAAT, il est nécessaire d’analyser la signification des termes « fonction ou charge », qui sont également définis au paragraphe 2(1) du RPC :

Fonction ou charge Le poste qu’occupe un particulier, lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable. Sont visés par la présente définition une charge judiciaire, la charge de ministre, de lieutenant‑gouverneur, de membre du Sénat ou de la Chambre des communes, de membre d’une assemblée législative ou d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu par vote populaire ou est élu ou nommé à titre de représentant, y compris le poste d’administrateur de personne morale; fonctionnaire s’entend d’une personne détenant une telle fonction ou charge.

[Non souligné dans l’original.]

[64]  Durant la période en cause, l’appelante n’a occupé aucun poste qui figure dans la définition des termes « fonction ou charge ».

[65]  Ainsi, afin d’établir si l’appelante est visée par la définition des termes « fonction ou charge », il faut déterminer si elle avait droit « à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable ».

[66]  Dans l’arrêt Canada (Revenu national) c. Ontario [15] , la Cour d’appel fédérale a conclu « qu’un droit à une rémunération selon un taux quotidien établi à l’avance est suffisamment “déterminée ou constatable pour satisfaire au critère réglementaire ».

[67]  En l’espèce, puisque l’appelante avait droit à une rémunération selon un taux journalier, il est satisfait au critère de rémunération déterminée ou constatable. Ainsi, comme l’appelante s’adonnait à l’« occupation d’une fonction », elle était donc aussi employée par le TASPAAT.

« Emploi ouvrant droit à pension » et « emploi excepté »

[68]  Puisque la conclusion de l’appelante concorde avec la définition d’« emploi » dans le RPC, il faut maintenant déterminer s’il s’agit d’un « emploi ouvrant droit à pension » ou d’un « emploi excepté ».

[69]  L’expression « emploi ouvrant droit à pension » est définie au paragraphe 6(1) du RPC dans les termes suivants :

Emplois ouvrant droit à pension

6(1) Ouvrent droit à pension les emplois suivants :

a)  l’emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté;

b)  l’emploi au Canada qui relève de Sa Majesté du chef du Canada, et qui n’est pas un emploi excepté; 

c)  l’emploi assimilé à un emploi ouvrant droit à pension par un règlement pris en vertu de l’article 7.

[70]  Dans les prochaines sections des présents motifs, les exigences en matière d’« emploi ouvrant droit à pension » et d’« emploi excepté » seront analysées à la lumière des alinéas 6(1)a) et 6(1)c) du RPC [16] .

« Emploi ouvrant droit à pension » au sens de l’alinéa 6(1)a) du RPC

[71]  Suivant l’alinéa 6(1)a) du RPC, ouvre droit à pension « l’emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté ».

[72]  À partir de cette disposition, on peut déduire que tout « emploi » (au sens du paragraphe 2(1) du RPC) au Canada peut être considéré comme un « emploi ouvrant droit à pension », sauf s’il est visé par l’une des exceptions énoncées au paragraphe 6(2) du RPC, qui prévoit ce qui est visé par l’expression « emploi excepté ».

[73]  Dans le présent appel, la situation de l’appelante, malheureusement pour elle, est visée par l’exception énoncée à l’alinéa 6(2)i) du RPC :

Emplois exceptés

6(2) Sont exceptés les emplois suivants :

[...]

  i) l’emploi par Sa Majesté du chef d’une province, ou par un mandataire de celle-ci;

[74]  Par conséquent, l’emploi de l’appelante n’est pas un « emploi ouvrant droit à pension » conformément à l’alinéa 6(1)a) du RPC.

« Emploi ouvrant droit à pension » au sens de l’alinéa 6(1)c) du RPC

[75]  Suivant l’alinéa 6(1)c) du RPC, un emploi peut aussi être assimilé à un emploi ouvrant droit à pension par un règlement pris en vertu de l’article 7.

[76]  Conformément à l’alinéa 6(1)c) du RPC, l’article 7 du RPC confère au gouverneur en conseil le pouvoir de décider quel « emploi » devrait, selon lui, être considéré comme un « emploi ouvrant droit à pension ».

