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Dossier : 2004-2219(IT)G

ENTRE :

LARRY ST-PIERRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Yvan Lafontaine (2004-2211(IT)G), le 1er juin 2006, à Trois-Rivières (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Bordeleau

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté, avec dépens en faveur de l'intimée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2007.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2007CCI90

Date : 20070228

Dossier : 2004-2219(IT)G

ENTRE :

LARRY ST-PIERRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel relatif à l'année d'imposition 1998. La question en litige est de savoir si le gain en capital réalisé par la conjointe de l'appelant est réputé être celui de ce dernier en vertu du paragraphe 74.2(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la « L.I.R. » ).

[2]      Les faits étant sensiblement les mêmes dans les dossiers 2004-2219(IT)G (Larry St-Pierre) et 2004-2211(IT)G (Yvan Lafontaine), les appelants et l'intimée ont indiqué qu'une preuve serait soumise pour les deux dossiers, lesquels font cependant l'objet de jugements distincts.

[3]      En ce qui concerne l'établissement et la ratification des cotisations dont il est fait appel, l'intimée a tenu pour acquis les faits suivants :

Dossier 1004-2219(IT)G - Larry St-Pierre

a)          La division de la vérification a procédé à l'analyse des diverses transactions d'actions du Groupe Mégatech (pour une meilleure compréhension, les transactions intervenues sont représentées dans l'organigramme joint en annexe de la présente réponse pour faire partie intégrante de celle-ci), plus spécifiquement des sociétés suivantes :

            - 9035-3772 Québec inc. (société de gestion de l'appelant)

            - 9035-3756 Québec inc (société de gestion Yvan Lafontaine)

            - 3101-0119 Québec inc. (Holding possédant Mégatech

               jusqu'au 3 novembre 1998).

            - Mégatech Électro inc. (après la fusion du 3 novembre 1998).

            - Mégatech Électro inc. (avant la fusion du 3 novembre 1998).

b)             Pour l'ensemble des transactions et l'organigramme, toutes les actions catégories « A » et « AA » sont votantes et participantes, les autres sont des actions privilégiées.

c)             Le 21 février 1994, l'appelant et Monsieur Yvan Lafontaine étaient actionnaires à part égale de la société 3101-0119 Québec inc. (ci-après nommé « la société » ;

d)             À cette même date, l'appelant détenait 10 actions catégorie « B » et 5 actions catégorie « A » de la société;

e)             La société détenait 20 actions catégorie « A » de la société Mégatech Électro inc. (ci-après nommé « Mégatech » );

f)              Le 21 mars 1997, l'appelant transfère, en vertu du paragraphe 85(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la « Loi » ), ses 5 actions catégorie « A » et ses 10 actions catégorie « B » de la société pour des montants respectifs de 2 800 000 $ et de 5 600 000 $ payables en actions de la société soit : 90 actions catégorie « AA » et 9 000 actions catégorie « BB » ;

g)             Le 21 mars 1997, l'appelant transfère, en vertu du paragraphe 85(1) de la Loi, et pour une somme convenue de 1 $, ses 90 actions catégorie « AA » à sa société de gestion 9035-3772 Québec inc. (ci-après : 3772);

h)             Le 18 décembre 1997 (9 h 30), l'appelant, par l'utilisation du paragraphe 85(1) de la Loi, transfère 9 000 actions « BB » de la société en échange de 5 actions « D » et 6 actions « AA » de la même société; la somme convenue utilisée par l'appelant est de 400 005 $;

i)              Le 18 décembre (10 h 00), la société vend, à la société de gestion 3772, 105 000 actions « A » de Mégatech pour la somme de 250 000 $ payable par billet;

j)              Le 19 décembre 1997, l'appelant transfère à sa société de gestion 3772, par l'entremise du paragraphe 85(1) de la Loi, 6 actions « AA » de la société; en échange de 150 005 actions « D » et 1 action « A » de 3772;

