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Dossier : 2016-2697(EI)

ENTRE :

MARIE-ANTOINETTE BOIVIN,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

9250-6971 QUÉBEC INC.,

intervenante.

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de
9250-6971 Québec inc., 2016-2699(EI),
le 17 février 2017, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable Robert N. Fournier, Juge suppléant


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

Sylvain Girard

Avocate de l’intimé :

Me Lyne Prince

Représentant de l’intervenante :

Sylvain Girard

 

JUGEMENT

          L’appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national en date du 30 mars 2016 est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Montréal, Québec, ce 28e jour de février 2017.

« Robert N. Fournier »

Juge suppléant Fournier


Dossier : 2016-2699(EI)

ENTRE :

9250-6971 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Marie‑Antoinette Boivin, le 17 février 2017, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable Robert N. Fournier, juge suppléant

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

Sylvain Girard

Avocate de l’intimé :

Me Lyne Prince

 

JUGEMENT

          L’appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national en date du 30 mars 2016 est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Montréal, Québec, ce 28e jour de février 2017.

« Robert N. Fournier »

Juge suppléant Fournier


Référence : 2017 CCI 31

Date : 20170228

Dossier : 2016-2697(EI)

ENTRE :

MARIE-ANTOINETTE BOIVIN,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

9250-6971 QUÉBEC INC.,

intervenante,

Dossier : 2016-2699(EI)

ET ENTRE :

9250-6971 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Fournier

[1]             Dans la présente, il s’agit d’un appel interjeté sous le régime de l’assurance-emploi par l’appelante relativement à une décision du ministre du Revenu National (le « ministre »), concernant l’assurabilité de l’emploi de l’appelante, Mme Marie-Antoinette Boivin. Son conjoint, Sylvain Girard, qui détient et contrôle 100 % des actions votantes de l’entreprise 9250-6971 Québec inc. a comparu en tant que représentant et intervenant dans cette matière. Lors de l’audience devant cette Cour, nous avons reçu de la preuve documentaire ainsi que testimoniale de la part de Mme Boivin et de Sylvain Girard. D’autre part, nous avons aussi entendu le témoignage de Mme Odette Lefrançois, en tant qu’agente des appels, expliquant les motifs qui avaient instruit la décision du ministre.

[2]             En rendant sa décision, le ministre s’est fondé sur des présomptions de fait qui en majeure partie ont été admises par l’appelante. On s’entend que Mme Boivin travaillait de son domicile et que son horaire semblait être assez flexible. Elle préparait elle-même ses relevés d’emploi et il n’y a aucun doute que celle-ci rendait un service valable et essentiel à l’entreprise de son conjoint, qui opère à l’année et œuvre dans le domaine de la construction. Aussi, la preuve démontre clairement qu’il existait un lien de dépendance entre l’appelante et l’entreprise 9250-6971 Québec inc. compte tenu du fait que son conjoint, Sylvain Girard, était l’actionnaire majoritaire du payeur.

[3]             Donc dans un premier temps, en vertu de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « LAE »), il va sans dire qu’un emploi n’est pas assurable si l’employeur et l’employée ont un lien de dépendance. Toutefois, l’alinéa 5(3)b) de la LAE dispose que cette employée, ayant un lien de dépendance pourra être considérée comme occupant un emploi assurable, si le ministre est convaincu qu’il est raisonnable de conclure que les parties auraient, compte tenu des circonstances, conclu un contrat de travail à peu près semblable. Donc la question de l’assurabilité d’emploi exercé ici demeure en litige, mais dans le contexte de l’alinéa 5(3)b) de la LAE.

I. Contexte factuel

[4]             Premièrement, il faut reconnaître que les parties se sont entendues sur la plupart des faits. On s’entend que la question d’assurabilité porte sur deux périodes d’emploi, la première du 19 janvier 2015 au 4 avril 2015 et la deuxième du 2 novembre 2015 au 2 janvier 2016. Ainsi que le 28 janvier 2016, l’intimé a communiqué une décision indiquant que l’appelante n’occupait pas un emploi assurable au sens de la LAE, lorsqu’elle était au service de Sylvain Girard et de son entreprise 9250-6971 Québec inc. Tout en reconnaissait que l’appelante était une employée durant la période en litige, l’agent des décisions « L. Coudé », l’avisait que d’après l’Agence du Revenu, il y avait un «lien de dépendance» avec 9250-6971 Québec inc. D’autant plus « il n’était pas raisonnable de conclure qu’un contrat de travail à peu près semblable aurait été conclu entre les deux sans ce lien. » Par conséquent, l’emploi de Mme Boivin n’était pas assurable en vertu de l’alinéa « 5(2)i) de la LAE ».