[77]  La disposition qui s’applique aux fins de la présente analyse est l’alinéa 7(1)e) du RPC, qui est ainsi libellé :

Règlements sur les emplois assimilés à un emploi ouvrant droit à pension

7(1) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements en vue d’assimiler à un emploi ouvrant droit à pension les emplois suivants :

[...]

e)   conformément à un accord avec le gouvernement d’une province, l’emploi au Canada par Sa Majesté du chef de la province, ou par un mandataire de celle-ci;

[78]  L’alinéa 7(1)e) du RPC confère au gouverneur en conseil le pouvoir de déterminer, conjointement avec le gouvernement d’une province, quel emploi sera assimilé à un « emploi ouvrant droit à pension » dans le cas d’un « emploi au Canada par Sa Majesté du chef de la province ».

[79]  Par l’édiction du paragraphe 24(1) et de l’annexe IV du Règlement, le gouverneur en conseil exerce le pouvoir mentionné plus haut à l’égard de la province de l’Ontario :

Emploi par une province ou par un mandataire d’une province

24 (1) L’emploi par Sa Majesté du chef d’une province précisée à l’annexe III, et l’emploi par un mandataire de Sa Majesté du chef de cette province, sauf l’emploi par un mandataire de la province qui est précisé à l’annexe IV et tout emploi par Sa Majesté du chef de la province, qui est précisé à ladite annexe, sont compris dans l’emploi ouvrant droit à pension.

[80]  Selon le paragraphe 24(1) du Règlement, une personne employée par Sa Majesté en chef d’une province précisée à l’annexe III est généralement considérée comme occupant un « emploi ouvrant droit à pension », à moins que l’emploi ne soit précisément exclu à l’annexe IV du Règlement.

[81]  L’Ontario est l’une des provinces précisées à l’annexe III du Règlement [17] .

[82]  Par conséquent, la question au cœur du présent appel consiste à savoir si l’emploi de l’appelante est considéré comme un « emploi excepté » visé au point 1b) de l’annexe IV du Règlement, laquelle annexe, comme il a été mentionné précédemment, a été modifiée le 5 décembre 2013 [18] . La disposition est ainsi libellée :

ANNEXE IV

(article 24)

SCHEDULE IV

(Section 24)

1 Province d’Ontario

1 Province of Ontario

[...]

. . .

b)  Emploi à titre de membres d’une agence, d’un conseil, d’une commission, d’un comité ou de tout autre organisme, doté ou non de la personnalité morale, nommés par Sa Majesté du chef de l’Ontario ou par un de ses mandataires, qui touchent une rétribution ou une autre rémunération à la journée, des avances, des honoraires ou des allocations, mais qui ne sont pas employés à plein temps de Sa Majesté du chef de l’Ontario ou d’un de ses mandataires.

(b)  Employment by appointment of Her Majesty in right of Ontario, or of an agent of Her Majesty in right of Ontario, as a member of an agency, board, commission, committee or other incorporated or unincorporated body, who is paid fees or other remuneration on a per diem basis, or a retainer or honorarium, and who is not in the full-time employment of Her Majesty in right of Ontario or of an agent of Her Majesty in right of Ontario.

[Non souligné dans l’original.]

[83]  Un examen du point 1b) de l’annexe IV du Règlement montre que trois critères doivent être respectés pour qu’il soit déterminé que l’emploi de l’appelante était excepté de l’« emploi ouvrant droit à pension » :

(1)  l’appelante doit avoir occupé un emploi à titre de membre d’une agence (ou d’un conseil, d’une commission, d’un comité ou de tout autre organisme) nommée par Sa Majesté du chef de l’Ontario, doté ou non de la personnalité morale;

(2)  l’appelante doit avoir touché une rétribution ou une autre rémunération à la journée, des avances, des honoraires ou des allocations;

(3)  l’appelante ne doit pas avoir été employée à plein temps de Sa Majesté du chef de l’Ontario.

