Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2006-1170(IT)I

ENTRE :

NABIH SROUGI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Ilse M. Srougi (2006-639(IT)I) le 12 mars 2007, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Anne-Marie Boutin

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000 sont accueillis, sans frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations sur la base qu'un revenu additionnel de 8 481,43 $ et de 4 001,27 $ doit être ajouté au revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1998 et 1999 respectivement (au lieu de 19 294,17 $ et 16 602,10 $ tel que cotisé pour 1998 et 1999 respectivement). Pour l'année d'imposition 2000, le revenu de l'appelant devra être diminué d'un montant de 1 343,51 $. À tous autres égards, les cotisations sous appel demeurent inchangées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'avril 2007.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


Référence : 2007CCI186

Date : 20070411

Dossiers : 2006-1170(IT)I

ENTRE :

NABIH SROUGI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

[1]      L'appelant en appelle de cotisations établies par le ministre du Revenu national ( « ministre » ) pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000. Par ces cotisations, le ministre a ajouté un montant de 19 294,17 $ et de 16 602,10 $ au revenu de l'appelant pour les années 1998 et 1999 respectivement, et a refusé certaines dépenses aux montants de 6 157,36 $ et de 4 830 $ pour les années 1999 et 2000 respectivement. La cotisation établie pour l'année d'imposition 1998 a été établie après la période normale de nouvelle cotisation, et il revient à l'intimée de démontrer, aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) que l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant sa déclaration de revenu eu égard à l'année d'imposition 1998.

[2]      L'appelant est avocat et a déclaré des revenus bruts de l'ordre de 52 955,15 $ en 1998 et de 66 115,66 $ en 1999 en utilisant la comptabilité de caisse. Le ministre a rajusté les revenus de l'appelant en utilisant la comptabilité d'exercice, en se fondant sur les factures d'honoraires préparées par l'appelant pour chacune de ces années.

[3]      Selon l'appelant et sa conjointe, madame Ilse M. Srougi, en agissant ainsi, le ministre a doublé les revenus en tenant compte tant de la facturation que des dépôts bancaires, et de plus, n'a pas tenu compte des mauvaises créances. L'appelant a, par ailleurs, reconnu que dans les états des revenus et dépenses qu'il a joints à ses déclarations de revenu pour les années 1998 et 1999, il avait indiqué un montant nil pour les mauvaises créances. Il a toutefois expliqué en cour qu'il était justifié d'agir ainsi dans la mesure où il avait utilisé la comptabilité de caisse. En effet, en utilisant cette méthode, on ne tient compte que des revenus encaissés et des dépenses réellement payées dans l'année, et dans cette optique, on ne peut réclamer des mauvaises créances. Dans la mesure où le ministre applique la comptabilité d'exercice, et qu'on inclut les honoraires facturés mais non perçus, l'appelant se dit justifié de réclamer des mauvaises créances.

[4]      De plus, en produisant ses déclarations de revenu pour les années 1998 et 1999, l'appelant n'a pas exercé le choix d'exclure de son revenu toute somme relative au travail en cours, à la fin de l'année, aux termes de l'article 34 de la Loi, lequel se lit comme suit :

ARTICLE 34 : Professions libérales

Les règles suivantes s'appliquent au calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition tiré d'une entreprise qui consiste en l'exercice de la profession de comptable, de dentiste, d'avocat, de médecin, de vétérinaire ou de chiropraticien :

a) aucun montant n'est inclus pour le travail en cours à la fin de l'année, si le contribuable en fait le choix dans sa déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l'année;

b) l'alinéa a) s'applique au calcul du revenu du contribuable tiré de l'entreprise pour les années d'imposition ultérieures, si celui-ci a fait le choix prévu au présent article, à moins qu'il ne le révoque en ce qui concerne l'application de cet alinéa avec l'accord du ministre et aux conditions fixées par ce dernier.

[5]      L'appelant conteste en premier lieu l'utilisation de la comptabilité d'exercice. Il prétend que c'est son droit d'utiliser la comptabilité de caisse car celle-ci reflète mieux son revenu, selon les entrées de fonds réelles qu'il reçoit au cours de l'année.