[5]             Il va sans dire que cette décision était basée sur les renseignements obtenus, et de Mme Boivin et de son conjoint, Sylvain Girard. Dans le cahier de documents de l’intimé, l’on retrouve en détail les faits sur lesquels le ministre s’est basé pour en arriver à cette conclusion. Pour les fins de notre dossier, j’en fais un bref résumé comme suit. D’abord, le payeur opère à l’année et œuvre dans le domaine de la construction. La travailleuse avait commencé à offrir ses services au payeur en 2015, après que la nièce de Sylvain Girard, qui effectuait les tâches de comptabilité ait quitté son poste en tant que travailleuse autonome, pour un emploi à plein temps. C’est alors que la travailleuse et le payeur avaient conclu une entente verbale à Blainville et que Mme Boivin était engagée en tant qu’employée. On s’entend qu’elle effectuait son travail sur une base régulière variant entre 8 et 22 heures par semaine et ce, sans horaire fixe.

[6]             Ayant remplacé une travailleuse autonome, il serait correct de dire que le poste de Mme Boivin n’existait pas avant son embauche. Il est reconnu qu’étant bilingue et avec une formation en comptabilité, elle possédait les compétences nécessaires pour ce travail. Ses tâches consistant à faire la tenue de livres, facturation de comptes recevables et de paie, remises gouvernementales, préparation de soumissions et traduction de documents. On s’entend qu’initialement, Mme Boivin travaillait aussi pour une autre entreprise soit, Berlines Transit inc. Et lorsque cette dernière entreprise avait réduit son travail à 32 heures, c’est alors que Sylvain Girard lui avait offert un salaire basé sur 8 heures de travail. De cette façon, Mme Boivin pouvait toujours compter sur un salaire hebdomadaire, basé sur 40 heures de travail. Mais à partir du 4 avril 2015, son travail chez Berlines Transit inc. avait été terminé complètement.

[7]             Pour la période du 19 janvier 2015 au 4 avril 2015, elle travaillait 8 heures par semaine d’après les relevés de paie. En avril 2015, Mme Boivin avait dû quitter son emploi avec l’entreprise de Sylvain Girard, suite à une épreuve personnelle, dont le décès de son fils dans un accident tragique. Bien que les tâches qu’on lui confiait chez 9250-6971 Québec inc. fussent importantes, le payeur ne l’avait tout de même pas remplacée durant cette absence, d’avril 2015 à novembre 2015. Cependant, la preuve démontre que Mme Boivin avait continué à effectuer certaines tâches dites essentielles, durant cette même période jusqu’à son retour officiel au travail en novembre 2015. Aussi, il n’est pas contesté que durant cette période, Mme Boivin «cumulait ses heures» dans l’anticipation de se les faire payer à son retour. Mais là, il s’agissait d’une période où les activités du payeur étaient passées au ralenti. Suite à une perte d’un important contrat, le payeur avait dû effectuer des mises à pied, incluant Mme Boivin.

[8]             Et c’est alors qu’elle avait repris le travail à temps partiel. De toute façon, ses heures de travail étaient passées de 8 à 22 heures par semaine sans réelle explication transparente d’après le ministre. Lors de son témoignage, Mme Boivin nous fournissait l’explication que c’était « pour couvrir les heures cumulées de janvier à avril 2015 ». De plus, il semblerait que le payeur lui avait suggéré de la payer ultérieurement pour le travail effectué pour des rapports TPS/TVQ (mars à mai 2015 et juin à août 2015) en raison de 22 heures par semaine. Lors de son retour au travail, le payeur aurait respecté l’entente concernant le paiement des heures non rémunérées, ceci sur une période de 2 mois. Mme Boivin précisait que même si l’entreprise était au ralenti durant la période d’arrêt, elle s’était portée volontaire pour rédiger les deux rapports TPS/TVQ en question, sachant que la rémunération viendrait plus tard.

II. Dispositions législatives et analyse

[9]             L’alinéa 5(3)b) de la LAE dispose comme suit :

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendances.