[84]  L’utilisation de la conjonction « mais » au point 1b) a une grande incidence, car cela donne à penser que ces trois critères doivent être appliqués à titre d’exigences cumulatives.

[85]  Par conséquent, dès lors qu’il n’est pas satisfait à un seul de ces critères, le présent appel devrait être accueilli puisque, dans ce cas, l’appelante ne serait pas visée par l’exception énoncée à l’annexe IV du Règlement; par conséquent, son emploi serait considéré comme un « emploi ouvrant droit à pension » aux fins du RPC, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

[86]  Dans les prochaines sections, les trois critères énoncés plus haut seront analysés plus en détail, et une analyse de l’approche interprétative qui doit être adoptée sera effectuée.

Approche interprétative à l’égard des dispositions

[87]  Même s’il est évident que les dispositions du RPC visent à servir les intérêts des travailleurs, l’interprétation restrictive du point 1b) de l’annexe IV du Règlement proposée par l’appelante ne peut être appliquée, puisqu’une décision fondée sur cette interprétation serait, selon moi, incompatible avec l’intention du législateur et ne supposerait pas une application uniforme, prévisible et équitable de la législation [19] .

[88]  Dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, précité, aux paragraphes 10 et 11, il est établi que l’interprétation d’une disposition législative doit être faite selon une approche textuelle, contextuelle et téléologique :

[10] Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, 1999 CanLII 639 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

[11] En raison du principe du duc de Westminster (Commissioners of Inland Revenue c. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1 (H.L.)), selon lequel le contribuable a le droit d’organiser ses affaires de façon à réduire au maximum l’impôt qu’il doit payer, le droit fiscal canadien a reçu une interprétation stricte à une époque où l’interprétation littérale des lois était plus courante qu’aujourd’hui. De nos jours, il ne fait aucun doute que toutes les lois, y compris la Loi de l’impôt sur le revenu, doivent être interprétées de manière textuelle, contextuelle et téléologique. Cependant, le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre l’accent sur l’interprétation textuelle. Lorsque le législateur précise les conditions à remplir pour obtenir un résultat donné, on peut raisonnablement supposer qu’il a voulu que le contribuable s’appuie sur ces dispositions pour obtenir le résultat qu’elles prescrivent.

 [Non souligné dans l’original.]

[89]  Dans l’arrêt Bell ExpressVu [20] , la Cour suprême du Canada a réitéré que l’approche moderne d’interprétation législative devait être appliquée :

  [26]  Voici comment, à la p. 87 de son ouvrage Construction of Statutes (2éd. 1983),   Elmer Driedger a énoncé le principe applicable, de la manière qui fait maintenant   autorité :

[traduction]  Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

Notre Cour a à maintes reprises privilégié la méthode moderne d’interprétation législative proposée par Driedger, et ce dans divers contextes : voir, par exemple, Stubart Investments Ltd. c. La Reine, 1984 CanLII 20 (CSC), [1984] 1 R.C.S. 536, p. 578, le juge Estey; Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, 1994 CanLII 58 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 3, p. 17; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), 1998 CanLII 837 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21; R. c. Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 688, par. 25; R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, 2000 CSC 65, par. 26; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 33, le juge en chef McLachlin; Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, 2002 CSC 3, par. 27. Je tiens également à souligner que, pour ce qui est de la législation fédérale, le bien‑fondé de la méthode privilégiée par notre Cour est renforcé par l’art. 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, qui dispose que tout texte « est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ».

[90]  En outre, je ne puis souscrire à l’argument de l’appelante selon lequel la modification apportée à l’annexe IV du Règlement n’est pas censée s’appliquer à elle, puisqu’elle visait à refléter la « situation existante » (c.‑à‑d. que l’emploi d’environ 4 000 personnes nommées à des postes à temps partiel a toujours été considéré comme n’ouvrant pas droit à pension par la province de l’Ontario [21] ), à laquelle ne correspondait pas son emploi au TASPAAT.