k)             Le 20 mars 1998, la société de gestion 3772 dispose de 3,84 actions « AA » de la société en faveur de Jenny Perron, conjointe de l'appelant; la vente est effectuée au montant de 510 000 $ payable par un billet à ordre ne portant pas intérêts;

l)              Le 28 août 1998 (14 h 00), les actions « AA » détenues par la conjointe de l'appelant sont échangées pour 990 000 actions catégorie « E » de la société (valeur de rachat de 990 000 $);

m)            Le 3 novembre 1998, lors de la fusion de la société et de Mégatech, les 990 000 actions « E » détenues par la conjointe de l'appelant ont été converties en 990 000 actions catégorie « B » de la nouvelle société résultant de la fusion;

n)             Le 3 novembre 1998, les 990 000 actions « B » de la nouvelle société détenues par la conjointe de l'appelant sont vendues à 924593 Ontario Ltd pour la somme de 990 000 $;

o)             Le gain en capital imposable déclaré par la conjointe de l'appelant était de 360 000 $ calculé de la façon suivante :

Produit de disposition

990 000 $

(-) PBR

510 000 $

Gain en capital :

480 000 $

Gain en capital imposable (75%)

360 000 $

p)             La conjointe de l'appelant a réclamé l'exemption pour gain en capital à l'encontre de ce gain;

q)             L'appelant avait utilisé auparavant la presque totalité de sa déduction pour gain en capital;

LES FAITS :

[4]      Le 21 mars 1997, l'appelant transfère, en vertu du paragraphe 85(1) de la L.I.R., à sa société de gestion 9035-3772 Québec inc. ses actions de catégorie « AA » qu'il détient dans la société 3101-0119 Québec inc.

[5]      Le 20 mars 1998, la société de gestion 9035-3772 Québec inc. dispose de 3,84 actions de catégorie « AA » de la compagnie 3101-0119 Québec inc. en faveur de la conjointe de l'appelant.

[6]      Le 28 août 1998, la conjointe de l'appelant échange ses actions de catégorie « AA » de la compagnie 3101-0119 Québec inc. contre 990 000 actions de catégorie « E » de cette dernière.

[7]      Le 3 novembre 1998, la compagnie 3101-0119 Québec inc. fusionne avec la compagnie Mégatech Électro inc. À la Suite à cette fusion, la conjointe de l'appelant reçoit 990 000 actions de catégorie « B » de la nouvelle société en contrepartie de la conversion de ses actions de catégorie « E » de 3101-0119 Québec inc.

[8]      Le 3 novembre 1998, la conjointe de l'appelant dispose de ses 990 000 actions de catégorie « B » de Mégatech Électro inc., réalisant ainsi un gain en capital de 480 000 $.

[9]      L'appelant reçoit un avis de cotisation au mois de mars 2003 lui attribuant le gain en capital réalisé le 3 novembre 1998 par sa conjointe lors de la disposition des actions de catégorie « B » de Mégatech Électro inc.

LES QUESTIONS EN LITIGE :

Les questions en litige sont les suivantes :

1)        Le gain en capital réalisé par la conjointe de l'appelant peut-il être réattribué à l'appelant en vertu du paragraphe 74.2 (1) de la L.I.R.?

2)        Subsidiairement, est-ce que le gain en capital réalisé par la conjointe de l'appelant est réputé être celui de l'appelant en vertu du paragraphe 74.5 (6) de la L.I.R. ?

3)        L'exception prévue au paragraphe 74.5(1) de la L.I.R. est-elle applicable en l'espèce ?

LES PRÉTENTIONS DE L'APPELANT :

[10]     L'appelant soutient qu'il n'y a eu aucun transfert direct ou indirect des actions en faveur de sa conjointe; conséquemment, selon ce dernier, il n'y a pas d'application possible des règles d'attribution du paragraphe 74.2 (1) de la L.I.R.

[11]     Dans un premier temps, il prétend qu'il n'y a pas eu de transfert direct de ses actions, étant donné que c'est sa société de gestion, 9035-3772 Québec inc., qui a transféré les actions de catégorie « AA » à sa conjointe.

