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Date: 19990915

Dossier: 98-1106-GST-I

ENTRE :

GASTOWN ACTORS STUDIO LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 29 avril 1999 sous le régime de la procédure informelle de la Cour. Au terme de l'audience, il a été convenu que les avocats disposeraient d'une certaine période pour présenter leurs observations écrites à la Cour. Les dernières observations, qui contenaient la contre-preuve de l'appelante, ont été présentées à la Cour au mois de juillet de la présente année.

[2] La principale question en litige consiste à savoir si les fournitures faites du 1er août 1992 au 31 juillet 1996, c'est-à-dire le programme à temps plein et le programme de formation autonome offerts par l'appelante, étaient exonérées au sens de l'article 8 de la partie III de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise (“ Loi ”), dans lequel cas aucune TPS n'était percevable sur les frais de scolarité payés par les participants aux programmes en question. Se pose également la question incidente de savoir si, même si les fournitures en question étaient exonérées, l'appelante a effectivement perçu auprès des étudiants des montants au titre prétendument de la TPS et, dans l'affirmative, si les montants perçus doivent être remis au ministre du Revenu national (“ ministre ”).

Faits

[3] Les faits sont les suivants :

L'appelante est inscrite sous le régime de la partie IX de la Loi depuis le 1er janvier 1991, et son numéro d'inscrit aux fins de la TPS est le 125228668.

L'appelante est enregistrée sous le régime de la Private Post Secondary Education Act de la Colombie-Britannique depuis le 1er février 1993, aux fins d'exploiter un établissement d'enseignement postsecondaire privé. La commission d'enseignement postsecondaire privé (“ CEPP ”) établie en vertu de cette loi régit les établissements d'enseignement privés en Colombie-Britannique et approuve les cours qui y sont offerts. Ainsi, la CEPP a approuvé les programmes mis sur pied par l'appelante.

L'appelante est une “ école de formation professionnelle ” au sens de l'article 1 de la partie III de l'annexe V de la Loi.

L'appelante exploite une école de théâtre et tire sa principale source de revenus des frais de scolarité qu'elle réclame.

L'appelante offre au public un programme de théâtre de deux ans à plein temps, un programme à temps partiel et un programme de formation autonome de huit mois. Les programmes ont été décrits par M. W. A. Tuck, le propriétaire de l'appelante, dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

R. D'accord. Nous avons un programme à temps plein qui s'étale sur deux ans. [...] C'est deux ans, dix mois par année, et les étudiants obtiennent la formation de base qu'ils obtiendraient s'ils fréquentaient l'une ou l'autre des écoles du genre de celles où j'ai enseigné ou avec lesquelles j'ai été associé auparavant.

Et c'est une formation de base, on part du tout début. Nous avons un programme de formation autonome nécessitant l'admissibilité à une aide financière du gouvernement; en d'autres termes, à des prêts étudiants. Il faut donner 16 heures de formation dans une période donnée; il s'agit normalement d'une période de huit mois scindée en deux blocs de quatre mois, je crois. Pendant cette période, les étudiants suivent les cours qu'ils souhaitent suivre et qui sont offerts au studio.

Puis il y a le programme à temps partiel, qui s'adresse surtout, mais non exclusivement, à l'acteur professionnel qui est sur le marché du travail. Il en est toutefois ainsi parce que, lorsque je suis venu — je suis revenu à Vancouver, l'industrie commençait tout juste à prendre son essor, comme on dit dans le milieu.

[...]

Q. J'aimerais vous montrer un document que vous pouvez décrire pour moi. Sur la page couverture, on peut lire Gastown Actor Studio 1995-1996?

R. C'est exact.

Q. Ce sont les grandes lignes du programme à temps plein. Vous connaissez?

R. Oui.

Q. Qu'est-ce que c'est exactement?

R. Essentiellement, il s'agit de la liste des cours que l'étudiant suivra pendant les deux ans que dure le programme à temps plein.

Q. D'accord. Il y a — je vous amène à la page — deux pages plus loin?

R. C'est cela.

Q. On peut lire ceci au deuxième paragraphe :

L'objectif du programme est d'aider l'étudiant à acquérir les compétences et les outils nécessaires pour réussir en tant qu'acteur professionnel. Le programme d'études est basé en partie sur les programmes de l'université de l'Alberta et de l'institut polytechnique Ryerson, qui comptent parmi les écoles de théâtre les plus réputées au Canada.