En l’instance, le ministre se fonde sur les faits admis par l’appelante et ainsi que ceux que l’intimé a tenus pour acquis dans les circonstances. Entre autres, l’intimé invoque en particulier les alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la LAE. En ce qui a trait à la « rétribution versée », l’intimé soutient que le montant de la rémunération avait été déterminé par le payeur, s’agissant d’un montant fixe et basé sur un taux horaire sans égard aux heures réellement travaillées. Lorsque les autres employés étaient payés lorsqu’ils travaillaient et non lors des mises à pied, Mme Boivin s’était occupée des urgences même quand les affaires étaient au ralenti durant une période d’arrêt, sachant qu’elle serait rémunérée plus tard grâce à son entente préférentielle avec le payeur. Pour cette raison, l’intimé soutient qu’il n’est pas raisonnable de conclure que le payeur aurait agi de la même façon, avec une personne non liée, ce qui confirme la présence d’une relation avec lien de dépendance dans le sens de l’alinéa 5(2)i) de la LAE.

[10]        Dans le cadre des « modalités d’emploi », l’intimé souligne que la travailleuse effectuait son travail sur une base régulière variant entre 8 et 22 heures par semaine et qu’elle n’avait pas d’horaire fixe. Évidemment, elle travaillait selon les besoins du payeur et faisait ses propres suivis des heures de travail. Lorsque ses heures réelles dépassaient ses heures reportées comme travaillées, elle les « cumulait » afin que le salaire qui lui était versé reste le même et constant. Lors de son retour au travail, ses heures passaient de 8 à 22 heures sans explications transparentes, évidemment pour camoufler la pratique de « cumulation », soit un privilège qui n’était pas accordé aux autres employés. Il n’existait aucune autre explication pour une telle augmentation d’heures travaillées, sauf la « cumulation » d’heures, puisque les affaires du payeur n’avaient pas augmenté, ni les tâches de la travailleuse. Encore une fois, l’intimé soutient qu’il n’est pas raisonnable de conclure que le payeur aurait agi de la même façon, avec une personne non liée, ce qui confirme la présence d’une relation avec lien de dépendance.

[11]        En ce qui porte sur la « durée de l’emploi », la preuve confirme que la travailleuse avait commencé à offrir ses services au payeur en 2015 après qu’une travailleuse autonome ait quitté son poste. Par la suite, l’appelante avait dû quitter son emploi suite à une épreuve personnelle. Durant cette période, elle n’avait pas été remplacée tout en continuant à effectuer certaines tâches essentielles. Suite à une perte d’un contrat important, le payeur avait effectué des mises à pied incluant la travailleuse. Bien que la durée de l’emploi fût raisonnable, la pratique de cumulation se perpétuait.

[12]        Finalement en ce qui a trait à la « nature et importance du travail », l’intimé souligne que le poste de la travailleuse n’existait pas avant son embauche en tant qu’employée, car elle avait remplacé une personne autonome. Bien qu’il s’agisse de tâches importantes, le payeur n’avait pas remplacé la travailleuse durant son absence. Cependant, elle avait continué de travailler pour le payeur sans rémunération, tout en cumulant ses heures afin de se les faire payer à son retour. L’intimé soutient que dans les circonstances, une telle pratique n’est pas courante entre employeur et employé, ce qui indique la présence d’une relation avec lien de dépendance.

[13]        Compte tenu de l’analyse faite par les agents du ministre relativement aux critères du lien de dépendance, l’intimé soutient qu’il n’est pas raisonnable de conclure qu’une personne sans lien de dépendance aurait conclu des conditions d’emploi similaires à celles de la travailleuse. L’intimé préconise qu’en ce qui a trait à ce contrat de travail, les circonstances entourant ce travail et les modalités d’emploi sont dictées par le lien de dépendance entre les parties. L’intimé s’en tient à sa décision initiale que cet emploi est non assurable selon l’article 5(2)i) de la LAE.

[14]        Si l’on s’en tient au témoignage de Mme Boivin et de son conjoint, Sylvain Girard, il est évident que ceux-ci en étaient arrivés à une entente, pour que celle-ci occupe un poste en tant qu’employée, plutôt qu’une personne autonome. Évidemment, on espérait établir un contrat de travail qui permettrait à Mme Boivin de recevoir des prestations d’assurance-emploi, lors des périodes de ralenti ou basse saison dans l’entreprise du payeur. Il n’en était pas de même lorsque la nièce de Sylvain Girard effectuait un travail semblable comme employée autonome. Il semblerait qu’un lien de dépendance entre les parties aurait influencé les conditions de travail qu’ils avaient stipulées lors de leur entente. Non seulement Mme Boivin jouissait-elle d’avantages d’emploi lorsque les autres employés avaient été mis à pied, mais elle bénéficiait aussi d’une pratique relativement commune et connue sous le titre de « banquage » ou « cumul d’heures ».