[91]  Elle a allégué qu’elle n’était pas visée par la « situation existante » décrite plus haut, puisque son emploi était considéré comme ouvrant droit à pension par le passé ou, du moins, l’avait été jusqu’à la modification de l’annexe IV du RPC en 2013.

[92]  L’appelante a aussi fait valoir que son interprétation du point 1b) de l’annexe IV du Règlement devrait être admise par la Cour, sans quoi, son application pourrait avoir un effet punitif.

[93]  À cela, je réponds que la Cour canadienne de l’impôt est liée par la loi en vigueur au moment où la question a été soulevée et que la Cour de l’impôt n’est pas une cour d’equity. La question dont est saisie la Cour est celle de savoir si l’emploi de l’appelante est exclu au titre du point 1b) de l’annexe IV du Règlement, et cela doit être déterminé à la lumière de l’interprétation de la disposition et de son application à la situation de l’appelante [22] . Si le résultat de l’application d’une disposition législative est inéquitable, la Cour n’a malheureusement pas le pouvoir de modifier la loi. Dans l’arrêt Chaya c. La Reine [23] , au paragraphe 4, le juge Rothstein a affirmé ce qui suit :

[4] [...] La Cour doit appliquer la loi telle qu’elle est. Elle ne peut pas déroger aux dispositions législatives pour des raisons liées à l’équité. S’il estime que la loi est inéquitable, le demandeur doit avoir recours au Parlement et non pas à la Cour.

[94]  Cette affirmation a été réitérée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt MacKay c. La Reine [24] .

[95]  Maintenant, je vais aborder séparément chacun des critères.

Premier critère : membre d’une agence [...] ou de tout autre organisme

[96]  Le premier critère n’a pas été contesté par les parties à l’audience.

[97]  Toutefois, à des fins de précision, sur son site Web, le gouvernement de l’Ontario énumère le TASPAAT comme l’un de ses organismes (pièce A‑3, gouvernement de l’Ontario, Secrétariat des nominations, « Liste des organismes »).

[98]  Par conséquent, puisque le TASPAAT peut être qualifié d’« organisme » aux fins du point 1b) de l’annexe IV du Règlement, il est satisfait au premier critère, étant donné que l’appelante occupait un emploi au TASPAAT et qu’elle est membre de ce Tribunal depuis sa nomination par décret (voir les pièces R‑1 et R‑2).

Deuxième critère : touche une rétribution à la journée, des avances, des honoraires ou des allocations

[99]  À l’audience, les parties n’ont pas contesté le fait que l’appelante n’avait jamais reçu d’avances, d’honoraires ou d’allocations du TASPAAT [25] .

[100]  Ainsi, la présente analyse portera uniquement sur l’effet de la rémunération à la journée.

[101]  Comme l’a correctement souligné l’appelante, le RPC et le Règlement ne prévoient aucune définition de l’expression « à la journée ».

[102]  Dans le Black’s Law Dictionary [26] , l’expression « à la journée » [per diem] est définie comme suit :

[traduction]

Fondé sur une journée ou calculé en fonction d’une journée.

1.  Allocation quotidienne, habituellement destinée à couvrir des dépenses; plus précisément, montant d’argent qu’un travailleur peut dépenser quotidiennement lorsqu’il est au travail, particulièrement en déplacement d’affaires.

2.  Frais quotidiens; plus précisément, somme d’argent que verse un employeur à un travailleur pour chaque journée travaillée.

[103]  Le Concise Oxford English Dictionary [27] définit l’expression « à la journée » [per diem] de la manière suivante :

Pour chaque journée.

Se dit d’une allocation ou d’un paiement versé à la journée.

[104]  À la lumière de ces définitions, il est évident que l’expression « à la journée » se rapporte à une rémunération payée pour une journée de travail.

[105]  Comme il a été mentionné plus tôt, l’appelante n’a pas contesté le fait qu’elle était, du moins en partie, payée sur une base journalière.

[106]  Par conséquent, la question à laquelle il faut répondre aux fins du présent appel est celle de savoir si le fait que l’appelante était, semble-t-il, payée pour certaines de ses fonctions selon un taux horaire est suffisant pour empêcher l’application du point 1b) de l’annexe IV du Règlement.