R. Mm-hmm.

Les personnes intéressées qui demandent leur admission au programme à plein temps doivent passer une entrevue avec l'appelante, et les places sont attribuées selon l'ordre de présentation des demandes.

Aucune note n'est décernée; les étudiants sont néanmoins évalués régulièrement et sont informés, par leurs professeurs, de leurs forces et de leurs faiblesses. Ils doivent également monter un spectacle destiné au public.

Un certificat de réussite est remis aux seuls étudiants qui terminent le programme à temps plein de deux ans ou le programme de formation autonome.

Le certificat remis aux étudiants ne fait aucune mention de la compétence de la personne dans l'exercice d'un métier, mais il indique que l'étudiant a suivi le programme de deux ans ou le programme de formation autonome.

L'appelante n'est pas une institution publique ni un organisme à but non lucratif pour l'application de l'article 8 de la partie III de l'annexe V de la Loi.

Pour exercer leur métier, les acteurs doivent être membres d'une association. Pour les acteurs qui exercent leur métier dans les médias, comme au cinéma et à la télévision, l'association s'appelle l'ACTRA et, pour les comédiens qui jouent au théâtre, l'association s'appelle l'EQUITY. Les associations n'exigent aucune preuve des certificats des acteurs ni aucun autre titre pour admettre de nouveaux membres.

[4] Selon les témoignages non contredits de plusieurs des témoins qui ont été appelés par l'appelante, celle-ci est une école reconnue qui forme des acteurs en leur offrant des programmes de qualité dispensés par d'excellents professeurs. Ainsi, Sid Kozak, régisseur de distribution chevronné, a déclaré :

[TRADUCTION]

R. De quelle façon est-ce que je l'évaluerais? Pour ce qui est de l'évaluer en tant qu'établissement d'enseignement, je sais, en raison de mes diverses expériences au sein de la communauté artistique en général, que Gastown est considérée comme l'un des meilleurs établissements en ville pour acquérir une formation de comédien.

[...]

R. Je connais la plupart des professeurs qui y travaillent. Je sais que, dans de nombreux cas, ce sont des acteurs réputés. Ce sont des acteurs que je — qui sont des membres de la communauté à qui je m'adresserais pour le travail que j'ai à faire.

[...]

R. Les étudiants s'intègrent très bien à la communauté artistique, d'après ce que je peux voir. J'ai vu, à de nombreuses occasions, des acteurs formés à l'école. Essentiellement, lorsque je choisis des acteurs pour — en tant qu'acteurs possibles pour mon rôle, ce que je regarde dans le curriculum vitae pour choisir un acteur pour un rôle dans un film, c'est la formation. Et si je vois Gastown Actors Studio, je sais qu'ils ont acquis une bonne formation.

[...]

R. Je dirais que oui. Je dirais qu'ils possèdent les techniques de base pour être de bons acteurs. Je pense ainsi, si je peux me permettre, parce que l'interprétation est une forme d'expression de soi, comme la danse, comme les arts graphiques. Les gens évoluent au sein de ces disciplines d'expression personnelle. Et je crois que les acteurs issus de Gastown possèdent une bonne base à cet égard.

[5] Le témoignage de M. Kozak a été corroboré en grande partie par celui des autres témoins.

[6] Les observations écrites de l'appelante et de l'avocat de l'intimée traitent dans les deux cas des questions qui ont été énoncées précédemment. Pour les motifs suivants, je n'ai pas l'intention de traiter exhaustivement de la question incidente, celle de savoir si l'appelante a perçu une TPS auprès de ses étudiants et si elle aurait dû la remettre à Revenu Canada même si ses fournitures étaient exonérées. Je me contenterai de faire les remarques suivantes :

En ce qui concerne la question principale, je suis d'avis que les fournitures en cause étaient exonérées. En conséquence, si l'appelante a perçu des montants, ceux-ci ne représentaient pas la TPS car aucune n'était due. Donc, les montants en question, s'ils ont été perçus, n'ont pas à être remis au ministre.

