Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20001102

Dossier: 1999-4728-IT-I

ENTRE :

BETH GIBSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1]            Dans sa déclaration de revenus de 1997, l’appelante a déduit un crédit d’impôt non remboursable fondé sur des frais médicaux totalisant 15 097 $. Ces frais médicaux se répartissaient comme suit :

                                Cuve thermale d’hydromassage                                         8 761,49 $

                                Frais de déplacement                                                            4 677,75 $

                                Divers                                                                                     1 657,82 $

                                Total                                                                                           15 097,06 $

Dans un avis de nouvelle cotisation daté du 1er novembre 1999, le ministre du Revenu national a admis les montants suivants à titre de frais médicaux :

                                Frais de déplacement                                                            5 147 $

                                Divers                                                                                     1 657 $

                                Total                                                                                                        6 804 $

L’appelante a interjeté appel à l’encontre de cette cotisation en déclarant que le coût de sa cuve thermale d’hydromassage (8 761 $) représentait des frais médicaux ou, subsidiairement, que le coût d’installation de la cuve thermale d’hydromassage représentait des frais médicaux. L’appelante a choisi la procédure informelle.

[2]            L’appelante est une enseignante diplômée résidant à Hartney, au Manitoba, à environ 50 milles au sud-ouest de Brandon. Elle vit avec son conjoint et leurs deux enfants, une fille née en 1981 et un fils né en 1983. En 1991, l’appelante travaillait à plein temps comme institutrice. Dans le cadre de son travail, elle a subi un accident très malencontreux. À cette époque, elle enseignait à une classe de 22 enfants qui étaient âgés de sept ou de huit ans. Deux des enfants avaient des problèmes de comportement sérieux. L’un d’eux, un garçon de huit ans, a grimpé sur un comptoir dans la classe. L’appelante s’est approchée du comptoir et a tenté de convaincre le garçon d’en descendre. Ce dernier a sauté du comptoir et est tombé sur l’appelante, et les deux se sont écroulés sur le plancher. En tombant, l’appelante s’est blessée en se frappant la nuque sur une table. Elle n'était pas atteinte d'une invalidité à ce moment, mais elle s’est rendu compte qu’elle avait très mal au cou.

[3]            Cet accident s’est produit au printemps 1991. L’appelante est immédiatement allée consulter son médecin de famille, qui lui a dit que la douleur de son cou était causée par le stress. Elle a trouvé cela difficile à croire, mais a accepté l’opinion du médecin et n’a demandé aucune autre aide médicale à ce moment. Comme la douleur a persisté au cours de l’été, elle est retournée voir le même médecin en se plaignant de la gravité de la douleur. Le médecin lui a encore dit que la douleur était provoquée par le stress et lui a demandé si elle avait des problèmes dans sa vie familiale. À ce moment, l’appelante s’est rendu compte que son médecin ne prenait pas sa douleur au sérieux. Elle est allée à Brandon afin d’obtenir un deuxième avis médical. Le médecin de Brandon l’a informée qu’elle avait subi un coup de fouet cervical important au moment de sa chute et que, comme elle n’avait pas obtenu de traitement de physiothérapie au moment opportun, elle souffrait de fibromyalgie dans la région du cou. Il s’agit d’une douleur grave affectant les muscles du cou. À l'époque où a eu lieu cette consultation, la douleur s’était propagée à son bras droit.

[4]            L’appelante a entrepris des traitements de physiothérapie et a dû voyager fréquemment de chez elle, soit de Hartney, pour se rendre à Brandon. La douleur était si intense qu’elle a été absente de l’école pendant toute l’année scolaire 1991-1992. Elle est revenue à l’école à l’automne 1992, mais son cou et son bras droit continuaient de la faire souffrir. Pendant l’année scolaire 1996-1997, elle a dû quitter l’école après le congé du mois de mars en raison de la douleur. Après avoir quitté l’école en mars, elle a reçu une certaine forme de pension d’invalidité en vertu du régime d’assurance-invalidité que possédaient les professeurs de sa région scolaire. La compagnie d’assurances offrant l’assurance-invalidité a insisté pour qu’elle soit examinée par le médecin de la compagnie, à Winnipeg. Ce médecin a recommandé qu’elle voie un chiropraticien immédiatement. Elle a dû suivre son conseil afin de continuer à recevoir la pension d’invalidité. Elle est allée voir un chiropraticien, mais, selon le témoignage non contesté de l’appelante, ce dernier lui a fait plus de tort que de bien. Elle ressentait une plus grande douleur après avoir vu le chiropraticien.