[12]     En second lieu, il précise qu'il n'y a pas eu non plus de transfert indirect de ses actions puisque le patrimoine de la société de gestion est distinct du sien, bien qu'il en soit le seul actionnaire; il conclut donc qu'il n'est pas propriétaire des biens de la société. Il s'appuie sur l'arrêt Army and Navy Department Stores v. Minister of National Revenue, 53 DTC 1185 pour justifier sa position.

[13]     De plus, l'appelant affirme que le soulèvement du voile corporatif prévu à l'article 317 du Code civil du Québec ne peut être invoqué puisqu'il ne s'agit pas d'une opération effectuée de mauvaise foi dans le but de confondre les patrimoines des actionnaires de la compagnie.

[14]     Finalement, l'appelant soutient que les dispositions prévues au paragraphe 74.5 (6) de la L.I.R. ne s'appliquent pas puisque les opérations qu'il a effectuées entre 1996 et 1998 n'ont aucun lien entre elles. Par conséquent, selon lui, il ne s'agit pas d'une série d'opérations visant à transférer des biens.

[15]     Selon son interprétation, le paragraphe 74.5 (6) de la L.I.R. vise les opérations qui ont un lien entre elles et qui font appel à un intermédiaire pour procéder à l'opération ultime en faveur de la personne désignée; en second lieu, la disposition vise uniquement les cas où le transfert n'est effectué que conditionnellement à un autre transfert, ce qui, selon lui, n'est pas le cas ici.

LES PRÉTENTIONS DE L'INTIMÉE :

[16]     Elle soutient tout d'abord que les actions de catégorie « AA » ont fait l'objet d'un transfert indirect de l'appelant vers sa conjointe, par le biais de la société de gestion de l'appelant, et sont de ce fait assujetties à l'application du paragraphe 74.2(1) de la L.I.R.

[17]     Les actions de catégorie « B » constituent des biens substitués aux biens transférés par l'appelant au sens du paragraphe 248(5) de la L.I.R.

[18]     Subsidiairement, elle plaide que les actions de catégorie « AA » ont été transférées par l'appelant à un tiers. Ce tiers ayant par la suite transféré ces mêmes actions à une personne déterminée, les paragraphes 74.5(5), (6) et (8) de la L.I.R. s'appliquent.

L'ANALYSE :

[19]     L'application de la disposition 74.2(1) de la L.I.R.

Le paragraphe 74.2(1) de la L.I.R. se lit comme suit :

74.2. (1) Lorsqu'un particulier prête ou transfère un bien -- appelé « bien prêté ou transféré » au présent article --, directement ou indirectement, par le biais d'une fiducie ou par tout autre moyen, à une personne -- appelée « bénéficiaire » au présent paragraphe -- qui est son époux ou conjoint de fait ou qui le devient par la suite ou au profit de cette personne, les règles suivantes s'appliquent au calcul du revenu du particulier et du bénéficiaire pour une année d'imposition :

a) est réputé être un gain en capital imposable réalisé par le particulier pour l'année sur la disposition d'un bien, à l'exclusion d'un bien meuble déterminé, l'excédent éventuel du total visé au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii) :

   (i)        le total des gains en capital imposables réalisés par le bénéficiaire pour l'année sur la disposition de biens (à l'exclusion de biens meubles déterminés) qui sont des biens prêtés ou transférés ou des biens y substitués, pendant la période -- appelée « période d'attribution » au présent paragraphe -- tout au long de laquelle le particulier réside au Canada et tout au long de laquelle le bénéficiaire est son époux ou conjoint de fait,

(ii)        le total des pertes en capital déductibles subies par le bénéficiaire pour l'année à la disposition, effectuée pendant la période d'attribution, de biens (à l'exclusion de biens meubles déterminés) qui sont des biens prêtés ou transférés ou des biens y substitués;

[Je souligne.]

