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Date: 19981114

Dossier: 96-1024-IT-I

ENTRE :

ROGER GUPTA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Pour l'appelant : l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée : Me Eric Douglas

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario) le 9 septembre 1998)

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Sont en cause en l'espèce les années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994. Il s'agit principalement de déterminer si l'appelant était un résident du Canada au cours de ces années. L'appelant soutient qu'il était un résident du Canada. Or, les cotisations dont il a interjeté appel ont été établies en tenant compte du fait qu'il ne l'était pas. L'appelant a choisi la procédure informelle.

[2] Pendant un certain nombre d'années, l'appelant était citoyen et résident des États-Unis d'Amérique et vivait à Munroe Falls, en Ohio. En 1988, il a appris qu'il y avait au Canada ce qu'il a appelé un « boom de l'immobilier » ; il a donc décidé de venir voir s'il pouvait prendre part à ce boom. Ainsi que les documents de la fin des années 1980 l'indiquent, la valeur des immeubles était en très forte hausse au Canada en général et dans le sud de l'Ontario en particulier.

[3] L'appelant est venu au Canada en 1988 et il a demandé le statut d'immigrant reçu. Apportant avec lui un certain capital, il s'est lancé dans plusieurs opérations immobilières importantes dans l'intention d'investir dans le secteur résidentiel dans le sud de l'Ontario. La pièce A-3 mentionne quatre propriétés qui, ai-je conclu, sont les seules dans lesquelles il a investi. Ce sont les suivantes :

une habitation unifamiliale sise au 396, rue Commonwealth à Mississauga, que l'appelant a achetée 259 000 $ le 19 mai 1989;

une unité condominiale située au 1908-195, promenade Wynford, North York, à l'égard de laquelle l'appelant a fait un versement initial;

deux maisons qui étaient en construction à Georgetown et à l'égard desquelles l'appelant a fait des versements initiaux;

une maison située au 2230, chemin Mississauga, à Mississauga, que l'appelant a convenu d'acheter 750 000 $ et à l'égard de laquelle il a fait un versement initial de 5 000 $ seulement, bien que la convention d'achat produite en Cour indique que le versement initial a été en fait de 50 000 $. L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'en dépit des modalités énoncées dans la convention d'achat, il avait effectué un versement initial de 5 000 $ seulement lorsqu'il avait conclu la convention.

[4] Le boom de l'immobilier qui a attiré l'appelant au Canada semble avoir atteint son point culminant juste à l'époque où il est arrivé en 1988-1989 puisque, en 1989, le marché immobilier résidentiel du sud de l'Ontario a chuté abruptement. La valeur des propriétés que l'appelant avait convenu d'acheter s'est révélée considérablement inférieure au capital à investir aux termes des conventions. En d'autres termes, si l'appelant avait payé le solde du prix d'achat, le coût total pour lui aurait dépassé la valeur de la propriété concernée.

[5] Compte tenu des circonstances, l'appelant s'est simplement retiré des opérations en question, à l'exception de celle concernant le 396, rue Commonwealth, que l'appelant a acheté comptant. En ce qui concerne le condominium située au 1908-195, promenade Wynford, l'appelant a tenté de le louer ou de le vendre mais, aucune offre n'ayant été faite au prix qu'il demandait, il a finalement perdu des arrhes de 15 000 $. Il a également payé des dommages-intérêts d'environ 5 000 $ pour violation de contrat puisqu'il n'a pas conclu l'opération. En ce qui concerne les deux propriétés de Georgetown, il s'est là aussi retiré, perdant des arrhes de 15 000 $ pour chacune des maisons, qui étaient en construction, ce qui fait une perte totale de 30 000 $. Il a également payé des dommages-intérêts d'un montant net de 10 000 $ pour violation de contrat puisqu'il n'a pas conclu l'opération en question. Pour ce qui est de la quatrième propriété, située au 2230, chemin Mississauga, l'appelant a tenté de la louer, mais il n'a pas réussi à trouver un locataire. La valeur de la propriété ayant diminué, l'appelant a décidé de ne pas conclure l'opération et il a perdu son versement initial de 5 000 $.

[6] Les pertes susmentionnées étaient regrettables car l'appelant semble avoir passé les conventions en question à un moment où le marché avait atteint un sommet, juste avant de s'essouffler et de connaître un déclin important et ce, sans que l'appelant ait eu l'occasion de conclure les contrats d'achat, d'être propriétaire des immeubles et d'en tirer un revenu. Il a déclaré au cours de son témoignage qu'il n'avait pas acheté les propriétés en vue de les revendre et qu'il avait réellement eu l'intention de les conserver. Il y voyait de bons investissements à long terme si le marché immobilier poursuivait son ascension.