[107]  L’appelante a fait valoir que, pour qu’il soit satisfait à ce critère, il faut qu’elle ait été payée exclusivement ou, du moins, principalement, en fonction d’un taux journalier.

[108]  L’avocat du ministre a allégué que rien dans le libellé de la disposition ne laisse croire que le contribuable doit être uniquement ou même principalement payé sur une base journalière.

[109]  Je ne crois pas devoir trancher cette question pour pouvoir résoudre la question en litige en l’espèce. Je suis d’accord avec l’intimé pour dire que le taux horaire était simplement la conversion du taux journalier accordé à la vice‑présidente à temps partiel pour toutes les fonctions qu’elle devait assumer. Le décret indique que les personnes nommées qui occupent un poste à temps partiel ont droit à une rémunération à la journée (pièce R‑1). Manifestement, la facturation de l’appelante était fondée sur un taux journalier, puisque le taux horaire indiqué dans les échantillons déposés comme pièce A‑2 est calculé à partir du taux journalier auquel elle avait droit à son poste à temps partiel. Par conséquent, je conclus que l’appelante satisfait à ce critère.

Troisième critère : qui n’est pas employée à plein temps au TASPAAT

[110]  Le RPC et le Règlement ne prévoient aucune définition de l’expression « emploi à plein temps ».

[111]  Durant l’audience, le ministre a reconnu que l’appelante travaillait de fait à plein temps.

[112]  Comme il a été indiqué précédemment, le ministre est d’avis que l’expression « qui ne sont pas employés à plein temps » doit être interprétée conjointement avec l’expression « emploi à titre de membres [...] nommés » qui se trouve au début de la disposition. Selon le ministre, ce sont les conditions de la nomination de l’appelante qu’il faut examiner, et non le nombre d’heures travaillées.

[113]  L’appelante a adopté un point de vue différent en proposant à la Cour que la bonne façon d’appliquer le point 1b) de l’annexe IV du Règlement est d’examiner sa charge de travail réelle au TASPAAT.

[114]  Même si je comprends l’appelante et que je crois son témoignage à l’audience selon lequel elle travaillait réellement à plein temps, je ne puis accepter son point de vue parce qu’il ne reflète pas, selon moi, la bonne interprétation du point 1b) de l’annexe IV du Règlement.

[115]  J’ai examiné les décisions Town Properties [28] et Woessner [29] sur lesquelles s’est fondée l’appelante pour affirmer que la Cour devait tenir compte de la réalité de sa charge de travail réelle au moment de déterminer si elle était employée à plein temps du TASPAAT. Dans ces décisions, on a entre autres fait référence au Dictionary of Canadian Law [30] , dans lequel une distinction est établie entre le fait d’être « employé à plein temps » et d’occuper un « emploi à plein temps ».

[116]  La définition d’employé à plein temps fait référence au nombre d’heures travaillées par l’employé. L’expression « emploi à plein temps », quant à elle, se rapporte à un employé qui est normalement tenu de travailler un nombre minimal d’heures établi par la personne ayant le pouvoir d’établir l’horaire d’un tel emploi.

[117]  En l’espèce, bien que le TASPAAT ait pu avoir certaines attentes de la part de ses « vice-présidents à temps partiel », il est évident, à la lumière du décret et du témoignage de l’appelante, que le TASPAAT ne pouvait pas obliger l’appelante à travailler de la même manière et selon les mêmes conditions qu’une personne nommée à plein temps. L’appelante a fait connaître ses disponibilités, et le TASPAAT devait les respecter.

[118]  Selon le décret, l’appelante était clairement nommée à un poste à temps partiel. Le TASPAAT n’aurait pas pu obliger l’appelante à travailler à plein temps. Même si le TASPAAT a encouragé ses vice‑présidents « à temps partiel » à travailler davantage ou même à travailler à plein temps, il demeure que l’appelante n’était pas obligée de travailler à plein temps, comme elle l’a déclaré elle-même à l’audience [31] .