[20]     Dans un premier temps, il faut déterminer si le transfert d'actions de la société de gestion 9035-3772 Québec inc. de l'appelant à sa conjointe constitue un « [transfert] par tout autre moyen » au sens du paragraphe 74.2(1) de la L.I.R.

[21]     Plusieurs décisions traitent de la notion de « transfert » , notamment l'arrêt Canada c. Albert Kieboom, [1992] 3 C.F. 488 où le juge Linden affirme au paragraphe 18 que la notion de transfert visée au paragraphe 74.2(1) de la L.I.R. doit être interprétée au sens large. Le lord juge Lush, dans l'arrêt Gathercole v. Smith (1880-1881), 17 Ch. D.1 (C.A.), a déclaré à la page 9 que le mot « transférable » comprend :

[TRADUCTION] tout moyen par lequel un bien peut être transmis d'une personne à une autre.

[22]     Dans l'arrêt Fasken Estate v. Minister of National Revenue [1948] R.C.É. 580, le président Thorson précise, au paragraphe 34, que :

[TRADUCTION] Le mot « transfert » n'est pas un terme technique. Pour qu'il y ait un transfert d'un bien d'un mari à sa femme, il n'est pas nécessaire qu'il soit fait selon une forme particulière, ni qu'il soit fait directement. Il suffit que le contribuable se départisse du bien et le remette à son épouse, c'est-à-dire qu'il lui transmette le bien. Le moyen employé pour atteindre ce résultat, qu'il soit direct ou indirect, peut à juste titre être appelé un transfert.

[Je souligne.]

[23]     Comme l'appelant contrôlait à 100% la société de gestion 9035-3772 Québec inc. et qu'il était, de ce fait, seul à décider des mesures prises par celle-ci, je dois conclure qu'il a été l'instigateur de toutes ces opérations.

[24]     Les actions de catégorie « AA » que l'appelant détenait dans la société 3101-0119 Québec inc. ont été transférées à sa société de gestion, pour ensuite être transférées à sa conjointe, et cela entre le 21 mars 1997 et le 20 mars 1998, ce qui constitue un transfert « par tout autre moyen » au sens du paragraphe 74.2(1) de la L.I.R.

[25]     Le court délai entre les deux opérations et le fait que M. Saint-Pierre avait le plein contrôle de sa société de gestion nous amènent à conclure que les actions de catégorie « AA » ont été transférées indirectement par l'appelant à sa conjointe.

[26]     L'argument voulant que l'appelant eût l'intention première de créer des sociétés de gestion personnelles et d'aller en Bourse plutôt que d'avantager sa conjointe n'est pas pertinent puisque l'intention n'est pas un facteur pertinent aux fins du paragraphe 74.2(1) de la L.I.R.

[27]     L'analyse doit porter essentiellement sur le résultat des opérations. En d'autres termes, l'analyse doit se faire essentiellement à partir de ce qui a été fait et non à partir de ce que les parties avaient l'intention de faire.

[28]     Le bien a-t-il été transféré de l'appelant vers sa conjointe, par quelconque moyen, et ce, directement ou indirectement, puisqu'en l'espèce, il n'y a aucune équivoque quant à la réalité du transfert?

[29]     L'appelant a soumis un argument à l'effet qu'un transfert entre deux parties a nécessairement pour conséquence d'appauvrir une partie et d'enrichir l'autre. L'appauvrissement du patrimoine de l'appelant résultant du transfert des actions de catégorie « AA » hors de son patrimoine et l'enrichissement correspondant du patrimoine de la conjointe de l'appelant résultant du transfert dans son patrimoine de ces mêmes actions (je traiterai plus loin de la notion des biens substitués) ont réellement eu lieu, même s'ils n'ont pas été simultanés.

[30]     De fait, le délai entre les deux opérations est sans importance, et peu importe que les actions soient passées par le patrimoine de la société de gestion. Le résultat est le même : les actions sont sorties du patrimoine de l'appelant et ont enrichi le patrimoine de sa conjointe; c'est là la situation prévue par le paragraphe 74.2 (1) de la L.I.R.