Il se peut très bien que la Cour ne soit pas compétente pour rendre une décision sur cette question. Je crois, sans me prononcer définitivement sur la question, que la compétence de la Cour relativement à la Loi consiste à déterminer si la cotisation en litige est correcte ou non en tout ou en partie; autrement dit, la compétence de la Cour ne s'étend pas à la perception comme telle de la TPS. Les articles 302 et 306 de la Loi paraissent appuyer mon opinion.

Je crois que, une fois mon jugement rendu sur la question principale, le ministre pourra fouiller les faits, prendre les décisions qui s'imposent, plus particulièrement en ce qui concerne la question de savoir quelle portion du total des frais de scolarité se rapporte aux différents programmes et pour quelles périodes (le programme à temps plein n'a commencé qu'en septembre 1993) et la question de savoir quels étaient les autres revenus que l'appelante tirait, et établir une nouvelle cotisation en conséquence. Si l'appelante n'est pas d'accord avec cette nouvelle cotisation, elle pourra déposer un avis d'opposition et poursuivre les procédures si cela est nécessaire.

Observations de l'avocat de l'appelante - Question principale

[7] L'avocat de l'appelante souligne que le noeud du litige avec l'intimée porte sur la question de savoir s'il peut être dit du certificat, qui ne fait qu'indiquer que l'étudiant concerné a terminé le programme, qu'il atteste la compétence de l'étudiant dans l'exercice de son métier, à savoir celui d'acteur.

[8] Voici un passage des observations écrites de l'avocat :

[TRADUCTION]

20. Dans la présente affaire, les certificats délivrés par l'appelante doivent “ attester ” la compétence des étudiants de l'appelante qui terminent le cours dans l'exercice du métier d'acteur qu'ils ont choisi. Qu'est-ce que l'on entend par “ attester ”? Faut-il que le certificat en question indique par écrit que l'étudiant est maintenant compétent pour exercer le métier d'acteur? Si tel est le critère à appliquer aux fins de l'exonération de la TPS, il est évident que l'appelante n'y satisfait pas puisque les certificats qu'elle délivre, comme bon nombre de certificats délivrés par des écoles de formation professionnelle réputées, indiquent simplement que ses étudiants ont terminé le programme d'études. Nous soutenons que cela ne peut être le critère d'exonération. Si tel était le critère, il serait excessivement facile de manipuler le droit à l'exonération prévu à l'article 8 de la partie III de l'annexe V simplement en inscrivant sur le certificat que “ M. Smith possède les compétences nécessaires pour exercer le métier d'acteur ”.

21. Comment devrait-on interpréter la phrase “ certificat [...] attestant la compétence de particuliers dans l'exercice d'un métier ”? Dans l'arrêt Corporation Notre-Dame de Bon-Secours v. Communauté Urbaine de Québec et al, 95 DTC 5017, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit à la page 5023 :

Les principes dégagés dans les pages précédentes [...] peuvent se résumer ainsi :

L'interprétation des lois fiscales devrait obéir aux règles ordinaires d'interprétation;

Qu'une disposition législative reçoive une interprétation stricte ou libérale sera déterminé par le but qui la sous-tend, qu'on aura identifié à la lumière du contexte de la loi, de l'objet de celle-ci et de l'intention du législateur; c'est l'approche téléologique;

Que l'approche téléologique favorise le contribuable ou le fisc dépendra uniquement de la disposition législative en cause et non de l'existence de présomptions préétablies;

Primauté devrait être accordée au fond sur la forme dans la mesure où cela est compatible avec le texte et l'objet de la loi;

Seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable.

22. Suivant les règles ordinaires d'interprétation, il y a lieu d'examiner la définition lexicographique des termes utilisés dans la phrase contestée.

“ certificat ”

Le Oxford English Dictionary (à l'onglet 4B) indique (à la définition 3A) qu'un certificat est un “ document qui certifie ou atteste un fait officiellement ”. Selon le Webster's Third New International Dictionary, le terme “ certificat ” (dans la définition 1) est un “ document délivré par une école, une agence gouvernementale ou un organisme professionnel certifiant qu'une personne a terminé avec succès un cours, qu'elle a réussi un examen ou qu'elle a atteint un niveau professionnel dans un domaine donné et qu'elle peut officiellement exercer le métier ou occuper un poste dans ce domaine ”.

