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Date: 20000927

Dossier: 98-2465-IT-G

ENTRE :

MARGARET HICKMAN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Avocat de l'appelante : Me Barrie Heywood

Avocats de l'intimée : Me John P. Bodurtha et Me Marcel Prevost

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Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à St. John's (Terre-Neuve), le 9 juin 2000.)

Bowie, C.C.I.

[1] L'appelante a été l'objet d'une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour l'année d'imposition 1993. Par cette nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a ajouté, au revenu de l'appelante pour l'année, 425 365 $ au titre d'un dividende qui, dit-il, est réputé avoir été payé à l'appelante en application de l'article 84.1 de la Loi. L'appelante interjette appel de cette cotisation. Les faits ne sont pas contestés.

[2] Le 1er décembre 1993, l'appelante détenait 42 des 100 actions émises de Marco Management Limited (“ Marco ”). CSC Holdings Limited (“ CSC ”) détenait 48 actions, et les 10 autres actions étaient détenues par David Martin. Toutes les actions émises de CSC étaient détenues par la fiducie familiale Hickman (la “ fiducie ”); les fiduciaires étaient Margaret Hickman, son mari, Thomas Hickman, et Randell Earle, qui n'est pas une personne liée à l'appelante ou à son mari. Les bénéficiaires de la fiducie étaient les trois enfants de Margaret et Thomas Hickman, soit des enfants qui étaient tous majeurs.

[3] L'appelante a témoigné que l'acte de fiducie prévoit que les décisions relatives à la fiducie peuvent être prises par une majorité des fiduciaires. L'appelante et son mari ainsi que leurs trois enfants étaient, à l'époque pertinente, administrateurs de CSC : voir le document no 7 de la pièce A-1.

[4] Le 1er décembre 1993, l'appelante a vendu ses 42 actions de Marco à CSC pour la somme de 425 407 $, plus une action privilégiée de CSC. C'est ce montant, moins les 42 $ de valeur en capital versé des actions, que le ministre a considéré comme un dividende réputé avoir été payé.

[5] Le passage pertinent de l'article 84.1 de la Loi,aux fins des questions en litige dans le présent appel, se lit comme suit :

(1) Lorsque [...] un contribuable qui réside au Canada (à l'exclusion d'une corporation) dispose d'actions qui sont des biens en immobilisation du contribuable – appelées “ actions concernées ” au présent article – d'une catégorie du capital-actions d'une corporation qui réside au Canada – appelée “ ladite corporation ” au présent article – en faveur d'une autre corporation – appelée “ acheteur ” au présent article – avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance et que, immédiatement après la disposition, ladite corporation serait rattachée à l'acheteur, au sens du paragraphe 186(4) si les mentions “ corporation payante ” et “ corporation donnée ” y étaient respectivement remplacées par “ ladite corporation ” et “ acheteur ”,

[...]

S'il est satisfait à ce préambule de l'article 84.1, un dividende est réputé avoir été payé.

[6] D'une manière générale, donc, trois choses doivent être démontrées pour qu'un dividende soit réputé avoir été payé en application de cet article. Premièrement, il faut qu'un contribuable ait disposé d'actions d'une corporation en faveur d'une autre corporation; deuxièmement, le contribuable et l'acheteur doivent avoir un lien de dépendance; troisièmement, après la disposition, les deux corporations doivent être “ rattachées ”. L'appelante ne conteste pas qu'il soit ici satisfait aux première et troisième exigences et elle ne conteste pas non plus le calcul du montant du dividende réputé, si un tel dividende existe du point de vue du droit. Elle soutient par contre qu'il n'est pas satisfait à la deuxième exigence. Elle affirme que rien ne prouve que CSC et elle avaient en fait un lien de dépendance; elle soutient que CSC et elle ne sont ni liées ni réputées être liées et qu'elles n'ont donc aucun lien de dépendance. À cet égard, elle invoque le paragraphe 251(1) de la Loi, qui se lit comme suit :

Aux fins de la présente loi,

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance; et

b) la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à une date donnée est une question de fait.