[6]      Malheureusement, pour l'appelant, il est contraint par l'alinéa 12(1)b) de la Loi qui se lit comme suit :

Éléments à inclure

ARTICLE 12 : Sommes à inclure dans le revenu

(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :

[...]

b) Sommes à recevoir -- les sommes à recevoir par le contribuable au titre de la vente de biens ou de la fourniture de services au cours de l'année, dans le cours des activités d'une entreprise, même si les sommes, en tout ou en partie, ne sont dues qu'au cours d'une année postérieure, sauf dans le cas où la méthode adoptée par le contribuable pour le calcul du revenu tiré de son entreprise et acceptée pour l'application de la présente partie ne l'oblige pas à inclure dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition les sommes à recevoir qui n'ont pas été effectivement reçues au cours de l'année; pour l'application du présent alinéa, une somme est réputée à recevoir pour services rendus dans le cours des activités de l'entreprise à compter du premier en date des jours suivants :

(i) le jour où a été remis le compte à l'égard des services,

(ii) le jour où aurait été remis ce compte si la remise n'avait pas subi un retard indu;

[7]      Ainsi, en vertu de cette disposition législative, l'appelant doit inclure dans son revenu de l'année les sommes à recevoir par lui au titre de la fourniture de services au cours de l'année, dans le cours des activités d'une entreprise (ici reliées à sa profession d'avocat), même si les sommes, en tout ou en partie, ne sont dues qu'au cours d'une année postérieure. Cette règle ne s'applique pas si la méthode adoptée par le contribuable pour le calcul du revenu tiré de son entreprise, et acceptée pour l'application de la partie I de la Loi, ne l'oblige pas à inclure dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition les sommes à recevoir qui n'ont pas été effectivement reçues au cours de l'année. Or, une méthode acceptable pour l'application de la partie I de la Loi « [...] est celle qui donne l'image la plus fidèle du revenu du contribuable, qui le représente le plus fidèlement et proprement et qui permet le meilleur « rattachement » des charges et des produits » (West Kootenay Power & Light Co. c. La Reine, [1992] 1 C.F. 732 (C.A.), p. 745, dont le passage a été repris dans Canderel Ltd. c. Canada, [1998] 1 S.C.R. 147, au para. 43).

[8]      Les membres des professions libérales doivent calculer leur revenu selon la comptabilité d'exercice. (Voir Les principes de l'imposition au Canada, Lord, Sasseville [et al.], 13e édition, Wilson & Lafleur, 2002, p. 180, para. 4.2.9.2, cité par l'appelant lui-même).

[9]      Ceci est conforme avec le principe général selon lequel le calcul du bénéfice exige d'appliquer aux revenus les dépenses engagées dans le but de les gagner (voir Canderel Ltd. c. Canada, au para. 49). Selon les principes commerciaux reconnus, le bénéfice d'entreprise sera calculé non seulement en tenant compte des encaissements dans l'année, mais aussi des sommes à recevoir pour lesquelles les services ont été rendus dans cette année. C'est la comptabilité d'exercice. Pour la profession d'avocat, il est d'autant plus clair que c'est la comptabilité d'exercice qui s'applique puisque l'article 34 a été instauré pour permettre aux avocats d'exercer le choix d'exclure de leur revenu pour l'année, les comptes relatifs aux travaux en cours. Ce choix doit être exercé lors de la production de la déclaration de revenu de l'année pour laquelle le choix est fait. Or, dans la présente instance, l'appelant n'a pas exercé ce choix. Le ministre était donc justifié de recotiser l'appelant en calculant ses revenus selon la comptabilité d'exercice.

[10]     L'appelant, en deuxième lieu, soutient qu'en le recotisant, le ministre a doublé certains revenus et inclus certains prêts comme des revenus. De plus, l'appelant a fait la preuve que certains clients avaient fait faillite dans les années en litige (pièce A-3). L'intimée a reconnu ces erreurs, de même que les mauvaises créances causées par les faillites des clients. L'avocate de l'intimée a fait parvenir à la Cour, après l'audition, par une correspondance en date du 16 mars 2007, le revenu modifié avec les corrections apportées. Le revenu modifié s'élève maintenant à 61 436,58 $ en 1998 et à 70 116,93 $ en 1999. Comme l'appelant avait déclaré un revenu de 52 955,15 $ en 1998 et de 66 115,66 $ en 1999, le revenu additionnel s'élève donc à 8 481,43 $ pour 1998 et à 4 001,27 $ pour 1999.

[11]     L'appelant accepte ces chiffres (voir lettre adressée à la Cour en date du 20 mars 2007).