[7] Ce qui précède est un résumé des quatre opérations immobilières auxquelles l'appelant a pris part. Je dois qualifier ses activités, après son arrivée au Canada en 1988 et 1989, d'agressives car il a vu ce qu'il croyait être des occasions. Il a agi de son propre chef et il a passé des conventions d'achat de quatre propriétés différentes situées dans quatre endroits différents, à savoir un condominium à North York, deux maisons en construction à Georgetown, une résidence déjà construite chemin Mississauga et une résidence plus récente rue Commonwealth.

[8] L'appelant a également apporté au Canada certains montants d'argent sous forme de liquidités car il a acheté des titres par l'intermédiaire de deux maisons de courtage biens connues, Dominion Valeurs mobilières et Scotia McLeod. Il a déclaré avoir acheté des titres portant intérêt, qu'il s'agisse d'obligations ou de bons du Trésor ou d'une forme de titre de créance émis par des sociétés publiques, ou encore de certificats de placement garanti émis par des institutions financières. Selon la preuve, l'appelant percevait périodiquement un revenu de placement considérable, mis à part le loyer qu'il a pu tirer du condominium de la rue Commonwealth.

[9] En dépit de ces activités au Canada, l'appelant a continué à résider à son domicile permanent du 225, Silver Valley Boulevard, Munroe Falls en Ohio, qui, a-t-il déclaré, est la maison que lui-même et son épouse ont construite et dont ils sont propriétaires depuis environ 1987-1988. Apparemment, ils ont vécu dans cette habitation pendant toutes les périodes pertinentes et, de fait, l'appelant a reconnu au cours de l'audition qu'il vivait encore au 225, Silver Valley Boulevard. Il a maintenu également qu'il avait une résidence au Canada, au 396, rue Commonwealth, à Mississauga. Il a déclaré que, lorsque cette propriété avait été achetée, le sous-sol n'était pas fini et qu'il avait vécu en partie au rez-de-chaussée. Cependant, il a engagé des dépenses considérables pour faire finir le sous-sol et y maintenir pour lui-même une habitation où il a résidé pendant toute la période au cours de laquelle il a été propriétaire de la maison, soit du mois de mai 1989 jusqu'à la vente de la maison au mois d'octobre 1994. Par conséquent, il a déclaré qu'il avait maintenu une résidence au 396, rue Commonwealth, à Mississauga, pendant approximativement cinq ans et demi. Je suis convaincu, compte tenu de la preuve, que l'appelant a bel et bien maintenu une certaine forme d'habitation au 396, rue Commonwealth, Mississauga, mais je ne suis pas certain que le maintien de cette habitation soit suffisant pour lui avoir donné le statut de résident du Canada.

[10] L'appelant et son épouse sont tous deux professeurs à la retraite et ils ont trois enfants adultes qui vivent dans différentes régions des États-Unis. Apparemment, après avoir pris sa retraite, l'appelant s'est consacré à ce qu'il a appelé un « passe-temps » , lequel consistait à construire et à vendre des maisons aux États-Unis. Par conséquent, si c'est ce qu'il a fait après avoir pris sa retraite et avant de venir au Canada, on peut imaginer qu'il ait pu être attiré par le marché immobilier qui, à la fin des années 1980, était en plein essor en Ontario.

[11] Malgré ses placements et ce que j'appellerais des opérations commerciales au Canada, l'appelant n'a pas tenté de produire des déclarations de revenus ni de faire en sorte qu'un impôt soit payé au Canada. Bien qu'il soutienne avoir eu une résidence au 396, rue Commonwealth, il paraît avoir maintenu une adresse postale ailleurs à Mississauga puisque les pièces R-16 et R-18 sont des feuillets T5 de Revenu Canada, qui font état d'un revenu de placement et qui ont été envoyés principalement par la Banque de Montréal à l'appelant au 1635, chemin Wembury, Mississauga.

[12] Lorsque, en contre-interrogatoire, on lui a demandé la raison pour laquelle il n'avait pas fait pas parvenir son courrier à l'adresse où il soutient avoir eu une résidence, l'appelant a déclaré qu'il était fréquemment absent du 396, rue Commonwealth et qu'il n'y connaissait personne qu'il jugeât suffisamment responsable pour recevoir le courrier et le conserver ou le faire suivre. Par conséquent, il avait une autre adresse, le 1635, chemin Wembury, d'où, en l'absence de preuve détaillée, on pouvait lui faire suivre le courrier.

