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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

97-3567(IT)G

ENTRE :

PETRO-CANADA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu les 29, 30 et 31 janvier et les 1er, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 16, 21 et 22 février 2001, à Calgary (Alberta), par

l'honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions

 

Avocats de l'appelante :   Mes Jehad Haymour, Carman R. McNary

                                      et Denny W. F. Kwan

 

Avocates de l'intimée :     Mes Deborah Horowitz et Wendy E. Burnham

 

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1992 est rejeté, avec frais, y compris des honoraires pour deux avocats.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2002.

 

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de novembre 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20021206

Dossier: 97-3567(IT)G

 

ENTRE :

 

PETRO-CANADA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]       Petro‑Canada (« PC ») interjette appel à l'encontre d'une nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1992. Par cette nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») n'a pas admis 37 867 255 $ sur les 46 751 752 $ que PC avait déduits au titre de frais d'exploration au Canada (« FEC ») auxquels il avait été renoncé, en sa faveur, par deux sociétés d'exploration en commun (« SEC »).

 

[2]     En vertu de l'article 66 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») applicable pour 1992, une SEC pouvait renoncer, en faveur d'une société actionnaire, à un montant au titre de FEC, qui devenait alors déductible dans le calcul du revenu de cette société actionnaire[1]. Dans le cas présent, PC est devenue l'une des deux actionnaires de deux SEC : elle est devenue actionnaire d'une SEC (la « SEC Phillips ») avec Phillips Petroleum Canada Limited (« Phillips ») et elle est devenue actionnaire d'une SEC (la « SEC CanEagle ») avec CanEagle Resources Corporation (« CanEagle »). Chacune de ces SEC a fait de gros achats de données sismiques, dans le premier cas à Phillips et à des sociétés liées à celle‑ci (le « groupe Phillips ») et dans le second cas à CanEagle. La contrepartie totale payée par les deux SEC pour ces achats a été de 46 751 752 $. Les SEC ont traité les achats comme des FEC, auxquels elles ont renoncé en faveur de PC, conformément à leur arrangement contractuel; PC a ensuite demandé les déductions que j'ai mentionnées.

 

[3]     La nouvelle cotisation considérée dans le présent appel est basée sur des hypothèses du ministre selon lesquelles Phillips (tout comme ses sociétés liées) avait un lien de dépendance avec la SEC Phillips, et CanEagle avec la SEC CanEagle, en ce qui a trait aux achats et aux ventes portant sur les données sismiques, et la juste valeur marchande totale de l'ensemble des données sismiques achetées par les deux SEC s'élevait en fait à un montant de 8 884 497 $ seulement et non au montant de 46 751 752 $ convenu et payé. Si cela était exact, alors, évidemment, le total des FEC auxquels il pouvait être renoncé en faveur de PC se limiterait au montant susmentionné de 8 884 497 $, car les opérations de vente seraient réputées avoir été faites selon la juste valeur marchande[2]. Par sa nouvelle cotisation, le ministre a donc ramené à ce montant la déduction de FEC.

 

[4]     En livrant sa réponse à l'avis d'appel à notre cour, le sous‑procureur général a soulevé une nouvelle question à l'appui de la cotisation. Il allègue que les dépenses engagées par les SEC pour acheter des données sismiques n'entrent pas dans le cadre de la définition de FEC figurant au paragraphe 66.1(6) de la Loi[3], parce qu'elles n'ont pas été engagées par les SEC « [...] en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'un gisement de pétrole ou de gaz naturel [...] » (ce que j'appellerai par souci de commodité dans les présents motifs les « fins prévues par la loi »).

 

[5]     Par sa nouvelle cotisation, le ministre n'a pas admis non plus certains frais de recherche scientifique et de développement expérimental que l'appelante prétendait être en droit de déduire dans le calcul de son revenu pour 1992. Les parties ont fini par régler cette question entre elles et ont déposé un consentement à jugement, signé en leur nom par les avocats. Je reviendrai à l'effet à donner à cet accord.

 

[6]     L'appelante, Phillips et CanEagle sont des « sociétés canadiennes imposables » au sens du paragraphe 89(1) de la Loi et œuvrent toutes dans le domaine de l'exploration, du développement et de la production en matière de pétrole et de gaz naturel. Phillips Petroleum Company Western Hemisphere (« PPCoWH ») et Phillips Petroleum Resources Limited (« PPRL ») sont des sociétés non résidantes, liées à Phillips, et chacune exploite une entreprise au Canada par l'intermédiaire d'un établissement stable. CanEagle était la société qui avait absorbé Forest Oil. Elle est ensuite devenue l'Archean Energy Ltd. Par souci de commodité, je l'appellerai « CanEagle » tout au long des présents motifs.

 

Création des SEC

 

[7]     L'appelante et Phillips avaient discuté de la création d'une SEC pour la première fois au cours de l'été 1991. L'idée était venue d'un conseiller financier de Phillips, Bob Adams. Ce dernier avait décrit le plan lors d'une réunion à laquelle participaient des cadres supérieurs de Phillips et de l'appelante. Les deux sociétés étaient intéressées à prospecter des gisements de gaz à grande profondeur, dans les régions de l'Ouest canadien que les géologues appellent l'axe des contreforts, le filon à grande profondeur du dévonien, le filon à moyenne profondeur du dévonien et l'arche de Peace River (les « régions principales »). À cette époque, Phillips avait un très gros compte de FEC inutilisés et était peu susceptible d'être assujetti à l'impôt avant bien longtemps. Sa société mère — une société américaine — la pressait de devenir une entité qui s'autofinance. L'appelante était en mesure de faire usage des FEC auxquels il pourrait être renoncé en sa faveur par une SEC. Elle était également en mesure de financer de l'exploration. Concernant les régions principales, Phillips avait beaucoup de données sismiques, ainsi que de nombreuses concessions minières. Il était évident pour les deux sociétés qu'il y avait des synergies pouvant être exploitées à l'avantage des deux. Il a été convenu de poursuivre l'idée. À cette époque, Kevin MacFarlane travaillait pour l'appelante comme gestionnaire de terrains dans l'Ouest canadien et a été chargé d'élaborer les détails d'une convention avec Phillips devant être soumise au conseil d'administration de l'appelante.

 

[8]     M. MacFarlane et son équipe ont négocié avec des représentants de Phillips au cours des mois suivants pour structurer la convention qui a fini par être conclue. Il a dit bien clairement lors de son témoignage que, dès le début, l'article 66 de la Loi, permettant à la SEC de renoncer à des FEC en faveur de l'appelante, avait été d'une importance primordiale. Il a en outre témoigné bien franchement que les parties avaient convenu de participations de 57 p. 100 pour Phillips et de 43 p. 100 pour l'appelante, en se fondant sur le taux d'imposition auquel l'appelante serait assujettie. L'intention était que, grâce à la renonciation relative aux FEC, l'appelante soit protégée d'une perte dans l'éventualité où elle aurait financé pour la SEC un programme d'exploration infructueux. M. MacFarlane a également témoigné que, dès le début, l'appelante acceptait le fait que les ventes de données sismiques devraient être effectuées selon la juste valeur marchande et que la SEC devrait être structurée de manière que ni l'un ni l'autre des deux actionnaires ne puisse exercer le contrôle.

 

[9]     Le fondement de la création et du fonctionnement de la SEC était une question réglée en décembre 1991. Après l'approbation donnée par les conseils d'administration de Phillips et de l'appelante, la structure organisationnelle a été mise en place, et l'on a convenu des modalités contractuelles. La 509760 Alberta Ltd. (qui s'appelle Phillips P.C. Resources Ltd. depuis le 14 février 1992 et qui est ci‑après appelée la « SEC Phillips ») a été constituée le 8 novembre 1991. Le 18 décembre 1991, Phillips et l'appelante ont souscrit respectivement 57 actions ordinaires et 43 actions ordinaires de la SEC Phillips, à un prix nominal de souscription de 1 $ l'action. Le 20 décembre 1991, la SEC Phillips a acheté à Phillips un bien productif de pétrole et de gaz, pour être considérée comme entrant dans le cadre de la définition d'une SEC.

 

[10]    Le 23 décembre 1991, Phillips, l'appelante et la SEC Phillips ont signé une convention unanime des actionnaires (la « CUA no 1 »). Conformément à la CUA no 1, le conseil d'administration de la SEC Phillips comptait quatre administrateurs, dont deux nommés par l'appelante et deux nommés par Phillips. Il devait être décidé des affaires de la SEC Phillips par voie de résolution unanime du conseil d'administration, et aucune disposition n'était prévue pour dénouer une impasse au sein du conseil d'administration.

 

[11]    Le 23 décembre 1991, Phillips et l'appelante ont souscrit respectivement 6 160 000 actions ordinaires supplémentaires (57 p. 100) et 4 650 000 actions ordinaires supplémentaires (43 p. 100); les prix globaux de souscription de ces actions étaient de 61 600 000 $ et de 46 500 000 $. La SEC Phillips a, par voie de prêts aux actionnaires (les « prêts de 1991 aux actionnaires de la SEC Phillips »), avancé les sommes de 61 514 500 $ et de 46 435 500 $, respectivement, à Phillips et à l'appelante, en contrepartie de la livraison, par ces dernières, de billets de ces montants, non productifs d'intérêt et payables à vue, totalement ou partiellement, à la SEC Phillips. Pour que soient facilités les prêts de 1991 aux actionnaires de la SEC Phillips, 108 100 000 $ ont été déduits du compte capital déclaré actions ordinaires — de la SEC Phillips, et le même montant a été ajouté au compte de surplus d'apport de cette dernière. Phillips a ensuite entrepris de faire un paiement de 26 500 000 $ au plus tard le 8 janvier 1992 en remboursement partiel de son emprunt d'actionnaire de 1991. La SEC Phillips s'est engagée à acheter au groupe Phillips un ensemble déterminé de données sismiques (les « données sismiques de 1991 de la SEC Phillips ») pour un prix global d'environ 26 500 000 $, conformément à trois conventions d'achat de données sismiques. Ces conventions ont été incorporées à la CUA no 1.

 

[12]    La SEC Phillips s'est engagée à faire des dépenses pour prise d'intérêt d'au moins 20 000 000 $ entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 1994, soit des « frais liés à l'intérêt actif à gagner », ce qui comprenait des activités de forage et des opérations nécessaires pour gagner un intérêt d'amodiataire. L'appelante s'est engagée à prendre en charge la première tranche de 20 000 000 $ de « frais liés à l'intérêt actif à gagner » devant être engagés par la SEC Phillips, et ce, en remboursement partiel de son emprunt d'actionnaire de 1991 à la SEC Phillips. Phillips et l'appelante ont convenu de prendre en charge toute tranche supplémentaire de « frais liés à l'intérêt actif à gagner » devant être engagés par la SEC Phillips, et ce, en effectuant d'autres remboursements au titre des prêts de 1991 aux actionnaires de la SEC Phillips, conformément aux pourcentages respectifs de leurs participations dans la SEC Phillips. Cette dernière a accepté de renoncer, en faveur de l'appelante, à la première tranche de 46 500 000 $ de FEC engagés par elle, et ce, en vertu du paragraphe 66(10.1) de la Loi.

 

[13]    Le 23 décembre 1991, MM. Lundberg, Goodwin et Curts ont évalué à 26 500 312 $ les données sismiques de 1991 de la SEC Phillips, représentant 16 227 kilomètres. Le 24 décembre, la SEC Phillips a, pour un prix global de 26 500 382 $, acheté au groupe Phillips les « données sismiques de 1991 de la SEC Phillips », conformément aux trois conventions d'achat de données sismiques que l'on a expressément incorporées à la CUA no 1, à savoir :

 

a)       données sismiques achetées à Phillips :        1 827 676 $;

b)      données sismiques achetées à PPCoWH :    5 689 896 $;

c)       données sismiques achetées à PPRL :        18 982 810 $.

 

[14]    À la fin de 1992, l'appelante et Phillips ont pris la décision de refinancer la SEC Phillips à hauteur d'une somme supplémentaire de 54 millions de dollars. À cette fin, elles ont, le 18 décembre 1992, conclu une convention unanime des actionnaires modifiée (la « CUA no 2 »). Le conseil comptait encore quatre administrateurs, dont deux nommés par l'appelante et deux nommés par Phillips, il y avait une exigence en matière d'unanimité, et il n'y avait aucune disposition de prévue pour dénouer une impasse.

 

[15]    Le 18 décembre 1992, Phillips a souscrit 3 082 000 actions ordinaires supplémentaires (57 p. 100), et l'appelante a souscrit 2 325 000 actions ordinaires supplémentaires (43 p. 100). Les prix globaux de souscription des actions étaient de 30 820 000 $ et de 23 250 000 $ respectivement. La SEC Phillips a, par voie de prêts aux actionnaires (les  « prêts de 1992 aux actionnaires de la SEC Phillips »), avancé respectivement 30 820 000 $ et 23 250 000 $ à Phillips et à l'appelante, encore là en échange de billets non productifs d'intérêt et payables à vue, totalement ou partiellement, à la SEC Phillips, et, encore là, la SEC Phillips a réduit son capital déclaré et augmenté son surplus d'apport du montant des prêts aux actionnaires. Phillips s'est engagée à faire un paiement de 13 250 000 $ au plus tard le 8 janvier 1993 en remboursement partiel de son emprunt d'actionnaire, et la SEC s'est engagée à acheter au groupe Phillips des données sismiques supplémentaires (les « données sismiques de 1992 de la SEC Phillips »), pour un prix global d'environ 13 250 000 $. Trois conventions d'achat de données géophysiques et géologiques ont été incorporées à la CUA no 2.

 

[16]    La SEC Phillips s'est engagée à faire des dépenses pour prise d'intérêt d'au moins 30 000 000 $ entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 1995, soit des « frais liés à l'intérêt actif à gagner », ce qui comprenait des activités de forage et des opérations nécessaires pour gagner un intérêt d'amodiataire. L'appelante s'est engagée à prendre en charge la première tranche de 30 000 000 $ de « frais liés à l'intérêt actif à gagner » devant être engagés par la SEC Phillips, et ce, en remboursement partiel de ses emprunts d'actionnaire de 1991 et 1992 à la SEC Phillips. Phillips et l'appelante ont convenu de prendre en charge toute tranche supplémentaire de « frais liés à l'intérêt actif à gagner » devant être engagés par la SEC Phillips, et ce, en effectuant des remboursements supplémentaires au titre des prêts de 1991 et 1992 aux actionnaires de la SEC Phillips, conformément aux pourcentages respectifs de leurs participations dans la SEC Phillips. Cette dernière a accepté de renoncer, en faveur de l'appelante, à la première tranche de 69 750 000 $ de FEC engagés par elle, et ce, en vertu du paragraphe 66(10.1) de la Loi.

 

[17]    Le 18 décembre 1992, la R.H. Sheppard Exploration Consultants Ltd. a évalué à 13 250 000 $ les données sismiques de 1992 de la SEC Phillips, représentant 16 152 kilomètres.

 

[18]    Le 22 décembre 1992, la SEC Phillips a, pour un prix global de 13 251 370 $, acheté au groupe Phillips les « données sismiques de 1992 de la SEC Phillips », conformément aux trois conventions d'achat de données géologiques et géophysiques incluses dans la CUA no 2, à savoir :

 

a)       données sismiques achetées à Phillips :           334 500 $;

b)      données sismiques achetées à PPCoWH :    4 394 220 $;

c)       données sismiques achetées à PPRL :          8 522 650 $.

 

[19]    Au début de 1992, l'appelante et Forest Oil ont commencé à discuter de la création d'une SEC. Avant la fin des négociations, Forest Oil a été achetée par CanEagle, qui a conclu l'affaire avec l'appelante. La convention qui a fini par être conclue était structurée en grande partie de la même manière que la convention entre l'appelante et Phillips, mais les pourcentages des participations étaient différents. La 544199 Alberta Ltd. (qui s'appelle maintenant Peace Eagle Resources Ltd. et que j'appellerai ci‑après la « SEC CanEagle ») a été constituée le 15 octobre 1992. Le 30 décembre 1992, CanEagle et l'appelante ont souscrit respectivement 51 actions ordinaires et 49 actions ordinaires, à un prix nominal de souscription de 1 $ l'action. Le 30 décembre 1992, la SEC CanEagle a acheté à CanEagle un bien productif de pétrole et de gaz. Le 30 décembre 1992, CanEagle, l'appelante et la SEC CanEagle ont signé une convention unanime des actionnaires (la « CUA relative à CanEagle »). Conformément à la CUA relative à CanEagle, le conseil d'administration de la SEC CanEagle comprenait quatre administrateurs, dont deux nommés par l'appelante et deux nommés par CanEagle. Il devait être décidé des affaires de la SEC CanEagle par voie de résolution unanime du conseil, et aucune disposition n'était prévue pour dénouer une impasse.

