Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2006-3390(IT)APP

ENTRE :

BERTRAND JOYAL,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Demande entendue le 26 janvier 2007 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat du requérant :

Me Gilles Doré

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Dupuis

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

          Vu la demande présentée par le requérant en vertu de l'article 167 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), afin d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai pour interjeter appel en vertu de la Loi.

          La requête est rejetée selon les motifs de l'ordonnance ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2007.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2007CCI156

Date : 20070321

Dossier : 2006-3390(IT)APP

ENTRE :

BERTRAND JOYAL,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Angers

[1]      Il s'agit d'une demande faite par le requérant en vue d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai pour interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt, à l'égard des nouvelles cotisations datées du 17 mars 2006 pour les années d'imposition 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002, en vertu de l'article 167 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Pour faire droit à la demande, il faut, selon le paragraphe 167(5), que les conditions suivantes soient réunies :

167(5) [...]

a)          la demande a été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai imparti en vertu de l'article 169 pour interjeter appel;

b)          le contribuable démontre ce qui suit :

            (i)     dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n'a pu ni agir ni charger quelqu'un d'agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention d'interjeter appel,

            (ii)     compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l'espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

            (iii)    la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

            (iv)    l'appel est raisonnablement fondé.

[2]      Le requérant s'est dûment opposé aux nouvelles cotisations le 11 mai 2004 et, par lettre envoyée par courrier recommandé en date du 4 janvier 2006, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a avisé le requérant qu'il ratifiait les nouvelles cotisations du 17 mars 2004. Cette lettre informait le requérant de son droit d'appel devant cette Cour et joignait le document expliquant la façon de procéder. Le même jour, le ministre écrivait aussi au représentant juridique du requérant, Me Gilles Doré, l'informant des mêmes faits et joignait aussi la copie du document contenant les renseignements sur la procédure d'appel devant cette Cour.

[3]      Le requérant n'a pas témoigné à l'audience. Un affidavit fait par Me Doré fut déposé afin d'expliquer les circonstances entourant le défaut d'interjeter appel dans le délai prescrit, lequel prenait fin le 4 avril 2006.

[4]      Selon l'affidavit, le requérant fut contacté par un agent de perception à l'égard de ses impôts impayés le 15 novembre 2006. Il informa l'agent qu'il avait porté la cotisation en appel et aurait contacté Me Doré pour s'assurer que tout était en ordre, ce qui n'était pas le cas. Les démarches appropriées ont été engagées, et il y a donc eu le dépôt de la présente demande deux jours plus tard, soit le 17 novembre 2006.

[5]      Les autres faits que révèle l'affidavit sont comme suit :

1.        Le requérant, qui travaille dans le domaine agricole, a toujours confié à des professionnels la tâche de produire ses déclarations de revenus annuelles.

2.        Le 21 mars 2001, le requérant fut mis en arrestation à la suite d'une opération policière.

3.        À l'occasion de ladite opération policière, de nombreuses perquisitions et saisies furent effectuées et d'innombrables biens et documents furent saisis ou bloqués.

4.        Le 12 octobre 2001, le requérant plaidait coupable et se voyait imposer une peine de six ans d'incarcération.

5.        Pendant sa détention, il s'est vu signifier plusieurs avis de cotisation.

6.        Le requérant a retenu les services de Me Doré, qui a accepté de le représenter.

7.        Me Doré a donc contacté ou tenté de contacter tous ceux qui avaient agi dans les dossiers au cours des années visées, trois dossiers (taxe sur les produits et services, taxe de vente du Québec et impôt provincial sur le revenu) sont en instance d'appel.

8.        En ce qui a trait au présent dossier, son traitement souffrit d'une valse-hésitation entre divers intervenants plus ou moins certains de leur détermination à agir dans ces dossiers et, en conséquence, les documents afférents furent tantôt égarés, tantôt retrouvés, tantôt transmis complètement et tantôt transmis partiellement.

9.        Il y eut de plus un malentendu et une équivoque entre les intervenants quant au titulaire réel du mandat.

10.      Me Doré n'est pas parvenu à clarifier la situation et à prendre les mesures appropriées en temps utile, ce qui explique la nécessité de la présente demande.

11.      Le requérant a toujours maintenu son intention d'interjeter appel.

[6]      Madame Francine Thériault, agente des appels pour Revenu Canada, a témoigné qu'elle a reçu le dossier du requérant en juin 2005 lors de l'opposition. Le dossier incluait une télécopie de Me Doré mentionnant qu'il était le représentant du requérant et une note selon laquelle Me Sophie Doré, l'assistante de Me Doré, transmettrait les motifs de l'opposition dès qu'un agent l'appellerait.