[15]        D’abord, je tiens à préciser qu’il n’y a rien d’intrinsèquement néfaste en ce qui a trait à ce processus, dépendant naturellement des intentions et des objectifs que désirent atteindre les parties qui s’y livrent. Parfois, cette méthode fait tout simplement partie d’une rémunération indirecte, que l’on ajoute au salaire de l’employée et le tout représente l’ensemble des compensations que reçoit celle-ci en contrepartie de son travail. Dans ce cas, il s’agit d’assurer une rémunération efficace et équitable dans un contrat social liant le payeur et la travailleuse. En l’espèce, Mme Boivin soutient que l’entente de «cumul des heures» est une pratique courante dans le milieu du travail, qui ne fait pas état d’une situation de dépendance entre les parties. Elle se fonde sur le fait qu’elle a vécu cette situation à plusieurs reprises dans sa carrière, dernièrement et plus spécifiquement avec «Berlines Transit inc.» et souligne que dans tous les cas, l’entente verbale a été respectée par l’employeur sans regard d’un lien de dépendance. Finalement, à l’appui de son argumentation, elle prétend que dans le domaine de la fonction publique, le cumul des heures de vacances (directement lié aux heures de travail) est une pratique courante qui ne fait pas état d’une situation de dépendance entre les parties.

[16]        Dans le cadre de la LAE et particulièrement dans le contexte de l’alinéa 5(3)b) de la LAE, la Cour dans la décision Dumais c. Canada[1] nous offre une mise en perspective très pertinente en ce qui a trait au « banquage » ou « cumul d’heures » comme suit :

L’opération consiste à porter au crédit d’un employé des heures de travail exécutées pour le payeur, souvent en dehors de la période d’emploi rémunérée alors que l’employé touche des prestations d’assurance-chômage. Ces heures apparaissent au relevé d’emploi comme des heures rémunérées par l’employeur alors qu’elles ne l’ont pas été. Ainsi, l’employé accroît son nombre d’heures assurables pour fin d’admissibilité au bénéfice des prestations, le montant de ses gains admissibles et, par le fait même, le montant des prestations qu’il touchera lorsque l’emploi saisonnier prendra fin : voir Geoffroy c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) [2003] T.C.J. No 102 par le juge Tardif et Proulx c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) [2003] T.C.J. No 100. L’employeur y trouve également son compte puisqu’il obtient pour la durée concernée, sans coût, une prestation de services. Il est également possible pour le payeur de tenir compte, dans la fixation de la rémunération et des conditions de travail de la personne liée, du fait qu’elle recevra pour plusieurs mois des prestations d’assurance-emploi.

Évidemment, ces propos font ressortir les objectifs qui nous importent dans cette instance judiciaire.

[17]        Encore une fois, comme l’exprime la Cour dans l’affaire Dumais c. Canada citée ci-dessus, il est opportun de rappeler le but de l’alinéa 5(2)i) et particulièrement l’alinéa 5(3)b) de la LAE. En particulier, je prends note des remarques suivantes :

La Loi présume «que les personnes liées par le sang, le mariage ou l’adoption, sont davantage susceptibles de pouvoir et de vouloir abuser de la Loi» : voir Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) [2000] A.C.F. No 878 (Q.L.) par Madame la juge Desjardins. D’ailleurs, dans le même arrêt au paragraphe 29, le juge Décary dira :

[29] Je ne pense pas que des personnes unies par des liens de famille, et donc assujetties à des obligations naturelles et légales les unes envers les autres, puissent raisonnablement s’étonner ou s’offusquer de ce que législateur sente le besoin de vérifier, dans le cadre d’un contrat de louage de services, si ces liens n’ont pas, peut-être même à leur insu, influencé les conditions de travail qu’elles ont stipulées.

Un des objectifs, indéniable et certes louable, de la disposition est donc d’offrir au système d’assurance-emploi une protection contre des demandes de paiement de prestations fondées sur des artifices, des contrats d’emploi fictifs ou des contrats d’emploi réels, mais aux conditions fictives ou farfelues : Légaré c Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) [1999] 246 N.R. 176 au paragraphe 12; Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) précitée.

En fin de ligne, il s’agit là de principes qui sont très bien établis en droit!