 

[20]    Le 30 décembre 1992, CanEagle et l'appelante ont chacune souscrit 1 400 000 actions ordinaires supplémentaires, à un prix global de souscription de 28 000 000 $. La SEC CanEagle a, par voie de prêts aux actionnaires (les « prêts de 1992 aux actionnaires de la SEC CanEagle »), avancé à CanEagle et à l'appelante 13 985 000 $ chacune, soit des avances garanties par des billets non productifs d'intérêt et payables à vue totalement ou partiellement. Pour que ces prêts soient facilités, le capital déclaré de la SEC CanEagle a été ramené à 30 100 $, et le montant correspondant à cette réduction a été ajouté au compte de surplus d'apport. CanEagle s'est engagée à effectuer un paiement de 7 000 000 $ au plus tard le 31 janvier 1993 en remboursement partiel de son emprunt, et la SEC CanEagle s'est engagée à acheter à CanEagle un ensemble spécifié de données sismiques (les « données sismiques de la SEC CanEagle »), pour un prix global d'environ 7 000 000 $, conformément à une convention d'achat de données sismiques incorporée à la CUA relative à CanEagle.

 

[21]    Le SEC CanEagle s'est engagée à effectuer, dans la mesure du possible, des dépenses pour prise d'intérêt d'au moins 7 000 000 $, soit des « frais liés à l'intérêt actif à gagner », ce qui englobait des activités de forage et des opérations nécessaires pour gagner un intérêt d'amodiataire. L'appelante s'engageait à prendre en charge la première tranche de 7 000 000 $ de « frais liés à l'intérêt actif à gagner » devant être engagés par la SEC CanEagle, et ce, en remboursement partiel de son emprunt d'actionnaire de 1992; elle s'engageait en outre à effectuer au titre de cet emprunt un remboursement à hauteur de 7 000 000 $ le 31 décembre 1995 si, à cette date, moins de 7 000 000 $ de « frais liés à l'intérêt actif à gagner » avaient été engagés. CanEagle et l'appelante ont convenu de prendre en charge toute tranche supplémentaire de « frais liés à l'intérêt actif à gagner » devant être engagés par la SEC, et ce, en effectuant d'autres remboursements au titre des prêts de 1992 aux actionnaires de la SEC CanEagle, conformément aux pourcentages respectifs de leurs participations dans la SEC CanEagle. Cette dernière a accepté de renoncer, en faveur de l'appelante, à la première tranche de 14 000 000 $ de FEC engagés par elle, et ce, en vertu du paragraphe 66(10.1) de la Loi.

 

[22]    Le 30 décembre 1992, la N.W. Armstrong Exploration Consultants Ltd. a fourni une évaluation des données sismiques de la SEC CanEagle. Les données exclusives et les données de coentreprise, représentant 9 321,8 kilomètres, ont été évaluées à 8 477 165,55 $, et les données achetées, représentant 14 426,6 kilomètres, ont été évaluées à 5 402 868,72 $, soit 23 748 kilomètres en tout et un montant total de 13 880 034 $. Cette évaluation se rapportait à une participation de 100 p. 100. Il semble toutefois que CanEagle n'a pu transférer qu'un intérêt indivis d'un tiers. Le 31 décembre 1992, la SEC CanEagle a acheté à CanEagle, pour un montant de 7 000 000 $, cet intérêt d'un tiers dans les « données sismiques de la SEC CanEagle », conformément à la convention d'achat de données sismiques incorporée à la CUA relative à CanEagle.

 

Points en litige

 

[23]    En établissant une cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre a considéré que, dans chacune des trois ventes de données sismiques, le vendeur et la SEC acheteuse avaient un lien de dépendance. Dans les actes de procédure, l'intimée invoquait à la fois les alinéas a) et b) du paragraphe 51(1) de la Loi, mais l'avocate n'a invoqué dans son argumentation que l'alinéa b), arguant que, dans chaque cas, les vendeurs et les acheteurs avaient agi de concert pour gonfler le prix des données pour qu'il soit supérieur à la juste valeur marchande, en vue de faire en sorte que des pertes du groupe Phillips et de CanEagle passent aux SEC, puis à l'appelante au bout du compte. D'après les hypothèses du ministre, les trois séries de données sismiques qui ont été vendues valaient respectivement 4 938 127 $, 1 496 370 $ et 2 450 000 $. Au procès, l'intimée a produit une preuve indiquant que la valeur globale des données sismiques achetées par la SEC Phillips en 1991 et en 1992 se situait entre 1 600 000 $ et 6 233 000 $ et que la valeur des données sismiques achetées par la SEC CanEagle se situait entre 1 762 000 $ et 4 591 000 $[4]. L'intimée dit que, en raison du paragraphe 69(1) de la Loi, les opérations sont réputées avoir été faites selon la juste valeur marchande et que celle‑ci détermine le maximum des FEC auxquels il peut être renoncé par les SEC en faveur de l'appelante au titre des données sismiques qu'elle leur a achetées. Comme complément de cet argument, l'intimée fait également valoir que, en vertu de l'article 67 de la Loi, les SEC sont limitées à la déduction d'une somme qui était « raisonnable dans les circonstances » et que tout montant supérieur à la juste valeur marchande établie en preuve par le ministre n'est pas raisonnable.

 

[24]    Dans la réponse à l'avis d'appel qu'il a déposée, le sous‑procureur général allègue en outre, aux paragraphes 18 et 19, que les SEC n'ont pas acquis les données sismiques pour les fins prévues par la loi et que les frais qu'elles ont payés pour acquérir ces données ne peuvent donc être considérés comme FEC en vertu de l'alinéa a) de la définition de « frais d'exploration au Canada » figurant au paragraphe 66.1(6) de la Loi. Ce point de vue ne faisait pas partie des hypothèses de précotisation du ministre, et l'intimée a donc le fardeau de la preuve à cet égard.

 

[25]    La position de l'appelante est que ni elle ni les SEC n'ont agi de concert avec le groupe Phillips ou CanEagle pour gonfler le prix payé pour les données sismiques, que les opérations ont été conclues par des parties agissant sans lien de dépendance et que les prix convenus et payés n'étaient pas déraisonnables aux fins de l'article 67. L'appelante fait également valoir que les données sismiques ont été achetées par les SEC pour les fins prévues par la loi et qu'il est donc satisfait aux exigences de l'alinéa a) de la définition de « frais d'exploration au Canada » figurant au paragraphe 66.1(6).

 

[26]    Les deux parties ont présenté des éléments de preuve quant à la juste valeur marchande des trois séries de données sismiques, et chacune a présenté une preuve pour réfuter la preuve de l'autre quant à la valeur.

 

Les SEC ont‑elles acheté les données sismiques pour les fins prévues par la loi?

 

[27]    Dans l'examen de la question de savoir si c'est pour les fins prévues par la loi que les SEC ont acheté des données sismiques à Phillips et à CanEagle (et ont engagé les frais y afférents), je dois m'inspirer des décisions rendues par la Cour d'appel fédérale dans les affaires La Reine c. Gulf Canada Limitée[5] et Global Communications Limited c. La Reine[6].

 

[28]    Dans l'affaire Gulf Canada, l'appelante cherchait à ce que soient considérés comme FEC certains paiements de location à bail qu'elle avait faits au titre de droits d'exploitation souterraine de pétrole et de gaz à l'égard d'environ 4 millions d'acres en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie‑Britannique. Le juge de première instance avait considéré que Gulf avait conclu les baux à la fois pour fins d'exploration et pour fins d'aménagement et que les frais n'avaient donc pas été engagés pour les fins prévues par la loi. L'appel interjeté auprès de la Cour d'appel fédérale a été rejeté. Dans les motifs unanimes qu'il a rendus, le juge Hugessen a dit[7] :

 

Pour ce qui est du droit, il faudrait que les loyers en question soient une "… dépense ... faite ... aux fins de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'un gisement de pétrole ou de gaz naturel" au sens de la définition contenue au sous‑alinéa 66.1(6)a)(i) pour être admissibles en tant que frais d'exploration au Canada. Nous partageons l'opinion, manifestement acceptée par le juge de première instance, selon laquelle les paiements destinés au maintien de stocks de terres sur lesquelles des travaux d'exploration, d'aménagement et de production peuvent ou non être exécutés à une date ultérieure indéterminée ne sont pas visés par cette définition. Nous sommes également d'accord avec le juge Mahoney, alors juge de première instance, qui a dit, dans l'arrêt New Continental Oil Co. c. La Reine[…], qu'il y a une distinction entre des "paiements en vue de l'obtention du droit de forer et d'explorer" et des "frais assumés dans le cadre de travaux de forage et d'exploration". D'autre part, nous nous attendrions normalement à ce qu'il y ait tout au moins un lien entre une dépense dont on dit qu'elle a été engagée aux fins de déterminer l'existence, etc. de pétrole ou de gaz naturel sur un bien et les travaux véritablement faits au sol. Par conséquent, et quoique les loyers versés à l'égard de ces portions des stocks de terres sur lesquelles des activités d'exploration ont véritablement eu lieu au cours d'une année d'imposition puissent être admissibles en tant que frais d'exploration au Canada, nous ne jugeons pas nécessaire de nous prononcer sur ce point étant donné que la contribuable n'a pas tenté de chiffrer ces frais, dont le montant serait de toute façon fort peu élevé. Nous sommes tout à fait convaincus que la raison d'être du traitement dont bénéficiaient les frais d'exploration aux termes de la loi était d'encourager l'exploration véritable et non de financer à partir des fonds publics l'accumulation d'énormes stocks inactifs de droits d'exploitation souterraine. [...]

 

[29]    La Cour d'appel fédérale a appliqué le même principe dans l'affaire Global Communications, dans laquelle le juge Robertson, s'exprimant pour la Cour, a dit ceci au sujet de la première question en litige[8] :

 

[16]      La Cour doit se prononcer sur plusieurs questions en litige. La première question est de savoir si l'achat par Global de données sismiques constitue des frais d'exploration au Canada au sens de l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Énoncé succinctement, l'achat par Global des données respecte‑t‑il le critère des fins visées qui est prévu par cette disposition; c'est‑à‑dire, s'agit‑il d'une dépense engagée pour les fins de repérer ou de localiser des gisements de pétrole et de gaz au Canada? Pour répondre à cette question, nous devons examiner deux questions supplémentaires. Premièrement, l'achat de tracés sismiques en vue de l'octroi de permis (ou de la revente) constitue‑t‑il des frais d'exploration au Canada? Dans l'affirmative, le critère des fins visées est respecté. Dans la négative, nous devons nous poser une deuxième question, à savoir, si Global utilisait les données à des fins d'exploration pétrolière et gazière. Cette question mène à une conclusion de fait. Si elle donne lieu à une réponse négative, Global n'a alors droit à aucune déduction. [...]

 

Il a ensuite dit, à la page 13 (DTC : à la page 5382) :

 

[19]      À mon avis, une lecture attentive de l'alinéa 66.1(6)a) montre que les dépenses visées sont celles que le contribuable engage relativement au terrain lui‑même. En vertu de la Loi, les frais d'exploration reçoivent le traitement fiscal le plus généreux. Le montant total est déductible. La déduction pour frais de développement est limitée à 30 % des dépenses. Le taux diminue à 10 % pour les frais d'exploitation de biens pétroliers et gaziers. L'objectif visiblement poursuivi au moyen de la déduction des frais d'exploration au Canada est d'encourager l'exploration réelle dans une industrie soumise à d'importants risques financiers dans le cadre de la recherche de gisements de pétrole et de gaz. En théorie, si ce n'était de l'incitatif fiscal, ce type d'exploration pourrait ne pas être entreprise. Il est cependant tout aussi évident que l'objet de la loi n'est pas d'encourager l'accumulation de larges inventaires de données sismiques qui peuvent être ou ne pas être de quelque valeur pour ceux qui œuvrent vraiment dans le domaine de l'exploration pétrolière et gazière. [...]

 

Puis, aux pages 15 à 17 (DTC : aux pages 5382 et 5383), après avoir fait référence au passage que j'ai cité de l'arrêt Gulf Canada, il a ajouté :

 

[21]      Est particulièrement pertinente pour les fins du présent appel la conclusion selon laquelle il devrait « normalement » y avoir un lien entre une dépense et les travaux véritablement faits au sol pour que cette dépense ait été engagée en vue de déterminer, notamment, l'existence de pétrole ou de gaz. On peut prétendre que la reconnaissance d'exceptions possibles à la règle constitue une justification valable pour établir une distinction avec la décision rendue par la Cour d'appel de l'Alberta dans Fulcrum. Cette affaire portait sur une loi provinciale, inspirée de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui conférait des subventions à ceux qui engageaient des dépenses constituant des frais d'exploration au Canada. Il s'agissait de savoir si les fonds engagés pour des examens géophysiques et pour la production de données sismiques satisfaisaient au critère des fins visées qui était établi dans la disposition correspondant à l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le demandeur avait fait effectuer les travaux sismiques par un tiers en vue de vendre les résultats ou de négocier une participation dans une entreprise pétrolière ou gazière. Les données sismiques ont donc été acquises uniquement en vue de leur revente. La Cour d'appel de l'Alberta a confirmé le droit du demandeur à une subvention provinciale relativement à la dépense au motif que celle‑ci respectait le critère des fins visées. À la page 316 de ses motifs, cette cour a dit que : [traduction] « [l]e simple fait que la demanderesse aurait pu vendre les travaux à des étrangers ne lui enlève pas le droit à l'avantage [conféré par la loi provinciale] ».

 

[22]      Il semble que l'arrêt Fulcrum peut facilement faire l'objet d'une distinction au niveau des faits. Dans la présente affaire, le contribuable n'a pas engagé de fonds pour procéder à une mise à feu en vue de la vente des données ou de l'octroi de permis à l'égard de leur utilisation, comme dans l'arrêt Fulcrum. De plus, si on tient pour acquis que l'arrêt Fulcrum est incompatible avec la décision rendue par la Cour dans Gulf, la courtoisie judiciaire exige que nous appliquions cette dernière. Mais, il existe une autre raison de ne pas suivre l'arrêt Fulcrum en l'espèce. Cette raison découle d'une analogie faite par la Cour d'appel de l'Alberta. Dans ses motifs, cette cour a déclaré que les données sismiques ne constituaient rien d'autre qu'un « outil de recherche » devant être utilisé dans le cadre de l'exploration gazière ou pétrolière. Dans ce cas, ni le demandeur dans Fulcrum ni Global ne sont donc en position de réclamer une déduction au titre de frais d'exploration au Canada.

 

[23]      Si on accepte le fait que les données sismiques ne sont rien d'autre qu'un outil de recherche, il faut se demander si un détaillant comme Global ou un manufacturier comme Fulcrum peut prétendre avoir droit à une déduction au titre de frais d'exploration au Canada. La réponse me paraît évidente. Ni l'une ni l'autre de ces entités n'ont engagé de dépenses pour déterminer l'existence de gisements de pétrole et de gaz. Elles ont plutôt engagé des dépenses en vue de favoriser leurs propres intérêts financiers en offrant un produit qui permet à d'autres de faire de l'exploration pétrolière et gazière. À mon avis, un contribuable qui achète des données sismiques en vue de l'octroi de permis ou de la revente n'a pas plus droit à la déduction au titre de frais d'exploration au Canada qu'un détaillant ou un grossiste d'équipement conçu pour faciliter l'exploration pétrolière et gazière. [...]