[13] Je dois inférer des pièces R-16 et R-18 que le chemin Wembury était la seule adresse connue de la Banque de Montréal, du Canada Trust, de RBC Dominion Valeurs mobilières et de la Compagnie Trust Royal puisque tous les feuillets de renseignements T3 et T5 ont été expédiés à la résidence sise au chemin Wembury. Cependant, le fonds du marché monétaire canadien du TR a établi un feuillet T3 indiquant un revenu de fiducie en faveur de Roger et Kanta Gupta au 225, Silver Valley Boulevard, Munroe Falls, Ohio. C'est la seule preuve qu'une institution canadienne autorisée à délivrer des feuillets T3 ou T5 utilisait l'adresse de l'appelant en Ohio. En conséquence, ces institutions ne retenaient aucun impôt puisqu'elles croyaient payer de l'intérêt à un résident du Canada, la ville figurant sur les états en question étant Mississauga. L'appelant n'a produit aucune déclaration de revenus au Canada, de sorte qu'aucun impôt sur le revenu n'a été payé au Canada à l'égard de son revenu de placement canadien.

[14] Le fait qu'aucun impôt n'ait été payé au Canada sur le revenu de placement canadien de l'appelant a conduit à une série d'événements qui ont été décrits de façon assez détaillée par l'appelant et Daniel Byrne, un agent technique de Revenu Canada. Ainsi que M. Byrne l'a décrit, bien qu'il n'ait rien su de l'appelant, Revenu Canada a en place un programme obligeant les sociétés et les institutions financières qui délivrent des feuillets T5 à en envoyer un exemplaire au destinataire et un autre à Revenu Canada. Compte tenu du témoignage de M. Byrne, je suppose qu'il existe une méthode quelconque d'appariement grâce à laquelle les feuillets T5 sont jumelés à la personne dont le nom figure sur les états pour faire en sorte que le revenu soit déclaré. Lorsqu'il a tenté de jumeler les feuillets T5 délivrés à l'appelant au chemin Wembury à Mississauga, Revenu Canada n'a trouvé aucune déclaration de revenus correspondante. Par conséquent, un bureau d'impôt de district a fait parvenir l'information à la division de l'observation par les non-résidents de Revenu Canada à Ottawa. Cette division examine le cas des personnes qui ne sont pas des résidents du Canada et qui ne payent peut-être pas d'impôt, sous forme de retenues ou autrement, sur le revenu d'origine canadienne.

[15] À la fin de 1994, M. Byrne a envoyé une lettre à l'appelant, fort probablement au 1635, chemin Wembury, mais celle-ci lui a été retournée. Il a ensuite fait des recherches au téléphone et il a appelé l'appelant chez lui en Ohio. Les deux hommes ont eu une conversation par suite de laquelle Revenu Canada (plus précisément M. Byrne) a envoyé à l'appelant le formulaire NR74, intitulé Détermination du statut de résidence (Entrée du Canada), lequel formulaire a été produit sous la cote R-7. M. Byrne a déclaré qu'il existait un formulaire correspondant pour déterminer le statut de résidence d'une personne lorsqu'elle quitte le Canada. Il était agent d'observation à Revenu Canada et il traitait les cas des non-résidents. Lorsque les formulaires étaient mis à la poste, la plupart des gens les remplissaient et les produisaient soit pour entrer au Canada soit pour en sortir. M. Byrne a déclaré que, la plupart du temps, après avoir établi le premier contact, il envoyait le formulaire approprié, qui était rempli et retourné à Revenu Canada, qui rendait ensuite une décision conforme aux renseignements fournis dans le formulaire.

[16] L'appelant a rempli le formulaire de détermination (pièce R-7) le 5 janvier 1995 et l'a fait parvenir à Revenu Canada avec une lettre d'accompagnement datée du 7 janvier 1995 (pièce R-15). Le formulaire compte environ sept ou huit cases où l'on demande des renseignements, parfois sous forme de questions. L'appelant a répondu à toutes les questions, fourni les renseignements demandés et retourné le formulaire à Revenu Canada avec la lettre d'accompagnement.