[5]            Après avoir pris congé au cours des derniers mois de l’année scolaire, de mars à juin 1997, et après avoir vu le chiropraticien recommandé par le médecin de la compagnie d’assurances, l’appelante a décidé de faire quelque chose elle-même afin de soulager sa douleur. Dans le cadre de certains traitements antérieurs reçus à Brandon, dont l’hydrothérapie, l’appelante avait conclu que le fait d’avoir été dans un bain dans lequel des jets d’eau chaude avaient été dirigés sur son cou et ses bras l’avait aidée à soulager sa douleur. Par conséquent, elle a décidé, au cours de l’été 1997, d’acquérir un nouveau bain avec jets ou une cuve thermale d’hydromassage. Après avoir sondé le marché, elle a arrêté son choix sur la cuve thermale d’hydromassage parce que son achat et son installation coûtaient beaucoup moins cher que ceux d’un bain avec jets. De plus, la cuve thermale pouvait être déménagée si sa famille et elle-même emménageaient dans une autre maison. Par conséquent, à la fin de l’été ou au début de l’automne 1997, l’appelante a fait installer, dans sa maison, une cuve thermale d’hydromassage, qui a plus tard été encastrée. L’appelante a découvert que la cuve thermale réduisait vraiment sa douleur et qu’elle lui permettait d’être plus mobile.

[6]            En contre-interrogatoire, l’appelante a été interrogée par l’avocate de l’intimée, qui a tenté de déterminer si la cuve thermale représentait un dispositif récréatif pour l’appelante et sa famille. L’appelante a déclaré que son conjoint et son fils utilisaient la cuve thermale à l’occasion. Elle a indiqué que son fils ne l’utilisait que une ou deux fois par année et que son conjoint l’utilisait à peine. En réalité, bien que la cuve puisse accueillir deux ou trois adultes, l’appelante se plaint du fait qu’elle passe la plus grande part de son temps dans la cuve seule compte tenu du fait qu’elle s’y trouve au moins une fois par jour. L’appelante a déclaré d’un ton catégorique que la cuve n’était pas un dispositif récréatif pour sa famille et qu’elle l’avait réellement aidée à détendre les muscles de son cou et de ses bras. Certains jours, elle ne pouvait pas travailler du tout si elle n’utilisait pas tout d’abord la cuve thermale le matin. Comme elle l’a expliqué, il s’agit de savoir ce qu’elle pouvait accomplir avec une énergie limitée. Elle ne pouvait enseigner pendant de nombreux jours si elle n’obtenait pas de soulagement grâce à la cuve thermale.

[7]            L’avocate de l’intimée a admis que le coût de la cuve thermale était de 8 761 $. En d’autres termes, ce n’est pas le coût de la cuve thermale d’hydromassage qui est en litige, mais bien la question de savoir s’il est admissible à titre de frais médicaux. Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu et du Règlement pris en vertu de la Loi sont décrits ci-dessous. Le paragraphe 118.2(1) permet la déduction d’un crédit d’impôt basé sur le total des « frais médicaux » d’un contribuable qui sont attestés par la production des reçus.