 

[30]    L'intimée ne dit pas en l'espèce que les SEC ont acheté des données sismiques pour fins de revente. Aucune preuve n'indique cela non plus. Ce que dit l'intimée, c'est que les achats ont en réalité été effectués pour que des montants importants au titre de FEC de Phillips et de CanEagle deviennent des montants au titre de FEC des SEC et qu'il y soit ensuite renoncé en faveur de l'appelante, qui était en mesure de se prévaloir des déductions fiscales, ce qui était une façon d'assurer le financement des programmes de forage des SEC sans coût après impôt. Si cela est établi par la preuve, alors, sur la foi des arrêts Gulf Canada et Global Communications, les montants au titre de frais des SEC n'étaient pas des montants au titre de FEC, et il ne pouvait y être renoncé en faveur de l'appelante. La question est de savoir s'il y avait un lien et, dans l'affirmative, dans quelle mesure il y avait un lien entre les données sismiques achetées et les travaux effectivement accomplis sur le terrain ou devant y être accomplis.

 

[31]    À cet égard, le fardeau de la preuve repose sur l'intimée. La Couronne a cherché à s'acquitter de cette charge en se fondant sur la déposition de John Card. L'intimée a fait appel à M. Card pour qu'il examine les documents produits par l'appelante, ainsi que les renseignements fournis lors de l'interrogatoire préalable, qui se rapportaient tous à l'utilisation que la SEC avait faite des données sismiques.

 

[32]    M. Card est un diplômé en génie de l'Université de Calgary. Il est membre de l'APEGGA (Association of Professional Engineers, Geologists and Geophysicists of Alberta), de la CSEG (Canadian Society of Exploration Geologists) et de la SEG (Society of Exploration Geologists). Il a environ 30 ans d'expérience dans l'industrie pétrolière, plus particulièrement dans le domaine de l'interprétation de données géophysiques. Cela inclut l'acquisition, le traitement et l'interprétation de données sismiques. M. Card a travaillé dans le monde entier et a notamment réalisé des projets dans les régions principales. Depuis 1998, il est conseiller indépendant en géophysique. Il est l'auteur ou le coauteur de plusieurs articles et exposés sur des questions relatives à l'exploration géophysique et à l'utilisation de données sismiques. Je le considère comme ayant les qualités requises pour témoigner sur des questions touchant l'utilisation de données sismiques dans le cadre de la prospection de gisements de pétrole et de gaz naturel.

 

[33]    La prospection de gisements d'hydrocarbures est une entreprise très coûteuse et pleine d'aléas. On réduit les risques en examinant des données issues de l'analyse d'échantillons provenant de puits précédemment forés, soit des données qui sont mises à la disposition du public en Alberta un an après l'achèvement d'un forage. Des renseignements supplémentaires sont obtenus grâce aux données sismiques, c'est‑à‑dire, en termes simples, grâce à l'enregistrement des réflexions d'une série d'ondes de choc envoyées dans le sol, lesquelles sont détectées par des géophones convertissant ces ondes en signaux électriques qui sont ensuite améliorés, numérisés et traités par des programmes d'ordinateur de manière à obtenir des renseignements sur les formations géophysiques à diverses profondeurs sous la surface de la terre, le long de la ligne sismique. Initialement, les données sismiques étaient des données bidimensionnelles (« 2D »), obtenues à la suite d'une série d'explosions. Aujourd'hui, il peut s'agir de données tridimensionnelles (« 3D »); les ondes de choc couvrent une zone bidimensionnelle à la surface de la terre, et les géophones sont installés dans cette zone plutôt que simplement en ligne droite. Le coût d'acquisition de données sismiques 3D est évidemment beaucoup plus élevé que dans le cas de données 2D. Les enregistrements originaux des données et les imprimés qui en sont faits — ainsi que le droit exclusif d'utiliser ces documents, d'en faire des copies et de vendre celles‑ci — représentent ce que l'on appelle des données exclusives. Lorsque le propriétaire des données exclusives produit des copies et les vend, l'acheteur ne reçoit qu'une copie des données, ainsi que le droit d'en faire une utilisation dans le cadre de travaux d'exploration. L'acheteur n'a pas le droit de vendre cette copie ou d'en faire des copies. Les données qu'il acquiert sont appelées indifféremment des données sous licence ou des données copiées. Le propriétaire des données exclusives, qui peut être une entreprise d'exploration ou un courtier en données, est libre de vendre autant de copies sous licence qu'il peut trouver d'acheteurs. Contrairement aux courtiers, les entreprises d'exploration ne sont pas toujours disposées à vendre des copies, préférant garder les données pour leur seul usage. Elles peuvent évidemment vendre n'importe quand l'ensemble de leur intérêt propriétal.

 

[34]    M. Card a déclaré qu'à son avis, si des données sismiques avaient été interprétées, il s'attendrait à trouver, comme produit, « des cartes et / ou rapports établis à l'époque de l'interprétation géophysique ». Cela inclurait des cartes en courbes de niveau montrant la structure et l'épaisseur d'unités géologiques, ainsi que des rapports écrits indiquant ce que les données ont révélé et faisant état des mesures recommandées pour l'avenir. Ces documents, a dit M. Card, seraient versés dans les dossiers confidentiels de l'entreprise, pour utilisation au cours de réunions et discussions avec des associés, ainsi que pour utilisation à l'appui de recommandations de dépenses supplémentaires basées sur l'interprétation. J'ai cru comprendre qu'il disait que telle serait la procédure habituelle dans le cas d'une entreprise d'exploration.

 

[35]    M. Card a examiné les documents produits par l'appelante concernant l'utilisation que la SEC Phillips a faite des données sismiques qu'elle avait achetées. Il en a tiré des conclusions quant à savoir à quel point les données ont été utilisées par la SEC. Ces conclusions sont énoncées dans le rapport écrit de M. Card, et ce, pour chacun des 11 secteurs géographiques correspondant à ce qui était appelé en preuve la liste d'activités de la SEC Phillips. Ces secteurs sont :

 

                                      Murray River

                                      West Ghost (Salter)

                                      Lovett

                                      Evi

                                      Ricinus

                                      Petitot

                                      West Ojay

                                      West Hunter Valley

                                      Chungo

                                      Tenaka

                                      Hook Lake

 

Les conclusions que M. Card a tirées de cet examen peuvent être résumées comme suit.

 

[36]    Murray River         Les données sismiques relatives à Murray River faisaient partie de l'achat effectué en 1992 et représentaient 139 milles au total. L'appelante était propriétaire des deux tiers de ces données, et deux des lignes avaient été enregistrées conjointement par l'appelante et Phillips après la création de la SEC. M. Card a conclu que ces données n'avaient pas été utilisées aux fins prévues par la loi.

 

[37]    West Ghost (Salter)         L'appelante et Phillips avaient convenu avant la création de la SEC que cette dernière financerait un puits à cet endroit. M. Boyer, géophysicien à la société appelante, a bel et bien interprété, au profit de la SEC, des données sismiques de la SEC relatives à West Ghost représentant 58 milles.

 

[38]    Lovett                    PC et Phillips avaient toutes les deux acquis de l'expérience dans ce secteur et avaient toutes les deux des données sismiques relatives à ce secteur. Cette zone productive possible avait été proposée à la SEC par PC, mais on a fini par décider de ne pas y faire de forage. M. Card a conclu de son examen qu'il s'agissait non pas des données sismiques achetées à Phillips par la SEC, mais des données appartenant à PC, dont certaines ont été retraitées par la SEC, ce qui a amené cette dernière à décider de ne pas faire de forage à cet endroit. M. Card a conclu que les données sismiques relatives à cette région que la SEC avait achetées n'ont pas été utilisées aux fins prévues par la loi.

 

[39]    Evi     Ce secteur est situé à 150 kilomètres au nord‑ouest d'Edmonton, près de Peace River. PC et Phillips étaient toutes les deux actives dans ce secteur avant la création de la SEC et avaient toutes les deux des données sismiques relatives à ce secteur. PC avait des avoirs fonciers dans ce secteur, ainsi que des données sismiques 3D. En 1991 et en 1992, la SEC Phillips a acheté à Phillips des données sismiques 2D relatives à ce secteur. Cinq puits au total ont été forés dans ce secteur par PC et la SEC. Voici ce que M. Card a été amené à conclure de son examen des registres :

 

[TRADUCTION]

Bien que la correspondance examinée semble indiquer que du personnel de Petro‑Canada peut avoir interprété certaines des données relatives à la région d'Evi achetées à Phillips par la SEC, il n'y a pas de preuve solide qu'une telle interprétation a en fait été effectuée, et il y a une preuve solide que des géophysiciens de Petro‑Canada n'ont pas tenu compte des données de la SEC. Si Petro‑Canada n'a pas utilisé les données de la SEC, préférant travailler seulement avec des lignes sismiques qu'elle avait précédemment acquises, alors l'achat, par la SEC, de données sismiques de Phillips relatives à la région d'Evi n'a servi à rien.

 

[40]    Ricinus        Ce secteur est situé à 100 kilomètres au sud‑ouest de Red Deer. PC avait proposé cette zone productive possible à la SEC Phillips. Un puits a été foré en 1994, mais M. Card a conclu de son examen des documents que PC avait déterminé l'emplacement du puits en se fondant sur des données sismiques — y compris des données 3D — dont elle était copropriétaire avec Gulf Oil Canada Ltd. M. Card a conclu que la seule ligne de 4 à 5 milles que la SEC avait fournie n'avait probablement pas joué un rôle dans le processus.

 

[41]    Petitot                   Ce secteur est situé aux confins nord‑ouest de l'Alberta. Phillips était active dans ce secteur, avec un associé, et elle avait des intérêts fonciers dans ce secteur, ainsi que des données sismiques relatives à ce secteur. Phillips et son associé avaient fait du forage dans la région. M. Card a conclu que la décision de PC d'approuver une prise d'intérêt dans ce secteur, par la SEC, en 1994 était basée sur des copies d'interprétations de Phillips relatives aux données sismiques et que l'achat, par la SEC Phillips, de données relatives à la région n'avait pas contribué à cette décision.

 

[42]    West Ojay   La conclusion de M. Card était que les seules données relatives à ce secteur qui aient été vendues à la SEC Phillips étaient des données dont Phillips et PC avaient toutes deux précédemment acquis la propriété. Comme les deux associés avaient accès à ces données, il n'était pas nécessaire que la SEC les achète, de sorte qu'elles n'étaient pas utiles.

 

[43]    West Hunter Valley         Dans les documents fournis par l'appelante, M. Card n'a trouvé aucune preuve que l'appelante avait des dossiers relatifs à ce secteur ou qu'elle avait ne serait‑ce qu'examiné les données de la SEC. Comme les données étaient à la disposition des géophysiciens de Phillips et qu'elles n'ont pas été examinées par les géophysiciens de PC, leur acquisition par la SEC Phillips n'a servi à rien.

 

[44]    Chungo, Tenaka et Hook Lake  La SEC a acheté à Phillips des données sismiques relatives à tous ces secteurs. M. Card n'a trouvé aucune preuve que PC avait utilisé ces données aux fins de la SEC. On ne lui a pas remis de cartes ou de rapports établis par PC relativement à Tenaka. On l'a informé que PC n'avait aucun dossier concernant Chungo ou Hook Lake.

 

[45]    Après avoir examiné les documents, M. Card était d'avis que, sur les données sismiques achetées à Phillips par la SEC en 1991 et en 1992 et représentant 20 955 milles, seules des données représentant 58 milles (0,28 p. 100) ont en fait été interprétées par des géophysiciens de PC au profit de la SEC Phillips et ont donc été utilisées aux fins prévues par la loi.

 

[46]    M. Card a également examiné les documents produits concernant l'achat de données sismiques à CanEagle par la SEC CanEagle. Il a remarqué que tous les travaux d'exploration de cette SEC avaient eu lieu dans la région d'Evi / Loon / Lubicon (la « région d'Evi »), qui est située à environ 100 kilomètres à l'est de Peace River (Alberta). Cette région, d'une superficie d'environ 50 kilomètres sur 90, incluait également des projets appelés Mink, Whitefish, Kitty, West Kitty, Golden et Otter. M. Card a conclu que CanEagle (alors appelée Archean Energy Ltd.) avait beaucoup utilisé cette base de données entre 1993 et 1997 relativement à des projets non liés à la SEC. L'appelante ne l'a pas utilisée, et M. Card n'a trouvé aucune preuve que la SEC l'a utilisée. Il a constaté que M. Daley, de PC, avait établi des cartes qui couvraient le plus gros de cette région mais n'étaient basées que sur une interprétation des propres données sismiques 2D de PC. Il a comparé ces cartes avec la carte sismique de CanEagle et a conclu que M. Daley n'avait, dans son interprétation, utilisé aucune des données de CanEagle.

 

[47]    Clement Trenholm travaille aujourd'hui comme géophysicien faisant partie du personnel spécial de PC. En 1993, après la création de la SEC CanEagle, il a travaillé à contrat pour Eagle Resources, s'occupant d'évaluer les possibilités en matière d'exploration au sein de la SEC. Il a consacré environ 180 heures à ce travail pour la SEC en 1993 et il a alors examiné des données sismiques et formulé des recommandations basées là‑dessus concernant des zones d'intérêt exploratoire à Whitefish, Mink, Loon et Lubicon. En 1994, il a travaillé à contrat pour PC environ 28 jours, au cours de la première partie de l'année. Ce travail comportait l'examen de données sismiques de PC et de la SEC Phillips. Lors du contre‑interrogatoire, il est apparu clairement que cela s'était limité à des données représentant environ 100 kilomètres, données dont l'interprétation avait demandé à M. Trenholm environ six semaines de travail au total en 1993. La question de savoir ce qu'il est advenu du fruit du travail de M. Trenholm est loin d'être claire, mais la portée limitée de ce travail étaye assurément la conclusion de M. Card selon laquelle les décisions touchant les projets de la SEC dans la région d'Evi étaient en grande partie ou en totalité basées sur l'interprétation que des géologues et géophysiciens du personnel de PC et de CanEagle avaient faite des propres données internes de ces sociétés.

 

[48]    En 1991, Derek Lee était un gestionnaire de PC qui était chargé de l'exploration dans le sud. En 1992, il est devenu responsable de la géologie et de la géophysique au sein de l'unité pétrolière de l'Ouest canadien. Au début de 1992, il a été l'une des deux personnes nommées par PC au conseil d'administration de la SEC Phillips. Au cours de son témoignage, il a décrit la façon dont des zones d'intérêt exploratoire étaient proposées à la SEC par Phillips ou PC, ainsi que le processus par lequel ces zones étaient évaluées et par lequel la SEC déterminait si elle participerait aux projets. Des zones productives possibles étaient proposées à la SEC par PC ou Phillips. Celles qui étaient proposées par Phillips étaient examinées pour la SEC par le personnel de PC, et vice versa, car la SEC n'avait pas de personnel. Comme la CUA exigeait que les décisions soient prises par un conseil d'administration unanime, toute prise d'intérêt, par la SEC, ne se faisait que si l'associé examinant la proposition était d'accord.

 

[49]    À quelques exceptions près, le témoignage de M. Lee était étonnamment vague sur la question de l'utilisation des données sismiques. M. Lee a dit qu'il n'y avait pas d'examen général de toutes les données sismiques achetées par la SEC Phillips. Il n'y avait pas de plan immédiat de prospection de gisements dans l'est ou le nord de l'Alberta, l'accent étant plutôt mis sur du gaz à grande profondeur et sur l'huile légère de l'arche de Peace River. M. Lee a témoigné que, concernant la prise en compte du bien de West Ghost, soit une zone productive possible de Phillips, Charles Boyer, géophysicien à PC, et Dave Murray, géologue à PC, avaient examiné et reconfiguré les données sismiques de Phillips. Il a également dit que M. Daley avait examiné en 1995 des données sismiques 2D relatives à la région d'Evi appartenant à la SEC et que la SEC Phillips avait produit certaines données sismiques 3D à Loon et à Mink. Par ailleurs, a‑t‑il dit, aucun examen général n'était fait des données sismiques de la SEC Phillips, mais :

 

[TRADUCTION]

[...] pour certains des jeux, il était nécessaire d'examiner les données sismiques de la SEC. C'était important non seulement pour certains jeux, mais aussi pour certaines régions, afin de déterminer certaines des possibilités en matière de suivi ou certaines des façons de faire en sorte que l'on aille au‑delà de l'étape de la découverte.

 

Toutefois, quand on l'a expressément interrogé au sujet des divers scénarios à l'égard desquels l'un ou l'autre des associés avait recommandé une prise d'intérêt, M. Lee ne savait rien de précis au sujet de l'utilisation des données sismiques de la SEC, mis à part ce que j'ai mentionné précédemment.