[31]     Il m'apparaît important de déterminer si les actions de catégorie « B » de la société fusionnée Mégatech Électro inc., qui ont donné lieu au gain en capital, constituent des biens substitués aux biens transférés en vertu de l'alinéa 248(5)a) de la L.I.R. L'alinéa 248(5)a) L.I.R. se lit comme suit :

5)          Pour l'application de la présente loi, à l'exception de l'alinéa 98(1)a) :

a) lorsqu'une personne dispose d'un bien donné ou l'échange et acquiert un autre bien en remplacement et que par la suite, par une ou plusieurs autres opérations, elle effectue une ou plusieurs autres substitutions, le bien acquis par cette opération est réputé substitué au bien donné;

[32]     Pour ce faire, il est important de prendre en considération le mouvement des actions de catégorie « AA » pour être en mesure d'établir si elles ont été substituées. Au début, les actions de catégorie « AA » de la société 3101-0119 Québec inc. appartenaient à l'appelant; ces mêmes actions ont ensuite fait l'objet d'un transfert à sa société de gestion 9035-3772 Québec inc. qui les a ensuite vendues à la conjointe de l'appelant.

[33]     Après leur conversion, ces actions sont devenues des actions de catégorie « E » de la société 3101-0119 Québec inc. Finalement, après la fusion de 3101-0119 Québec inc. et de Mégatech Électro inc., ces mêmes actions sont devenues des actions de catégorie « B » .

[34]     Ces actions constituent bel et bien des biens substitués visés par l'alinéa 248(5)a) de la L.I.R. puisque, à la suite de la série d'opérations, les actions n'ont, dans les faits, qu'été transférées d'un patrimoine à un autre patrimoine.

[35]     Pour ces raisons, je conclus que le paragraphe 74.2(1) de la L.I.R. s'applique.

L'application du paragraphe 74.5(6) de la L.I.R.

[36]     Bien que les appels doivent être rejetés sur la base de l'application du paragraphe 74.2(1) de la L.I.R., je me permets d'ajouter ce qui suit :

Le paragraphe 74.5(6) de la L.I.R. se lit comme suit :

74.5 (6) Dans le cas où un particulier prête ou transfère un bien :

a)          à une autre personne et où une personne -- appelée « tiers » au présent paragraphe -- prête ou transfère ce bien ou un bien y substitué, directement ou indirectement, à une personne déterminée, en ce qui concerne le particulier, ou au profit de cette personne;

b)          à une autre personne à la condition qu'une personne -- appelée « tiers » au présent paragraphe -- prête ou transfère ce bien, directement ou indirectement, à une personne déterminée, en ce qui concerne le particulier, ou au profit de cette personne,

Les règles suivantes s'appliquent :

c)          pour l'application des articles 74.1, 74.2, 74.3 et 74.4, le bien que le tiers prête ou transfère est réputé prêté ou transféré, selon le cas, par le particulier à la personne déterminée ou à son profit;

d)         pour l'application du paragraphe (1), la contrepartie que le tiers reçoit pour le transfert du bien est réputée reçue par le particulier.

[Je souligne.]

[37]     Il faut tout d'abord préciser que cet article n'empêche pas l'application générale du paragraphe 74.2 (1) de la L.I.R. si on se fonde sur le paragraphe 6 de la décision Lipson c. R., [2006] 3 C.T.C. 2484 (C.C.I.).