Il ne fait aucun doute que, suivant ces définitions, l'appelante délivrait des certificats à ses étudiants.

“ attestant ”

Le Oxford English Dictionary (à l'onglet 4A) indique que le terme “ attester ” signifie notamment “ témoigner de ”. Selon le Webster's Third New International Dictionary, le terme “ attester ” signifie également, entre autres choses, “ témoigner de ”.

Nous faisons valoir que, pour qu'un certificat “ témoigne de ” la compétence d'un étudiant, il n'est pas nécessaire qu'il utilise une formulation précise.

[9] Après avoir passé en revue certains des témoignages des professeurs de sa cliente, l'avocat de l'appelante s'est exprimé ainsi dans ses observations écrites :

[TRADUCTION]

Nous faisons valoir que, étant donné :

le calibre des professeurs employés par l'appelante;

le programme exigeant que les étudiants doivent suivre;

la façon dont l'appelante et ses professeurs sont perçus dans la communauté artistique;

il ne fait aucun doute qu'un certificat délivré par l'appelante témoigne des compétences suffisantes de ses diplômés pour exercer le métier d'acteur. Pour que les services fournis par l'appelante soient exonérés de la TPS en vertu de l'article 8 de la partie III de l'annexe V, il n'est nécessaire de faire aucune autre preuve.

26. L'intimée a mené un contre-interrogatoire duquel il est ressorti que l'article 8 de la partie III de l'annexe V vise les certificats qui constituent davantage une exigence obligatoire pour pouvoir dans les faits exercer une profession donnée. Nous faisons valoir, pour les motifs qui suivent, qu'il s'agit là d'une interprétation excessivement restrictive de l'article 8.

L'article 6 de la partie III de l'annexe 8 (à l'onglet 6) aborde déjà la question des certificats qui sont délivrés relativement à des cours menant à une “ accréditation ou à un titre professionnel reconnus par l'organisme ”. L'article 8 serait par conséquent redondant s'il ne se rapportait pas à des certificats qui sont, du point de vue qualitatif, différents de ceux dont il est question à l'article 6.

Dans le Document technique publié par le ministère des Finances en 1989 (à l'onglet 5), où l'on traite de l'objet de la TPS, on peut lire à la page 89, sous la rubrique “ (iv) Cours dans une école professionnelle ou école de langue privée ”, que :

Les cours faisant partie d'un programme qui permettent aux élèves d'acquérir ou de développer des compétences professionnelles seront exonérés lorsqu'ils sont dispensés par des établissements ou des organismes mis sur pied et exploités principalement dans le but de fournir ces services. Cela comprend les écoles privées de secrétariat ou de commerce.

Pour être exonérés, les cours devront être conçus principalement en vue de développer les aptitudes professionnelles, et s'inscrire dans le cadre d'un programme menant à l'obtention d'un diplôme ou d'un certificat de compétence analogue à ce que délivrent les collèges communautaires ou les établissements du même genre.

Ce document technique énonce l'objet qui sous-tend l'exonération prévue à l'article 8 de l'annexe V. Manifestement, un certificat délivré par une école de secrétariat ou de commerce n'est pas une condition préalable à l'exercice d'un emploi de secrétaire ou de gestionnaire de bureau. Le libellé de l'article 8 ne devrait donc pas être interprété de façon à conclure que le terme “ certificat ” renvoie à un document qui constitue une exigence pour exercer un métier.

27. S'il existe une ambiguïté dans le libellé de l'article 8, qui prévoit l'exonération, l'arrêt Bon-Secours précise que le “ doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable ”. Bien que l'appelante soit d'avis qu'il n'y a aucune ambiguïté et qu'elle devrait avoir droit à une exonération, toute ambiguïté, si elle existe, devrait être résolue en sa faveur.