[7]      Le 6 juillet 2005, madame Thériault a demandé à Me Doré une autorisation signée du requérant attestant qu'il était son représentant, car l'avis d'opposition identifiait le comptable du requérant comme étant son représentant. Elle lui demanda également de lui produire les représentations sur les points soulevés en opposition. Après quelques échanges téléphoniques durant ce mois, une lettre prioritaire fut envoyée à Me Doré demandant encore l'autorisation signée du contribuable et les motifs de l'opposition. Une deuxième demande par poste prioritaire fut envoyée en septembre 2005 et, à la suite d'un appel téléphonique, Me Doré informa madame Thériault que les informations lui seraient envoyées d'ici une semaine. Le requérant étant en prison, des délais additionnels furent accordés par madame Thériault car ce dernier devait être libéré en octobre. On a accordé à Me Doré un délai additionnel jusqu'au 15 décembre 2005, à défaut de quoi le dossier serait fermé. Le 20 décembre 2005, le dossier fut fermé; on a donc envoyé des avis de ratification le 4 janvier 2006 au requérant et à Me Doré tel que mentionné ci-dessus.

[8]      Le 8 juin 2006, Me Sophie Doré a laissé un message à madame Thériault lui demandant de la rappeler. Le numéro de téléphone laissé est celui de Me Doré. Étant absente de son bureau, madame Thériault a remis son appel le 15 août 2006 et lui a alors expliqué que le dossier était fermé depuis décembre 2005 et qu'elle avait 90 jours pour faire appel à la Cour. Me Sophie Doré aurait alors dit qu'elle n'a pas fait appel à la Cour avant avril car elle n'avait pas le dossier. Un message fut laissé à madame Thériault le 16 novembre 2006 par Me Sophie Doré demandant une copie du mémoire sur l'opposition du requérant et ce document fut télécopié le 21 novembre 2006.

[9]      Est-ce que le requérant a réussi à établir les conditions au paragraphe 167(5) de la Loi? L'affidavit de Me Doré me convainc que l'appelant avait véritablement l'intention d'interjeter appel, puisque Me Doré admet avoir reçu du requérant le mandat de le faire et je n'ai aucune raison de douter de la véracité de ce mandat. Quant à la condition à l'alinéa 167(5)b)(iv), l'intimée ne l'a pas soulevée dans son opposition à la présente requête. Il s'agit donc de déterminer s'il est juste et équitable de rendre une telle ordonnance et si la requête a été présentée dès que les circonstances le permettaient au sens des alinéas 167(5)b)(ii) et (iii) de la Loi.

[10]     En l'espèce, les avis de ratification en date du 4 janvier 2006 ont été envoyés au requérant et à Me Doré accompagnés des renseignements sur la procédure d'appel, et particulièrement sur le délai de 90 jours suivant la date de la mise à la poste de la décision du ministre. À deux occasions, dans les notes manuscrites de madame Thériault, on trouve le nom de Me Sophie Doré et, à un endroit, on indique qu'elle se serait présentée comme une assistante. Dans une communication téléphonique en date du 15 août 2006, elle a mentionné ne pas avoir fait appel à la Cour avant avril (la date limite de 90 jours) car elle n'avait pas le dossier. Ce n'est qu'en novembre, soit trois mois plus tard, qu'elle rappelle madame Thériault et demande une copie du mémoire sur l'opposition et ce, après que le requérant eut reçu la visite des agents de recouvrement de l'Agence du revenu.

[11]     Il incombe donc au contribuable (le requérant) de démontrer selon la prépondérance des probabilités que sa demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient. Encore faut-il qu'il soit conscient de l'existence du retard à interjeter appel. En l'espèce, il a confié cette responsabilité à son avocat et selon la preuve, il était conscient du retard ou aurait dû l'être au moment où Me Sophie Doré a reconnu ce retard lors de sa conversation avec madame Thériault. À mon avis, il y avait, dès ce moment-là, l'obligation, d'une part, d'en informer le requérant et, d'autre part, de présenter une demande de prorogation. Selon la preuve, cette demande n'a été présentée qu'à la mi-novembre 2006. Il n'y a aucune preuve qui a été présentée pour expliquer l'intervalle entre le 15 août 2001 et la présente requête.

[12]     Devant cet état de choses, je ne peux faire droit à la demande. Elle est donc rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2007.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :                                             2007CCI156          

N º DU DOSSIER DE LA COUR :                 2006-3390(IT)APP

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Bertrand Joyal et La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 26 janvier 2007

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :        L'honorable juge François Angers

DATE DE L'ORDONNANCE :                     le 21 mars 2007

COMPARUTIONS :

Avocat du requérant :

     Me Gilles Doré

Avocat de l'intimée :

     Me Philippe Dupuis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :           

       Pour le requérant:

                     Nom :                                       Me Gilles Doré, Avocat

                     Ville :                                        Outremont (Québec)

       Pour l'intimée :                                       John H. Sims, c.r.

                                                                    Sous-procureur général du Canada

                                                                    Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.