 

[50]    M. Lee n'a pas eu un rôle de décideur non plus quant au choix des données sismiques devant être achetées par la SEC. En 1991, il ne s'occupait pas encore des affaires de la SEC et, en 1992, ce n'est pas lui qui a pris les décisions il a simplement chargé Allin Folinsbee d'effectuer un examen pour que soit vérifiée l'évaluation que Ronald Sheppard avait faite pour Phillips.

 

[51]    M. Lee était en outre un administrateur de la SEC CanEagle. PC était intéressée à travailler avec Forest Oil en raison de son intérêt dans l'arche de Peace River et le filon à grande profondeur du dévonien. Forest Oil a été achetée par CanEagle, et c'est M. Lee qui a établi le contact avec elle. Il n'a pas pris part aux négociations concernant la création de la SEC ou concernant l'achat de données sismiques, mais il avait bel et bien dit que la SEC devrait acheter des données sismiques relatives à la Colombie‑Britannique et à l'Alberta.

 

[52]    Un examen des données sismiques relatives à Mink, Loon et Whitefish a été effectué, et il a été recommandé que la SEC acquière une participation et produise des données sismiques 3D concernant Mink et Loon. Les données de la SEC relatives à Lubicon ont été examinées et, malgré le fait que PC et CanEagle avaient jalonné des terrains à Lubicon, elles n'ont pu s'entendre sur les modalités d'une prise d'intérêt, de sorte qu'aucun travail supplémentaire n'a été accompli à cet endroit par la SEC.

 

[53]    M. Lee a témoigné que l'utilisation immédiate de données sismiques vise à déterminer s'il convient de forer des puits d'exploration — et, dans l'affirmative, à quel endroit — et qu'il importe aussi d'avoir des données sismiques relatives aux secteurs avoisinants de manière que, si un puits d'exploration est foré avec succès, ces données puissent servir à orienter l'exploration ultérieure. Si une entreprise n'a pas de telles données supplémentaires, il se peut que ce soit d'autres entreprises qui bénéficient d'une exploration fructueuse à proximité une fois connus les résultats du forage initial.

 

[54]    Wayne Hauck est un géophysicien qui a environ 30 ans d'expérience, qui est titulaire d'un diplôme en génie géophysique et qui est un membre accrédité de l'APEGGA. Il a été employé par Phillips Petroleum de 1972 à 1996, année au cours de laquelle Phillips s'est retirée de l'exploration au Canada. En 1984, il est devenu responsable des avoirs en données sismiques de Phillips au Canada, et il y avait alors un certain désordre à cet égard. Au cours des années qui ont suivi, il s'est occupé d'inventorier les avoirs de l'entreprise. Cette tâche comportait l'acquisition de films nus pour les données et leur retraitement. M. Hauck était en outre chargé de produire de nouvelles données sismiques durant cette période.

 

[55]    L'intimée a reconnu que M. Hauck avait les qualités requises pour présenter un témoignage d'opinion quant à la question de savoir s'il était raisonnable que la SEC Phillips achète la quantité de données sismiques qu'elle a achetées pour le prix qu'elle a payé en 1991‑1992 et s'il était raisonnable que la SEC CanEagle achète à un prix de 7 millions de dollars des données sismiques représentant 24 000 kilomètres — dans les deux cas pour fins d'exploration dans les régions principales — et quant à la question de l'utilité, dans un programme d'exploration, de données sismiques vieilles de 20 ans.

 

[56]    L'intimée a également reconnu que M. Hauck avait les qualités requises pour fournir un témoignage d'opinion en guise de réfutation de la preuve devant être présentée pour l'intimée par M. Card quant à l'utilisation, par les SEC, des données sismiques achetées, et en guise de réfutation de la preuve devant être présentée par Shane O'Dwyer quant à la valeur des données sismiques achetées par les SEC, tout spécialement par rapport à la réduction sur quantité dont il convient de tenir compte.

 

[57]    En août 1990, M. Hauck a retenu les services de Brian Curts, de Lundberg, Goodwin and Curts, pour qu'il fasse une évaluation complète des avoirs en données sismiques de Phillips. M. Curts ne savait pas à cette époque quel était le but de l'évaluation. M. Hauck et M. Curts ont témoigné tous les deux que M. Curts avait reçu pour instructions de déterminer la juste valeur marchande des données. M. Curts a effectué cette évaluation, puis en a discuté avec M. Hauck. Par suite de ces discussions, M. Hauck a pu fournir à M. Curts certains renseignements supplémentaires qui ont fait que M. Curts a quelque peu modifié son estimation de la valeur. Je suis toutefois convaincu par leurs dépositions que M. Curts a effectué son évaluation d'une manière indépendante, sans être influencé par M. Hauck ou qui que ce soit d'autre. Il a estimé à environ 39 millions de dollars le stock de données sismiques de Phillips concernant les régions principales. Après que PC et Phillips se sont entendues sur le fait que l'achat initial de données sismiques, par la SEC, devait être de 26,5 millions de dollars, M. Hauck a aléatoirement sélectionné dans la base de données les lignes relatives aux régions principales qui correspondraient à ce montant total.

 

[58]    Au début de 1992, M. Hauck a retenu les services de Ron Sheppard pour que ce dernier complète l'évaluation des données sismiques de Phillips relatives aux régions principales, ce qui incluait les données que Phillips pouvait vendre à la SEC conformément à l'autorisation qu'elle avait obtenue des copropriétaires. M. Sheppard a été engagé parce que M. Curts n'était pas disponible pour faire le travail supplémentaire en 1992. Tout comme M. Curts, M. Sheppard a reçu pour instructions de déterminer la juste valeur marchande et n'a subi aucune pression pour arriver à une valeur particulière. Et, tout comme M. Curts, M. Sheppard a apporté certains ajustements à sa première ébauche en raison de renseignements supplémentaires que M. Hauck lui a fournis après qu'ils ont discuté de cette ébauche.

 

[59]    M. Hauck a témoigné que la SEC Phillips avait des bureaux distincts dans les locaux que Phillips louait dans un immeuble de Calgary appelé Sun Life Tower. Dans les registres informatiques de Phillips, les données sismiques achetées par la SEC étaient appelées les données de la SEC. M. Hauck a dit que, dans les cas où les données de la SEC avaient été analysées et où l'analyse avait donné lieu à une autorisation de dépenses, des rapports écrits avaient été établis et étaient conservés aux bureaux de la SEC.

 

[60]    Je passe maintenant au témoignage d'opinion de M. Hauck. Ce dernier est un géophysicien très qualifié qui a beaucoup d'expérience pour ce qui est de l'utilisation de données sismiques dans la prospection de gisements de pétrole et pour ce qui est de la gestion de données sismiques. En ce qui a trait à l'utilisation des données sismiques achetées par la SEC Phillips et la SEC CanEagle, les conclusions de M. Hauck sont résumées dans les paragraphes suivants de sa déposition écrite :

 


[TRADUCTION]

1.         Analyse

 

[...]

 

Dans le cas présent, la SEC Phillips s'intéressait à l'exploration à risque élevé dans des régions précises. Elle avait de nombreuses données sismiques sur les zones d'intérêt et était en mesure de réduire ses frais d'exploration relatifs à l'achat de terrains, étant donné que chacun des ses actionnaires principaux avait un grand nombre de terrains dans les zones en question et qu'il y avait des possibilités de prise d'intérêt. Les données sismiques qu'elle avait achetées représentaient un actif qu'elle pouvait utiliser pour déterminer si elle était disposée à acquérir des participations dans des terrains appartenant à ses actionnaires principaux et dans des terrains appartenant à d'autres prospecteurs.

 

Donc, en examinant les facteurs susmentionnés, on peut voir que la SEC Phillips menait une stratégie d'exploration cohérente. La SEC Phillips avait de nombreuses données sismiques sur la zone d'intérêt. Ses actionnaires avaient convenu d'un financement minimum de 69,75 millions de dollars à l'égard d'un programme d'exploration, et il était prévu que le financement pourrait atteindre environ 162 millions de dollars. Elle pouvait en outre compter sur des terrains, sur des éléments géologiques et sur de l'expertise, étant donné que ses dirigeants avaient des connaissances importantes sur les régions et qu'ils y avaient des terrains.

 

De même, je crois comprendre que Petro‑Canada avait un grand nombre de terrains dans l'arche de Peace River, le bassin à grande profondeur du dévonien et le filon à moyenne profondeur du dévonien. Par conséquent, les données sismiques que la SEC PeaceEagle avait achetées représentaient un actif qu'elle pouvait utiliser pour déterminer si elle était disposée à acquérir des participations dans des terrains appartenant à ses actionnaires principaux et dans des terrains appartenant à d'autres prospecteurs. De plus, ses actionnaires avaient convenu d'accorder du financement à l'égard d'un programme d'exploration, soit un montant minimum de 14 millions de dollars et un montant maximum de 27 millions de dollars.

 

2.         Conclusion sur l'utilisation de données sismiques dans l'exploration

 

Je suis donc d'avis qu'il est raisonnable qu'un prospecteur ayant raisonnablement accès à des terrains dans la région faisant l'objet de données sismiques achète une base de données sismiques régionales correspondant à environ 32 000 kilomètres, pour 39,75 millions de dollars, afin de mener un programme régional d'exploration représentant un montant maximum d'environ 162 millions de dollars.

 

Je suis également d'avis qu'il est raisonnable qu'un prospecteur ayant raisonnablement accès à des terrains dans la région faisant l'objet de données sismiques achète une base de données sismiques régionales correspondant à environ 24 000 kilomètres, pour 7 millions de dollars, afin de mener un programme régional d'exploration représentant un montant maximum d'environ 27 millions de dollars.

 

[61]    M. Hauck a également émis l'opinion que des données sismiques vieilles de plus de 20 ans ont bel et bien une valeur importante pour fins d'exploration — et que tel était le cas en 1991 et en 1992 —, car il est possible de retraiter ces données à l'aide de la technologie moderne. Son opinion est étayée par quatre cas précis dans lesquels il a pu utiliser dans des travaux d'exploration des données sismiques vieilles de 20 ans ou plus.

 

[62]    Dans sa réfutation du témoignage de M. Card, M. Hauck se fonde à la fois sur ses 28 années d'expérience comme géophysicien — ayant d'abord été employé par Phillips, ayant ensuite travaillé à titre d'expert‑conseil, puis ayant exercé un emploi pour Murphy Oil et sur sa connaissance factuelle des activités d'exploration de la SEC Phillips. Il n'est pas d'accord sur l'opinion de M. Card notamment parce qu'il considère que M. Card a adopté un point de vue à court terme sur l'utilisation des données sismiques et n'a pas pris en compte comment les données seraient utilisées à long terme par une entreprise d'exploration; de plus, il allègue que certaines hypothèses de M. Card sont erronées et que M. Card a mal compris la relation entre la SEC Phillips et les actionnaires de celle‑ci. Ses principales critiques à l'égard du rapport de M. Card sont résumées comme suit dans les derniers paragraphes de sa déposition écrite :

 

[TRADUCTION]

Partie II : utilisation de données sismiques dans la SEC Phillips P.C. Resources Ltd.

 

Concernant les observations formulées dans le Rapport au sujet de l'utilisation des données sismiques par la SEC Phillips, je ferais état des faits suivants et dirais que, dans le Rapport, on omet de prendre en compte comment un prospecteur raisonnable utiliserait une grosse base de données sismiques régionales dans un programme d'exploration à long terme.

 

Je suis l'un des prospecteurs de la SEC Phillips qui ont été engagés par PPRL et, à ce titre, je peux faire état des faits suivants. Des cartes et des registres des données géologiques / géophysiques étaient conservés dans les dossiers relatifs aux zones d'intérêt, avec les sections sismiques. Des cartes étaient dressées sur des postes de travail Landmark, et des copies papier étaient déposées dans les dossiers relatifs aux zones d'intérêt. Des rapports écrits étaient établis seulement pour les autorisations de dépenser et pour les présentations budgétaires annuelles ou à la demande expresse de la direction. Les autorisations de dépenser incluaient toujours des cartes, des sections sismiques, des sections géologiques transversales et des rapports d'ordre géologique, géophysique, foncier et économique. Dans la base de données de Phillips, toutes les lignes de la SEC étaient désignées par le préfixe « JEC » ou « JV2 », soit des abréviations anglaises indiquant qu'il s'agissait des données sismiques appartenant à la SEC Phillips. Dans tous les examens de prise d'intérêt de la SEC Phillips, toutes les données sismiques de PPRL, de Petro‑Canada et de la SEC Phillips étaient utilisées pour évaluer les scénarios présentant des possibilités.

 

La zone du projet conjoint couvre l'Alberta et le nord‑est de la Colombie‑Britannique, car c'est là que les terrains de Phillips et de Petro‑Canada sont situés. L'acquisition d'une grosse base de données sismiques régionales est donc appropriée quand il est plus facile d'accéder aux terrains sous‑jacents.

 

Je présente également les observations figurant à l'annexe « B » concernant les commentaires particuliers que M. Card a faits au sujet des régions appelées dans son rapport Murray River, West Ghost (Salter), Lovett, Evi, Ricinus, Petitot, West Ojay (Wapiti), West Hunter Valley, Chungo, Tenaka et Hook Lake. Dans les cas appropriés, j'ai énoncé les faits pertinents et traité de ce que disait M. Card dans le Rapport.

 

En résumé, je suis d'avis que la SEC Phillips a utilisé sa base de données sismiques comme un prospecteur menant un vaste programme régional d'exploration à long terme et que le Rapport ne prend pas en compte comment un tel prospecteur utiliserait les données sismiques dans un programme d'exploration à long terme. Je trouve que le Rapport représente un examen après coup de zones d'intérêt particulières et qu'il y est à tort conclu qu'une proportion de seulement 0,13 p. 100 des données sismiques est utilisée pour fins d'exploration. M. Card a adopté une approche fondée sur le court terme plutôt que sur le long terme concernant l'utilisation de données sismiques pour fins d'exploration, et le Rapport est défectueux à cet égard. De plus, le Rapport est défectueux sur le plan factuel, et M. Card a fait des hypothèses erronées en parvenant aux conclusions auxquelles il est arrivé.

 

[63]    Le témoignage présenté par M. Hauck pour réfuter la déposition de M. Card visait en grande partie à montrer que la SEC Phillips avait en fait beaucoup utilisé les données sismiques achetées en 1991 et en 1992. M. Hauck a témoigné que les géophysiciens de PC avaient examiné relativement à des régions particulières certaines des données dont M. Card a conclu qu'elles n'avaient pas été utilisées. Toutefois, son témoignage était, au mieux, vague quant aux travaux que, disait‑il, des géophysiciens de PC avaient effectués aux bureaux de la SEC en utilisant les données vendues à la SEC. Il a bel et bien dit que Charles Boyer et d'autres géophysiciens, qu'il ne pouvait nommer, avaient été là et avaient accédé aux données. Aucun détail n'a toutefois été fourni concernant les dates et les heures, concernant le travail accompli ou concernant le fruit de ce travail.

 

[64]    Quand il a été contre‑interrogé sur l'utilisation effective que la SEC Phillips avait faite des données sismiques qu'elle avait achetées relativement à chacune de ses 69 activités de 1992 à 1996, M. Hauck a reconnu que l'utilisation effective représentait globalement pour chaque année le nombre de milles suivant :

 

1992            503,64 milles

1993            720,99 milles

1994                0     mille

1995             92,7   milles

1996                0    mille

Total         1 317,33 milles

 

Au sujet de cette liste, l'échange suivant a eu lieu :

 

[TRADUCTION]

Q.        Monsieur, reconnaissez‑vous que cela correspond aux données sismiques achetées en 1991 et en 1992 par la SEC et utilisées par elle?