[38]     L'appelant soutient que les transferts multiples doivent avoir été effectués dans le cadre d'une série d'opérations liées entre elles. À la lecture de cet article et du bulletin d'interprétation de l'Agence du revenu du Canada sur ce sujet, soit le IT-511R, (ARC, Bulletin d'interprétation IT-511R, « Transferts et prêts de biens entre conjoints et dans certains autres cas » (21 février 1994) para. 8.) rien ne nous permet de conclure que l'on doit être en présence d'une série d'opérations liées entre elles. Tout ce que la disposition indique, c'est que le particulier doit avoir transféré un bien à un tiers et que ce tiers doit l'avoir transféré à une « personne désignée » au sens du paragraphe 74.5 (5) de la L.I.R. :

(5) Pour l'application du présent article, « personne désignée » s'entend, en ce qui concerne un particulier :

a) de l'époux ou conjoint de fait du particulier;

b) d'une personne de moins de 18 ans qui a un lien de dépendance avec le particulier ou qui est le neveu ou la nièce du particulier.

[39]     En effet, la conjointe de l'appelant est une personne désignée au sens de l'alinéa 74.5(5)a) de la L.I.R.

[40]     De plus, le transfert doit avoir été effectué par un tiers, ce qui est le cas en l'espèce, puisque le transfert a été fait par l'entremise de la société de gestion de l'appelant. En effet, selon l'article 309 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64. :

309. Les personnes morales sont distinctes de leurs membres. Leurs actes n'engagent qu'elles-mêmes, sauf les exceptions prévues par la loi.

[41]     Les conditions de cette disposition étant toutes remplies, nous n'avons guère d'autre choix que de conclure que le paragraphe 74.5(6) de la L.I.R. est applicable en l'espèce.

[42]     L'application de l'exception prévue au paragraphe 74.5(1) de la L.I.R.

Le paragraphe 74.5(1) de la L.I.R. se lit comme suit :

74.5. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, les paragraphes 74.1(1) et (2) et l'article 74.2 ne s'appliquent pas à un revenu, un gain ou une perte dérivé, au cours d'une année d'imposition donnée, d'un bien transféré ou d'un bien y substitué si les conditions suivantes sont réunies :

a) au moment du transfert, la juste valeur marchande du bien transféré ne dépasse pas la juste valeur marchande du bien que l'auteur du transfert reçoit en contrepartie du bien transféré;

b) dans le cas où la contrepartie reçue par l'auteur du transfert comprend une créance, à la fois :

(i) des intérêts sont comptés sur la créance à un taux égal ou supérieur au moindre des taux suivants:

(A) le taux prescrit qui est en vigueur au moment de l'établissement de la créance,

(B) le taux dont les parties, si elles n'avaient aucun lien de dépendance, seraient convenues à la date d'établissement de la créance, compte tenu des circonstances,

(ii) le montant des intérêts qui était payable sur la créance pour l'année donnée est payé au plus tard 30 jours après la fin de l'année donnée,

(iii) le montant des intérêts qui était payable sur la créance pour chaque année d'imposition précédant l'année donnée est payé au plus tard 30 jours après la fin de chacune de ces années d'imposition;

c) dans le cas où le bien est transféré à l'époux ou conjoint de fait de l'auteur du transfert ou au profit de son époux ou conjoint de fait, l'auteur du transfert choisit, dans sa déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l'année d'imposition où le bien est transféré, de ne pas se prévaloir du paragraphe 73(1).

[Je souligne.]

[43]     En l'espèce, comme la conjointe de l'appelant a payé les actions de catégorie « AA » avec un billet qui ne porte pas intérêt, il est impossible de conclure qu'elle est visée par l'exception prévue au paragraphe 74.5(1) de la L.I.R.

[44]     Pour toutes ces raisons, l'appel est rejeté. Le gain en capital réalisé par la conjointe de l'appelant doit être attribué à ce dernier en conformité avec les dispositions du paragraphe 74.2(1) de Loi de l'impôt sur le revenu.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2007.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI90

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2004-2219(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Larry St-Pierre c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Trois-Rivières (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 1er juin 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 28 février 2007

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

           Me Pierre Bordeleau

Avocate de l'intimée :

           Me Anne Poirier

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour les appelants:

                   Nom :                              Me Pierre Bordeleau

                   Étude :                             Lambert Therrien Bordeleau Soucy

                   Ville :                               Shawinigan (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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