118.2(2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

               

                a)             [...]

l.2)           pour les frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l'habitation du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) — ne jouissant pas d'un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé — pour lui permettre d'avoir accès à son habitation, de s'y déplacer ou d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne;

m)             pour tout dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a) et qui répond aux conditions suivantes, dans la mesure où le montant payé ne dépasse pas le montant fixé par règlement, le cas échéant, relativement au dispositif ou à l'équipement :

(i)             il est d'un genre visé par règlement,

(ii)            il est utilisé sur ordonnance d'un médecin,

(iii)           il n'est pas visé à un autre alinéa du présent paragraphe,

(iv)           il répond aux conditions prescrites quant à son utilisation ou à la raison de son acquisition;

En tenant compte de tout dispositif ou équipement « d’un genre visé par règlement » au sens de l’alinéa m), l’article 5700 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement » ) contient une liste de ce qui est décrit dans les mots suivants :

5700         Les dispositifs ou équipements suivants sont prescrits pour l'application de l'alinéa 118.2(2)m) de la Loi :

                a)             [...]

i)              tout dispositif qui est conçu à l'intention du particulier à mobilité réduite pour l'aider à marcher;

[8]            L’avocat de l’intimée a fait référence à cinq affaires de la présente Cour (toutes entendues en vertu de la procédure informelle et jugées depuis 1996) portant sur le coût d’acquisition ou d’installation d’une cuve thermale, qui, en pratique, correspond à la cuve thermale d’hydromassage achetée par l’appelante en l’espèce. Dans l’affaire Craig c. La Reine, C.C.I., no 95-3479(IT)I, 21 mai 1996 ([1996] 3 C.T.C. 2037), M. Craig avait acheté une cuve thermale pour sa conjointe, qui souffrait de fibromyalgie. Elle avait précédemment obtenu du soulagement en utilisant la cuve thermale d’un ami. M. Craig avait déclaré le coût de la cuve thermale à titre de frais médicaux. La juge Lamarre Proulx a rejeté l’appel de M. Craig parce que la cuve thermale destinée à sa conjointe n’avait pas été prescrite par son médecin.

[9]            Dans l’affaire Vantyghem c. La Reine, C.C.I., no 97-3607 (IT)I, 17 décembre 1998 ([1999] 2 C.T.C. 2159), la question était de savoir si un conjoint pouvait déduire, à titre de frais médicaux, le coût d’installation d’une cuve thermale afférent aux « rénovations ou [aux] transformations apportées à l’habitation » au sens de l’alinéa 118.2(2)l.2) de la Loi. Sa conjointe avait un handicap moteur prolongé et elle avait jugé qu’elle retirait plus d’avantages de l’hydrothérapie. Après avoir parlé des définitions de « rénovations » et de « transformations » , le juge Rip a déclaré :

                Pris dans son sens ordinaire, le mot « transformations » semblerait comprendre presque toutes sortes de modifications. Ainsi, le verbe « transformer » semble assez large pour comprendre des installations. En outre, le fait que les mots « transformations » et « rénovations » soient utilisés d'une manière disjonctive à l'alinéa 118.2(2)(l.2) incite à les interpréter de manière à ce que ni l'un ni l'autre ne soit superflu. [...]

                D'après le Shorter Oxford et l'arrêt Edinburgh, « rénovation » signifie le renouvellement ou la restauration d'un élément existant à l'exclusion de l'addition d'un nouvel élément important. Dans son sens ordinaire et selon les circonstances, « rénovation » peut avoir un sens opposé ou complémentaire à « installation » . « Rénovation » s'emploie couramment dans les conversations de tous les jours pour décrire les modifications apportées à un logement, lesquelles pourraient comprendre les installations. Ainsi, « rénover » une salle de bain pourrait signifier l'addition d'appareils qui n'ont pas été installés lors de la construction.

L’appel de M. Vantyghem a été admis.