 

R.         Oui.

                                                                            [Transcription, volume 7, page 1314]

 

[65]    David Cooper et Allin Folinsbee ont été appelés par l'appelante pour réfuter le témoignage d'opinion de M. Card. Les deux sont des géophysiciens très qualifiés et ont de nombreuses années d'expérience. M. Cooper est géophysicien depuis 1969 et est accrédité par l'APEGGA depuis 1985. Il a travaillé à interpréter des données sismiques en Alberta, en Colombie‑Britannique et ailleurs pendant ces années. Depuis environ 30 ans, il travaille en outre à acquérir des données sismiques, notamment par voie d'achat. Dans la mesure où elle était destinée à réfuter le témoignage de M. Card, la déposition de M. Cooper était simplement qu'il serait raisonnable qu'une entreprise d'exploration dépense 39,75 millions de dollars pour acheter des données sismiques en menant un programme d'exploration d'un coût global de 162 millions de dollars. De même, il serait raisonnable de dépenser 7 millions de dollars pour des données sismiques dans le cadre d'un programme d'exploration de 28 millions de dollars. Dans l'un ou l'autre cas, l'entreprise pourrait raisonnablement s'attendre que le programme permette d'obtenir un baril de pétrole (ou une quantité de gaz équivalente) par dollar dépensé pour des données sismiques. Cette déposition passe toutefois à côté de l'essentiel. M. Cooper ne traite nullement de la question de l'utilisation effective que les SEC ont faite des données sismiques qu'elles avaient achetées. De plus, en émettant l'opinion que les achats étaient raisonnables dans le contexte de ces SEC, il présumait que la capitalisation y afférente serait totalement affectée à l'exploration. Cependant, les modalités des conventions unanimes des actionnaires sont telles qu'il n'a jamais été exigé que la SEC Phillips engage plus de 20 millions de dollars comme « frais liés à l'intérêt actif à gagner » ou que l'appelante accorde plus de 20 millions de dollars de financement entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 1995.

 

[66]    Allin Folinsbee est géophysicien depuis environ 30 ans. Il est titulaire d'un doctorat du M.I.T. et est accrédité par l'APEGGA. Il a environ 30 ans d'expérience dans l'acquisition et l'utilisation de données sismiques. Tout comme M. Cooper, il conteste les conclusions de M. Card, mais il n'a pas examiné les registres ni par ailleurs déterminé l'utilisation effective que les SEC ont faite des données sismiques qu'elles avaient achetées. Il a simplement témoigné que M. Card n'avait pas tenu compte de la manière dont une grosse base de données sismiques régionales pouvait être utilisée par une entreprise d'exploration en activité. Il soutenait que ce facteur minait la conclusion de M. Card selon laquelle une proportion de moins de 1 p. 100 des données sismiques avait été utilisée par les SEC pour les fins prévues par la loi. Il contestait en outre certains des termes employés par M. Card; M. Card disait que les SEC étaient ce qui s'appelle en anglais des « partnerships », mais je ne considère pas que cela diminue la valeur de sa déposition. Il est clair qu'il employait ce mot dans son sens populaire (partenariat) plutôt que dans son sens juridique (société de personnes). Cela n'influe pas sur sa conclusion quant à l'utilisation effective des données sismiques. Je ne considère pas que le témoignage de M. Card a été affaibli par la déposition de l'un ou l'autre de ces témoins.

 

[67]    Les témoins de l'appelante, notamment MM. MacFarlane, Lee, Grant et Hauck, ont tous déposé que les SEC avaient acquis les données sismiques en vue de les utiliser dans leurs programmes d'exploration, c'est‑à‑dire aux fins prévues par la loi. Cependant, ils ont tous été vagues quant à savoir comment au juste les données avaient été utilisées ou devaient être utilisées. Ils ont dit que des analyses étaient effectuées et que des plans provisoires étaient établis pour que les administrateurs des SEC s'en servent dans l'examen de propositions avancées par l'une ou l'autre des sociétés actionnaires des SEC. Il est à noter que ni l'une ni l'autre des SEC n'embauchait d'employés pour qu'ils travaillent exclusivement pour elles, alors que l'exigeaient les conventions unanimes des actionnaires des SEC. Les décisions étaient prises par un conseil se composant de quatre administrateurs, dont deux étaient nommés par chacun des deux actionnaires. Il fallait que les décisions du conseil soient unanimes. Les propositions en question étaient examinées par le personnel géophysique de l'autre société actionnaire, dont l'avis était pris en considération par les membres du conseil nommés par cette société. En pratique, une proposition que la SEC acquière une participation concernant un projet de l'un des actionnaires ne nécessitait que l'approbation supplémentaire de l'autre actionnaire. Dans ces circonstances, on pourrait s'attendre que les administrateurs des SEC, notamment ceux qui avaient été nommés par PC, s'intéressent énormément au choix des données sismiques pour lesquelles la société devait payer des millions de dollars et qu'ils prennent en outre des mesures pour assurer la sauvegarde de ce que leur personnel géophysique produisait en utilisant ces données.

 

[68]    Il est bien établi que, lorsque l'intention sous‑jacente à des mesures doit être déterminée, une preuve subjective sous forme de déclarations d'intention de la partie en cause a peu de poids. De telles questions sont déterminées sur la foi d'une preuve objective de ce qui s'est en fait passé[9]. En règle générale, la preuve a plus de poids si elle est corroborée par des documents que si elle consiste simplement en assertions générales.

 

[69]    Dans l'examen de la question de savoir à quel point les SEC ont utilisé les données sismiques, j'accorde énormément de poids au témoignage d'opinion de M. Card. Ce dernier est un géophysicien très qualifié qui a plus de 30 ans d'expérience dans l'acquisition, le traitement et l'interprétation de données sismiques en matière d'exploration pétrochimique. Il a fait preuve d'objectivité dans la présentation de son témoignage. En examinant la question de savoir si des données avaient été utilisées par les SEC, il a appliqué une norme élevée quant à la preuve nécessaire pour arriver à la conviction qu'une ligne sismique particulière avait été utilisée. La raison en est, je crois, qu'il s'attendait que le travail de géophysiciens professionnels ait été fait — et enregistré comme ayant été fait — conformément à des normes professionnelles exigeantes. Cela est approprié dans le contexte d'une SEC créée et exploitée par deux très grandes sociétés qui occupent toutes les deux une position importante dans l'industrie.

 

[70]    Il n'y a pas de doute qu'un programme d'exploration important était mené au nom de la SEC Phillips entre 1992 et 1996. En tout, 69 zones productives possibles ont été proposées au conseil d'administration par l'un ou l'autre des actionnaires, soit des propositions qui devaient évidemment être examinées par l'autre actionnaire. La SEC Phillips a ainsi pris part à 27 programmes de forage, ce qui a donné lieu à 21 puits productifs. Elle a connu son plus grand succès à Evi, où environ 7 millions de dollars ont été générés avant que la propriété située à Evi soit échangée contre une participation dans une propriété située ailleurs. À West Ojay, des recettes de plus de 8 millions de dollars ont été produites. Au total, en juin 1996, la SEC Phillips avait dépensé environ 89 millions de dollars. La question est toutefois de savoir si, comme l'allègue l'intimée, l'appelante a acheté les données sismiques en vue de faire en sorte que des FEC de Phillips et CanEagle deviennent pour PC des déductions d'impôt lui permettant de s'acquitter de son engagement financier à l'égard des programmes de forage ou si l'appelante a acheté ces données aux fins prévues par la loi. La preuve m'amène à conclure que, parmi les données sismiques faisant l'objet du présent appel, peu — si ce n'est aucune — ont été achetées par les SEC aux fins prévues par la loi.

 

[71]    La SEC Phillips a dépensé en tout 39,75 millions de dollars pour acheter des données sismiques représentant environ 30 000 kilomètres. MM. MacFarlane, Lee, Grant et Hauck ont tous témoigné que ces données sismiques avaient été achetées en vue d'être utilisées aux fins prévues par la loi et qu'elles ont en fait été utilisées à ces fins. M. MacFarlane, M. Lee et M. Grant n'ont toutefois pu fournir aucune précision quant à l'utilisation. M. Card n'a trouvé dans les documents produits aucune preuve que les données sismiques avaient été utilisées, à part des données représentant environ 58 milles, soit 0,28 p. 100. Il a constaté que seulement 6 p. 100 des données portaient sur des terrains où la SEC a en fait exécuté des travaux d'exploration. Au sujet de l'absence des preuves concrètes — sous forme de cartes et rapports des géophysiciens utilisant les données — que M. Card cherchait et n'a pas trouvées, l'appelante a expliqué que les documents de la SEC étaient conservés dans une partie des locaux de Phillips, que celle‑ci a déménagé un certain nombre de fois et que ces documents ont dû s'égarer au cours d'un déménagement. Cette déposition a été faite par M. Grant, qui avait été rappelé à cette fin, et je l'ai trouvée peu convaincante. M. Grant n'a pas fait état des dates ou des endroits relatifs aux divers déménagements et n'a fourni aucune précision quant à savoir quand on avait découvert que les documents s'étaient égarés. Si de tels documents existaient, ils avaient sûrement une valeur importante, et pourtant personne n'a dit que la SEC Phillips ou l'appelante — l'autre actionnaire — avait relativement à cette perte réclamé quoi que ce soit à Phillips en sa qualité de gestionnaire de la SEC et de gardien des biens de celle‑ci.

 

[72]    Il semble également peu vraisemblable que la SEC Phillips ait acheté des données sismiques à un coût de presque 40 millions de dollars sans tenir compte de l'emplacement auquel se rapportaient ces données représentant 20 000 milles, si ce n'est qu'il s'agissait en grande partie des régions principales. Aucune preuve n'indiquait que les administrateurs de la SEC s'étaient penchés sur la question de savoir de quelles données se composeraient les blocs achetés. En fait, M. Hauck a témoigné bien franchement qu'il avait aléatoirement choisi des données sismiques — dans le stock évalué par M. Curts — en ayant un seul critère à l'esprit, qui était que la valeur totale, selon l'évaluation de M. Curts, corresponde au montant convenu comme prix d'achat par PC et Phillips.

 

[73]    Une grande partie de la preuve des témoins de l'appelante, y compris les témoignages d'opinion de MM.  Cooper, Folinsbee et Hauck, était destinée à établir que, dans la recherche d'hydrocarbures, un prospecteur gagnerait à avoir une grande quantité de données sismiques relatives à l'ensemble du secteur géographique dans lequel il avait un intérêt et que cela justifiait l'achat de données sismiques en tant qu'achat effectué aux fins prévues par la loi. M. Lee a cependant témoigné que les données sismiques de la SEC Phillips n'avaient pas été examinées de façon générale par la SEC, et, comme je l'ai souligné précédemment, M. Hauck a reconnu lors du contre‑interrogatoire que, relativement aux 69 activités qu'elle a exercées entre 1992 et 1996, la SEC Phillips n'a utilisé que des données représentant 1 317,33 milles, soit environ 6,5 p. 100 des données qu'elle avait achetées, lesquelles représentaient 20 000 milles.

 

[74]    Comme l'appelante l'a argué, les dispositions législatives en cause ont été édictées pour encourager la prospection de gisements d'hydrocarbures. Cela n'est pas en litige, et cette question serait pertinente si je devais résoudre un problème d'ambiguïté quant au libellé de la Loi. Il n'y a toutefois pas de problème d'ambiguïté à résoudre. La Cour d'appel fédérale a statué que ces dispositions n'ont pas été édictées pour financer l'accumulation de stocks « inactifs » de droits d'exploitation souterraine. Je ne vois aucune distinction importante entre de tels stocks et des stocks inutilisés de données sismiques. Évidemment, les SEC sont libres d'acheter des données sismiques et peuvent renoncer aux FEC y afférents en faveur de l'appelante, mais seulement dans la mesure où ces données ont été acquises pour les fins prévues par la loi. De même, l'appelante est en droit d'organiser ses affaires comme elle le désire et de prendre part à la prospection de gisements d'hydrocarbures en tant qu'actionnaire de SEC si elle le désire; toutefois, elle ne peut recevoir des crédits pour FEC de ces SEC que si les frais des SEC ont été engagés aux fins prévues par la loi. Pour ces raisons, j'accorde peu de valeur à la preuve des témoins de l'appelante quant à l'utilisation future possible des données sismiques.

 

[75]    L'engagement de la SEC CanEagle quant aux « frais liés à l'intérêt actif à gagner » est limité à 7 millions de dollars, tout comme l'engagement de l'appelante relatif au financement y afférent. Bien qu'une disposition de la CUA relative à la SEC Phillips puisse être utilisée pour obliger à faire des dépenses en cas de désaccord, cela se limite au montant de 30 millions de dollars à l'égard duquel l'appelante s'était engagée. La convention relative à la SEC PeaceEagle ne prévoyait pas un tel mécanisme. L'engagement de la SEC Phillips quant aux « frais liés à l'intérêt actif à gagner » (tout comme l'engagement de PC quant au financement y afférent) pour la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1995 représentait seulement environ 75 p. 100 de la somme dépensée au titre de données sismiques entre les deux achats. En ce qui concerne la SEC CanEagle, les montants sont égaux. Compte tenu de ce facteur, je n'accepte pas la preuve des témoins de l'appelante selon laquelle les sommes affectées aux achats de données sismiques étaient raisonnables par rapport au programme d'exploration proposé. Jamais il n'a été exigé ni probablement voulu que la capitalisation de l'une ou l'autre de ces SEC serve intégralement aux programmes d'exploration de ces dernières.

 

[76]    Les conventions unanimes des actionnaires relatives aux deux SEC prévoyaient expressément l'embauchage de personnel professionnel pour l'examen et l'interprétation des données. Voici ce que stipule le paragraphe 4.03 de la CUA no 1 initiale concernant la SEC Phillips :

 

[TRADUCTION]

4.03     Dotation en personnel

 

La société engagera au moins deux particuliers pour :

 

a)         examiner et interpréter des données géologiques et géophysiques pouvant être achetées ou par ailleurs acquises par la société;

 

b)         faire des recommandations au conseil d'administration et aux actionnaires concernant de possibles activités de forage à certains endroits, avec prise d'intérêt, et concernant d'autres activités devant être exercées par la société.

 

Un des particuliers susmentionnés sera nommé par le comité de Phillips, et l'autre, par le comité de Petro‑Canada.

 

Un an plus tard, le même libellé figurait dans la CUA no 2 révisée. Pour l'essentiel, le même libellé était employé dans la CUA relative à la SEC CanEagle, sauf qu'un seul particulier devait être engagé et que la nomination devait être faite par l'appelante. Ni l'une ni l'autre des SEC n'a en fait nommé du personnel géologique ou géophysique en vertu de ces dispositions. Il semble plutôt que les administrateurs aient simplement fait appel aux services et aux conseils des géologues et géophysiciens du personnel des sociétés pour lesquelles les administrateurs travaillaient et par lesquelles ils avaient été nommés administrateurs. Le manquement à ces obligations de dotation en personnel est difficile à concilier avec l'intention déclarée des SEC d'utiliser les données sismiques pour les fins prévues par la loi.

 

[77]    Une autre indication, en ce qui concerne la SEC Phillips, est que seulement à peu près 60 p. 100 des données que cette dernière a achetées se rapportaient à des terrains détenus par l'appelante ou Phillips. Comme la SEC Phillips n'a pas, d'après M. Lee, fait un examen général des données, il est difficile de voir quel usage elle pourrait faire dans un avenir prévisible des 40 p. 100 restants. Certes, une certaine utilisation pourrait en être faite à un moment donné, mais l'achat de ces données par la SEC Phillips correspond bien plus à la théorie de l'intimée qu'à une intention véritable d'utiliser ces données pour les fins prévues par la loi.

 

[78]    L'achat de données sismiques, par la SEC CanEagle, a été fait dans des circonstances particulières. Norman W. Armstrong a été engagé pour évaluer le stock de données sismiques de Forest Oil. Dans son évaluation en date du 30 décembre 1992, il estime à 13,88 millions de dollars la valeur du stock total. La convention en vertu de laquelle la SEC a acheté les données est datée du 31 décembre 1992. Aux termes de cette convention, un intérêt indivis d'un tiers dans les données est cédé par CanEagle à la SEC CanEagle à un prix de 7 millions de dollars. Il y a une certaine confusion dans la preuve quant à la quantité exacte de données faisant l'objet de cette vente. D'après M. O'Dwyer, il s'agissait de données représentant 23 749 kilomètres; d'après M. Boyd, il s'agissait de données représentant 26 169 kilomètres. En pratique, il suffit de savoir qu'il s'agissait de données représentant environ 25 000 kilomètres.