[17] En se fondant sur les renseignements fournis dans le formulaire en question, Revenu Canada a conclu que l'appelant n'était pas un résident du Canada et, pour cette raison, a établi à son égard une série de cotisations en conséquence. L'appelant soutient que, lorsqu'il a discuté avec M. Byrne, ce dernier l'a prié de produire des déclarations de revenus au Canada et de faire parvenir des copies de ses déclarations de revenus aux États-Unis pour les années faisant l'objet d'un examen par Revenu Canada. L'appelant affirme qu'il a coopéré sans réserves avec les représentants de Revenu Canada et qu'il a fourni les deux séries de documents demandés. Il a produit pour les années 1989 à 1994 inclusivement des déclarations de revenus qui sont produites sous les cotes R-1 à R-6 respectivement, et il a fait parvenir des copies de ses déclarations de revenus aux États-Unis pour les années 1988 à 1992 inclusivement, lesquelles sont produites sous les cotes R-8 à R-12 respectivement. Évidemment, l'adresse de l'appelant qui figure sur les déclarations de revenus des États-Unis est le 225, Silver Valley Boulevard, Munroe Falls, Ohio. Il convient également de signaler qu'aux États-Unis les époux produisent des déclarations conjointes.

[18] Les déclarations produites par l'appelant à Revenu Canada indiquent également que son adresse est le 225, Silver Valley Boulevard, Munroe Falls, Ohio. Ces déclarations ont été produites au cours de l'hiver 1994-1995, époque à laquelle l'appelant a eu des discussions avec M. Byrne et n'avait plus d'adresse au Canada, plus précisément au 396, rue Commonwealth (qu'il soutient avoir utilisé comme résidence) car cette propriété avait été vendue en octobre 1994. Pour une raison quelconque, l'appelant avait cessé d'utiliser le 1635, chemin Wembury comme adresse puisque la lettre ou la demande que M. Byrne y avait envoyée la première fois lui avait été retournée. L'appelant fait valoir qu'il a été intimidé par M. Byrne et que ses droits en tant que contribuable n'ont pas été respectés. En plaidoirie, il a ajouté qu'il estimait que le comportement général de Revenu Canada équivalait à une entrave à la justice.

[19] De toute évidence, l'appelant a accordé beaucoup d'importance à ses discussions avec M. Byrne car il a fait venir ce dernier d'Ottawa à Toronto pour témoigner à l'audition des appels en l'instance. L'appelant n'est pas avocat, mais il a mené sa propre audition et, à un moment donné au cours de l'interrogatoire de M. Byrne, il a donné à entendre que ce dernier était un témoin hostile. J'ai invité l'appelant à contre-interroger M. Byrne si c'était ce qu'il pensait, mais je n'ai pas considéré M. Byrne comme un témoin hostile. Peut-être ce dernier n'a-t-il pas donné les réponses que l'appelant espérait entendre, mais j'ai estimé que M. Byrne s'était conduit de manière professionnelle. Il a décrit la procédure suivie à Revenu Canada dans un langage analytique, ainsi que le genre de conversations qu'il avait eues avec l'appelant pour tenter de déterminer s'il était un résident et en vue d'obtenir certains documents.

[20] L'appelant semble estimer qu'il a été forcé, par intimidation ou par des menaces, de fournir des documents comme les copies des déclarations de revenus du Canada et les copies de ses déclarations de revenus aux États-Unis, mais je ne vois aucune preuve qui appuie sa prétention selon laquelle il a été menacé ou intimidé ou que le comportement de Revenu Canada équivalait à une entrave à la justice. Il n'y a aucune preuve qui appuie ces prétentions de l'appelant.

[21] L'appelant a également fait valoir que le formulaire NR74 (pièce R-7) avait représenté pour lui un lourd fardeau. Je peux comprendre son sentiment puisqu'il a rempli le formulaire lui-même et que les réponses qu'il y a données viennent miner la prétention qu'il fait valoir en cour aujourd'hui, à savoir qu'il avait une résidence au Canada pendant toutes les années pertinentes. De fait, les réponses qu'il a données dans ce formulaire indiquent, si on les prend au pied de la lettre, que l'appelant n'a été résident du Canada à aucun moment de 1989 à 1994. Il est utile de résumer les réponses données dans le document produit sous la cote R-7.

[22] À la première case du formulaire, on demande les renseignements habituels : nom, prénom du contribuable, adresse au Canada. L'appelant a répondu que son adresse était le 1635, chemin Wembury, Mississauga. Ce formulaire a été rempli en janvier 1995; l'appelant a ajouté : « Ce n'est pas mon adresse résidentielle, seulement une adresse pour faire suivre mon courrier. » L'adresse de la résidence permanente est décrite comme étant le 225, Silver Valley Boulevard, Munroe Falls, Ohio. L'appelant a indiqué qu'il était citoyen américain.