[10]          Dans l’affaire Clark c. La Reine, C.C.I., no 98-525 (IT)I, 17 février 1999 ([1994] 4 C.T.C. 2005), le juge Rowe a rejeté l’appel d’une conjointe qui avait tenté de déduire, à titre de frais médicaux, les coûts d’achat et d’installation d’une cuve thermale, qui avait été prescrite par le spécialiste de l’arthrite qui traitait son conjoint. Dans l’affaire Ollmann c. La Reine, C.C.I., no 99-57 (IT)I, 8 décembre 1999 ([2000] 1 C.T.C. 2789), une femme avait acheté une cuve thermale (au coût de 8 546 $) sur recommandation de son chirurgien orthopédiste et de son physiothérapeute afin de soulager une douleur lombaire chronique causée par un accident d’automobile avec blessure grave. Le juge O'Connor a conclu que le coût de la cuve thermale n’était pas admissible à titre de frais médicaux.

[11]          Dans l’affaire Gordon c. La Reine, C.C.I., no 98-1553 (IT)I, 29 février 2000 ([2000] 2 C.T.C. 2399), la conjointe de M. Gordon récupérait d’un accident d’automobile qui lui avait causé des troubles rhumatologiques graves, dont la fibromyalgie et l’arthrose inflammatoire. Elle devait prendre des bains chauds dans un centre de physiothérapie situé à dix milles de chez elle. Puisqu’elle avait fréquemment besoin de bains chauds, il était recommandé qu’elle en ait un chez elle. Le juge Beaubier a conclu que la cuve thermale n’était pas un dispositif ou un équipement au sens de l’alinéa 118.2(2)m), mais a admis l’appel de M. Gordon au motif que le coût d’installation représentait des frais raisonnables afférents à une rénovation ou à une transformation apportée à l’habitation de la famille Gordon.

[12]          J’accepte le témoignage crédible et non contredit de l’appelante, selon lequel elle a acheté la cuve thermale uniquement à des fins d’hydrothérapie et de soulagement de la douleur. En particulier, je conclus qu’elle n’était pas destinée à être un dispositif récréatif pour la famille et qu’elle ne l’a pas été. L’appelante utilise la cuve thermale tous les jours pour soulager la douleur et, en pratique, elle l’utilise seule. La cuve thermale détend ses muscles, réduit sa douleur et, souvent, elle ne pourrait pas travailler si elle ne l’utilisait pas. En ce qui concerne le travail ménager à la maison et l’exercice de sa profession d’enseignante, sa mobilité dépend de son utilisation régulière de la cuve thermale.

[13]          Compte tenu de l’alinéa 118.2(2)m) de la Loi et des éléments énumérés à l’article 5700 du Règlement, je suis convaincu que la cuve thermale en question n’est pas admissible à titre de « dispositif ou équipement » au sens de l’alinéa m). Toutefois, en ce qui concerne l’alinéa 118.2(2)l.2), je vais suivre la décision du juge Rip dans l’affaire Vantyghem et celle du juge Beaubier dans l’affaire Gordon. À mon avis, le coût d’installation de la cuve thermale en 1997 représentait des frais raisonnables « afférents à des [...] transformations apportées à l’habitation » de l’appelante, qui avait un « handicap moteur grave et prolongé » . Je conclus que le coût d’installation de la cuve thermale représentait des « frais raisonnables » au sens de l’alinéa 118.2(2)l.2).

[14]          L’intimée ne conteste pas le fait que le coût de la cuve thermale soit de 8 761 $. Ce coût, toutefois, ne représente pas des frais médicaux. J’ai accepté l’argument subsidiaire de l’appelante et décidé que le coût d’installation tombait sous la coupe de l’alinéa 118.2(2)l.2). Rien dans la preuve n’atteste précisément le coût d’installation, mais l’appelante a déclaré qu’il excédait celui de la cuve thermale elle-même. Je vais admettre l’appel et permettre que le coût d’installation soit considéré comme des frais médicaux en vertu de l’alinéa 118.2(2)l.2), jusqu’à un montant maximum de 9 000 $, à condition que l'appelante produise des reçus acceptables attestant un tel coût d’installation. Le greffier pourra s’adresser à moi s’il devait y avoir un litige au sujet de l’admissibilité d’un ou de plusieurs reçus. L’appel est admis selon les modalités susmentionnées, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de novembre 2000.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour d'avril 2001.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.