 

[79]    Les données de la SEC CanEagle se rapportent à une très grande partie de l'ouest de l'Alberta, et certaines ont également trait à une partie de l'est de la Colombie‑Britannique. Il semble toutefois que l'appelante et CanEagle avaient déterminé avant la conclusion de la vente, le 31 décembre 1992, qu'Evi serait le principal endroit où la SEC ferait de l'exploration, ce qui a été le cas. Tous les travaux d'exploration de la SEC ont eu lieu dans la région relativement petite d'Evi / Loon / Lubicon, située un peu à l'est de Peace River. Néanmoins, rien n'indique que les administrateurs de la SEC PeaceEagle ont considéré la question de savoir quelles données sismiques particulières la SEC achèterait. Tout le stock évalué par M. Armstrong correspondait dès le début à ce qui serait acheté. Cela dénote bien plus une intention de faire en sorte qu'une partie du compte de FEC inutilisés de CanEagle soit transférée à l'appelante qu'une intention d'utiliser les données aux fins prévues par la loi.

 

[80]    Toutes ces circonstances, ainsi que le témoignage de M. Card, m'amènent à conclure que les acquisitions de données sismiques ont en réalité été faites en vue de transférer des FEC et non en vue de prospecter des gisements d'hydrocarbures. J'accepte le témoignage de M. Hauck selon lequel la SEC Phillips a en fait bel et bien utilisé pour fins d'exploration 6,5 p. 100 des données qu'elle avait achetées, mais je conclus que les 93,5 p. 100 restants n'ont pas été achetés ni utilisés aux fins prévues par la loi.

 

[81]    Même si je devais reconnaître que les SEC ont acheté les données sismiques dans le cadre d'opérations entre parties sans lien de dépendance et que le prix qu'elles ont payé représentait la juste valeur marchande, je conclurais que la valeur des données qui ont été acquises aux fins prévues par la loi et qui correspondaient à des FEC était bien inférieure à 8 884 497 $ que le ministre a admis en établissant la cotisation considérée dans le présent appel. La SEC Phillips a payé 39 750 000 $, et la SEC CanEagle a payé 7 000 000 $. Sans pouvoir déterminer précisément les lignes de données qui ont été acquises aux fins prévues par la loi, on peut raisonnablement présumer qu'elles n'ont pas été estimées à un montant représentant plus de trois fois le prix moyen au kilomètre. Par conséquent, leur valeur ne serait pas supérieure à ce qui suit :

 

SEC Phillips                3 (39 750 000 $ x 6,5 %)   =     7 751 250 $

SEC CanEagle            3 (7 000 000 $ x 4 %)        =        840 000 $

Total                                                                             8 591 250 $

 

Donc, selon l'hypothèse la plus généreuse quant à la valeur des données sismiques, l'appel doit échouer. Néanmoins, je considère qu'il est approprié que j'examine les points restants concernant le lien de dépendance et l'évaluation.

 

Lien de dépendance

 

[82]    Les CUA ont été soigneusement élaborées pour veiller à ce que les vendeurs des données sismiques et les SEC auxquelles les données étaient vendues ne soient pas considérés comme des personnes qui étaient liées entre elles et qui étaient donc réputées avoir un lien de dépendance. Toutefois, la question de savoir si les opérations ont été conclues entre parties sans lien de dépendance demeure une question de fait[10]. Me fondant sur la preuve, je n'ai aucun doute que ces opérations ne reflétaient pas des relations commerciales ordinaires entre des vendeurs et des acheteurs agissant dans leur propre intérêt et qu'il ne s'agissait donc pas d'opérations entre parties sans lien de dépendance[11]. Les modalités des opérations ont été dictées par l'appelante et Phillips dans les deux premiers cas et par l'appelante et CanEagle dans le troisième cas, et ce, dans leur intérêt mutuel. Comme Phillips et CanEagle étaient non seulement des vendeurs par rapport aux acheteurs, mais aussi des actionnaires des acheteurs, il aurait fallu que toute idée indépendante quant à ces opérations vienne des administrateurs des SEC nommés par PC. Or, on n'a présenté aucune preuve d'idée ou action indépendante de la part de ces administrateurs relativement aux achats de données sismiques.

 

[83]    Aucune preuve n'indiquait que les administrateurs des SEC nommés par PC avaient fait un sérieux effort pour négocier, avec les vendeurs, les prix devant être payés pour les données sismiques. Il s'agissait de très grosses opérations, et une grande partie des données se rapportait à des terrains dans lesquels ni l'un ni l'autre des actionnaires des SEC n'avaient un intérêt; pourtant, il n'a pas été dit que l'on avait tenté d'obtenir une réduction sur quantité pour ce qui est des « évaluations » produites par M. Curts, M. Sheppard et M. Armstrong, comme on s'y attendrait dans le cas d'opérations commerciales ordinaires.

 

[84]    On a laissé à M. Hauck le soin de décider du choix de données devant être vendues par Phillips à la SEC Phillips, et ce, les deux fois. Lorsqu'il s'est révélé après la conclusion de l'opération de 1991 que Phillips ne pouvait donner le titre sur certaines des données vendues, on a laissé à M. Hauck le soin de choisir les données devant y être substituées après la date de clôture. On s'attendrait qu'une partie agissant sans lien de dépendance dans l'achat de données à un coût de 26,5 millions de dollars ou même de 7 millions de dollars s'assure que les données lui seront utiles, engage des évaluateurs qualifiés et négocie énergiquement le prix. Rien de cela n'est arrivé relativement à l'une quelconque des trois opérations.

 

[85]    Les deux sociétés actionnaires dans chaque cas avaient mutuellement intérêt à ce que le prix payé pour les données sismiques soit aussi élevé qu'elles pouvaient espérer le justifier. Le prix d'achat déterminait l'importance des FEC qu'elles pouvaient espérer transférer de Phillips et CanEagle à PC. C'était en déduisant ces FEC du revenu que l'on devait financer l'exploration. Tel était l'objet de la structure globale de la création et du financement des SEC. En ce qui concernait l'acquisition de données sismiques, les SEC étaient simplement des pions de leurs actionnaires, les trois agissant de concert pour atteindre un but commun.

 

La preuve relative à l'évaluation

 

[86]    Il est utile à ce stade de présenter sous forme de tableau, pour chacun des trois blocs de données sismiques, la contrepartie payée par la SEC acheteuse, ainsi que la juste valeur marchande de chaque bloc selon les hypothèses que le ministre a faites en établissant une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante.

 

Bloc

Kilomètres

Prix de l'opération

Juste valeur marchande selon les hypothèses du ministre

 

No 1 — acheté par la SEC Phillips en décembre 1991

 

 

            16 227

 

 

        26 500 382 $

 

 

          4 938 127 $

 

No 2 — acheté par la SEC Phillips en décembre 1992

 

 

 

            16 152

 

 

 

        13 251 370 $

 

 

 

          1 496 370 $

 

No 3 — acheté par la SEC CanEagle en décembre 1992

 

 

            23 748 *

 

 

          7 000 000 $

(pour un intérêt indivis d'un tiers)

 

 

 

          2 450 000 $

*          Il y a des nombres contradictoires dans la preuve. M. Armstrong et M. O'Dwyer ont tous les deux utilisé un nombre de 23 748. Le nombre utilisé par M. Boyd était de 26 169.

 

[87]    M. Hauck, qui avait examiné l'évaluation du bloc no 1 faite par M. Curts et qui l'avait trouvée satisfaisante, a témoigné quant à la valeur, tout spécialement en vue de réfuter le témoignage de M. O'Dwyer. Ce dernier a notamment témoigné que, dans le cas de ventes de gros blocs de données sismiques, des réductions sur quantité pouvant atteindre 75 p. 100 pourraient être négociées. À ce sujet, M. Hauck ne reconnaissait pas qu'une réduction sur quantité devrait être appliquée dans l'évaluation de ces trois blocs de données sismiques; il a toutefois émis l'opinion que, si une telle réduction devait être appliquée, elle devrait être bien inférieure à ce que M. O'Dwyer a émis comme hypothèse. En bref, il a témoigné que, si une réduction sur quantité devait être appliquée, elle ne devrait pas dépasser ce qui suit[12] :

 

 

 

Évaluation

Évaluation

réduite

 

 

% de réduction

 

Bloc no 1

        26 500 382 $

        21 537 042 $

          18,73 %

 

Bloc no 2

        13 251 350 $

          9 175 298 $

          30,76 %

 

Bloc no 3

        24 991 324 $

        20 730 956 $

          30,07 % [sic]

 

[88]    Ces chiffres se fondaient sur un calcul théorique dont l'objet était de déterminer une réduction basée sur l'hypothèse selon laquelle les données sismiques relatives à des terrains non contrôlés par les actionnaires de la SEC pouvaient être considérées comme n'ayant aucune valeur pour fins d'exploration. Les données exclusives portant sur de tels terrains auraient toutefois une valeur en tant qu'actifs. Je ne considère pas cette opération comme ayant une valeur probante. Non seulement cette opération représente une théorie qui n'est pas liée à des données du marché et qui ne se rapporte qu'à ces acheteurs, mais elle est totalement basée sur une manipulation des données élaborées par M. Curts, M. Sheppard et M. Armstrong. Bien que ces derniers aient tous été appelés à témoigner au procès, aucun d'eux n'avait établi un énoncé de témoignage d'opinion, et ils n'ont pas été présentés comme témoins habilités à fournir un témoignage d'opinion. Comme on ne me l'avait pas demandé, je n'ai pas déterminé s'ils avaient les qualités requises pour présenter un tel témoignage. Comme je l'ai dit précédemment, l'intimée a accepté M. Hauck comme étant qualifié pour émettre l'opinion qu'il a émise quant aux réductions sur quantité. Les qualifications de M. Hauck à cet égard sont, je pense, minimes.

 

[89]    M. Curts, M. Sheppard et M. Armstrong n'aident pas dans la tâche difficile qui consiste à déterminer une valeur pour les trois blocs de données sismiques. Leurs dépositions établissent simplement qu'ils ont bel et bien effectué les évaluations en cause. Cela ne prouve pas la valeur des résultats de ces évaluations[13].

 

[90]    La méthode utilisée par M. Curts, M. Sheppard et M. Armstrong était la même, exception faite de différences mineures. Elle consistait à élaborer, ligne par ligne, une valeur théorique basée sur le coût estimatif de production des données à la date d'évaluation, compte tenu d'ajustements pour des facteurs comme la qualité des données, le « pli »[14] et le secteur géographique. Pour chaque ligne, une « valeur » par mille est générée, puis elle est multipliée par le nombre de milles pour déterminer la « valeur » de la ligne. Il est clair qu'il s'agit de la valeur pour le propriétaire et que la valeur qui a été déterminée ne tient même pas compte de ventes effectives sur le marché ou de la négociation qui se fait entre des acheteurs et des vendeurs.

 

[91]    Le fait que cette méthode est mal fondée aux fins de la détermination de la juste valeur marchande est démontré par la preuve que l'intimée a présentée au sujet de certaines ventes de données sismiques négociées sur le marché par des parties sans lien de dépendance. Dans chaque cas, M. Curts avait évalué les mêmes données, en utilisant cette même méthode, à une date très rapprochée de la date de l'opération. Les prix de vente ne peuvent pas tous être établis d'une manière précise, car, dans certains cas, une part des recettes futures générées par les données pendant un certain temps devait aller au vendeur. Il est toutefois clair que toutes ces ventes représentent une petite fraction de la valeur déterminée par M. Curts. Dans le seul cas dans lequel le prix de vente total a été payé comptant, M. Curts a estimé les données à 2 946 860 $; la veille, les données s'étaient vendues, dans le cadre d'une opération entre parties sans lien de dépendance, pour 163 907 $. Une évaluation représentant 18 fois la contrepartie donnée dans une vente à la même époque entre parties sans lien de dépendance est assez surprenante; ce qui est encore plus surprenant, c'est que M. Curts a témoigné que, s'il avait été au courant de la vente, cela n'aurait pas influé sur son opinion quant à la juste valeur marchande.

 

[92]    Il est également utile de présenter sous forme de tableau les valeurs indiquées en preuve par M. Boyd pour l'appelante et par M. O'Dwyer pour l'intimée.

 

 

M. Boyd *

M. O'Dwyer

 

 

Bloc no 1

 

                  16 796 402 $

entre

      1 529 000 $ et 4 552 000 $

 

 

Bloc no 2

 

                    8 402 232 $

entre

      50 000 $ et 1 681 000 $

 

 

Bloc no 3

 

   4 835 742 $ — données exclusives

   8 002 837 $ — données achetées

12 838 579 $ — intérêt de 100 %

 

entre

      1 762 000 $ et 4 591 000 $

      pour un intérêt de 100 %

                        * Estimations modifiées de M. Boyd déposées au procès sous la cote A‑27.

 

Au sujet de l'intérêt d'un tiers dans le bloc no 3 que la SEC CanEagle avait acheté, M. Boyd écrivait dans son rapport[15] :

 

[TRADUCTION]

À mon avis, le transfert de données achetées ne pouvait avoir lieu sans l'autorisation des propriétaires des données. En l'absence d'une documentation à cet égard, j'évalue l'opération à 30 p. 100 de la valeur des données exclusives seulement, soit 4,352 millions de dollars.

 

Dans sa déposition verbale, M. Boyd a porté ce montant à 4,836 millions de dollars, soit 33 1/3 p. 100 de 14,507 millions de dollars. Pour sa part, M. O'Dwyer a dit :

 

[TRADUCTION]

Q.        Et la preuve que nous avons entendue au cours du présent procès est que la SEC PeaceEagle a acquis seulement un intérêt indivis d'un tiers. Comment cela influerait‑il sur votre évaluation?

 

R.         Sur la base de ce que vous dites, il s'agirait simplement d'un tiers.

                                                                          [Transcription, volume 13, page 2340]

 

[93]    M. Boyd a un diplôme de géologue et est un membre accrédité de l'APEGGA. Il travaille comme consultant en géophysique depuis 1978. Il n'a aucune formation proprement dite en évaluation, mais il a une certaine expérience en ce qu'il a agi pour des clients achetant de petites quantités de données sismiques. Il s'agissait du premier procès au cours duquel il témoignait sur la valeur de données sismiques. Il n'avait jamais agi pour un client ou par ailleurs joué un rôle concernant une vente en bloc de données exclusives ou de données commerciales. Le seul fondement de son témoignage à cet égard tenait à des conversations qu'il avait eues avec deux courtiers de Calgary à l'époque où il avait établi sa déposition écrite en vue du présent procès. Sa méthode d'évaluation, a‑t‑il dit, venait au moins en partie de conseils qu'il avait eus des comptables de son entreprise, qui eux‑mêmes n'avaient pas de qualifications d'évaluateurs. La plus grosse vente à l'égard de laquelle il a joué un rôle, a‑t‑il dit, était une vente de données relatives à 500 à 600 kilomètres remontant au milieu des années 1980. J'ai permis à M. Boyd de témoigner, malgré l'objection de l'avocate de l'intimée, parce qu'il a bel et bien une certaine expérience, quoique limitée, sur le marché. Je considère toutefois que ses qualifications pour présenter un témoignage d'opinion à ce sujet sont limitées, car il n'a pas de formation quant aux principes d'évaluation et n'a qu'une expérience limitée sur le marché. Un des points les plus litigieux de l'évaluation en l'espèce tient à la question de savoir si la valeur devrait être réduite et dans l'affirmative à quel point en raison de la quantité élevée des données qui ont changé de main à chaque fois. M. Boyd n'a pas de formation ou d'expérience à cet égard.

 

[94]    M. Boyd a témoigné que, à son avis, les trois blocs de données sismiques avaient les valeurs suivantes pour un intérêt de 100 p. 100 aux dates des opérations de vente, en millions de dollars (montants arrondis)[16] :

 

 

Données achetées

Données exclusives

Total

 

Phillips – no 1

          9,564

          7,232

           16,796

Phillips – no 2

          7,892

          0,510

             8,402

CanEagle

          8,003

          4,836

           12,839

 

La méthode d'évaluation de M. Boyd commence par l'établissement d'une valeur hypothétique de remplacement des données, basée sur l'application, à chaque ligne de données, d'une valeur d'acquisition théorique, que M. Boyd a attribuée selon le secteur géographique. Les coûts, par mille, de reproduction des données ont été estimés sur la base du coût actuel de production de données sismiques dans un certain nombre de secteurs géographiques, selon des éléments comme la topographie, les restrictions environnementales, et ainsi de suite. Ce coût d'acquisition a ensuite été actualisé, à la date d'évaluation. Concernant ce coût actualisé, M. Boyd a appliqué un facteur, tiré d'un graphique qu'il avait établi, pour prendre en compte l'effet du « pli » sur la valeur. Enfin, ce chiffre a également été ajusté ligne par ligne pour tenir compte de l'âge des données.