[23] À la deuxième case du formulaire, le contribuable doit indiquer la date de son entrée au Canada, combien de temps il pense résider au Canada et quand il quittera le Canada. L'appelant a répondu ceci aux trois questions : « Attiré par le boom immobilier à Toronto en 1988-1989, je suis venu souvent au Canada pour investir. Le boom ayant pris fin soudainement, j'ai subi des pertes énormes dans le secteur immobilier et j'ai dû assumer une dépréciation de 30 p. 100 de mon investissement nominal. » À la troisième case, on peut lire ceci : « Indiquez laquelle des situations suivantes s'applique à vous. » L'appelant a coché d'un « x » le choix de réponse suivant : « Vous êtes résident d'un autre pays et vous vivez temporairement au Canada pendant 3 ou 4 jours. » L'appelant a ajouté ceci à la fin de cette réponse : « En tout, pas plus de 20 jours dans une année quelconque. » L'appelant a aussi apposé un « x » à côté du choix de réponse suivant : « Vous avez obtenu le statut de résident reçu » , ce qui, apparemment, est vrai. Il a déclaré dans son témoignage avoir obtenu le statut de résident reçu en 1989 et 1990 après en avoir fait la demande en 1988.

[24] À la quatrième case, on peut lire ceci : « Indiquez la raison pour laquelle vous résidez à l'extérieur du Canada » ; l'appelant a coché « autre » et précisé : « J'ai une résidence permanente aux É.-U. » À la cinquième case, on demande : « Avez-vous déjà été résident du Canada au cours d'une année antérieure? » , question à laquelle l'appelant a répondu « non » . À la sixième case, on demande au contribuable : « Indiquez les liens de résidence que vous aurez au Canada au cours de l'année, selon la liste suivante : » , et le seul choix que l'appelant a coché est le suivant : « Vous aurez des investissements au Canada. » En réponse à la question « Décrivez ces investissements, y compris des précisions sur vos comptes de chèques et d'épargne, vos régimes de pension et de retraite, ainsi que vos biens immeubles et actions dans des compagnies » , l'appelant a répondu : « J'ai des comptes d'épargne à la Banque TD et au Canada Trust. Si d'autres occasions de placement se présentent, je considérerai peut-être la possibilité d'investir encore au Canada. »

[25] À la septième case, on demande au contribuable quels sont ses liens de résidence dans un autre pays en vue de déterminer son statut de résidence et, à la question : « Si vous êtes marié et que votre conjoint ne résidera pas au Canada, indiquez le nom, la citoyenneté et l'adresse actuelle de votre conjoint (légal ou de fait) et la raison pour laquelle il ne résidera pas au Canada » , l'appelant a répondu : « Mon épouse Kanta et moi maintenons aux É.-U. une maison dont nous sommes propriétaires. Je viens au Canada à de nombreuses occasions quelques jours à la fois. » Il a fourni aussi les renseignements suivants : « Mes autos et tous mes biens personnels sont aux É.-U. Je n'ai jamais eu qu'un permis de conduire américain. Je souscris une assurance-maladie et une assurance-hospitalisation auprès de Medicare et Aetna Life, Casualty Insurance Company et Columbus. J'ai mes comptes d'épargne et de chèque dans des banques américaines. » Enfin, à la question [TRADUCTION] « Êtes-vous résident d’un autre pays? » , l'appelant a répondu « Allemagne et Inde » .

[26] La dernière question est la suivante : « Veuillez fournir des renseignements sur l'impôt que vous aurez à payer dans l'autre pays et une confirmation des autorités fiscales de ce pays indiquant que votre revenu est assujetti à l'impôt. » L'appelant a répondu ceci : « Internal Revenue Service des É.-U. » La pièce R-7 est très préjudiciable à l'appelant et, ainsi qu'il est indiqué précédemment, si on la prend au pied de la lettre, elle vient miner sa prétention selon laquelle il est un résident du Canada. Je ne peux cependant prendre les réponses au pied de la lettre puisque le formulaire a été rempli au mois de janvier 1995, date à laquelle l'appelant, de son propre aveu, avait vendu tous ses biens immobiliers au Canada. Il avait clairement quitté le Canada, mais il a rempli un formulaire qui doit être rempli par une personne qui entre au Canada. Certaines des questions sont formulées de telle sorte que les réponses peuvent difficilement s'appliquer aux années 1989 à 1992 compte tenu du fait que le formulaire a été rempli en janvier 1995.

[27] D'autre part, il y a dans le formulaire des réponses qui demandent clairement des explications ou des précisions de l'appelant. Plus particulièrement, il dit venir au Canada souvent pour investir, et ne pas y rester plus de 20 jours dans une année. Pour contrebalancer cette réponse, l'appelant a produit sous la cote A-5 certaines pages tirées de livrets de banque du Canada Trust et de la Banque Toronto-Dominion qui font état de dépôts et de retraits faits au Canada Trust à différentes dates entre le mois de décembre 1990 et le mois de février 1992, et du mois d'août 1991 au mois d'août 1993 à la Banque Toronto-Dominion.