[12]     Quant à la question à savoir s'il y a eu double imposition pour l'appelant, puisque celui-ci avait inclus dans ses revenus les montants effectivement encaissés, et l'intimée les revenus facturés, l'intimée répond à ceci que pour les années 1998 et 1999, le revenu déclaré par l'appelant a été soustrait du revenu calculé par le vérificateur de l'Agence du revenu du Canada ( « ARC » ) et qu'il n'y a donc pas double imposition pour ces deux années. Toutefois, l'avocate de l'intimée indique dans sa lettre du 16 mars 2007 qu'il y aurait lieu de soustraire du revenu de l'appelant pour l'année 2000 les factures émises en 1999 qui, selon la preuve, ont été payées en 2000. Il s'agit des factures suivantes :

−    facture du 4 octobre 1999, adressée à Une Grande Famille : portion payée en 2000 : 696,53 $ (voir note sur facture, pièce I-3, factures établies en 1999) ;

−    facture du 8 décembre 1999 adressée à Restaurant Mechoui Express Inc. : portion payée en 2000 : 646,98 $ (voir note sur facture, pièce I-3, factures établies en 1999).

[13]     Ainsi, il y aura lieu de réduire le revenu de l'appelant pour l'année 2000 d'un montant total de 1 343,51 $ (696,53 $ + 646,98 $).

[14]     Par ailleurs, l'appelant a réclamé la totalité de ses dépenses d'automobile pour fins d'affaires pour les années 1999 et 2000 (6 384,88 $ en 1999 et 6 440,00 $ en 2000, pièce I-7). Le vérificateur de l'ARC a refusé 75% des dépenses réclamées, puisque 75% de ces dépenses correspondent au kilométrage effectué par l'appelant pour se déplacer de sa résidence à son bureau, ce qui constitue des dépenses personnelles. L'appelant n'a pas apporté d'éléments nouveaux pour contester ceci. J'accepte donc la preuve du ministre à ce sujet et je maintiens les dépenses d'automobile telles que cotisées (soit 2 158,04 $ déductibles en 1999 et 1 903,66 $ déductibles en 2000, ces montants incluant les frais de stationnement accordés en plus, selon la pièce I-7).

[15]     Quant aux frais facturés à l'égard des repas pour l'année 1999, le vérificateur de l'ARC a réduit à 50% la dépense admissible sur deux factures identifiées « Le Vieux Pêcheur » (l'une au montant de 253,54 $ et l'autre au montant de 47,89 $), car il s'agissait de frais de représentation aux termes de l'article 67.1 de la Loi. L'appelant n'a pas réellement contesté ce point en cour.

[16]     Quant à la dépense réclamée à l'égard des frais de promotion pour l'année 1999, suite à un séjour de l'appelant au Mont-Tremblant, au montant de 1 217,98 $ (pièce I-7), elle fut refusée au motif qu'il s'agissait de dépenses personnelles. L'appelant a été vague à ce sujet, ne se rappelant plus trop le but de ce séjour. Il a laissé entendre qu'il avait probablement emmené un client. L'appelant n'a conservé aucune documentation écrite à ce sujet et son témoignage n'était pas assez clair. Je considère donc que l'appelant n'a pas fait la preuve qu'il s'agissait d'une dépense d'affaires. Je maintiens la décision de l'ARC.

[17]     Par ailleurs, le ministre était justifié de recotiser l'année 1998 aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi, car l'appelant, qui est avocat, devait savoir qu'il devait utiliser la méthode d'exercice et que s'il voulait se prévaloir du choix d'exclure de ses revenus les comptes relatifs aux travaux en cours, il devait le faire en le spécifiant très clairement au moment de produire sa déclaration de revenu, ce qui n'a pas été fait.

[18]     Les appels sont accueillis, sans frais, et les cotisations retournées au ministre sur la base que des revenus additionnels de 8 481,43 $ et de 4 001,27 $ doivent être ajoutés au revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1998 et 1999 respectivement (au lieu de 19 294,17 $ pour 1998 et 16 602,10 $ pour 1999). Pour l'année 2000, le revenu de l'appelant devra être diminué d'un montant de 1 343,51 $. À tous autres égards, les cotisations sous appel demeurent inchangées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'avril 2007.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :                                   2007CCI186

No DE DOSSIER DE LA COUR :       2006-1170(IT)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               NABIH SROUGI c. LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 12 mars 2007

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :                    le 11 avril 2007

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Anne-Marie Boutin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                     Nom :                            

                 Cabinet :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.