Observations de l'avocat de l'intimée - Question principale

[10] Voici un extrait des observations écrites de l'intimée :

[TRADUCTION]

33. En ce qui concerne le programme à temps plein, l'intimée soutient que les certificats délivrés par l'appelante n'attestent pas la compétence de ses étudiants à titre d'acteurs professionnels. C'est le certificat lui-même, d'après la disposition en cause, qui doit “ attester ”. Le certificat délivré par l'appelante indique simplement que la personne a terminé le programme de deux ans (pièce A-2). Il ne précise même pas que la personne a terminé le programme “ avec succès ”. Pour satisfaire aux conditions de la disposition, le certificat doit d'une façon ou d'une autre mentionner que la personne est compétente. [...]

[...]

36. D'autre part, selon un principe établi d'interprétation législative, le terme “ certificat ” à l'article 8 doit être lu dans le contexte des mots qui le suivent; ces mots sont : “ diplôme, permis ou acte semblable ”. Il ne suffit pas d'intituler un document “ certificat ”. L'intimée fait valoir que les termes en question supposent un degré de formalité qui ne se retrouve tout simplement pas dans les certificats délivrés par l'appelante, indépendamment de ce que celle-ci peut inscrire sur le certificat même.

37. Pour obtenir un diplôme, il est nécessaire d'effectuer des études scolaires qui mènent à un titre ou une compétence donnés. De la même façon, la délivrance d'un permis suppose qu'une personne a atteint une norme qui lui permet d'entreprendre une activité qu'elle ne pouvait exercer auparavant, en général du fait d'une réglementation gouvernementale.

[...]

39. La définition de certificat que l'on trouve à l'onglet B du recueil de jurisprudence de l'appelante comporte les mêmes sous-entendus. Le certificat s'entend d'un “ document qui certifie ou atteste un fait officiellement ”. Le terme “ certifié ” est défini de la façon suivante : “ garanti, assuré, fondé sur une certitude ”. Le certificat mentionne simplement que le programme de deux ans a été achevé. La définition énoncée dans le Webster nous éclaire même davantage. Un certificat est “ un document contenant une déclaration certifiée et normalement officielle : une attestation signée, écrite ou imprimée qu'une chose est vraie ”. Encore une fois, la seule attestation imprimée que contient le document produit sous la cote A-2 est que le cours a été achevé, et non qu'un étudiant est compétent ou qu'il satisfait à certains critères. Les certificats de l'appelante ne contiennent aucune déclaration qui puisse être qualifiée d'officielle.

[...]

44. Au paragraphe 26 de la plaidoirie de l'appelante, on donne à entendre que le certificat délivré par l'appelante est semblable à celui que délivre une école de secrétariat ou de commerce. Cette comparaison n'est pas fondée. La délivrance d'un certificat par une école technique supposerait normalement qu'il y a eu une certaine forme d'évaluation et qu'une norme minimale a été atteinte. Le fait qu'il n'en est rien dans le cadre du cours que l'appelante offre est précisément le problème que l'intimée a soulevé. L'appelante a tenté également de comparer son programme à ceux qu'offrent des établissements d'enseignement comme Ryerson ou l'Université de la Colombie-Britannique. Là encore, ces établissements soumettraient les étudiants à un processus d'évaluation officiel et établiraient des critères d'admission rigoureux.

45. Le certificat délivré par l'appelante ressortit davantage au certificat de fin d'études qui serait délivré au terme d'un cours de formation continue offert par un collège communautaire. N'importe qui peut s'inscrire au cours et il suffit, pour obtenir un certificat de fin d'études, de se présenter à la majorité des séances.

46. L'intimée soutient que, pour être visé par l'article 8, le certificat doit déclarer qu'il a été satisfait à une norme de compétence spécifique, ou à tout le moins tenir lieu de déclaration du genre. C'est la seule interprétation du terme certificat qui soit logique étant donné la définition lexicographique du terme et le fait que celui-ci est suivi des termes “ diplôme ” et “ permis ”. Le fait d'interpréter la disposition autrement signifierait que l'on pourrait exonérer n'importe quel cours de la taxe simplement en imprimant un “ certificat ” à l'aide de l'imprimante au laser à la fin de la session. De l'avis de l'intimée, une telle interprétation n'est pas compatible avec l'objet de la disposition législative.