[28] L'appelant souhaite que j'en déduise que, chaque fois qu'il y a eu opération bancaire, il devait nécessairement être au Canada pour l'effectuer. Or, cela ne s'applique pas nécessairement à un retrait par chèque car l'appelant aurait pu poster de l'Ohio un chèque fait à l'ordre d'une personne au Canada. L'argument ne s'applique pas nécessairement non plus à un dépôt puisque l'appelant aurait pu déposer un chèque ou faire un autre dépôt par courrier. Ce que montre la pièce A-5, ce sont des opérations effectuées de façon intermittente sur une période de deux ou trois ans dans des comptes du Canada Trust et de la Banque Toronto-Dominion.

[29] La question est de savoir si la preuve est suffisante pour que je conclue que l'appelant était un résident du Canada pendant toutes ces années. Il ne fait aucun doute qu'il était un résident des États-Unis (É.-U.) et que son adresse permanente était en Ohio. Il existe une volumineuse jurisprudence selon laquelle une personne peut avoir double résidence. Une personne peut être résidente de deux pays ou plus. Reconnaissant que l'appelant était un résident de l'Ohio, je dois déterminer s'il était un résident du Canada au même moment.

[30] Je me reporte à la décision de la Cour suprême du Canada dans Thomson v. M.N.R., 2 DTC 812, qui a été rendue en janvier 1946. Dans la jurisprudence canadienne, je considère l'arrêt Thomson comme la pierre angulaire du droit relatif à la résidence d'un particulier car il renferme deux ou trois jugements rendus par différents éminents juges, chacun décrivant un concept de résidence. Ces jugements n'ont jamais été modifiés, répudiés ou nuancés. À la page 813, le juge Estey à déclaré ceci :

[TRADUCTION]

[...] un individu est « résident habituel » du lieu où, dans sa vie de tous les jours, il habite d'une manière régulière, normale ou habituelle. On « séjourne » à un endroit que l'on visite ou dans un lieu où l'on demeure exceptionnellement, occasionnellement ou par intermittence. Dans le premier cas, c'est le caractère permanent qui prédomine, et dans le second, le caractère temporaire [...]

Si j'applique ces propos à la situation de l'appelant au cours des années visées par l'appel, je n'ai aucune difficulté à conclure que, dans sa vie de tous les jours, il habitait d'une manière régulière, normale ou habituelle en Ohio, et qu'il séjournait au Canada ou qu'il visitait le pays. Dans l'arrêt Thomson également, à la page 816, le juge Rand a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

Mais dans les différentes situations de prétendues « résidences permanentes » , « résidences temporaires » , « résidences habituelles » , « résidences principales » et ainsi de suite, les adjectifs n'influent pas sur le fait qu'il y a dans tous les cas résidence; cette qualité dépend essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question [...]

Je ne vois rien dans la description faite par l'appelant de ses activités au Canada (et je ne les considère comme rien de plus que cela) qui indique qu'il était un résident du Canada. Si je reprends encore une fois les propos du juge Rand, il n'y avait guère de preuve que l'appelant s'était établi en pensée et en fait, qu'il avait conservé ou centralisé son mode de vie habituel au Canada, avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances.

[31] En contre-interrogatoire, l'appelant a déclaré qu'il connaissait certains hommes, des sikhs, qui étaient des amis et qu'il avait eu une association avec un temple Sikh ou Hindou, mais il était incapable de se rappeler à quel endroit se trouvait le temple. Il a déclaré également que ni l'un ni l'autre de ses enfants n'était venu au Canada à quelque moment que ce soit. En d'autres termes, il n'y a pas de preuve que l'appelant et son épouse ont maintenu un chez-soi ici, et j'utilise le terme « chez-soi » et non « résidence » parce qu'il me semble que la résidence, au sens légal, dépend de ce que j'appellerais le « chez-soi » au sens domestique, où une personne vit normalement, adhère à des clubs, prend part à une vie religieuse et, si elle a de jeunes enfants, où les enfants résident, vont à l'école primaire, etc. Il n'y a aucune preuve que l'appelant et son épouse ont à quelque moment que ce soit vécu de cette façon au Canada.