 

[95]    L'évaluation de M. Boyd présente la même faiblesse que celle de M. Curts. De l'aveu même de M. Boyd, il s'agit d'un calcul de la valeur pour le propriétaire, déterminée sans tenir compte de ce qui se passe effectivement sur le marché. En fait, tout comme M. Curts, M. Boyd a témoigné que, s'il avait été au courant de ventes de données comparables, ces ventes n'auraient pas influé sur son opinion quant à la valeur.

 

[96]    Le fait que la méthode de M. Boyd n'est tout simplement pas valable ressort de la preuve présentée par l'intimée au sujet d'opérations effectives se rapportant à des données que M. Boyd avait évaluées pour des clients. M. Boyd a évalué deux blocs de données sismiques le 9 février 1987. Il a estimé à 16 243 647 $ la valeur de données de « Pulse Surveys » et à 19 414 475 $ la valeur de données de « Geosource ». Il est arrivé à ces conclusions, semble‑t‑il, en utilisant essentiellement la même méthode qu'il a appliquée dans le cas présent. M. MacDonald a témoigné au sujet de son achat des données de « Pulse Surveys ». Il avait acquis dans ces données un intérêt d'environ 33 1/3 p. 100 pour environ 1 500 000 $ le 12 février 1987, après des négociations qui ont duré six semaines. Il a ensuite acquis l'intérêt restant pour environ 1 700 000 $. Les données de « Pulse Surveys » lui ont donc coûté en tout 3,2 millions de dollars ce qui représente approximativement 20 p. 100 de la valeur estimée par M. Boyd.

 

[97]    Robert Kondrat a témoigné au sujet de l'achat, par sa société, Karon Resources Inc., d'environ 87 p. 100 des données de « Geosource » pour 1 700 000 $ le 12 novembre 1986, après des négociations qui avaient duré six mois ou plus. Cette proportion de 87 p. 100 a été estimée par M. Boyd à 14,834 millions de dollars. C'est presque cinq fois le prix pour lequel cela avait changé de main trois mois plus tôt dans le cadre d'une vente entre parties sans lien de dépendance. Lorsqu'il a été contre‑interrogé au sujet de ces ventes, M. Boyd a dit que ses évaluations des deux séries de données seraient aujourd'hui moins élevées qu'en 1987, mais seulement parce que, depuis, il a augmenté le facteur de réduction qu'il applique en raison de l'âge de données. Il ressort clairement de son témoignage que, s'il avait été au courant des opérations entre parties sans lien de dépendance, celles‑ci n'auraient pas influé sur son opinion quant à la valeur. Je ne trouve pas que le témoignage de M. Boyd est utile pour chercher à déterminer la juste valeur marchande des données.

 

[98]    Shane O'Dwyer a un baccalauréat en commerce et est un membre accrédité de l'Institut canadien des experts en évaluation d'entreprises et de l'American Society of Appraisers. Il a 15 années d'expérience dans le domaine de l'évaluation d'entreprises et d'actifs d'entreprise, acquises en travaillant pour Revenu Canada (maintenant appelé l'Agence des douanes et du revenu du Canada). Ainsi, il a fait environ 100 évaluations de données sismiques, a‑t‑il dit, et a en outre examiné de nombreuses évaluations de données sismiques effectuées par d'autres membres du service d'évaluation du ministère. En pratique, il n'a toutefois pas d'expérience pour ce qui est d'acheter et de vendre des données sismiques ou pour ce qui est de conseiller des personnes qui achètent et vendent de telles données.

 

[99]    M. O'Dwyer a évalué les données exclusives en utilisant la technique du revenu. Il a émis l'hypothèse que la valeur de ces données réside dans le flux de revenus qu'elles pourraient produire pour l'acheteur hypothétique. Il a donc calculé pour chaque ligne de données une valeur actuelle du revenu que chacune produirait, sur la base de certaines hypothèses. Il est parti d'un prix auquel il croyait que des copies pourraient être vendues, selon l'hypothèse que cela représenterait 20 à 25 p. 100 du coût d'acquisition. Son hypothèse suivante était qu'une copie pourrait être vendue par période de cinq ans jusqu'à ce que les données soient vieilles de 20 ans, après quoi aucune autre copie ne serait vendue. Il a ensuite réduit le produit présumé de ces ventes pour prendre en compte la valeur temporelle de l'argent, ainsi que le risque que les ventes prévues ne se réalisent pas toutes. Une réduction de 10 p. 100 a également été appliquée à chaque vente future dans ce calcul pour tenir compte de frais de courtage. Lorsque l'intérêt économique direct des propriétaires était inférieur à 100 p. 100, cela aussi a été pris en compte dans l'équation, tout comme le nombre de kilomètres relatif à chaque ligne.

 

[100]  Contrairement aux données exclusives, les données achetées ne peuvent être revendues par l'acheteur. Il ne peut donc y avoir de flux de revenus futurs provenant de la vente de copies. La méthode que M. O'Dwyer a employée pour évaluer les données achetées a donc été la suivante : le prix d'une copie par ailleurs déterminé a été multiplié par le nombre de kilomètres, puis M. O'Dwyer a appliqué une réduction sur quantité[17]. La théorie sous‑jacente à la réduction sur quantité était simplement que l'acheteur d'un gros bloc de données copiées ne pourra probablement pas faire une utilisation immédiate de l'ensemble de ces données et ne sera donc pas disposé à payer le prix de toutes les données copiées. La réduction sur quantité, a dit M. O'Dwyer, était basée sur l'avis de consultants. Dans sa déposition écrite, M. O'Dwyer disait :

 

[TRADUCTION]

En se fondant sur leur expérience en matière d'exploration et sur leur expérience relative à des ventes de données sismiques en grande quantité ou en bloc, nos consultants sont d'avis que des blocs de copies de données sismiques vendues sur le marché libre donneraient lieu fort probablement à des réductions sur quantité de plus de 50 p. 100, voire de 75 à 80 p. 100, selon l'importance du bloc de données sismiques.

 

[101]  M. O'Dwyer a recensé 20 ventes de données sismiques exclusives qui avaient eu lieu entre 1991 et 1999. Il a témoigné que les données en question se rapportaient à des endroits situés un peu partout en Alberta et qu'elles étaient d'une qualité variable. Il considérait qu'elles étaient suffisamment comparables aux données qu'il évaluait pour lui permettre de bien vérifier ses estimations de la valeur. Le plus gros de ces blocs de données exclusives représentait 146 675 kilomètres, et le plus petit, 410 kilomètres. Le prix moyen était de 300 $ le kilomètre. Pour les sept opérations qui ont eu lieu en 1992, le prix moyen pondéré était de 286 $ le kilomètre. Un bloc de données représentant 7 584 kilomètres a été vendu 2 millions de dollars en 1991, soit 264 $ le kilomètre.

 

[102]  M. O'Dwyer n'a pu recenser que deux ventes de données achetées, qui ont eu lieu en 1992. Un de ces blocs de données, représentant 2 362 kilomètres, s'est vendu 200 000 $, soit 85 $ le kilomètre. L'autre bloc, qui représentait 12 378 kilomètres, s'est vendu 333 333 $, soit 27 $ le kilomètre.

 

[103]  Dans sa déposition écrite et dans sa déposition orale, M. O'Dwyer mentionnait souvent des éléments factuels qui lui avaient été fournis par des « consultants », ainsi que des questions de jugement sur lesquelles il avait demandé les opinions de ces « consultants », opinions qu'il a fait siennes. On en trouve un exemple dans le passage que j'ai cité au paragraphe 100, mais ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Les « consultants », semble-t-il, sont deux personnes qui étaient engagées de temps en temps pour donner leur avis sur la valeur de données sismiques, entre autres choses. Quel que puisse être le niveau de leur expertise, ils n'étaient pas au procès, ils n'ont pas fait de dépositions, et l'avocat de l'appelante n'a pu les contre‑interroger.

 

[104]  Les témoins présentant une preuve sous forme d'opinion ont, du moins dans des instances civiles, une certaine latitude pour ce qui est de baser leurs opinions sur des renseignements qu'ils ont recueillis hors de la salle d'audience et qui ne sont pas formellement prouvés. Ces renseignements font alors partie de l'ensemble général de connaissances contribuant à l'expertise du témoin[18]. Toutefois, une telle latitude n'existe pas en ce qui a trait à des questions de jugement ou d'opinion. La raison pour laquelle certains témoins peuvent exprimer des opinions tient au fait qu'ils ont une compétence d'expert, acquise par l'étude et l'expérience, qui aidera la Cour. Ils peuvent consulter des textes reconnus et des ouvrages de référence pour formuler et défendre leurs opinions, mais ils ne peuvent simplement réitérer les opinions d'autres personnes, avec ou sans mention de la source. Le témoignage d'opinion de M. O'Dwyer en l'espèce est douteux parce que M. O'Dwyer a globalement adopté les avis des personnes qu'il avait consultées, et ce, non seulement concernant les faits relatifs aux opérations, mais aussi concernant des questions qui sont principalement des questions de jugement, comme la détermination du prix d'une copie et la détermination des niveaux appropriés de réduction à appliquer dans le cas de ventes en grande quantité. Cependant, je ne sais rien des qualifications de ces consultants, je n'ai pas eu la possibilité d'évaluer leur compétence et, ce qui est très important, ils n'ont pas été soumis à un contre‑interrogatoire. À mon avis, leurs opinions sont liées au témoignage de M. O'Dwyer à un point tel et si inextricablement que cela enlève à ce témoignage la valeur probante qu'il pourrait avoir eu par ailleurs.

 

[105]  Le témoin le plus qualifié pour donner une opinion sur la valeur en l'espèce était Lorne Siebert. Malheureusement, on ne lui a pas demandé de donner son opinion sur la valeur des données sismiques. Dans son témoignage, il s'est limité à traiter de la théorie de l'évaluation et des principes appropriés à appliquer, en vue de réfuter le témoignage de M. Boyd. Sans un témoignage d'opinion digne de foi, je dois simplement faire la meilleure estimation possible de la valeur à partir de la preuve qui m'a été soumise[19].

 

[106]  Si j'ai bien compris M. Siebert, la technique qu'il privilégie pour évaluer ces trois lots de données sismiques consisterait à déterminer la valeur actualisée des flux de revenus futurs que l'acheteur pourrait s'attendre à tirer des données. Dans le cas de données achetées, les revenus futurs ne peuvent provenir que de l'exploration qui est facilitée par les données. Des données exclusives peuvent aussi donner lieu à des recettes provenant de la vente future de copies sous licence. M. Siebert est d'avis que le marché n'accorderait pas une valeur d'exploration à de gros blocs de données exclusives, car les acheteurs sont souvent des courtiers qui n'achètent que pour vendre des copies, et les vendeurs ont souvent réalisé la valeur d'exploration dans leurs propres programmes d'exploration. M. Siebert est également d'avis qu'il est difficile d'estimer des flux monétaires futurs provenant de la vente de copies sous licence. Bien que le calcul de la valeur actualisée de flux monétaires futurs puisse théoriquement constituer la technique privilégiée, je ne vois pas comment cela peut être appliqué dans le cas présent. Je ne suis pas disposé à accepter les prix de copie de M. O'Dwyer comme composantes de la valeur; ils sont bien trop dépendants d'un apport de ses « consultants ». Aucun autre point de départ n'est évident dans la preuve dont j'ai été saisi.

 

[107]  M. O'Dwyer et M. Siebert considéraient tous les deux que la preuve que M. O'Dwyer avait accumulée au sujet de ventes effectives sur le marché était utile simplement pour vérifier le bien‑fondé d'une évaluation déterminée selon la technique du revenu. Toutefois, étant donné que la preuve que je considère comme probante est faible, je suis arrivé à la conclusion que le mieux qui puisse être fait en l'espèce est de déterminer la valeur de ces trois blocs de données en se fondant sur la preuve relative aux ventes qui ont effectivement eu lieu sur le marché. L'annexe M[20] de la déposition écrite de M. O'Dwyer fait état de 22 ventes qui ont eu lieu entre août 1991 et juin 1999. En outre, une preuve directe a été présentée par l'intimée quant à sept opérations; toutefois, seulement quatre d'entre elles sont utiles, car on n'a pas énoncé suffisamment de faits en preuve quant aux autres opérations pour que je puisse tirer des conclusions de celles‑ci. Il est vrai que cette technique a de très gros défauts. La comparabilité des données est pratiquement inconnue. Ce ne sont évidemment que quelques‑unes des ventes effectives qui ont eu lieu pendant une décennie, et neuf d'entre elles ont eu lieu depuis novembre 1996. Dans deux cas, il s'agit de ventes de copies et, dans les autres cas, il s'agit de ventes de données exclusives. Dans la plupart des cas, on ne sait rien de l'âge des données, de leur qualité ou de l'endroit auquel elles se rapportent.

 

[108]  Pour moi, il est clair que des ventes en bloc, entre parties sans lien de dépendance, représentant environ 15 000 kilomètres — et 22 000 kilomètres dans le cas de la vente relative à CanEagle — ne se feraient pas sur le marché sans des négociations considérables. Un facteur important dans ces négociations serait la quantité de données changeant de main. Bien que ne reconnaissant pas qu'une réduction sur quantité devrait être appliquée, M. Hauck a émis l'hypothèse que, s'il devait y avoir une telle réduction, cela dépendrait de la question de savoir si la SEC aurait, par l'intermédiaire de ses actionnaires, accès aux terrains auxquels s'appliquent les données. Je reconnais que l'accès aux droits fonciers serait un facteur qu'un acheteur sans lien de dépendance aurait à prendre en compte, mais je ne n'accepte pas la méthode du « tout ou rien » de M. Hauck. À mon avis, un acheteur voudrait déterminer si les données faisant l'objet d'un si gros achat pourraient vraisemblablement être utilisées un jour et pendant combien de temps. Il voudrait payer moins pour des données n'entrant pas dans son plan à court terme, et encore moins pour des données n'entrant nullement dans sa planification. La preuve quant aux taux appropriés de réduction pour des ventes en bloc est mince. M. MacDonald a témoigné qu'une personne achetant plus de 50 p. 100 des données issues d'une étude obtiendrait une réduction d'au moins 20 p. 100 et que des réductions feraient en outre l'objet de négociations au cas par cas. Son témoignage indique que des réductions plus élevées sont appropriées lorsqu'il s'agit de grosses ventes. Quand on lui a demandé ce qu'est une grosse vente, il a répondu : « [...] en général, on parle d'un ou deux millions de dollars — pour une grosse réduction. » M. Dowdell, qui est le gestionnaire de l'exploitation d'une maison de courtage en données sismiques appelée Geophysical Services Incorporated, a dit que son entreprise accorde des réductions sur quantité dans le cas de ventes de gros blocs de données. Les réductions sont négociées au cas par cas, selon la quantité et l'âge des données et selon leur avis quant aux possibilités de ventes ultérieures. Plus la quantité de données changeant de main est grande, plus l'acheteur potentiel insistera pour obtenir une réduction importante par rapport au prix par kilomètre sur lequel serait basée une petite opération. La preuve me convainc que les ventes en cause seraient considérées comme de grosses opérations et qu'une réduction très importante serait négociée par un acheteur sans lien de dépendance.

 

[109]  Il y a certaines différences dans la preuve quant au nombre exact de kilomètres correspondant aux données vendues. Je me propose d'utiliser les chiffres de M. Hauck, qui sont probablement les plus exacts. Ils indiquent la répartition suivante pour les trois blocs de données sismiques.