Observations de l'appelante en contre-preuve

[11] On peut lire ceci dans la contre-preuve écrite de l'appelante :

[TRADUCTION]

6. L'intimée déclare erronément au paragraphe 32 que seul le programme à temps plein offert par l'appelante mène à l'obtention d'un quelconque certificat. Il ressort clairement du témoignage d'Andrea Macdonald qu'un certificat était délivré également à la fin du programme de formation autonome. L'appelante a convenu que le programme à temps partiel ne menait pas à l'obtention d'un certificat.

7. Au paragraphe 35 de ses observations, l'intimée indique que, pour être exonérée, une fourniture doit satisfaire à certains critères. Elle mentionne ensuite que ces critères supposent une certaine forme de réglementation de l'établissement par un gouvernement fédéral ou provincial, et que l'établissement doit satisfaire à tout critère prévu dans cette réglementation pour pouvoir délivrer des certificats. Cet argument est tout à fait pertinent. L'appelante est assujettie à une réglementation provinciale. L'intimée a admis que l'appelante satisfaisait à toutes les autres conditions aux fins de l'exonération, sauf en ce qui concerne les certificats qu'elle délivre. La prétention selon laquelle il faut ajouter aux certificats délivrés par l'appelante, ainsi qu'on le dit au paragraphe 33 des observations de l'intimée, les termes “ avec succès ”, “ a satisfait à toutes les exigences du ” ou “ a acquis les compétences pour obtenir le certificat de ” est, avec égards, intenable. Tel ne peut être le critère permettant d'exonérer une fourniture. Comme il est ressorti très clairement des témoignages des professeurs de l'appelante, cette dernière ne délivre un certificat que si le programme a été achevé “ avec succès ”, que l'étudiant “ a satisfait à toutes les exigences ” du programme et qu'il “ a acquis les compétences pour obtenir le certificat ”. On ne peut en toute sincérité soutenir que l'absence de tels termes donne l'impression que l'étudiant n'a pas achevé “ avec succès ” le programme ou qu'il n'a “ satisfait qu'à certaines des exigences ” du programme. L'ajout de ces termes sur le certificat n'aiderait pas la personne qui voit le certificat à comprendre, comme l'intimée l'a déclaré au paragraphe 33, “ ce qu'il faut faire pour en obtenir un ”.

8. L'appelante rejette dans sa totalité la façon dont l'intimée a qualifié les témoignages des professeurs de l'appelante sur le processus d'évaluation auquel sont soumis les étudiants de l'appelante. MM. Tuck et Hanlon ont tous deux indiqué que les personnes intéressées passaient une entrevue avant d'être admises au programme à temps plein. L'entrevue permettait d'effectuer une certaine présélection. MM. Tuck et Hanlon ont tous deux affirmé que les étudiants étaient régulièrement soumis à une évaluation critique et qu'on effectuait une évaluation officielle chaque semestre. [...]

9. Au paragraphe 49 de ses observations, l'intimée indique que la comparaison des certificats délivrés par l'appelante aux certificats délivrés par les écoles de secrétariat ou de commerce n'est pas fondée. L'intimée ajoute que la comparaison n'est pas valable parce que la “ délivrance de certificats par une école technique supposerait normalement qu'il y a eu une certaine forme d'évaluation et qu'une norme minimale a été atteinte ”. Nous faisons valoir que la comparaison est parfaitement à-propos. L'appelante est une école de formation professionnelle, comme l'a admis l'intimée, et elle est régie par la province. Cela suppose, si l'on reprend les termes de l'intimée, qu'une certaine forme d'évaluation a été effectuée et qu'une norme minimale a été atteinte avant qu'un certificat soit délivré. Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, les professeurs de l'appelante ont témoigné qu'une évaluation critique était effectuée et qu'il fallait satisfaire à des normes minimales. Le fait que la méthode d'évaluation n'inclut aucun examen écrit, contrairement peut-être à la coutume dans une école de secrétariat ou de commerce, concerne uniquement la question de savoir ce qui constitue la méthode la plus appropriée d'évaluer des acteurs. Les bons acteurs doivent pouvoir interpréter des rôles et ils sont évalués par l'appelante à cet égard.