[18]        Lors de son témoignage durant l’audience dans cette affaire, l’intervenant Sylvain Girard, déplorait la décision du ministre qui d’après lui, avait pour effet de le priver d’engager sa conjointe Marie-Antoinette Boivin en tant qu’employée dans son entreprise. En réponse le tribunal lui rappelait que la décision en question ne touchait que « l’assurabilité » de son emploi au sens d’assurance‑emploi et ne constituait aucune entrave à son emploi autrement. Encore une fois dans cette même veine, la Cour dans la décision Dumais c. Canada remarquait au paragraphe [29] comme suit :

Je suis d’accord avec les propos du juge Archambault de la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Belanger c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) [2005] 246 T.C.J. No. 16, paragraphes 73 à 75 où il rappelle que les travailleurs dans des entreprises familiales peuvent gagner jusqu’à 25% du montant de leurs prestations d’assurance-emploi sans qu’ils soient privés du régime de protection qu’offre l’assurance-emploi. Les personnes liées peuvent travailler dans l’entreprise familiale en basse saison alors que les heures de travail sont moindres et être rémunérées par le payeur. Il n’est pas nécessaire, pour utiliser son expression, «de tricher» en faisant alors, de connivence, assumer par le régime d’assurance-emploi le coût de la prestation de services offerte gratuitement au payeur.

[19]        Comme je le remarquais auparavant, en ce qui a trait au cumul de ses heures, l’appelante Marie-Antoinette Boivin, nous fournissait tout simplement une affirmation que son entente avec le payeur constitue une pratique courante dans le milieu du travail qui ne fait pas état d’une situation de dépendance entre les parties. Sur ce sujet, je me permets d’emprunter les paroles du juge Bowie dans l’affaire Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] CCI 291, au paragraphe 7, qui a émis le même avis que je partage de la manière suivante et je cite :

La simple affirmation de l’appelant, qui n’était pas du tout étayée, selon laquelle les modalités de son emploi correspondaient à celles qui auraient régi l’emploi d’une personne n’ayant pas de lien de dépendance avec son employeur n’est tout simplement pas suffisante.

Il va sans dire que je ne suis pas persuadé par les explications fournies par l’appelante dans cette affaire.

III. Conclusion

[20]        Finalement, il est bien établi en droit que la Cour ne peut pas substituer sa décision à celle de l’intimé. Dans l’arrêt Denis c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2004] CAF 26, au paragraphe 5, le juge en chef Richard décrit le rôle du juge comme suit :

Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt dans un appel d’une détermination du ministre sur les dispositions d’exclusions contenues aux paragraphes 5(2) et 5(3) de la Loi est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et les témoins appelés pour la première fois à expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable. Toutefois le juge ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus. (Voir aussi Pérusse c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.) [2000] A.F.C. No 310.

C’est à la lumière de tous les éléments de preuve produits dans cette affaire que je dois prendre une décision. Aussi, il ne m’est pas permis d’écarter les conclusions du ministre pour y substituer les miennes. De toute façon, en fin de ligne, je partage l’avis du ministre qu’une employée n’ayant pas de lien de dépendance avec l’entreprise de Sylvain Girard, soit 9250-6971 Québec inc. n’aurait pas conclu un contrat de travail à peu près semblable, compte tenu des circonstances.

[21]        À mon avis, une telle personne n’aurait pas accepté de continuer de travailler pour le payeur, après avoir été mise à pied, comme ce fut le cas en ce qui concerne Marie-Antoinette Boivin, n’eût été qu’on lui offrait des conditions de travail très préférentielles, qui lui permettaient d’optimaliser ses prestations d’assurance-emploi. Pour sa part, le payeur en bénéficiait également, obtenant gratuitement une prestation de services. Il s’agissait là d’un stratagème ou d’une connivence, qui allait à l’encontre des objectifs de la LAE. Évidemment, l’intention première était de faciliter des demandes de paiement de prestations fondées essentiellement sur des artifices. Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

Signé à Montréal, Québec, ce 28e jour de février 2017.

« Robert N. Fournier »

Juge suppléant Fournier

 


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 31

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2697(EI)

2016-2699(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

MARIE-ANTOINETTE BOIVIN c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

9250-6971 QUÉBEC INC. c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 février 2017

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable Robert N. Fournier, Juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :

Le 28 février 2017

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante, Marie-Antoinette Boivin :

Sylvain Girard

Représentant de l’appelante et intervenante 9250-6791 Québec inc.

Sylvain Girard

Avocate de l’intimé :

Me Lyne Prince

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           Dumais c. Canada (M.N.R.), 2008 C.A.F. 301 (2008).

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