[7] Les arguments des deux parties semblaient tourner autour de l'alinéa 84.1(2)d) de la Loi, dont le passage pertinent est ainsi rédigé :

Aux fins du présent article,

[...]

d) une fiducie et ses bénéficiaires ou les personnes liées à ceux-ci sont réputés avoir un lien de dépendance;

[8] L'argument du ministre, à ce que j'ai compris, était que cet alinéa et les sous-alinéas 251(2)b)(i) et (iii) se combinent de quelque manière, de sorte que l'appelante et CSC sont réputées avoir été liées à l'époque de l'opération. Suivant l'argument de l'appelante, l'alinéa 84.1(2)d) doit être interprété de façon à en limiter l'application aux seules fiducies du type décrit au sous-alinéa 84.1(2)c)(ii), et ce, bien que son libellé semble clair, car lui accorder un effet plus vaste rendrait de quelque manière superflu le sous-alinéa 84.1(2)c)(ii).

[9] Ces deux arguments passent à côté de la question. L'application de l'alinéa 84.1(2)d) — même en présumant qu'elle n'est pas limitée comme Me Heywood considère qu'elle devrait l'être — fait que la fiducie et l'appelante sont seulement réputées avoir un lien de dépendance. Elles ne sont pas réputées être liées, et il ne peut donc ainsi être satisfait à l'exigence prévue au sous-alinéa 251(2)b)(iii) pour ce qui est des personnes liées. Ce sous-alinéa précise que, pour l’application de la Loi, l'expression “ personnes liées ” inclut “ [...] une corporation et [...] toute personne liée à une personne visée au sous-alinéa (i) ou (ii); [...] ”. Le sous-alinéa (i) indique qu'une corporation est liée à “ une personne qui contrôle la corporation si cette dernière est contrôlée par une personne ”. On peut donc voir que le simple fait qu'il y ait un lien de dépendance ne déclenche pas l'application du sous-alinéa 251(2)b)(iii). Pour cela, il faut que l'appelante et la fiducie soient liées entre elles.

[10] L’argument énergiquement défendu par Me Heywood, selon lequel la portée de l'alinéa 84.1(2)d) doit être limitée aux fiducies décrites au sous-alinéa 84.1(2)c)(ii), est donc superflu. Il est en outre contraire à la jurisprudence récente, par laquelle je suis lié : voir l'arrêt Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, juge Iacobucci, à la p. 327, et le jugement LGL Limited c. La Reine, C.C.I., no 96-4726(IT)G, 12 janvier 1999 (99 DTC 675), confirmé par C.A.F., no A-139-99, 7 février 2000 (2000 DTC 6108). Les dispositions législatives qui s'appliquent bel et bien à la question du lien de dépendance en l'espèce sont les alinéas 251(1)a) et 251(2)a), le sous-alinéa 251(2)b)(ii), le paragraphe 251(4) et l'alinéa 251(5)a).

[11] Margaret Hickman et Thomas Hickman sont unis par les liens du mariage. Ils sont deux des trois fiduciaires de la fiducie. Sur la foi de la preuve de M. Harris, ils peuvent, par un vote majoritaire, contrôler les décisions de la fiducie. Ils forment donc un groupe lié qui est en mesure de contrôler CSC en raison de l'alinéa 251(5)a), qui se lit comme suit :

[...] le groupe lié qui est en mesure de contrôler une corporation est réputé être un groupe lié qui contrôle la corporation, qu'il fasse ou non partie d'un groupe plus nombreux qui contrôle en fait la corporation;

Donc, du fait de l'application du sous-alinéa 251(2)b)(ii), l'appelante et CSC sont liées; ainsi, elles ont un lien de dépendance aux termes de l'alinéa 251(1)a),qui dit ceci :

Aux fins de la présente loi,

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

[...]

[12] Il est donc satisfait à toutes les exigences de l'article 84.1, et la disposition qui a été effectuée a donné lieu à un dividende qui est réputé avoir été payé.

[13]L'appel est rejeté, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juin 2000.

“ E. A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour de février 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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