[32] Par conséquent, je conclus que l'appelant n'était pas un résident du Canada pendant les périodes pertinentes. Si j'avais des doutes à cet égard (et je n'en ai aucun), je conclurais tout de même à l'encontre de l'appelant parce que son témoignage contenait des incompatibilités qui n'ont simplement pas été dissipées. Plus particulièrement, la pièce R-4 est une copie de sa déclaration de revenus du Canada pour 1992. Lorsque l'appelant l'a produite, il avait de toute évidence une copie de sa déclaration de revenus des É.-U. pour 1992. Il a inscrit un revenu d'intérêt au Canada de 798 $ alors qu'à la pièce R-12, qui est sa déclaration de revenus des É.-U. pour 1992, il a inscrit un revenu d'intérêt provenant du Canada de 14 152 $. L'écart est réellement étonnant. L'appelant a été contre-interrogé à cet égard et s'est vu demander s'il aurait pu inclure certains dividendes, mais l'annexe jointe à sa déclaration de revenus des É.-U. indique qu'il s'agit uniquement d'un revenu provenant du Canada et non de dividendes. En outre, l'appelant n'a demandé la déduction d'aucune dépense qui aurait pu ramener son revenu d'intérêt de source canadienne de 14 152 $ à 798 $. C'est là une incohérence qui est resté inexpliquée; je suppose que, au moment de préparer le document produit sous la cote R-4 à l'hiver 1994-1995, il ne l'a pas fait concorder avec sa déclaration de revenus des États-Unis, qui aurait dû être produite après la fin de l'année civile 1992.

[33] La lettre que l'appelant a fait parvenir à Revenu Canada avec le formulaire NR74, qu'il répudie en Cour, renferme un autre exemple d'incohérence. L'appelant soutient qu'il a été, par intimidation, forcé de remplir le formulaire, amené par menace ou incitation à dire des choses, comme le fait qu'il n'était pas un résident du Canada alors qu'il l'était bel et bien. Je n'accorde pas beaucoup de poids à cette déclaration car elle est parfaitement intéressée. Rien dans les réponses données par M. Byrne ne justifie ce genre d'affirmation. De plus, les réponses données à la pièce R-7, qui sont préjudiciables à l'appelant, cadrent avec sa lettre d'accompagnement (pièce R-15). Dans cette lettre, qui concerne le 396, rue Commonwealth, Mississauga, l'appelant écrit :

[TRADUCTION]

Attiré par le boom de l'immobilier en 1987-1988, j'ai commencé à venir au Canada pendant de brefs séjours de 3 ou 4 jours seulement à la fois pour chercher de bons investissements. J'ai fait des investissements importants au Canada. Lorsque le boom a pris fin brusquement, mes investissements de rêve se sont envolés. J'ai perdu plus de 150 000 $ sans compter la dépréciation du dollar canadien depuis ce temps. Certaines de ces pertes sont exposées dans les états de mes revenus et pertes joints aux présentes pour les années 1989 à 1993.

Cette déclaration faite librement dans une lettre va tout simplement à l'encontre des affirmations très intéressées que l'appelant a faites en cour et selon lesquelles il a maintenu une résidence ici, qu'il a réellement vécu au sous-sol du 396, rue Commonwealth et que, par conséquent, il devrait être considéré comme un résident du Canada. J'ai trouvé l'appelant trop enclin à employer dans sa plaidoirie des expressions comme « intimidé » , « menacé » , « entrave à la justice » , etc., pour tenter d'expliquer les incohérences relevées dans ses réponses et la raison pour laquelle il avait selon lui donné certaines de ces réponses seulement pour faire plaisir à Revenu Canada. Je suis davantage enclin à les considérer comme des déclarations de fait, aussi préjudiciables soient-elles à l'appel de l'appelant en l'espèce, faites à l'époque parce qu'il les croyait vraies à ce moment-là. Ayant conclu à l'encontre de l'appelant sur la question de la résidence au Canada, je conclus qu'il n'était résident du Canada à aucun moment pertinent.

[34] Je dois également déterminer si le revenu que l'appelant a gagné ou une partie de celui-ci était un revenu d'entreprise, ce qui ne donnerait lieu à aucune retenue d'impôt, ou s'il s'agissait d'un revenu tiré d'un bien, lequel entraînerait une retenue d'impôt. Avant d'analyser cette question, je devrais exposer brièvement ce que je crois être les cotisations qui ont été établies dans le passé à l'égard de l'appelant. Apparemment, en octobre 1994, une seule cotisation a été établie à son égard pour 1994; on y a déterminé le montant de la retenue d'impôt sur des loyers bruts perçus en 1994. Puis, par suite des discussions entre M. Byrne et l'appelant et sur le fondement des documents que l'appelant a fournis à M. Byrne, Revenu Canada a établi en février 1995 des cotisations imposant une retenue d'impôt pour les années 1988 à 1993 et, apparemment, une retenue d'impôt sur un revenu de pension, un revenu d'intérêt et des loyers bruts.