Analyse et décision

[12] La partie III de l'annexe V de la Loi prévoit l'exonération de différents services. À l'article 8 de la partie III de l'annexe V, la fourniture suivante est exonérée :

8. La fourniture, sauf une fourniture détaxée, effectuée par une administration scolaire, une école de formation professionnelle, un collège public ou une université, d'un service consistant à donner à des particuliers des cours ou des examens qui mènent à quelque certificat, diplôme, permis ou acte semblable, ou à des classes ou des grades conférés par un permis, attestant la compétence de particuliers dans l'exercice d'un métier, si, selon le cas :

l'acte, la classe ou le grade est visé par un règlement fédéral ou provincial;

le fournisseur est soumis aux lois fédérales ou provinciales concernant les écoles de formation professionnelle;

le fournisseur est un organisme à but non lucratif ou une institution publique.

[13] Il est clair qu'il a été satisfait à toutes les exigences de la partie III, sauf peut-être à l'une d'elles. Le seul litige porte sur le libellé du certificat. La situation est exceptionnelle car il est question ici de la compétence d'une personne donnée à interpréter des rôles. L'interprétation est une habileté qui se développe grâce à la formation et au savoir-faire. Elle repose aussi sur des caractéristiques personnelles comme l'apparence, la voix, le talent inné, etc. Je crois qu'il serait très difficile pour un collège de délivrer un certificat indiquant avec une certitude absolue qu'un étudiant donné possède les compétences voulues pour interpréter des rôles. C'est tout autre chose de dire avec un certain degré de certitude qu'une personne est compétente pour exercer le métier de menuisier, de plombier ou d'autres métiers qui n'exigent qu'une habileté physique.

[14] Dans la présente affaire, la preuve établit que l'école jouit d'une excellente réputation pour ce qui est de former de bons acteurs. Par conséquent, la personne qui voit un certificat attestant qu'un étudiant a achevé le programme de deux ans ou le programme de formation autonome offerts par GasTown Actors Studio Ltd. peut facilement en déduire que l'étudiant en question est compétent pour interpréter un rôle. Le nom même de l'école inclut les termes “ Actors Studio ”. En outre, il faut tenir compte des personnes qui s'appuieront sur le certificat ou le curriculum vitae faisant état du certificat. Il s'agit surtout de membres de la communauté artistique : des metteurs en scène, des gérants, des régisseurs de distribution et des producteurs. Ils savent que l'appelante a la réputation de former de bons acteurs. En d'autres termes, un certificat indiquant qu'une personne a terminé un programme donné serait suffisant. Suivant l'approche téléologique, il faut se demander pourquoi certaines fournitures ont été exonérées. Elles sont énumérées à l'annexe V de la Loi et ont été choisies par le législateur pour des raisons de principe. L'un de ces principes était d'encourager les gens à fréquenter l'école ou à suivre des cours dans le but d'améliorer ou d'acquérir des compétences leur permettant d'obtenir un emploi ou un meilleur emploi. Cela ressort clairement du document technique publié par le ministère des Finances en 1989, et cité précédemment.

[15] Dans ce contexte, j'estime que la disposition en question doit recevoir une interprétation libérale suivant l'approche adoptée dans l'arrêt Notre-Dame de Bon-Secours. Suivant cette approche, on doit pouvoir prendre en considération l'excellence et la réputation de l'école concernée, en n'oubliant pas que cette école et les programmes qu'elle offre sont réglementés par la province. Encore une fois, à mon avis, il importe peu que les associations n'exigent pas de voir le certificat avant d'admettre dans leurs rangs un futur acteur.

[16] Par conséquent, les termes “ certificat ” et “ attestant ” ne doivent pas recevoir une interprétation restrictive.

[17] Pour ces motifs, je suis d'avis que le programme de deux ans et le programme de formation autonome offerts par l'appelante et pour lesquels des frais de scolarité sont payables constituent une fourniture exonérée au sens de l'article 8 de la partie III de l'annexe V de la Loi. En conséquence, l'appel est admis avec frais et l'affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour ce motif et en tenant compte du fait que l'appelante n'a droit à aucun crédit de taxe sur les intrants demandé relativement aux fournitures reçues dans le cadre de ces programmes.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 1999.

“ T. P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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