[119]  Ainsi, l’appelante a volontairement décidé de travailler à plein temps.

[120]  Je conviens avec l’intimé que, pour déterminer s’il a été satisfait au critère « qui ne sont pas employés à plein temps », il est plus cohérent avec l’intention du législateur d’examiner les conditions de la nomination de l’appelante plutôt que le nombre d’heures réellement travaillées.

[121]  Ce point de vue est également étayé par le « Résumé de l’étude d’impact de la réglementation » (pièce A‑3), dans lequel les types d’emplois exclus de l’emploi ouvrant droit à pension sont décrits de la manière suivante :

Description

L’annexe IV du Règlement sur le RPC est modifiée afin d’ajouter une description des types d’emplois qui, à la demande de la province de l’Ontario, doivent être exceptés de l’emploi ouvrant droit à pension. Les types d’emploi concernent des personnes qui sont nommées par Sa Majesté du chef de l’Ontario ou par un de ses mandataires à un emploi à titre de membres à temps partiel d’une agence, d’un conseil, d’une commission, d’un comité ou de tout autre organisme, doté ou non de la personnalité morale et qui touchent des émoluments, des appointements, des avances, des honoraires, rétribution ou une autre rémunération à la journée.

[Non souligné dans l’original.]

[122]  Dans cet extrait [32] , on constate que le critère « qui ne sont pas employés à plein temps » de la disposition se reflète dans les mots « membres à temps partiel ». Cela appuie l’interprétation selon laquelle la nature de la nomination de l’appelante (par le décret) est l’élément qu’il faut examiner afin de déterminer s’il a été satisfait au critère, et non pas le nombre d’heures qu’elle a réellement travaillées sur une base volontaire.

[123]  À la lumière des motifs énoncés ci-dessus, il est peu probable que l’intention du législateur était que l’admissibilité en vertu du point 1b) dépende d’un pouvoir discrétionnaire et informel (comme le pouvoir de modifier les horaires de travail et la charge de travail) exercé d’un commun accord au-delà de la portée du décret. Pareille interprétation mènerait à une application incohérente de la loi et serait contradictoire à l’approche interprétative adoptée par la Cour suprême du Canada [33] .

[124]  L’utilisation de l’expression « à temps partiel » dans le décret revêt une certaine importance, puisqu’il ne s’agit pas d’un simple qualificatif n’ayant aucun effet particulier; autrement, toutes les personnes nommées seraient rémunérées de la même manière et bénéficieraient des mêmes avantages que les personnes nommées à plein temps (à savoir les vacances payées, une fonction ou une charge assignée et l’option de participer au régime de pensions du TASPAAT), ce qui, en réalité, n’est pas le cas des personnes nommées à temps partiel.

[125]  Selon les faits qui ont été présentés à l’audience, il est évident qu’une personne qui est nommée au TASPAAT bénéficiera des avantages qui sont associés au type de poste auquel elle a été nommée.

[126]  Au final, je conclus que ce sont les conditions du décret qu’il faut analyser afin de déterminer si l’appelante peut se prévaloir des avantages prévus dans le RPC et le Règlement.

[127]  À cet égard, l’appelante a en effet occupé durant la période en cause (et occupe toujours) le poste de « vice‑présidente à temps partiel » (pièce R‑1).

[128]  Par conséquent, étant donné que le poste de l’appelante était à temps partiel, elle n’était « pas employé[e] à plein temps de Sa Majesté du chef de l’Ontario ». Par conséquent, il a été satisfait au critère « qui ne sont pas employés à plein temps » qui doit être pris en considération dans la présente analyse.

Conclusion

[129]  Pour les motifs énoncés plus haut, l’appel est rejeté, puisqu’il a été satisfait à tous les critères énoncés au point 1b) de l’annexe IV du Règlement, de sorte que l’emploi de l’appelante au TASPAAT était un « emploi excepté » pour l’application du RPC et du Règlement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de février 2017.

« Lucie Lamarre »




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