[35] L'appelant s'est opposé à ces cotisations et, plus particulièrement, au fait que le Canada tentait d'imposer un revenu de pension. Par conséquent, une autre série de nouvelles cotisations ont été établies en mai 1996, qui avaient pour effet de supprimer tout revenu de pension des cotisations de retenue d'impôt. Si je comprends bien les déclarations de l'avocat de l'intimée et celles de l'appelant, les cotisations en cause en l'espèce sont datées du 7 mai 1996 et elles ont eu pour effet de fixer une retenue d'impôt, en vertu de la partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu, sur des revenus d'intérêt et de location de sources canadiennes. C'est aux retenues sur le revenu de location que l'appelant s'est opposé parce que, s'il s'agit d'un revenu tiré d'une entreprise et non d'un bien, il ne doit y avoir aucune retenue d'impôt et l'appelant peut produire des déclarations faisant état de ses activités commerciales. Le ministre a établi ces cotisations en application du paragraphe 227(10.1) de la Loi, qui l'habilite expressément à établir des cotisations à l'égard de toute personne non-résidante pour un montant payable par elle en vertu de la partie XIII.

[36] Quant à la question de savoir si le revenu est tiré d'un bien ou d'une entreprise, il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'il s'agit en l'espèce d'un revenu tiré d'un bien. Ma décision à cet égard est fondée sur ce que j'appellerais la nature simpliste du bien loué. Il ne s'agissait pas d'un centre commercial ni d'une tour de bureaux de 15 étages dans lequel le propriétaire devait fournir des services aux locataires. Ce n'était même pas une habitation multifamiliale de la nature d'un immeuble d'habitation. Il s'agissait simplement d'une habitation unifamiliale. Il n'y a aucune preuve que plus d'une famille y vivait et l'appelant a admis qu'il n'avait à fournir aucun service domestique, d'entretien ou de buanderie. Il se contentait de percevoir le loyer; il a fait quelques travaux d'entretien en plus d'apporter des améliorations au sous-sol. Lorsque ces activités ont eu lieu, l'appelant travaillait en fait pour lui-même et non pas pour le locataire. Il ne fournissait pas un service au locataire.

[37] Si j'avais des doutes à l'égard de cette question, ma décision à l'encontre de l'appelant serait confirmée par une décision du juge Strayer (tel était alors son titre), de la Section de première instance de la Cour fédérale, dans l'affaire Eric Burri in his capacity as a director of New Park Apartments Limited at the time of its dissolution v. The Queen, 85 DTC 5287. La question était de savoir si le revenu tiré d'un important immeuble d'habitation était un revenu d'entreprise ou un revenu de placement. Je cite un passage tiré de la page 5289 :

[...] Les services fournis aux locataires étaient très limités et équivalent à ce que tout propriétaire d'un immeuble locatif moderne est censé fournir. À ce titre, ils doivent être perçus comme accessoires à un revenu locatif tiré d'un bien. La fourniture de cuisinières et de réfrigérateurs est très courante et constitue même, dans une certaine mesure, une façon de protéger l'immeuble contre toute usure et détérioration excessives. Il convient de signaler que dans chaque cas, le propriétaire ne fournissait pas comme tel les installations de la buanderie, ne faisant que louer un local à des concessionnaires qui fournissaient les installations. Le fait que les locataires de New Park Apartments jouissaient également d'un service de télévision par câble et d'une piscine en contrepartie du loyer payé ne modifie en rien la nature du revenu de New Park Apartments Limited: une certaine catégorie d'immeubles locatifs modernes sont très couramment dotés de telles installations, et celles-ci devraient être perçues comme un « service » normal au même titre que la fourniture de serrures solides sur les portes ou de prises de courant dans les murs [...]

Le juge Strayer a ensuite conclu que le revenu était tiré d'un bien. Il me semble que, si le revenu en question dans l'appel Burri était un revenu tiré d'un bien alors qu'il y était question d'un important immeuble d'habitation, le revenu tiré d'une habitation unifamiliale de Mississauga au cours de l'une ou l'autre des années 1990 à 1994 serait certainement un revenu tiré d'un bien et non pas un revenu d'entreprise. Je conclus que l'appelant n'exploitait aucune entreprise au Canada et que l'impôt qui peut être exigé sur le revenu de location tiré du 396, rue Commonwealth est un impôt sur le revenu tiré d'un bien et non un impôt sur un revenu d'entreprise.

[38] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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