 

 

Données exclusives

(km)

Données achetées

(km)

Total (km)

 

Bloc 1 (Phillips‑1991)

          2 424,28

        14 450,84

        16 875,12

Bloc 2 (Phillips‑1992)

             728,10

        15 587,14

        16 315,24

Bloc 3 (CanEagle)

          8 661,70

        13 766,50

        22 428,20

 

 

 

 

Total

        11 814,08

        43 804,48

        55 618,56

 

[110]  Dans la liste dressée par M. O'Dwyer, il y a seulement deux ventes de données sous licence. Elles ont toutes les deux eu lieu en 1992. Le plus gros bloc de données, qui correspondait à 12 378 kilomètres, s'est vendu 333 333 $, soit 27 $ le kilomètre. Les renseignements de M. O'Dwyer indiquaient que cela représentait une réduction de 96 p. 100 par rapport à un prix de 678 $ le kilomètre. Qu'il en soit ainsi ou non, les trois blocs achetés par les SEC sont d'une grosseur à peu près comparable. L'autre vente de données sous licence indiquée dans la pièce R‑39 se rapportait à des données qui représentaient 2 362 kilomètres et qui se sont vendues 200 000 $, soit 85 $ le kilomètre. La réduction sur quantité dans ce cas‑là est, dit‑on, de 85 p. 100. Comme l'âge moyen des données sous licence considérées en l'espèce était de plus de dix ans aux dates de vente et que les opérations se rapportaient toutes à des données sous licence représentant plus de 13 000 kilomètres, j'estimerais à au plus 75 $ le kilomètre la juste valeur marchande des données achetées par les SEC en 1991 et en 1992, soit :

 

Données sous licence

 

 

Bloc no 1

            14 450,84 x 75 $ = 1 083 813 $

Bloc no 2

            15 587,14 x 75 $ = 1 169 036 $

Bloc no 3

            13 766,50 x 75 $ = 1 032 487 $

 

Total

            43 804,48 x 75 $ = 3 285 336 $

 

[111]  Les ventes de données exclusives recensées par M. O'Dwyer et résumées dans la pièce R‑39 se présentent comme suit :

 

No

Date de vente

Prix payé ($)

Nombre de km

Prix payé par km ($)

 

1

28 août 1991

       2 000 000

            7 584

264

4

5 juin 1992

          562 800

            2 021

278

5

8 juin 1992

       1 296 532

            2 319

560

6

22 juin 1992

          121 560

               410

296

7

26 juin 1992

       2 750 000

          12 378

222

8

29 juin 1992

          424 644

               893

476

9

16 déc. 1992

          217 276

               412

528

10

30 déc. 1992

          100 000

               487

206

11

21 déc. 1993

          805 000

            5 905

136

12

1er juin 1994

          407 716

               634

644

13

1 er juin 1994

       1 392 284

            2 225

626

14

19 nov. 1996

          163 907

            1 609

102

15

26 février 1997

          460 000

            1 528

302

16

19 déc. 1997

          600 000

            2 649

227

17

28 avril 1998

          300 000

            1 467

204

18

16 juillet 1998

          320 000

               940

170

19

31 août 1998

          950 000

            2 343

405

20

27 janvier 1999

     37 000 000

        146 675

252

21

4 juin 1999

          500 000

            4 925

102

22

9 juin 1999

     45 000 000

        120 000

375

 

 

Total

     95 905 052

        332 144

289 *

 

                                                                                           * Moyenne pondérée de toutes les ventes.

 

Tout comme dans le cas des deux ventes de copies, on ignore à propos de ces 20 opérations une foule de choses qui sont pertinentes. M. Shaikh a témoigné au sujet de la vente no 14, et son témoignage me convainc qu'il s'agissait d'une vente entre parties sans lien de dépendance ayant fait l'objet de négociations.

 

[112]  Il y avait plusieurs autres ventes à l'égard desquelles j'ai entendu une preuve de l'acheteur ou du vendeur. David Monachello a témoigné au sujet de la vente que Coparex Canada Ltd., dont il était le directeur général, avait faite de divers droits partiels dans de nombreuses lignes de données sismiques. Une fois pris en compte le pourcentage de l'intérêt appartenant à Coparex, la vente représentait l'équivalent de 934,3 kilomètres. Le prix était de 160 000 $, plus un intérêt de 50 p. 100 dans les recettes futures provenant de ventes de copies, ce que Coparex estimait à 75 000 $. M. Monachello a dit que cela représentait environ 100 $ le kilomètre et qu'ils étaient « enchantés du prix ». Une fois le prix ajusté pour refléter seulement le droit partiel de Coparex dans la plupart des données, le prix, basé sur 160 000 $, plus 75 000 $ de recettes futures, est d'environ 251 $ le kilomètre. Cette vente a eu lieu en 1998.

 

[113]  Kenneth MacDonald, président‑directeur général de Pulse Data Inc., a acheté des données représentant 24 034 kilomètres, ainsi que d'autres biens, pour 3,2 millions de dollars, et ce, dans le cadre de deux opérations. La première opération visait environ 30 à 35 p. 100 des données et a été négociée sur une période d'environ six semaines. Dans la convention, une partie seulement du prix d'achat était attribuée aux données sismiques, mais, si l'on se fonde sur l'ensemble du témoignage de Kenneth MacDonald, il semble clair que ce dernier a en fait payé 3,2 millions de dollars pour acquérir les données représentant 24 034 kilomètres. Cette vente a eu lieu en février 1987. Elle indique une valeur de 133 $ le kilomètre.

 

[114]  Robert Kondrat a témoigné au sujet de deux opérations, mais la preuve relative à la première de ces opérations est insuffisante pour donner lieu à des conclusions. Dans le second cas, en novembre 1986, après plus de six mois de négociations, Karon Resources Inc. a acheté à Petty‑Ray Geophysical Canada — pour 1 700 000 $ — des données représentant 12 938 kilomètres. Le prix était de 131,40 $ le kilomètre.

 

[115]  La dernière vente à l'égard de laquelle il y avait une preuve directe était une vente de Casper Explorations à la 533530 Alberta Ltd. Le prix était de 138 796,47 $, plus une part de 50 p. 100 de recettes futures, et les données représentaient 444,7 kilomètres. Cette vente a eu lieu en 1992, et le prix, en excluant la valeur des recettes futures, était de 312 $ le kilomètre. Il est difficile de tirer une conclusion de cette vente, car il n'y a aucune preuve de la valeur attribuée aux recettes futures. Karen Leeds, une administratrice de Casper Explorations, a témoigné que l'acheteur avait acquis les données en vue de les revendre en bloc.

 

[116]  Sur les 20 ventes dont il est fait état dans la partie de la pièce R‑39 résumant des ventes de données exclusives, 11 ont eu lieu entre août 1991 et juin 1994. Les neuf autres ont eu lieu entre novembre 1996 et juin 1999. Ce second groupe incluait deux très grosses opérations de 1999 qui se rapportaient à des données représentant en tout plus de 266 000 kilomètres et dans lesquelles la contrepartie totale était de 82 millions de dollars. Les prix étaient respectivement de 252 $ et de 375 $ le kilomètre. Dans le cas des 11 premières ventes, le prix moyen pondéré est de 275 $ le kilomètre. Pour ce qui est du second groupe, qui comprend neuf ventes, ce prix est de 302 $ le kilomètre. Pour l'ensemble du groupe, ce prix est de 300 $. Le premier groupe inclut quatre ventes relativement petites à des prix le kilomètre de 528 $, de 560 $, de 626 $ et de 644 $. Dans deux de ces cas, il s'agit de données représentant un peu plus de 2 000 kilomètres; dans les deux autres cas, tout comme dans le cas d'une vente à 476 $ le kilomètre, il s'agit de données relatives à moins de 1 000 kilomètres. Pour ce qui est des trois plus grosses ventes de ce groupe, des données représentant 12 378 kilomètres ont été vendues 222 $ le kilomètre, des données représentant 7 584 kilomètres ont été vendues 264 $ le kilomètre et des données représentant 5 905 kilomètres ont été vendues 136 $ le kilomètre. Dans le cas des deux autres grosses opérations, Pulse Data Inc. a acheté des données relatives à 24 034 kilomètres pour 133 $ le kilomètre en 1987, et Karon Resources Inc. a acheté des données relatives à 12 938 kilomètres pour 131,40 $ le kilomètre, après de longues négociations en 1986.

 

[117]  Me fondant sur cette preuve, qui, je le reconnais, présente des lacunes importantes, je conclus que la meilleure estimation que je puisse faire quant à la valeur des données exclusives considérées en l'espèce est que ces données, en tant qu'éléments des blocs incluant les données sous licence, se seraient vendues dans des opérations entre parties sans lien de dépendance en 1991 et en 1992 pour les prix maximums suivants :

 

Bloc no 1 données exclusives 250 $ x 2 424,28 kilomètres      =      606 070 $

Bloc no 2 données exclusives 300 $ x 728,10 kilomètres         =      218 430 $

Bloc no 3 données exclusives 225 $ x 8 661,7 kilomètres        =   1 948 883 $ *

                                                                                                 2 773 383 $

 

                                                                * Sur la base d'un intérêt de 100 p. 100.

 

En résumé, donc, voici mon estimation quant à la juste valeur marchande attribuable à chacune des trois opérations considérées en l'espèce.

 

Bloc no 1 (Phillips‑1991)

 

Données sous licence

  1 083 813 $

 

Données exclusives

     606 070 $

 

Total

  1 689 883 $

 

Bloc no 2 (Phillips‑1992)

 

Données sous licence

  1 169 036 $

 

Données exclusives

     218 430 $

 

Total

  1 387 466 $

 

Bloc no 3 (CanEagle‑1992)

 

Données sous licence

  1 032 487 $

 

Données exclusives

     1/3 x 1 948 883 $

 

     649 628 $

 

Total

  1 682 115 $

 

Comme la SEC CanEagle a acquis seulement un intérêt d'un tiers dans les données sismiques, la valeur de ses données exclusives doit être réduite en conséquence. Comme elle a acquis le droit d'utiliser les données sous licence, ce qui est tout ce que l'acheteur d'une copie sous licence peut acquérir, je n'ai pas réduit la valeur des données de copie relatives à CanEagle. Les FEC auxquels les SEC auraient pu renoncer en faveur de l'appelante dans l'année d'imposition 1992 — si les données sismiques avaient été acquises entièrement aux fins prévues par la loi — ne pouvaient donc dépasser 4 759 464 $.

 

[118]  Je reviens à la question du consentement modifié à jugement, que les avocats des deux parties ont signé, qui est daté du 16 février 2001 et qui a été déposé auprès de la Cour pendant le procès. Le dispositif de ce document se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

Par l'intermédiaire de leurs avocats, l'appelante et l'intimée conviennent qu'une partie de l'appel devant la Cour canadienne de l'impôt n'est pas en litige et elles consentent par le présent document à ce que la Cour canadienne de l'impôt rende un jugement de manière à admettre l'appel de la cotisation pour l'année d'imposition 1992 de l'appelante et à déférer l'affaire à l'Agence des douanes et du revenu du Canada en tenant compte de ce qui suit :

 

1.         Pour son année d'imposition 1992, l'appelante peut déduire 406 495 $ de frais supplémentaires de recherche scientifique et de développement expérimental relativement à Syncrude Canada Ltd.

 

2.         Pour son année d'imposition 1992, l'appelante peut déduire 365 953 $ de frais supplémentaires de recherche scientifique et de développement expérimental relativement à la société de personnes Petro-Canada Hibernia.

 

3.         Les ajustements corrélatifs seront apportés conformément aux paragraphes 1 et 2 ci‑devant.

 

4.         Chaque partie à la présente action prendra en charge ses propres frais relatifs à cette question.

 

5.         L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement concernant cette question, mais rien de ce qui figure dans le présent consentement à jugement ne doit être interprété comme influant sur les droits des parties concernant les questions encore en litige dans le présent appel.

 

La même question était abordée au paragraphe 33 de l'avis d'appel modifié, qui a également été signé le 16 février 2001. Le paragraphe 33 a été modifié pour se lire comme suit :

 

[TRADUCTION]

33.       Par voie d'avis de nouvelle cotisation en date du 28 mai 1996, le ministre a en outre établi à l'égard de l'appelante une nouvelle cotisation refusant certains frais de recherche scientifique et de développement expérimental déduits par l'appelante pour 1992 (les « frais de RSDE pour 1992 »). L'appelante a déposé un avis d'opposition en date du 18 juin 1996 au sujet de ce refus. Cette question a été réglée avec le ministre, qui a admis les 406 495 $ de frais de RSDE pour 1992 relativement à Syncrude Canada Ltd., ainsi que 365 953 $ de frais supplémentaires de RSDE pour 1992 relativement à la société de personnes Petro-Canada Hibernia.

 

Il n'y a pas eu de modification du paragraphe 1 de la réponse modifiée à l'avis d'appel qui a été déposée le 2 avril 1998, où l'on admettait le paragraphe 33 de l'avis d'appel. Ainsi, l'effet des actes de procédure et du consentement à jugement est le suivant : les parties conviennent que, en établissant la nouvelle cotisation considérée dans le présent appel, le ministre aurait dû admettre comme frais de recherche scientifique et de développement expérimental 772 448 $ de plus et elles conviennent que mon jugement devrait en tenir compte. Mon jugement doit toutefois également tenir compte du fait que, dans cette nouvelle cotisation, l'appelante s'est vu admettre, au titre des FEC auxquels il a été renoncé en sa faveur par les SEC, une déduction de 8 884 497 $ qui dépasse d'un peu plus de 4 millions de dollars la déduction à laquelle elle aurait eu droit même si toutes les données sismiques avaient été acquises aux fins prévues par la loi. Je ne peux évidemment augmenter l'impôt payable par l'appelante ou ordonner au ministre de le faire[21]. Je ne vois cependant aucune raison d'ajouter à l'erreur existante en accordant à l'appelante une déduction supplémentaire. L'effet net de deux erreurs dans la cotisation (encore là en présumant que les données sismiques avaient toutes été acquises aux fins prévues par la loi) est que l'appelante a profité d'une aubaine en ne payant pas d'impôt sur une somme supérieure à 3 millions de dollars. Le gain fortuit qu'elle réalise est en fait beaucoup plus élevé.

 

[119]  L'appel est donc rejeté. L'intimée a droit à ses frais, y compris des honoraires pour deux avocats.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2002.

 

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de novembre 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1]           La fraction inutilisée de FEC s'accumule dans un compte et peut être portée en diminution de bénéfices pour des années ultérieures.

[2]           Paragraphe 69(1) de la Loi.

[3]           66.1(6) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« frais d'exploration au Canada » Relativement à un contribuable, les dépenses suivantes, engagées après le 6 mai 1974 :

a)         une dépense, y compris une dépense à des fins géologiques, géophysiques ou géochimiques, engagée par le contribuable (à l'exception d'une dépense engagée pour le forage ou l'achèvement d'un puits de pétrole ou de gaz, la construction d'une route d'accès temporaire au puits ou la préparation d'un emplacement pour un tel puits) en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'une gisement de pétrole ou de gaz naturel (à l'exception d'une ressource minérale) au Canada;

[...]

[4]           Cela se fondait sur un intérêt de 100 p. 100 dans les données. Une participation d'un tiers a en fait été transférée.

[5]           C.A.F., no A‑1007‑90, 10 janvier 1992 (92 DTC 6123).

[6]           C.A.F., nos A‑426‑97 et A‑427‑97, 18 juin 1999 (99 DTC 5377).

[7]           Aux pages 9 et 10 (DTC : aux pages 6127 et 6128).

[8]           À la page 10 (DTC : aux pages 5380 et 5381).

[9]           Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, juge Iacobucci, à la p. 736.

[10]          La Loi, alinéa 251(1)b) (soit maintenant l'alinéa 251(1)c)).

[11]          Société de banque Suisse c. M.R.N., [1974] R.C.S. 1144, à la p. 1152.

[12]          Pièce A‑16.

[13]          Toutefois, quand on a demandé à M. Curts — sans que s'y oppose l'avocate de l'intimée — s'il maintiendrait son évaluation aujourd'hui, il a répondu que oui.

[14]          Le « pli » représente essentiellement la densité du produit.

[15]          Pièce A‑22, page 3.

[16]          Ces valeurs figurent dans la pièce A‑27, qui a été déposée au cours du procès de manière à corriger des erreurs se trouvant dans la déposition écrite de M. Boyd — pièce A‑22.

[17]          Il a en outre émis l'hypothèse que, si le vendeur était une société de personnes, le prix devrait être majoré de 30 p. 100 pour chaque associé. Il ne m'a pas expliqué clairement comment ou pourquoi cette majoration s'appliquerait.

[18]          The City of Saint John v. Irving Oil Co. Ltd., [1966] R.C.S. 581, à la p. 592.

[19]          Voir Marcus c. Commission de la Capitale Nationale, [1970] R.C.S. 39.

[20]          Une copie de cette annexe a été déposée séparément sous la cote R‑39.

[21]          Harris v. M.N.R., 64 DTC 5332, confirmé, pour d'autres motifs, par 66 DTC 5189.

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