Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990722

Dossier: 98-1558-IT-I

ENTRE :

LARRY W. ROSIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] Les présents appels interjetés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”) portent sur la demande de l'appelant de déduire les montants qu’il a versés en 1993 et 1994 pour subvenir aux besoins de son ex-épouse et des enfants issus de leur mariage. Quand il a produit ses déclarations de revenus pour 1993 et 1994, l'appelant a demandé de déduire 21 200 $ et 26 200 $ respectivement. Les déductions de l'appelant ont été acceptées sauf en ce qui concerne une somme de 900 $ en 1993 et une somme de 6 000 $ en 1994. Durant l’audience, il est clairement ressorti de la preuve que M. Rosin avait effectivement versé en 1993 la somme de 900 $ que le ministre du Revenu national ne lui avait pas permise de déduire, et Me McCabe a reconnu sans hésiter que l’appel interjeté pour l’année 1993 devait être admis.

[2] À l’époque pertinente, le paragraphe 60 b) de la Loi, aux termes duquel l'appelant demande la déduction, était ainsi libellé :

60 Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

[...]

b) un montant payé par le contribuable au cours de l’année, en vertu d’une ordonnance ou d’un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d’un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d’échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint à qui il était tenu d’effectuer le paiement, au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l’année;

[3] En ce qui concerne l'année d'imposition 1994, la question en litige porte sur un point précis. Le 12 mars 1993, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a rendu une ordonnance et fixé la pension alimentaire que devait verser l'appelant à 750 $ par mois pour chacun des deux enfants issus du mariage et à 250 $ par mois pour son ex-épouse. En octobre 1994, la Cour d’appel de l’Alberta a augmenté la pension alimentaire de l’ex-épouse à 500 $ rétroactivement au 1er mai 1993 et a statué que cette somme devait être versée jusqu’au 1er mars 1995. En décembre 1994, l'appelant devait un montant substantiel d’arriérés de pension alimentaire à son ex-épouse, à cause, en partie, de cette ordonnance rétroactive. Le 21 décembre 1994, les avocats de l’ex-épouse ont fait signifier un bref de saisie-arrêt pour la somme de 72 742, 87 $ aux avocats de l'appelant. À l’époque, les avocats de l'appelant détenaient en son nom un montant d’argent de beaucoup supérieur à la somme de 6 000 $ dont il est question en l’espèce. Ils n’ont pas contesté la saisie-arrêt et, en février 1995, ils ont respecté la saisie et déposé à la Cour une somme supérieure à 6 000 $. Les avocats avaient auparavant pris la précaution d’examiner leur propre position juridique et celle de l'appelant, et c’est ce qui apparemment expliquerait pourquoi ils n’ont effectué le paiement qu’en 1995. L'appelant a fait valoir qu’il a versé cette somme en 1994 puisque, à partir de la date de la signification du bref de saisie-arrêt à ses avocats, il n’était plus en mesure de disposer de l’argent ou de l’utiliser de quelque façon que ce soit. Selon l’intimée, l'appelant n’a effectué un paiement en application du paragraphe 60 b) de la Loi qu’en février 1995, c’est-à-dire, lorsque ses avocats ont déposé l’argent à la Cour. La question à trancher est donc de savoir si une somme d’argent que les avocats détenaient pour le compte de l'appelant dans leur compte en fiducie et qui faisait l’objet d’une saisie-arrêt signifiée à la demande de son ex-épouse peut être considérée comme un “ montant payé ”.

[4] L’expression “ payé ” est le participe passé du verbe “ payer ”. Dans son sens ordinaire, le verbe “ payer ” implique que le montant “ payé ” a nécessairement été donné ou versé.[1] Je ne pense pas que l’on puisse dire qu’une somme d’argent change de mains sur simple signification d’un bref de saisie-arrêt. La procédure de saisie-arrêt se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, le bref de saisie-arrêt est signifié au tiers-saisi qui, par la suite, dépose la somme à la Cour ou conteste la saisie-arrêt. L’obligation du créancier du tiers-saisi est exécutée lorsque l’argent est déposé à la Cour.[2] Dès que le bref lui est signifié et jusqu’à ce qu’il dépose les sommes à la Cour ou que la contestation de la saisie-arrêt soit réglée, le tiers-saisi n’est pas libre de payer l’argent qu’il détient au nom du débiteur ou d’en disposer autrement. Cependant, on ne peut pas dire que la dette a été payée durant cette période.[3]

[5] En l’espèce, il est clair que le bref de saisie-arrêt a été signifié aux avocats de l'appelant le 21 décembre 1994 et que ces derniers ne l’ont pas respecté avant la fin de l’année civile. L'appelant prétend qu’il n’était plus en mesure de disposer des fonds à compter de cette date. C’est peut-être le cas, mais il reste que le paiement n’a effectivement été fait à la Cour qu’en février de l’année suivante. L’obligation de l'appelant envers son ex-épouse a alors été exécutée pour la première fois. La somme de 6 000 $ n’a donc pas été payée en 1994 mais en 1995 et c’est durant cette année que l'appelant a le droit de demander la déduction. L’appel interjeté relativement à l'année d'imposition 1994 doit donc être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juillet 1999.

“ E. A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour de juin 2000.

Mario Lagacé, réviseur



[1] Blais et al. v. M.N.R., 90 DTC 1499 pages 1501 et 1502; le Canadian Oxford Dictionary, page 1068.

[2] Frank Bennett, Creditors' and Debtors' Rights and Remedies, 4e édition, pages 19 et 20, Scarborough: Carswell.

[3] Stacey Lumber Co. v. Cazier et al., (1914) 6 W.W.R. page 1382 (Cour d’appel de l’Alberta).

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